La phase de groupes des éliminatoires de la Coupe du Monde 2018 est arrivée à son terme. Alors que la Croatie et la Grèce devront passer par de périlleux barrages pour espérer décrocher leur qualification, Footballski revient sur le parcours des équipes d’ores et déjà assurées de ne pas être en Russie en juin prochain. Avec aujourd’hui l’Estonie, éliminée sans grande surprise.

LES RÉSULTATS

Bosnie-Herzégovine – Estonie : 5-0
Estonie – Gibraltar : 4-0
Estonie – Grèce : 0-2
Belgique – Estonie : 8-1
Chypre – Estonie : 0-0
Estonie – Belgique : 0-2
Grèce – Estonie : 0-0
Estonie – Chypre : 1-0
Gibraltar – Estonie : 0-6
Estonie – Bosnie-Herzégovine : 1-2

Groupe H :

1. Belgique 28 points
2. Grèce 19 pts
3. Bosnie-Herzégovine 17 pts
4. Estonie 11 pts
5. Chypre 10 pts
6. Gibraltar 0 pts

A l’aube de cette campagne éliminatoire, l’Estonie n’a encore jamais réussi à se qualifier pour un tournoi final. Au vu du tirage au sort, il n’y a pas vraiment de raison que cela change. Pour sa dernière campagne (qualifications pour l’Euro 2016), la sélection menée par le Suédois Magnus Pehrsson a alterné le chaud (victoires à domicile face à la Slovénie et la Lituanie) et le froid (défaites en Slovénie, Lituanie et nul 0-0 à Saint-Marin !). Un niveau moyen confirmé durant la première partie de l’année 2016, où elle ne s’impose qu’une seule fois (face à Andorre) sur les huit amicaux disputés. Impression renforcée lors de la première journée face à la Bosnie-Herzégovine. Face à un Miralem Pjanic des grands soirs, les Estoniens, incapables du moindre pressing, sombrent à Zenica (0-5). La défaite de trop pour la fédération, qui limoge Pehrsson, auquel succède Martin Reim, alors en poste chez les Espoirs. Celui-ci démarre avec une victoire 4-0 face à Gibraltar, mais au terme d’un match compliqué où les Estoniens attendent la seconde période pour marquer. Au niveau lors de ses deux défaites face à la Grèce, l’Estonie coule totalement lors de ses deux confrontations face à la Belgique. L’unique bonne nouvelle provient des résultats positifs face à Chypre, au bout de deux matchs extrêmement serrés. Si la manière n’a pas souvent été présente, le bilan comptable permet de terminer devant les Chypriotes. C’est déjà ça.

LES RAISONS DE LA NON QUALIFICATION

Qu’ils sont loin les éliminatoires de l’Euro 2012 ! En terminant sa campagne qualificative sur trois victoires consécutives, l’Estonie terminait alors à la deuxième place de son groupe, derrière l’Italie, mais devant la Serbie et la Slovénie ! Le meilleur résultat de son histoire, qui lui permettait d’accéder aux barrages, pour une défaite face à l’Irlande. Six ans plus tard, les choses ont bien changé. Avec le départ à la retraite de plusieurs cadres (Pareiko, Piiroja, Rähn et surtout Lindpere), la sélection a eu du mal à assumer le renouvellement nécessaire. Un problème accentué par les dissensions internes à l’équipe, et notamment entre le sélectionneur Magnus Pehrsson et certains joueurs. Le meilleur exemple étant la non-sélection de l’attaquant Henrik Ojamaa, l’homme aux 15 clubs à 26 ans à peine. Depuis quelques mois, le lien semble rompu entre le sélectionneur et ses joueurs. Le match d’ouverture face à la Bosnie en est l’illustration. Sans pressing, sans idée, sans offensive, l’Estonie est transparente durant 90 minutes. L’équipe qui verrouillait ses matchs lors des éliminatoires de l’Euro 2016 (quatre buts marqués neuf encaissés) n’est plus.

Fort déçue, la fédération estonienne, qui misait réellement sur une qualification, limoge son sélectionneur au lendemain de cette déroute. Une décision qui aurait pu (dû ?) être prise un peu plus tôt, du moins avant les éliminatoires. Son successeur, Martin Reim, dispose ainsi de moins d’un mois pour préparer le match piège face à Gibraltar. Une équipe dont la plupart des joueurs ont éliminé le Flora Tallinn en Ligue des Champions quelques semaines auparavant, avec les Red Imps. Dans un groupe très hétérogène, où la Belgique, la Grèce et la Bosnie-Herzégovine semblent intouchables, les Estoniens réussissent ne pas perdre de point face au nouveau venu dans l’UEFA. Mais sans la manière. Les défaites suivantes, et notamment le bouillon pris en Belgique, montrent à quel point le chantier est immense pour Reim.

