Euro 2016 : Des Slovaques chez les extraterrestres

Parmi la litanie de clubs de Moscou en Première Ligue Russe, il en est un que beaucoup ont oublié, mais qui a disputé un jour la Coupe Intertoto. Il s’agit du Saturn Ramenskoye. Ce n’est pas, d’ailleurs, un club moscovite à proprement parler, car ce dernier est basé dans la région de Moscou, dans la ville de Ramenskoye, située au sud-est de la capitale fédérale.

Sniper, Krylya Sovetov, Trud (travail) : voici les noms qu’a porté ce club après sa création par l’usine de couverts de Ramenskoye, avant de devenir Saturn et de passer la plus grande partie de son existence après-guerre dans les divisions inférieures soviétiques. Tout cela fait qu’il a fallu attendre 1988 pour voir le Saturn apparaître au troisième niveau soviétique, et l’année 1999 pour que les banlieusards atteignent l’élite du football russe. Dixièmes dès leur première saison, les extraterrestres auront toujours vécu des saisons correctes, finissant au pire onzièmes en 2005. C’est justement à la fin de cette mauvaise saison qu’un ancien homme d’affaires, et membre du gouvernement de la région de Moscou, décide de prendre les rênes du secteur sportif du club. Nous sommes à l’automne 2005, et Mikhaïl Yakovlevich Vorontsov devient directeur général du FK Saturn.

Ce dernier décide donc d’importer la hype slovaque du moment en RPL et fait venir dès février Vladimir Weiss pour entraîner le club à la place du fidèle Shevchuk. Pour la plupart des clubs européens, nous sommes en milieu de saison, et Vladimir Weiss s’est fait remarquer en menant un modeste club des quartiers chauds de Bratislava jusqu’en Ligue des Champions. L’Artmedia Petrzalka s’est défait du Kaïrat, du Celtic et du Partizan, avant de résister au Rangers et de battre Porto durant la phase de poules. L’ambitieux Vorontsov veut donc construire avec lui, et lui donner carte blanche pour recruter en ancienne Tchécoslovaquie.

Vladimir Weiss. / © GERARD JULIEN/AFP/Getty Images
Vladimir Weiss. / © GERARD JULIEN/AFP/Getty Images

C’est ainsi que cinq Slovaques débarquent pour concurrencer la colonie brésilienne qui n’était forte que de trois membres. Le coach Weiss fait confiance à ceux qu’il connaît et emmène avec lui trois joueurs de l’Artmedia : les internationaux Jan Durica et Branislav Fodrek, l’ailier Branislav Obzera et l’arrière latéral Peter Petras. Pour les accompagner, un jeune attaquant (également international) du Dukla Bansk Bystrica sera appelé : Martin Jakubko. Le ton est donné, et le club commence fortement à prendre l’accent slovaque, car les pistes de recrutement tchèques n’ont pas abouti. L’équipe a belle allure cette année-là, d’autant plus que le Brésilien Zheder est toujours là, et que le club compte dans ses rangs Vukcevic, Eremenko, Sabitov, Gogniev ou encore Cesnauskis. Malheureusement, les rêves du nouvel homme fort de Ramenskoye ne se sont pas réalisés, et les extraterrestres ont dû revoir leurs ambitions à la baisse avec pour seul record, celui du nombre de matchs nuls obtenus : seize en trente matchs, ce qu’il va pourtant analyser comme une qualité expliquant que l’équipe joue ses matchs sérieusement et que c’est positif pour la suite.

