Alors que la saison reprend bientôt, le calendrier de Liga 1 est connu depuis deux jours. Une nouvelle saison qui apporte son lot de nouveautés, avec notamment des play-offs et play-downs en seconde partie de saison. Et peut-être (encore) une saison marquée par les décisions de justice…

22 mai dernier. Alors que la 33e journée de Liga 1 doit démarrer dans l’après-midi, la matinée de ce vendredi est bousculée par une nouvelle venue de Suisse. Le Tribunal Arbitral du Sport, le fameux TAS, rend son verdict dans l’affaire opposant le CFR Cluj à la fédération roumaine, la FRF. Durant la trêve hivernale, la commission de discipline de cette dernière a infligé au club transylvain une pénalité de 24 points pour cause d’importants arriérés de salaires envers d’ex-joueurs. Une décision annulée par le tribunal de Lausanne sur la base de plusieurs règlements, et notamment le fait que le club était déjà entré en redressement judiciaire au moment des faits (les documents sont visibles ici) Avec cette décision de justice, le CFR Cluj passe d’une place de relégué à la troisième place du classement. Une situation inconcevable en France qui est devenue une triste habitude en Roumanie. C’est en effet la 10e fois consécutive que le classement de la Liga 1 est bouleversé par une décision de justice, notamment du TAS ! Retour sur ces années où le principal terrain de jeu du football roumain ne s’est pas trouvé au pays, mais au Château de Béthusy, à Lausanne.

Chateau Bethusy TAS
Le Chateau de Béthusy, un des terrains favoris des clubs de Liga 1

Edition 2005-06. Le Sportul Studențesc, grand club formateur où est notamment passé un certain Gheorghe Hagi au début des années 80, termine à une excellente quatrième place au classement d’un championnat qu’il menait à quelques journées de son terme. Le club universitaire de Bucarest doit néanmoins l’équivalent de 300 000 euros à l’Etat. Une dette qui le prive de sa licence pour la saison suivante. L’affaire est portée devant le TAS, qui se range derrière des règlements de la FRF qui ont pourtant été instaurés après que le club ait fait appel. Le club descend donc en Liga 2, tandis que les Pandurii Târgu-Jiu, premiers relégués, sont sauvés de manière inespérée.

Edition 2006-07. Promu en Liga 1, le Delta Tulcea voit la FRF lui refuser sa licence. Privé de sa montée, le club de Dobroudja reste en L2, ce qui permet au Ceahlăul Piatra-Neamț de sauver sa place dans l’élite.

Edition 2007-08. Lors de la 23e journée, l’Oțelul Galați et le FC Vaslui font match nul 1-1. Un résultat qui permet en fin de saison à l’Oțelul d’arracher la place qualificative pour le troisième tour de la Coupe Intertoto, pour un petit point d’avance sur Vaslui. Mais il y a un hic. Deux joueurs de Galați, Janos Szekely et Gabriel Paraschiv, suspendus pour ce match, sont présents sur le terrain. Le club a fait appel de la suspension, mais celui-ci n’a pas encore été jugé au moment du coup d’envoi. Dans le doute, l’Oțelul les a alignés. Saisi par le FC Vaslui en fin de saison, le TAS lui donne raison et match gagné 3-0. Vaslui passe ainsi devant l’Oțelul au classement et devient le représentant roumain en Intertoto.

Si ce premier cas d’intrusion du tribunal suisse en Liga 1 est relativement important, puisqu’il prive le club de Galați d’une campagne européenne, il reste bien mince comparé à ce que le championnat va connaître par la suite. Car la crise couve. Les difficultés financières commencent à se faire sentir. L’édition 2007-08 est ainsi la dernière à ce jour où les quatre relégués sont décidés sur le terrain.

Edition 2008-09. Deux cas distincts sont traités. Le premier concerne le FC Timișoara, qui s’est vu retirer six points par la commission de discipline de la FIFA, les récupère en fin de saison, le TAS estimant que « le club s’était plié dans le temps imparti aux ordres imposés par le tribunal dans ses précédents décisions » et que la sanction de la FIFA n’était « pas justifiée. » Une décision qui permet au club du Banat de reprendre la deuxième place du classement et de disputer le troisième tour préliminaire de Ligue des Champions en lieu et place du Dinamo Bucarest, reversé en Coupe de l’UEFA.

