Même quand tout semble perdu, certaines personnes arrivent encore à nous donner foi en l’humanité. Une de ces rares personnes, Rok Černic, est mort à 21 ans dans la stupéfaction totale. La société slovène dans sa totalité le regrettera, à l’image de la douleur commune des 2 rivaux footballistiques que sont Maribor et Olimpija. Car malgré toutes les épreuves que la vie lui a fait subir, il a toujours réussi à conserver une attitude positive envers les personnes et la vie. Découvrez l’histoire de Rok Černic, un Humain avec un grand H.

En janvier 1997, Luka Zahovic a 1 an et va avoir l’occasion de vivre une enfance rêvée grâce à son papa Zlatko, meilleur joueur de la courte histoire de la Slovénie. Tout le contraire de Rok Černic qui lui, vient de naître et n’a déjà plus de père. Sa mère connaît d’importants problèmes financiers et la situation n’a guère de chance de s’améliorer. Quand le premier est en parfaite santé et pourra aspirer à devenir une star du football comme son papa,  le second est asthmatique et n’aura jamais l’occasion de pouvoir jouer au football, son rêve.

Il est vrai que Rok Černic avait tout pour vriller. Pas de présence paternelle, pas un sou à la maison et cet asthme qui l’empêche de faire du sport, souvent le seul défouloir – ou espoir – qui reste quand la situation familiale et financière est aussi compliquée. On peut se demander quels ressorts un enfant peut trouver dans ces conditions pour puiser sa force. Dans le cas de Rok, deux mots peuvent résumer ce qui l’a aidé à tenir debout contre vents et marées : le football et la générosité.

Sa maman ayant toujours été fidèle supportrice de Maribor, c’est tout naturellement que Rok devient lui aussi un fan. Le gamin grandit et va se raccrocher à son équipe de football préférée, qui lui offre des instants de bonheur et d’émotions dans une vie quotidienne qui n’en est pas garnie. Chaque match à Ljudski Vrt est une occasion de s’extirper des problèmes et de rêver. Rok ne loupe pas un match à domicile et en profite pour débuter un projet qui sera le fil rouge de sa vie : la collecte de maillots.

© Capture d’écran / Footballski

Même si sa mère et lui sont menacés d’expulsion, même s’il faut trouver de l’argent pour manger, Rok réussit son passage au lycée et rencontre une personne déterminante : son professeur Boris Kradonja, connu comme le fondateur d’Up-ornik, qui fournit de la nourriture et des produits de première nécessité. L’association aide Rok et sa mère en leur donnant de la nourriture. Un élément déclencheur pour un adolescent qui se fera alors une mission d’aider les autres, avant même sa propre personne.

Pour aider, Rok regarde ce qu’il possède. Ninna, qui le côtoiera plus tard au sein de l’association Humanitarcek, nous explique : « Il était passionné par ses maillots de Maribor. C’est avec ces maillots qu’il a commencé son travail de charité. C’est pour cela qu’il était si spécial, sa collection était tout ce qu’il avait. Sa première mise aux enchères était en 2015. Il a vendu des maillots d’Handanovic et de Tavares pour 1 430€. Il a rendu la moitié de cet argent à Boris Krabonja à son organisation de bienfaisance pour les remercier de leur aide. Il a donné l’autre moitié pour acheter de la nourriture à des familles qui en avaient besoin. Après ça, il a participé à deux à trois mises aux enchères par an. Il a même envoyé le plus vieux maillot existant de Maribor, qui datait de 1970. » Pour avoir donné tout ce qu’il avait au profit des plus démunis, Rok est nommé « Nom du Mois » en 2015.

Après avoir aidé des familles pauvres avec Boris Krabonja au sein de leur organisme de bienfaisance Zvizgac, Rok fait partie de plusieurs organisations locales comme Krizemrok, dont le but principal est d’offrir des vacances à des enfants issus de milieux défavorisés ou Humanitarcek qui aide des sans-abris. En juin 2016, il est élu comme Plus Jeune Bénévole de Slovénie. Après avoir reçu un prix des mains du Président de la République, Borut Pahor, sa notoriété explose. Mais à côté, Rok lutte aussi pour lui-même. Menacés d’expulsion de leur appartement l’an dernier, sa mère et lui doivent souffrir tous les jours, sans savoir s’ils auront un toit le lendemain. Pas question pour autant d’arrêter son aide humanitaire : Il a aidé une petite fille, Lana, à recevoir une thérapie tout comme Marko Avbersek, 11 ans, pour qui il a levé de l’argent afin de recevoir une opération aux USA. À côté de ça, il collectait de l’argent pour les sans-abris. Cette année, il a payé des vacances d’été à 6 enfants via l’organisation Krizemrok. »

© Maribor NK

Dimanche 19 août. Maribor va jouer à Ljubljana dans un derby attendu par tous les amateurs de foot en Slovénie. Comme à son habitude, Rok va au stade et vit ce match comme si c’était le dernier. Mlakar, Dervisevic et Hotic donnent trois doses d’ivresse au jeune homme et aux supporters Viole, fiers d’avoir battu le rival 3-0. Comme souvent, ce dimanche soir, le football offre du réconfort et de l’inspiration à Rok qui pourra se reconcentrer dès le lendemain sur son nouveau projet avec un club étudiant de Maribor (il étudiait l’économie à l’Université) afin d’aider des sans-abris.