L’entraîneur sera également excusé, car il découvre le football russe, mais on regrettera que la magie n’ait pas opéré dès le départ comme à Petrzalka, et que le technicien ne se soit pas entendu avec les Brésiliens qui quitteront tous le club à la fin de la saison avec une onzième place, pas mieux donc que la saison passée. Dès lors, tous nos acteurs connaîtront des fortunes diverses. Branislav Obzera rentrera à la maison, Petrzalka avant de rejoindre le Slovan plus tard au cours de sa carrière. Fodrek qui, lui, ne s’est jamais vraiment adapté à l’air russe, en fera de même avant de jouer en Hongrie ainsi qu’au DAC (quasiment en Hongrie aussi donc), mais il ne reverra plus jamais le maillot de la sélection. Vladimir Weiss restera, quant à lui, jusqu’au début de saison suivante, avant d’être remercié au soir de la dixième journée alors que le club n’a remporté qu’une seule victoire. Il retournera à son tour à Petrzalka, avant de connaître la carrière que l’on connaît.

Les autres Slovaques, eux, resteront au club pour continuer leur adaptation au football russe sous la direction de Gadzhi Gadzhiev, et obtiendront le meilleur résultat de l’histoire de l’équipe, à savoir une cinquième place avec une fin de saison tonitruante. Un seul d’entre eux, Peter Petras, ne persistera pas dans le championnat russe, en quittant fin 2008 Ramensoye pour le Slovan Bratislava. Après une nouvelle expérience étrangère, cette fois en Bulgarie, et quelques matchs internationaux, il est allé finir sa carrière dans son club formateur, l’Inter Bratislava, et aura donc connu tous les grands clubs de la capitale slovaque.

Martin Jakubko, la légende. / © SAMUEL KUBANI/AFP/Getty Images)
Martin Jakubko, la légende. / © SAMUEL KUBANI/AFP/Getty Images

Martin Jakubko, la légende, connaîtra de son côté une bonne partie des clubs de la région de Moscou : Khimki, le FC Moscou, de nouveau le Saturn, puis le Dinamo Moscou avant de rentrer à la maison, au Dukla, en 2011. Mais l’air russe lui manqua visiblement trop et il reviendra, cette fois loin de Moscou, à l’Amkar Perm où il retrouva lors de sa dernière saison l’inusable Gadzhi Gadzhiev. Rentré cette fois à Ruzomberok, il reste très attaché à la Russie où il aura fait trembler les filets de nombreux gardiens.

Enfin, Jan Durica sera sur le terrain aujourd’hui, au moment même où il s’apprête à quitter la Russie pour de bon. Enfin, il en est déjà parti, le temps d’un prêt infructueux à Hanovre en 2010. Cependant, et malgré ses trois saisons en banlieue sur lesquelles il revient avec nostalgie –  « Au début, cela a été dur. Je voulais rentrer à la maison, je ne savais pas ce que je faisais là, car je ne parlais par la langue. Cela n’a pas été facile psychologiquement, car je ne connaissais personne, mais ensuite, je n’ai jamais regretté d’avoir rejoint la Russie » – son nom est maintenant associé à un autre club, celui du Lokomotiv Moscou, où il vient de passer huit ans en défense centrale. Parfaitement russophone, langue qu’il a dû apprendre après le départ de la plupart des Slovaques – « Jakubko est un homme plutôt casanier, donc je devais parler avec les Russes pour mieux m’adapter » – il avoue qu’il va donner tous les renseignements possibles à son sélectionneur, Jan Kozak, pour arriver à battre les Russes ce mercredi.

Le Saturn, lui, a continué dans le milieu de tableau de la Première Ligue russe, avant de connaître des problèmes financiers. Une treizième place obtenue en FNL en 2012 plus tard, pire que leur pire place en RPL, et voilà les extraterrestres retournés dans l’anonymat du monde amateur. Après une tentative en D2-centre l’an dernier, ponctuée par une place en milieu de classement, ils étaient de nouveau en amateur cette année, avant de tenter un nouveau retour l’an prochain, toujours sous les commandes de Mikhaïl Vorontsov, qui n’est jamais parti et qui est désormais président du club.

Adrien Laëthier


Image à la une : © Alexander Fedorov/EuroFootball/Getty Images

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