Le second cas est le « scandale Penescu » du nom du président du FC Argeș Pitești. Alors que le club a terminé à une tranquille 10e place en championnat, la Commission de discipline de la LPF décide début juillet de le reléguer en Liga 2. En cause, une enquête de la Direction nationale Anti-corruption (DNA) montrant que Penescu a tenté de corrompre plusieurs arbitres et officiels de la FRF pour faciliter les victoires de son équipe. Le FC Argeș descend en deuxième division, tandis que le Gaz Metan, premier relégué, est sauvé. Deux fois championne de Roumanie, l’équipe de Pitești ne s’en remettra pas, et fait faillite en 2013. Il ressuscite sous une nouvelle forme en 2014, année où Penescu est condamné à trois ans de prison avec sursis, la justice ayant pu prouver qu’il avait payé l’arbitre du match remporté à domicile face au Steaua Bucarest.

Edition 2009-10. Une exception, puisque le TAS n’est pas partie prenant dans les événements de fin de saison. Ce sont (encore) les Pandurii de Târgu-Jiu qui sont sauvés cette année-là. Premiers relégables, ils sont sauvés peu de temps avant le début de la saison suivante, après que l’Internaţional Curtea de Argeş, qui s’est classé 12e, n’annonce à la surprise générale qu’il se retire pour cause de soucis financiers. Le club s’inscrit en L4 avant d’être dissout quelques mois plus tard.

Edition 2010-11. Celle qui connaît le plus d’événements post-championnat. Deuxième derrière Oțelul Galați, le FC Timişoara se qualifie pour les préliminaires de Ligue des Champions à la faveur d’une large victoire 4-1 sur le Dinamo lors de la dernière journée. Criblé de dettes, le club se voit interdire toute compétition européenne par la FRF, qui l’envoie en L2 en lui refusant sa licence. Le club se tourne alors vers le TAS, qui confirme la sanction. Le club du Banat descend donc en deuxième division, avant de disparaître définitivement une année plus tard.

Poli Timisoara manifestations
Les problèmes du Poli Timișoara ont provoqué d’immenses manifestations des supporters en ville

Mais ce n’est pas la seule décision que le tribunal de Lausanne doit rendre. Car d‘autres clubs se sont tournés vers lui après s’être vus refuser leur licence par la FRF. 14e et premier non-relégable, le Gloria Bistriţa perd lui aussi en appel et descend pour les mêmes problèmes financiers. Même chose pour le FC Bihor Oradea, qui se voit lui refuser l’accession dans l’élite par la FRF puis le TAS.

Dans le même temps, l’Universitatea Craiova de Mititelu, en conflit avec la FRF, est exclu du championnat et sera désaffilié l’année suivante par la fédération. L’Unirea Urziceni et le Victoria Brăneşti, relégables en fin de saison, sont dissous durant l’été. Au bout de cette intersaison absolument folle, cinq équipes sont reléguées, tandis que le Sportul Studențesc, dernier du classement, profite de ce jeu de chaises musicales pour sauver sa place dans l’élite !

Edition 2011-12. Après la tempête, le calme revient sur la Liga 1, avec un championnat qui se décide en grande partie sur les terrains. Du moins jusqu’à la 31e journée. Début mai, l’U Cluj reçoit le CFR dans un derby qui s’annonce bouillant. Avant le match, des supporters du CFR ont été attaqués en ville par ceux de l’Universitatea, qui brûlent écharpes et drapeaux sur le chemin du stade. Le match démarre dans une atmosphère hostile. Et à la 25e minute, le stade explose lorsque l’arbitre siffle un penalty aux visiteurs. Cadu, le capitaine portugais du CFR marque et va fêter ça devant le virage des supporters du l’U Cluj. Le geste de trop pour le gardien Bornescu, qui le prend à partie. Au milieu de la grande mêlée qui se forme, les deux joueurs sont exclus. Mais les choses s’enveniment, des coups sont échangés dans les couloirs des vestiaires, et le match ne reprend pas.

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Refusant de donner match gagné au CFR sous prétexte que c’est son entraîneur Ioan Andone qui a refusé de renvoyer ses joueurs sur le terrain, la LPF décide de faire rejouer le match. Mais pas n’importe quand : après la dernière journée. Mené de deux points par Vaslui au classement, le CFR profite de ce rematch pour s’offrir le titre en s’imposant 3-2, grâce à un nouveau penalty transformé par Cadu… dans les arrêts de jeu !