« On a gagné ! ». C’est le dernier message de Rok avant qu’il soit retrouvé mort sur son balcon foudroyé par une sévère crise d’asthme. Sans se retourner sur toutes ses galères, il quitte un monde hostile à 21 ans, laissant seule sa mère, mais aussi ses amis et le peuple Viole. Car il n’existe pas de fan de Maribor qui ne connaisse pas Rok Černic, le passionné de football avec la plus grande collection de maillots du NK Maribor. Le club, dévasté à l’image de son capitaine et légende Marcos Tavares, dira que son cœur était trop gros pour rester sur cette planète. L’Olimpija Ljubljana partagera ensuite la nouvelle et le chagrin, comme un symbole d’un garçon qui aura su faire dépasser les rivalités.

© Capture d’écran / Footballski

La mémoire de Rok vivra toujours. Ninna et son association la feront perdurer : « Rok a toujours aidé les sans-abris. En décembre dernier, il était le Père Noël Secret (un projet annuel d’Humanitarcek) : il leur a donné des maillots de Maribor, ils étaient si heureux. Cette année, en décembre, il y aura une opération 30 actions en 30 jours. Rok avait prévu de lever de l’argent pour acheter 2000 paires de chaussettes chaudes pour les sans-abris. Humanitarcek a décidé de garder son héritage le 16 janvier (son anniversaire). A cette date, ils essayeront de collecter des chaussettes pour les sans-abris et de battre le record de Rok : 1500 paires ! » Quant au NK Maribor, en plus d’aider financièrement sa mère, il devrait ouvrir au public la collection de Rok, qui attendait parfois des heures après la fin des matchs pour obtenir une maillot ou une signature des joueurs.

Černic
© GREGOR GROSMAN

Ses amis, collègues, les gens qu’il a aidés et probablement ceux qui ont lu des articles à son sujet pleurent la mort d’un jeune garçon dont la vie n’a pas été la plus facile, mais qui aura réussi à rester positif et à se battre pour que le monde aille mieux. Une fresque où il est mentionné sur le mur du stade Ljudski Vrt est éclairé par les 21 bougies (comme son âge) déposées par la famille Viole. Pour que le jeune homme au grand cœur, qui avait la plus grande collection de joueurs de Maribor, ne soit jamais oublié. Pour représenter ceux qui n’ont pas grand-chose, mais préfèrent le donner aux autres.

Rok Černic a laissé sa trace pour toujours. Une trace encore plus marquante que s’il n’avait jamais eu d’asthme et était devenu joueur de football, son rêve initial.

Damien F.


Image à la Une : © Maribor NK

2 Comments

  1. DUMAS David 4 septembre 2018 at 12 h 49 min

    Bonjour Damien,

    Je viens de lire l’article sur ce jeune supporter !
    Il est bien évidemment très triste de perdre des jeunes de son age !
    Rok a voulu se montrer un véritable supporter d’équipe comme l’on peut en trouver partout ailleurs dans le monde.
    Tu as (tutoiement ne veut pas dire non respect si tu veux bien ?) su évoquer sa vie très éprouvante (asthme sévère) et malgré son asthme sa passion pour son club préféré !
    Ce jeune homme a puisé dans son esprit, avec l’amour entier et total de sa maman, toute la force pour continuer à vivre malgré sa maladie.
    On ne peut qu’avoir du respect et tristesse que sa vie se termine ainsi.

    David

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  2. DUMAS David 4 septembre 2018 at 13 h 05 min

    Damien,

    Tout autre théme :
    J’ai suivi les péripéties des Girondins de Bordeaux FC avec un début de championnat quasi catastrophique !
    Je pense que maintenant avec Eric Bédouet et Ricardo cela pourrait être intéressant de voir l’évolution du jeu.
    Cela, je souhaite de tout cœur, va donner la possibilité de créer un binôme Sankharé/Basic ou Kamano/Basic tout à fait prometteur.
    Dommage que Toma n’ai pu jouer que 15 minutes sur le terrain. Toma a donné le ballon et malheureusement Sankharé (il me semble) qui fait échouer la balle sur le poteau. Début prometteur pour Toma non ?
    Qu’en penses-tu ?
    Cordialement,

    David

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