Quand on épluche les archives de la première division polonaise, on y retrouve deux catégories de clubs ayant soulevé des trophées : ceux qui sont toujours plus ou moins en tête de liste avec les Legia, Ruch, Wisla ou encore Cracovia et les autres, tombés dans un oubli profond par soucis financiers la plupart du temps. Le club dont on va vous parler fait partie de cette seconde catégorie. Allumez votre télé noire et blanche et votre poêle à pétrole, ouvrez-vous une bonne piwo régionale car aujourd’hui, on va vous conter l’histoire du Stal Mielec. Une histoire d’un ancien quart de finaliste UEFA qui est actuellement en train d’effectuer une remontadowski dans les méandres du football polonais.
Les débuts pendant la guerre
Comme toute bonne histoire que l’on aime entendre, le Stal Mielec a commencé son histoire dans l’usine, avec des ouvriers en guise de fondateurs et de premiers joueurs. On est alors en avril 1939 et les ouvriers de l’usine Państwowe Zakłady Lotnicze, produisant alors des avions au nom de l’état, fondent ensemble le PZL Mielec, qui comporte deux sections sportives : une de volley-ball, l’autre de football. Quelques temps plus tard, le premier match de la section football se joue et est gagné 4-1 face aux gymnastes du club de la ville. Puis trois autres victoires se succéderont face à plusieurs petits clubs de la région laissant augurer un bel avenir au PZL Mielec. Les dirigeants commencent alors à voir un peu plus grand et décident d’organiser un match face à un club de la capitale Varsovie, l’Okęcie Warszawa. Sauf qu’une certaine armée allemande arrive foutre le bordel et le match se doit d’être annulé. L’armée allemande interdit les matchs et force les Polonais à jouer en catimini sur des terrains se situant dans des forêts environnantes. Le seul match officiel a lieu en 1944, opposant les Polonais à une équipe de militaires allemands. Surement par souci de sécurité, les Allemands gagnent ce match par le score de 2 buts à 1.
Une fois les Allemands chassés par l’armée rouge, la ville est victime des pressions de l’URSS. Du coup, le premier match du Stal se déroulera contre… une équipe de l’armée rouge ! Les Polonais, qui ont soif de revanche et de liberté, se permettront même de gagner 4 à 3, dopant le moral des habitants d’une ville décimée et vidée d’un quart de sa population durant la guerre. Les usines de la ville ont été pillées par les Allemands lorsqu’ils ont fui et c’est le club de football qui redorera le blason en accédant à la Klasa A (3e division, la plus haute division régionale) en 1950. Le club va bien, la ville va mieux et c’est dans cette ambiance que les années 50 du Stal Mielec se déroulent dans le nouveau stade au nord de la ville. Pour faire venir de meilleurs joueurs, le club propose un bon travail et de bonnes conditions de vie. Ce qui sera la clef des trois ascensions en l’espace de 8 ans pour se retrouver en I Liga, la première division nationale de l’époque, dès 1960 ! 15 000 spectateurs, soit deux tiers de la population de la ville, assistent au premier match du Stal Mielec en première division. Cependant, avec des moyens limités et des joueurs talentueux mais peu expérimentés, le club ne restera que deux petites années en première division et redescendra assez rapidement en troisième division. Les espoirs ont fait place au désespoir.
La renaissance par la jeunesse
Quelques années plus tard, l’équipe se reconstruit autour de ses jeunes et dès le début 1970, le Stal Mielec revient au premier plan, notamment grâce à l’attaquant formé au club Grzegorz Lato. Du haut de ses 19 ans, il ponctue sa première saison en professionnel avec 6 buts en 18 matchs. L’équipe semble presque inarrêtable, menée par le jeune Henryk Kasperczak. Les joueurs progressent à une vitesse extraordinaire et c’est non sans mérite qu’ils ponctuent leur saison 1972/1973 par un titre de champion. Une première pour un club qui se verra donc évoluer en Coupe d’Europe la saison suivante, mais un tirage malheureux se mettra sur leur route. Ils se font donc sortir logiquement après deux défaites au premier tour face a l’Etoile Rouge de Belgrade. L’engouement auprès de ce groupe talentueux prend de l’ampleur, une seconde place puis une troisième l’année suivante confirmeront que cette équipe n’a pas seulement fait preuve de chance, mais est bien là pour encore quelques années. Un parcours honorable en Coupe de l’UEFA 1975/1976 se terminera contre les futurs vainqueurs, le grand Hambourg de l’époque (Manfred Kaltz, Peter Hidien…). Une saison bien riche en émotions puisque le Stal Mielec soulèvera pour la deuxième fois le trophée de champion et s’offrira une finale de coupe perdue face au Slask Wroclaw.
Le meilleur moment viendra l’année suivante. La ville de Mielec se réveille un matin du 15 septembre 1976 avec un sentiment extraordinaire. Les citoyens et fans du Stal n’ont qu’une hâte, quitter le travail pour aller voir leur équipe affronter le Real Madrid dans leur stade ! Vicente Del Bosque et Paul Breitner sont parmi les titulaires du coté des Espagnols, une foule de 40 000 spectateurs s’amasse dans ce stade si particulier. Tous savent leur équipe inférieure mais veulent quand même tenter de briller face à ces stars. Et ce sera le cas, même si une défaite 2-1 a l’aller et 1-0 au retour mettra fin au rêve européen dès le premier tour de cette Coupe des Clubs Champions. Pas abattu pour autant, le club restera près de 10 ans dans le haut de classement de la I Liga, avant de montrer plusieurs signes de faiblesse lors du départ de ses stars Lato et Kasperczak. L’équipe s’essouffle mais reste dans de bonnes conditions jusque dans la fin des années 90 où le club sombre totalement. Lato est nommé entraîneur de cette équipe désormais en fond de classement de seconde division. Une saison désastreuse sur tous les plans. Après l’échauffement lors du match contre le Cracovia, les joueurs refusent de sortir du vestiaire. La raison est simple, la crise financière a affecté le club si profondément que les salaires ne sont pas versés depuis plusieurs mois. Le Stal Mielec perd alors des matchs sur tapis vert jusqu’en fin de saison.
Pour la saison suivante, c’est la PZPN qui décidera du nouveau point de départ. Retour aux sources et aux terrains boueux de la cinquième division. On en revient à jouer contre des jardiniers et des grutiers, dans un stade vide qui tombe en ruine. Finalement, après 15 saisons passées en 5e puis 4e division, le Stal Mielec revient dans le niveau semi-professionnel et a un tout nouveau stade. Même si on compte chaque centime, le club arrive à trouver des partenaires solides et la ville débloque des fonds pour rénover le stade. Mielec avait besoin de tout ça, preuve en est l’affluence grandissante qui pousse cette équipe jusqu’à la II Liga. Une troisième division très compliquée mais dans laquelle le Stal reprend vie dans un stade pratiquement plein lors de toutes les rencontres. La saison 2015-2016 se déroule bien avec une confortable première place, nul doute qu’ils accéderont d’ici quelques mois à la division supérieure et qui sait, dans quelques années, refaire briller l’emblème du club en Ekstraklasa…
Kevin Sarlat
Image à la une : © sagnet.pl
Toujours aussi intéressant, et géniale la photo d’équipe.