Victimes de spectaculaires inondations, la Croatie et la Bosnie tentent de réparer les dégâts de la nature. Pour les aider, de multiples donations ont afflué. Les sélections des deux pays qui vont participer à la Coupe du Monde, elles, ne sont pas coupées des tristes réalités de leurs pays. D’autre devraient s’en inspirer…
Croatie, à l’est toute
Mercredi dernier, le sélectionneur Niko Kovac devait tenir une conférence de presse pour annoncer le début de la préparation à la Coupe du Monde. L’équipe était rassemblée à Zagreb depuis la veille – et certains comme Mario Mandzukic, écarté par Guardiola, étaient déjà présents depuis un moment. Tout ce petit monde passait les derniers tests avant de partir pour un camp d’entraînement en Autriche.
Mais Niko Kovac avait plus important à faire. Annulant la conférence de presse, il décida de partir visiter les régions de l’est croate durement touchées par les inondations, accompagné de son frère et assistant Robert ainsi que de l’attaquant Ivica Olic. Rien qu’en Croatie, ce sont plus de 15000 personnes qui ont été évacuées de leurs maisons. Les habitants, aidés par tout le pays (2 millions de croates ont participé soit en tant que volontaires, soit financièrement) travaillent jour et nuit pour construire des obstacles contre l’eau et sauver les personnes et animaux des villes dévastées.
Pour Kovac et sa troupe, l’heure n’était pas à la séance photo et au coup de communication. Au contraire, les hommes ont évité la presse toute la matinée, préférant patrouiller dans les villages submergés et écouter les victimes. Et, lorsque les reporters découvrirent son itinéraire, Kovac leur glissa quelques mots après avoir visité un refuge où une partie de la population locale a été temporairement logée : « Ces gens ont toujours été à nos côtés », a-t-il dit sous le coup de l’émotion. «Maintenant, c’est à notre tour de les défendre ».
Les joueurs et le staff ont décidé de leur plein gré de renoncer à une grosse partie de leurs primes pour la qualification à la Coupe du Monde et ont donné un million de kunas (130000€) pour les victimes des inondations. La fédération fera également don de tout l’argent que rapportera la vente des billets lors du match amical contre le Mali le 31 Mai à Osijek, capitale de l’Est croate.
Au cours de l’après-midi, les frères Kovac et Olic étaient de retour à Zagreb pour effectuer la première séance d’entraînement. Nul doute que le manager croate a délivré le même message à ses joueurs qu’aux personnes luttant pour réparer les catastrophes : « Si nous nous battons sur le terrain comme ces gens-là le font, nous serons très difficiles à battre »
La Bosnie touchée en plein cœur avant la Coupe du Monde
La petite ville de Gradacac, au cœur de la Bosnie, a accueilli le seul match de la sélection qui va se jouer au pays dans le cadre de la préparation à la Coupe du Monde. Avant le départ pour son premier tournoi international, ce qui aurait dû être une fête d’adieu s’est révélée être une commémoration douloureuse. Quand les joueurs choisis pour débuter le match – Dzeko, Pjanic, Begovic et Spahic entre autres – embrassèrent le terrain avant le coup d’envoi, un grand silence toucha le stade. Le regard était braqué sur le sol, la tristesse marquée sur tous les visages. Le froid donnait des frissons.
La pire catastrophe naturelle des 100 dernières années a frappé le pays. Les niveaux de la rivière ont augmenté, inondant un tiers du pays dont la totalité du nord du pays. Les glissements de terrain causèrent la destruction de dizaine de villages. 1,5 millions d’habitants (sur 3 millions) ont été touchés, incluant les 950000 personnes forcées de quitter leur foyer et les 21 morts. Déjà considéré comme l’un des pays les plus pauvres d’Europe, la Bosnie-Herzégovine n’avait vraiment pas besoin d’une catastrophe de cette ampleur. Il y a 20 ans, ce pays était au cœur d’une guerre qui a détruit son économie, ses infrastructures et 100000 de ses âmes. Depuis, il n’a jamais récupéré de cette guerre entre politique autodestructrice et graves divisions sociales.
Les habitants de Bosnie-Herzégovine n’ont que peu de raisons d’être heureux. La plupart d’entre eux peinent à survivre. Mais quand Edin Dzeko et ses coéquipiers jouent, le pays entier s’arrête pour devenir l’endroit le plus joyeux sur terre. Le lien est étroit entre le peuple et la sélection qui n’a pas hésité à aider les victimes de la catastrophe en donnant de l’argent, de la nourriture, des fournitures et tout ce dont les gens avaient besoin. Miralem Pjanic a même acheté toute une pharmacie pour couvrir les besoins de première nécessité de ses compatriotes.
Le match joué à Gradacac est devenu un match de charité ayant pour seul but d’aider le peuple de Bosnie-Herzégovine. Tous les bénéfices ont été reversés aux victimes des inondations dont 100 maillots dédicacés par les joueurs, vendus après le match. « Nous savons que ce n’est pas beaucoup,» a déclaré Safet Susic, « mais nous ferons de notre mieux pour apporter un peu de joie à la souffrance des gens. »
Une solidarité retrouvée entre les peuples ?
A l’approche de la Coupe du Monde, les publications ont fait un choc. Les membres du club de supporters de Crvena Zvezda ont communiqué sur leur compte Twitter bon nombre de photos et informations en appelant à l’aide pour les régions dévastées de Serbie, Bosnie-Herzégovine et de … Croatie. En affichant leur sympathie aux sinistrés de la Slavonie (région de l’est croate) et en qualifiant les croates d' »amis », les supporters de l’Etoile Rouge ont particulièrement surpris, surtout lorsqu’on connaît la spécificité du football dans les Balkans à promouvoir le nationalisme à outrance. Autre signe fort, mais moins surprenant, le tweet de Novak Djokovic appelant à aider, sans distinction, les victimes des inondations en Serbie, en Bosnie-Herzégovine et en Croatie.
De multiples preuves de solidarité ont émergé des inondations : des dons se croisant entre les pays, des sapeurs pompiers croates aidant des serbes ou la réunion de politiciens de Slovénie, Croatie, Bosnie et Serbie pour améliorer la coopération. Le journal de Maribor « Večér » a même affirmé qu’il n’y avait jamais eu un tel degré de solidarité entre les pays de l’ex-Yougoslavie. De là à envisager le retour de la grande Yougoslavie, il y a un grand pas qui semble infranchissable. Pour le moment.
Damien Goulagovitch
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