Unirea Urziceni. Aussi difficile à prononcer soit-il pour nous francophones, ce nom ne doit pas vous être inconnu. Que vous soyez supporter de Liverpool, des Rangers, de Seville, de Stuttgart, du Zenit, de Hambourg ou de l’Hajduk Split, ce nom vous est probablement familier. En effet, ce club complètement absent du paysage footballistique roumain deux ans plus tôt gagne son championnat en 2009 et affrontera les équipes citées précédemment en Ligue des Champions lors de la saison suivante. Aujourd’hui, le club n’existe plus. Comment un club a-t-il pu connaître une ascension si fulgurante qui ne fut égalée que par la vitesse de son déclin ?

Urziceni, terre de football ?

Fotbal Club Unirea Voluntari Urziceni
Fotbal Club Unirea Voluntari Urziceni

Pas du tout. Urziceni n’est pas terre de grand-chose en réalité. Située dans le județ de Ialomiţa, cette ville de seulement 18 000 habitants est située à équidistance de Bucarest, Ploiești et Buzău. Vivant principalement de l’agriculture et jouissant de son rôle de noeud entre ces trois grandes villes, rien ne prédestinait Urziceni à avoir un jour son heure de gloire dans le football national, et encore moins européen. Pourtant, la ville se dotera comme première association sportive d’un club de football, nommé Ialomiţa fondé en 1954 (ce qui restera comme la date de fondation de l’Unirea Urziceni). Jouant sur un terrain vague dans le quartier d’Obor, le club ne disputera que des rencontres face aux clubs locaux de Ploiești, Buzău et de Slobozia ainsi que contre les soldats allemands présents dans la caserne voisine. Ce n’est qu’en 1976 que sera inauguré le Stadion Tineretului (« Stade de la Jeunesse ») qui permettra à l’équipe d’enfin jouer dans des conditions acceptables. En dehors d’un seizième de finale de Coupe de Roumanie perdu, le club végétera en Divizia C (troisième division roumaine de l’époque) pendant près de trente ans.

C’est en 2002 que l’histoire de l’Unirea Urziceni prend un tournant décisif. Le groupe Valahorum S.A rachète le club et devient son sponsor principal. Mais le changement au sein du club est bien plus important qu’un simple sponsoring : le club est renommé, le staff technique renouvelé et le stade est rénové pour atteindre les 7 000 places. L’opération financière fonctionne, et dès cette saison l’Unirea Valahorum Urziceni fraîchement rebaptisé monte en Divizia B. Mais les investissements sont tels que le club vise plus haut, et atteindra en 2006 l’élite du football roumain, la Divizia A.

L'Unirea Urziceni dans son antre. | © prosport.ro
L’Unirea Urziceni dans son antre. | © prosport.ro

Concernant le club, l’Unirea Urziceni ne créé pas l’engouement de la culture ultra malgré ses bons résultats. Il est assez simple d’expliquer pourquoi : avec un club aux résultats très modestes, la plupart des quelques supporters de la ville se sont tournés vers le Steaua ou le Dinamo de par la proximité de Bucarest, voire même vers le Rapid ou le Petrolul. Leur stade de 7 000 places, rarement plein, est peuplé d’habitants peu actifs venus simplement voir jouer une des équipes de l’élite roumaine à deux pas de chez eux. Pourtant, un petit groupe de supporters va tenter de fédérer autour de l’Unirea Urziceni dans cette ville ne comportant même pas un feu tricolore. Nommé Revolution Ultra, il regroupe une dizaine de jeunes tentant de faire l’histoire de leur ville à travers leur club. Rien ne semble vouloir faire de Urziceni un endroit propre au football : les joueurs résident à Bucarest et même le siège social du club est situé dans la capitale. De plus, il est interdit de boire de l’alcool dans l’enceinte du stade, ce qui pousse les amateurs de football local à voir les matchs depuis les toits d’immeubles près du stade. La politique des dirigeants n’est clairement pas de faire de l’Unirea un grand club formateur : Tous les joueurs de l’équipe sans exception sont issus d’autres clubs. La formation est totalement inexistante, et le club n’a pas l’attrait du Steaua ou du Dinamo pour les jeunes joueurs du coin. Plus un nom d’emprunt qu’un club lié à la ville, le Stadion Tineretului ne vibrera donc pas sous la ferveur populaire locale.