Chantier d’autant plus grand que la relative faiblesse de la Premium Liiga, le championnat local, n’aide pas à préparer les joueurs, et notamment les plus jeunes, au niveau international. En outre, la baisse de forme du Flora Tallinn, puis du FCI Tallinn, n’ont pas permis aux jeunes joueurs de Premium Liiga (Rauno Sappinen en tête) de s’imposer en sélection. Mais tout n’a pas été simple également pour les jeunes récemment partis pour l’étranger, qui ont parfois eu du mal à conserver leur place après leur transfert. Il a parfois fallu faire du bricolage, en tenant compte de l’état de forme des joueurs, ce qui n’a pas vraiment servi à faire travailler le collectif en continuité. Le secteur offensif en pâtit forcément. Si l’on exclut les deux victoires face à Gibraltar, l’Estonie n’a marqué que trois petits buts en huit matchs. Forcément insuffisant pour espérer mieux figurer dans un groupe difficile. Après avoir tenté d’aligner une équipe offensive, notamment en Belgique, Reim a vite cerné les limites de son effectif et reformulé son onze de départ (5-4-1 défensif se transformant en 3-5-2 avec montée des latéraux quand l’équipe a le ballon). Reste que le secteur offensif est toujours déficient et l’Estonie cherche toujours un attaquant capable de faire la différence avec deux-trois occasions par match.

© Jana Pipar

LES MOTIFS D’ESPOIR

Malgré les difficultés, certains motifs d’espoir demeurent. Car le travail de Martin Reim a commencé à payer dans la seconde partie de ces éliminatoires. Dans la foulée de Mihkel Aksalu, son gardien qui s’est montré à plusieurs reprises décisif, la sélection estonienne a retrouvé une certaine efficacité défensive. Si l’on fait abstraction des deux gifles reçues en Bosnie (5-0) et en Belgique (8-1), l’Estonie n’a encaissé que six buts en sept rencontres. Pas si loin des éliminatoires pour l’Euro 2016, où elle n’en avait encaissé que neuf au total. Souvent regroupée très bas sur le terrain, l’Estonie compte, outre son gardien, sur l’expérience de son capitaine Ragnar Klavan. La défense, voilà d’ailleurs le secteur où l’on observe le moins de mouvements, puisque seul le poste de latéral gauche a été partagé entre trois joueurs (Kallaste, Pikk et Kruglov). La charnière Klavan-Baranov a elle pu travailler dans la durée, puisqu’elle a démarré neuf matchs sur dix. Incontestablement le point fort de l’équipe, quand elle n’est pas prise de vitesse.

Devant, c’est plus compliqué. En jouant très bas, l’équipe laisse le plus souvent la possession à son adversaire (même face à Gibraltar !), préférant miser sur un jeu de contre-attaque rapide. Dans cette optique, la plus belle réussite est l’apparition dans le XI type de Mattias Käit. Âgé de 19 à peine, le milieu axial a réussi à se faire une bonne place au sein de la sélection. Parti voilà trois ans d’Estonie pour l’Angleterre, le meneur de jeu de la réserve de Fulham est l’accélérateur dont l’équipe avait besoin. Au point de pousser sur le banc l’expérimenté Konstantin Vassiljev, pourtant incontournable jusque-là. Déjà décisif cette année grâce à son but victorieux dans les arrêts de jeu face à Chypre, Käit a nettement contribué à l’amélioration du jeu de la sélection. L’Estonie ayant évolué en 2017 n’a plus rien à voir avec celle que l’on a quitté en novembre 2016. Une équipe qui a fait jeu égal avec la Bosnie-Herzégovine lors de la dernière journée et aurait pu espérer mieux que sa défaite sur le fil.

Mattias Käit marque face à Gibraltar © Eesti Jalgpall

ET MAINTENANT ?

L’Estonie ne s’est jamais qualifiée pour un tournoi final, et il y a malheureusement peu de chances que cela change dans un futur proche. Alors que le fédération misait beaucoup sur l’apparition de la Ligue des Nations pour s’offrir une place à l’Euro 2020, les bons résultats de l’équipe nationale au printemps jouent contre elle. Au lieu d’être placée en Ligue D, où elle aurait pu jouer la qualification face aux nations les plus faibles d’Europe, l’Estonie a vu son coefficient progresser au fil de ses récentes victoires, pour finalement lui permettre d’intégrer la Ligue C. Deuxième plus faible coefficient de cette division, juste devant la Lituanie, l’Estonie peut voir comme une belle opportunité de progression cette possibilité qui lui est offerte de se mesurer régulièrement à des nations sur le papier légèrement supérieures. En contrepartie, il faut déjà dire adieu à la possibilité d’accéder à l’Euro 2020 via cette compétition. Difficile en effet d’imaginer les hommes de Martin Reim s’imposer face à des équipes telles que la Roumanie, la Grèce ou encore l’Ecosse. Peut-être faudra-t-il avant tout se concentrer sur le maintien dans cette Ligue C, tout en jouant au mieux la campagne de qualification en parallèle.

A plus long terme, l’objectif sera de trouver le moyen de faire progresser l’ensemble de l’effectif. Car hormis Klavan (Liverpool), Käit (Fulham U23) et peut-être Mets (NAC Breda), les titulaires de la sélection jouent en grande majorité dans des championnats dits mineurs (principalement en Norvège, Finlande et Pologne), où ils peinent parfois à s’imposer. L’écart entre la Premium Liiga, le championnat d’Estonie où toutes les équipes ne sont pas professionnelles, et les grands championnats ne cesse de s’agrandir. Les jeunes joueurs manquent d’une formation de qualité et ne parviennent pas à trouver leur place en sélection tant qu’ils restent au pays. Un déficit de compétitivité inquiétant quant au renouvellement d’un effectif dont les principaux cadres ont passé les 30 ans. Une inquiétude grandissante: les équipes U21, U19 et U17 sont dernières de leur groupe de qualification pour le prochain Euro.

Pierre-Julien Pera


Image  à la Une © Jana Pipar

Leave A Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.