Edition 2012-13. L’été 2013 est le summum du n’importe quoi. Au terme de la saison, le Rapid termine neuvième et l’U Cluj douzième. Mais, criblés de dettes, les deux clubs se voient refuser la licence par la FRF pour continuer à évoluer en Liga 1. L’U Cluj attaque la décision au TAS, qui lui donne raison. Une décision qui pose de gros problèmes à la fédération. En effet, réintroduit en Liga 1, l’U Cluj devient le 17e club d’une élite qui devait être réduite à 16 participants. La nouvelle saison devant démarrer moins de trois semaines plus tard, il faut trouver une solution d’urgence.

Problème, la FRF et la LPF ne trouvent pas d’accord. La fédération souhaite garder les 17 clubs licenciés tandis que la ligue préfère une élite à 18 clubs afin de ne pas perdre de droits télé. Un accord est finalement trouvé : un match de barrage qui oppose le Rapid, qui avait pourtant accepté sa relégation administrative, et le Concordia Chiajna, premier relégué sportivement mais titulaire d’une licence. Une solution acceptée par le Comité exécutif de la FRF en dépit de son propre règlement. Immédiatement après l’annonce de la fédération, le club du Concordia se tourne vers la TAS pour faire annuler la tenue de ce match. Ce dernier a tout de même lieu, et le Rapid, en s’imposant 2-1, gagne sa place dans l’élite. La saison 2013-14 commence une semaine plus tard, mais l’histoire n’est pas terminée.

Edition 2013-14. Le Rapid joue donc en Liga 1. Mais après trois journées, le TAS rend son verdict : en considérant que le Rapid n’a pas de licence pour évoluer en Liga 1 et que le match de barrage a été organisé en dehors de toute base réglementaire, le tribunal de Lausanne accepte l’appel du Concordia Chiajna et impose à la FRF de réintégrer sans délai le club dans l’élite. Une décision qui met le championnat sens dessus-dessous. Le Rapid étant relégué en Liga 2, les résultats de ses trois premiers matchs sont annulés. Et le Concordia Chiajna se retrouve du jour au lendemain en première division. Sans préparation, le club est grand favori à la descente mais remporte son premier match dès la semaine suivante et parvient à se maintenir en fin de saison.

Rapid Concordia Chiajna barrage
Les joueurs fêtent leur victoire à l’issue du barrage, quelques semaines avant d’être relégués.

Une fin de saison où le TAS est encore mis à contribution. En grandes difficultés financières, le FC Vaslui, qui a terminé à la cinquième place du championnat, se voit refuser sa licence. Relégué ainsi en deuxième division, le club moldave perd également sa qualification en Europa League. Le Conseil local de Vaslui, partie prenante dans le club, décide de faire appel au TAS, mais la décision maintenue. Le FC Vaslui, relégué administrativement, disparaît durant l’été. 15e et premier relégué, le FC Brașov en profite pour sauver sa place dans l’élite.

Edition 2014-15. Cette année encore, le classement de Liga 1 s’est joué en partie à Lausanne, avec l’affaire des 24 points retirés puis rendus au CFR Cluj. Mais ce n’est pas la seule décision que le Tribunal Arbitral du Sport a eu à rendre cette année. Promu la saison dernière, le CSM Râmnicu-Vâlcea a vu la FRF lui refuser le droit de jouer en Liga 1. Une décision qui a profité au CS U Craiova, qui est monté dans l’élite à sa place. Bloqué en L2, le CSM Râmnicu-Vâlcea n’en est pas resté là. Si à l’issue d’une saison ratée, le club n’a pas su gagner sa place en L1, il attendait une décision du TAS, vers qui il s’est tourné fin 2014 après que la FRF ait repoussé tous ses recours. Sans demander l’exclusion de Craiova, le club de Vâlcea réclamait à être intégré en Liga 1, qui aurait alors compté non pas 14 mais 15 clubs cette saison. Las, le Tribunal de Lausanne a repoussé cet appel. Le championnat roumain, dont le calendrier a été révélé hier, n’aura donc pas de concurrent supplémentaire. Jusqu’à la prochaine affaire…

Pierre-Julien Pera

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