Vers les sommets européens

Après une saison honnête en Divizia A qui place le club dixième loin devant les relégables, tout s’accélère pour l’Unirea Urziceni. Mihai Stoica, dans la tourmente au Steaua Bucuresti, est récupéré par le club d’Urziceni en tant que manager général, puis s’offre les services de Dan Petrescu comme entraîneur par la suite. L’homme à l’origine de ces investissements n’est autre que le mystérieux Dimitru Bucșaru. Investisseur et président, on ne sait au final qu’assez peu de choses de lui. Loin d’un Becali interférant dans toutes les décisions du club et se rependant dans les médias à chaque contrariété, Bucșaru ne donne aucune interview, se contentant d’assister aux matchs et de permettre au club d’être à la hauteur de ses ambitions. En effet, le club ne doit attendre d’aide de personne, jusqu’au maire de la ville qui dit ne pas s’intéresser au football. En réalité, des divergences politiques avec le président d’honneur du club semble être à la cause de ce manque de soutien vis-à-vis d’un club qui porte pourtant un coup de projecteur inespéré sur cette petite ville de province qu’est Urziceni.   Douze millions d’euros sont alloués au club, qui ne cache pas publiquement son ambition d’être européen rapidement. Le ton est donné, et les difficultés alors rencontrées par le Steaua rendent ce projet possible. Le club terminera cinquième cette saison et perdra la finale de la Coupe de Roumanie face au CFR Cluj sur le score de deux buts à un. Petrescu est plébiscité suite à ces résultats. Après un bref passage en UEFA se terminant prématurément par une défaite face à Hambourg, la consécration a lieu lors de la saison 2008/2009 : l’Unirea Urziceni est champion, devançant le Poli Timișoara et le Dinamo. Un titre incroyable seulement six ans après leur montée en première division. Le club est ainsi qualifié pour la Ligue des Champions.

Unirea Urziceni tombe dans un groupe de qualité moyenne, avec le FC Séville, Stuttgart et les Glasgow Rangers. Loin d’être ridicule, le club roumain s’offre même deux victoires, respectivement dans la capitale écossaise sur le score de quatre buts à un et face à Séville, au Stade de Ghencea, sur le score d’un but à zéro. Urziceni terminera troisième avec huit points, ce qui est encore aujourd’hui un record en Ligue des Champions pour un club roumain en phase de groupes.

George Galamaz, ancien joueur du Rapid évoluant avec l'Unirea Urziceni. | © prosport.ro
George Galamaz, ancien joueur du Rapid évoluant avec l’Unirea Urziceni. | © prosport.ro

Qualifié pour les seizièmes de finale de l’Europa, l’Unirea Urziceni sera défait par le Liverpool FC sur les deux matchs. Dan Petrescu quitte alors le club pour céder sa place à Ronny Levy. Le club terminera la saison à la seconde place.

Une chute abrupte

Pourtant, tout n’est pas rose dans la success story de ce petit club devenu grand. Les choses se gâtent à la fin de la saison 2009/2010. Après avoir perdu la Supercoupe de Roumanie, la confiance se perd. L’attractivité du Steaua se fait de plus en plus forte, et les meilleurs joueurs choisissent de suivre Bogdan Stancu dans le club de la capitale. En effet, le président richissime du club, Dumitru Bucșaru, subit de plein fouet la crise immobilière, et ne considère pas le club de l’Unirea Urziceni comme un investissement rentable. Le résultat ne se fait pas attendre : l’équipe d’Urziceni n’est plus compétitive et sombre en une seule saison dans les tréfonds du classement. L’élimination en Ligue des Champions en barrage par le Zenit semble sceller le sort du club, avec en point final le départ de Mihai Stoica. Malgré le refus de vendre leurs quelques bons derniers joueurs restants au Steaua, le club sera pillé de toutes parts (notamment par l’Astra), Levy jettera l’éponge le 21 août après le match aller face à Hajduk Split, n’allant même pas jusqu’au match retour du 26 (perdu sur le score cumulé de cinq buts à deux) . « Je n’ai peur de rien dans le football, je peux lutter avec n’importe quelle équipe, mais là, je suis un peu inquiet, avoue Lévy. D’après ce que j’ai compris après en avoir parlé avec Monsieur Bucşaru, d’autres joueurs vont partir et le club essaiera de survivre jusqu’à la fin de la saison, à l’issue de laquelle il se dissoudra. »

Le constat de Levy s’est montré tristement réaliste. Les dettes sont énormes, et le club terminera la saison avec des joueurs prêtés, notamment des joueurs de l’équipe de jeunes du Steaua. Relégué, le club annonce le 6 juillet 2011 qu’il ne reprendra pas sa licence pour l’année suivante, et est donc dissous.

Une histoire qui marqua durablement le football roumain, au point que le grand défenseur Niculae Dorin Goian revint sur les événements de Unirea Urziceni quand son club des Rangers fut menacé de dissolution : « Il (Bucșaru, ndlr) a profité de l’argent de la Ligue des Champions, et après deux ans, c’était fini ! J’ai regardé L’Unirea Urziceni aller droit dans le mur, mais je ne peux pas imaginer la même chose arrivant aux Glasgow Rangers. J’ai vu le public proche de son équipe comme jamais auparavant. C’est la grande différence entre les deux : Les stades ne sont jamais remplis comme cela en Roumanie. »

Peut-on croire qu'une équipe européenne jouait ici il y a de cela à peine quatre ans ? | © prosport.ro
Peut-on croire qu’une équipe européenne jouait ici il y a de cela à peine quatre ans ? | © prosport.ro

L’histoire de l’Unirea Urziceni est atypique, mais est loin de faire pleurer les fans de football du pays. Vu de l’extérieur comme un bon moyen de blanchir l’argent du président Bucșaru, ce club sans âme et (presque) sans supporter s’en est allé dans une relative indifférence, comme s’il n’avait jamais dû être là. Perdureront son bon parcours européen et la légende d’un club au destin trop court.

Hadrian Stoian


Image à la une : © prosport.ro

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