Né à Kastoria d’un père singapourien et d’une mère grecque, Vasilios Zikos Chua commence à se faire un nom en Asie où, sous les couleurs de Geylang International, le jeune attaquant de 18 ans affiche un vrai potentiel. L’occasion de retracer le fil d’une carrière et d’un itinéraire de vie plutôt hors du commun.
Kastoria, Macédoine-Occidentale. C’est là, sur la côte occidentale du lac Orestiada, dans le Nord de la Grèce, que l’histoire de Vasilios Zikos Chua démarre. Né d’un père singapourien et d’une mère grecque, Chua effectue logiquement ses premiers pas footballistiques dans cette petite ville, calme mais passionnée comme sait l’être la Grèce. « J’y ai d’excellents souvenirs : c’est là-bas que j’ai commencé à aimer le football, à l’école je m’amusais bien avec mes amis et je faisais également d’autres sports, du tennis par exemple. J’ai beaucoup aimé ma vie là-bas », nous glisse l’intéressé, joint au téléphone.
Et ses premières années, elles, sont comme celles de la plupart des enfants du coin : l’école, les amis, les loisirs. Et le foot, bien sûr. « Aussi loin que je puisse me souvenir, le seul truc que j’avais en tête était le football. C’était mon intérêt principal. En primaire, en Grèce, je jouais avec mes amis à la récréation, et on utilisait des portes en métal pour faire les cages. C’est ma première expérience avec le foot », expliquait-il dans une interview à Goal.
« Kastoria était tout ce que je connaissais. C’était toute ma vie. »
Zikos Chua
Sauf que pour Chua, tout bascule en 2012, quand il déménage définitivement à Singapour, là où on son père était déjà parti quelques mois plus tôt afin de trouver un travail. Fini la Grèce, Kastoria, et sa tranquillité. Place à la vie trépidante et effrénée de l’État insulaire asiatique. « Kastoria était tout ce que je connaissais, et ce style de vie était tout ce que je connais. J’y avais beaucoup d’amis, mon grand-père aussi. C’était tout ma vie », détaillait-il à Goal.
Mais sa passion du foot, elle, est restée intacte, même au bout du monde. Il rejoint ainsi Tanjong Katong pour y faire ses gammes. Sans oublier, bien évidemment, de s’inspirer de certains de ses modèles grecs dans le foot. « Charisteas, je ne l’avais pas vu jouer en direct car j’étais très petit à l’époque, mais j’ai vu les vidéos de l’Euro. Je l’ai vu mettre ses têtes et je le suivais un peu lorsqu’il jouait au Panetolikos en fin de carrière. Mitroglou également, lorsqu’il était à Benfica », nous indique Chua, qui évolue au poste… d’attaquant.
Son cheminement, ensuite, le mènera au Geylang International FC, un club professionnel basé à Bedok. D’abord dans la catégorie U19, où il poursuit son apprentissage, lui qui a été repéré par le coach Noor Ali, son ancien entraîneur à Tanjong Katong. Ce dernier lui offre alors une opportunité de choix. « Le plan initial avec le coach Noor était que je rejoigne les U19 et que je joue avec eux, tout en m’entraînant de temps en temps avec l’équipe première », résumait-il à Goal.
Mais bien évidemment, tout va se bousculer, et plutôt assez vite d’ailleurs., avec une succession de records. En juillet 2018, à 16 ans, il effectue ses débuts en pro avec Geylang International, devenant au passage le plus jeune joueur à débuter dans l’élite singapourienne. Puis, en avril, il inscrit son premier but, à 16 ans et 364 jours, devant le troisième plus jeune joueur à y parvenir. « Je crois que je suis le cinquième maintenant (rires). Je suis très fier de cet accomplissement. Ça met évidemment un peu de pression, car quand tu es jeune et que tu mets un but, les gens disent que tu vas devenir un grand joueur. C’est évidemment mon objectif, mais je ne veux pas que cela me rentre dans la tête. Je continue à travailler dur à l’entraînement et d’essayer de devenir encore meilleur », nous évoque Chua, vite étiqueté comme un grand espoir. Il finira, enfin, par être le plus jeune joueur à arriver à cinq buts en première division, en juillet 2019, à un peu plus de 17 ans.
« Si la sélection grecque me convoque, alors je dirais évidemment oui »
Zikos Chua
Logiquement, un tel talent ne passe pas inaperçu dans les radars de la sélection de Singapour, qui le convoque vite dès les U14. Puis suivront les U16, les U19 et les U22, avec lesquels il participe aux différentes compétitions sur le continent asiatique. Et la sélection grecque, dans tout ça ? « C’est un peu difficile car j’ai déjà fait mes années ici à Singapour. Mais si la sélection grecque me convoque, alors je dirais évidemment oui, sans hésitation », nous répond Zikos Chua. Qui conserve quelques petits liens avec le football de son pays de naissance : « Quand j’étais petit, en Grèce, j’étais un peu plus pour le Panathinaïkos mais quand je suis parti je ne suivais plus trop l’équipe. Maintenant, je regarde seulement qui a gagné le championnat, ou bien je regarde les matchs de toutes les grosses équipes grecques en Ligue des Champions, peu importe laquelle. »
En parallèle, le jeune attaquant de 18 ans doit se plier à une règle que Singapour et la Grèce ont en commun : le service militaire. « Je vais jouer les premiers matchs avec Geylang mais après je devrai aller à l’armée (Singapour) pour deux ans. Là-bas je continuerai à jouer pour une autre équipe, où tous les jeunes joueurs de foot singapouriens jouent lorsqu’ils sont à l’armée. C’est la seule équipe pour laquelle ils peuvent jouer pendant cette période, sauf offre de l’étranger », nous explique Chua. En outre, Singapour ne reconnaît pas la double-nationalité au-delà de 21 ans, ce qui implique un choix bientôt définitif pour le natif de Kastoria, qui avait indiqué à Goal être plus enclin à choisir Singapour, pays où il a passé ces dernières années et où il s’est parfaitement adapté. Mais dans le football, il ne faut jamais dire jamais…
L’avenir, également, passera sans doute par un départ à l’étranger, un jour, que ce soit en Asie ou même en Europe. « Je n’ai pas encore reçu d’offre, mais mon objectif est sans aucun doute d’arriver en Europe et de jouer dans un niveau élevé, à l’avenir. Je devais faire un essai avec une équipe de J-League au Japon car nous avons une affiliation avec mon club (qui est en lien avec l’équipe de Matsumoto Yamaga), via un sponsor commun. Mais cela a dû être annulé à cause du COVID », nous détaille l’intéressé, qui a évolué brièvement avec Panagiotis Linardos, milieu grec passé notamment par Lamia, Kerkyra, et donc Geylang International. « La D1 de Singapour, je ne saurais vraiment la comparer à un autre championnat, reprend Chua. Ce n’est pas l’un des meilleurs en Asie mais je dirais que c’est un peu l’équivalent d’une Football League (la troisième division grecque). Je discutais avec Panagiotis et il me disait que certains joueurs du championnat singapourien auraient totalement leur place dans un club de bas de tableau de Super League. »
À 18 ans, Zikos Chua, qui continue ses études en parallèle, sera, quoi qu’il en soit, l’une des attractions de la prochaine Singapore Premier League, même si la date de reprise de la saison 2021 n’est pas encore connue. Mais nul ne sait où son prometteur destin footballistique le mènera. Peut-être en Grèce, un jour, histoire de poursuivre une histoire achevé un peu après ses dix ans…
Texte : Martial Debeaux
Propos recueillis par Vangelis Pavlidis
Image à la Une : © Singapore Premier League