Sur les 23 hommes sélectionnés pour l’Euro 2016 par l’entraîneur suisse Marcel Koller, un seul d’entre eux évolue au pays, dans la peu réputée Bundesliga autrichienne. Son prénom ? Robert. Son nom ? Almer. Inconnu du grand public, le gardien de l’Austria Vienne est aussi le titulaire de son équipe nationale, à 32 ans. Un parcours atypique pour ce grand bonhomme d’ 1,94 mètres qui a dû faire preuve d’une patience à toute épreuve. Portrait.
Des débuts instables
Le petit Robert fait ses classes en junior chez le Sturm Graz, l’une des toutes meilleures équipes du pays. Il intègre son centre de formation en 1998, où il regarde ses idoles disputer le mondial 98 en France. Michael Konsel, le gardien de la Roma à l’époque et Ivica Vastic, buteur à Graz, ont alors son entière admiration. Très vite Almer se fait distinguer par ses qualités indéniables au poste de gardien de but. Déjà, ses capacités athlétiques impressionnent. Très grand et robuste, il donne le sentiment d’être infranchissable chez les jeunes Autrichiens. Pourtant le cap avec les équipes premières est très compliqué. Pour preuve, il ne disputera jamais un seul match en pro avec son équipe de coeur. Un déchirement.
Un club rival vient alors le dénicher. À 18 ans, il prend son envol et signe à l’Austria Wien ou le palmarès n’a rien à voir avec le Sturm Graz (24 titres de champion d’Autriche contre trois). Pourtant rien ne change, et sa place demeure sur le banc ou en réserve. Il enchaîne alors les « petits boulots » du foot avec 3 prêts consécutifs dans des formations qui jouent le maintien, ou en division inférieure. En 2006 sa décision est prise. Il rejoint le SV Mattersburg, club modeste de Bundesliga.
La reconnaissance tardive
Malgré ce transfert, il ne parvient toujours pas à s’imposer. La première saison, il joue neuf matchs puis onze la suivante. Pas maladroit et plutôt à son avantage en doublure, il se laisse convaincre par un retour surprenant à l’Austria qui le veut en tant que remplaçant. Quelques matchs grattés pendant trois ans et un statut assimilé, il part en 2011, à 27 ans, pour une première expérience à l’étranger, au Fortuna Dusseldorf, en Allemagne. La langue de Goethe déjà en poche, il s’adapte vite à la deuxième division et participe grandement à la belle épopée des siens, qui les emmène dans l’élite du football allemand. La consécration ? Il accède enfin à l’équipe nationale, avec une première sélection en novembre 2011.
Malheureusement, l’année suivante, c’est de nouveau la débandade. Il ne dispute qu’une seule rencontre en championnat et ses belles promesses en sélection sont rudement mises à l’épreuve. Il part donc de nouveau pour l’échelon inférieur, à Cottbus, ville située dans l’ancienne RDA. Sa bonne saison avec l’Energie convainc les plus sceptiques en Autriche à le reprendre en sélection. Un nouveau choix malheureux va éclipser cette année 2013-2014 réussie. Son transfert à Hanovre, en Bundesliga. Il ne joue pas un seul match de l’année et doit patienter jusqu’aux semaines internationales pour enfin jouer, avec son pays. Il garde ainsi la confiance inébranlable de Marcel Koller. Il faut bien avouer que Robert le trentenaire est irréprochable en sélection.
Troisième retour dans la capitale
À 31 ans, l’Euro est proche et un dilemme crucial se présente à lui : jouer quoi qu’il arrive pour garder sa place de titulaire en sélection ou chauffer le banc du club comme de la sélection. C’est le deal qu’il passe avec Marcel Koller, entraîneur subtil qui aime jouer sur l’esprit de compétiteur de ses joueurs. Robert Almer décide ainsi de revenir à l’Austria Wien, où un poste de titulaire dans les cages se libère en juillet 2015, après le départ de Lindner à l’Eintracht Francfort. Un choix qui n’a pas été difficile d’après ses déclarations à Kurier : « A ce stade ma carrière était ma priorité absolue. J’aurais pu choisir la facilité et rester numéro 2 à Hannovre.« De plus, le retour au pays s’avère très agréable sur un point de vue humain : « Il est agréable d’avoir sa famille avec soi quand vous êtes de retour à la maison après des années de voyage. » Son pari est le bon, il dispute 22 rencontres en Bundesliga, où il encaisse 26 buts. Encore une saison incomplète liée à une blessure contractée fin octobre.
« Il a tout fait pour revenir à temps pour l’Euro. Il ne voulait pas rater ce wagon si précieux. » son entraîneur à l’Austria, Thorsten Fink.
Absent des terrains pendant quatre mois, le portier prend peur et vu sa malchance du passé, il croit encore que le plus grand rendez-vous de sa carrière va lui échapper. Avec un préparateur physique dédié, envoyé par la fédération, il va revenir en douceur en février avant de retrouver la compétition en mars. Son mental d’acier est souligné par son entraîneur en club, Thorsten Fink. « Il a tout fait pour revenir à temps pour l’Euro. Il ne voulait pas rater ce wagon si précieux. » Un retour peut-être dû à ses exercices de méditation, cette pratique était pour lui une méthode de relaxation et des exercices de respiration. « Je traverse divers états d’âmes. Comment contrer les coups ou faire de l’évitement. Je n’ai pas besoin de silence autour de moi [pour faire l’exercice]. Je le fais [l’exercice] souvent dans le bus sur le chemin pour aller au match. » Expliquait le joueur.
Indiscutable en sélection
Souvent malchanceux en club par ses choix et ses coachs, Robert Almer a su trouver refuge dans son équipe nationale. Ses rivaux actuels, Heinz Lindner et Ramazan Özcan, ont pu s’estimer lésés par Marcel Koller, qui n’a jamais voulu leur donner une chance, malgré la précarité sportive d’Almer en club. Cette notoriété n’est pas anodine, Almer est aussi précieux sur le terrain (seulement cinq buts inscrits dans les éliminatoires) que dans le vestiaire. Il est très proche des cadres de la sélection, comme le capitaine Christian Fuchs, l’attaquant Janko ou le métronome Junuzovic. Son entente avec David Alaba, star de la sélection, est également indéniable.
Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de Mark Janko qui ne jouait pas beaucoup avant de partir à Sydney. Malgré cela, il conservait la confiance de son coach et marquait des buts décisifs. Son escapade très réussie en Australie s’est terminée après un an pour mieux répondre aux exigences du calendrier international. Depuis, Janko cartonne à Bâle tout comme en sélection. Une récompense pour deux hommes qui vouent un grand attachement à leur sélection et se retrouveront ensemble en leaders d’une sélection qui possédera les qualités mentales pour aller loin.
À 32 ans, avec sa barbe rousse et son crâne rasé, Almer va connaître l’apogée de sa carrière avec cet Euro 2016 en France. En club, à l’Austria, il vient de disputer la saison la plus aboutie de son parcours professionnel bien chaotique. Très apprécié au sein du groupe, il sera une valeur sûre de Marcel Koller. Pour ce remplaçant, la mise au ban semble enfin s’éclipser. L’intéressé le raconte parfaitement dans un entretien accordé au quotidien autrichien Heute : « Je suis conscient que tout prend du temps. Ma récompense, avec ce championnat d’Europe, est le fruit de ma patience. » Philosophe le Robert.
Adrien Mathieu
Image à la une : ©VASILY MAXIMOV/AFP/Getty Images