Temps de lecture 5 minutesPourquoi le Lokomotiv Moscou ne va nulle part ?

Il y a plus de dix ans, le Lokomotiv Moscou était l’attraction de tous les amateurs de football russe. Le seul club de football qui arrivait à faire régulièrement un parcours digne dans les différentes coupes européennes dans le début des années 2000, une équipe à l’ambiance familiale où chacun se battait pour l’autre. Mais cette époque où l’équipe, sous les ordres de Yuri Semin, était une référence pour les autres clubs de football en Russie. Une époque aujourd’hui lointaine.

Les temps changent …

… et rien n’est pareil depuis cette époque. Désormais, c’est la fameuse Olga Smorodskaya qui dirige le club. Depuis, le Lokomotiv fait partie de ses clubs qui ont perdu de leur charme, qui ne font plus grand-chose, et souvent n’importe quoi. Une équipe où on y raconte d’ailleurs que l’ambiance n’y est plus familiale du tout, bien loin du début des années 2000. Dans ce Lokomotiv Moscou, on embauche d’abord Yuri Krasnozhan qui fait progresser tout l’effectif et a surtout fait jouer pas mal de pépites de l’académie locale puis, dans le marasme du club, on le vire au bout de trois mois. Dans ce Lokomotiv, on aime aussi acheter des tas de joueurs étrangers sans avoir réfléchi à quoi ils pourraient vraiment servir. L’exemple le plus fameux étant sans doute Alberto Zapater qui n’a joué que vingt-sept matchs en quatre saisons, mais a pourtant gagné pas mal d’oseille pendant ces années-la.

En Russie, les gens sont souvent de nature pessimiste, mais dès que leur club commence à gagner quelque chose, ils commencent à croire en l’impossible. C’est ce qu’il s’est passé l’an dernier quand le Lokomotiv a remporté la Coupe de la Russie. Le côté populiste de Smorodskaya est alors sorti de l’obscurité et l’intérimaire Igor Cherevchenko est devenu l’entraîneur principal. Devenant par la même occasion un nouveau quasi-messie. Enfin, c’est ce que disait Smorodskaya à l’époque. Malgré tout, Cherevchenko a entamé la saison dignement : le Lokomotiv est en troisième position après 18 journées du championnat et seulement deux points les séparent de la Ligue des Champions. Il paraît que cela se passe plutôt bien pour les Moscovites.

Igor Cherevchenko | © STR/AFP/Getty Images
Igor Cherevchenko | © STR/AFP/Getty Images

Mais le mot clé ici est “paraît”, le manque de stratégie est toujours présent au sein de l’institution ainsi que le manque d’ambitions. Car oui, si la saison n’est pas si mauvaise, le club et sa dirigeante ont eu cette bonne idée de vendre le meilleur buteur du club, Oumar Niasse, durant le mercato hivernal. Une décision qui marque, une nouvelle fois, le manque d’orgueil et d’appétence pour le haut de tableau, et ce même si on arrive à trouver son successeur pour un faible coût.

Et, forcément, le Lokomotiv Moscou vient de se faire éliminer de la Ligue Europa par Fenerbahçe. Mérité ? Bien sûr ! Premièrement, on y revient, la vente de Niasse est un échec footballistique annoncé pour le club et a été l’origine du manque de finition devant le but adverse. On pourrait aussi évoquer la trêve hivernale qui casse la saison russe en deux et fait perdre le rythme aux joueurs, mais c’est une réalité face à laquelle on ne peut rien faire et il faut donc s’y adapter. Et, enfin, pour couronner le tout, le pire dans cette histoire, ce n’est même pas forcément la perte du principal attaquant du club, mais plutôt le cas de Dmitry Tarasov.

“Poutine est le président le plus poli”

Pour rappel, le milieu de terrain moscovite a exhibé le portrait de Poutine sur son t-shirt avec un petit slogan “Poutine est le président le plus poli” après le match contre le Fenerbahçe. Et tout cela en Turquie avec laquelle, comme vous le savez, les relations ne sont pas si bonnes avec la Russie ces derniers temps. Oui, ça frôle le génie… ou la stupidité, au choix.

© STR/AFP/Getty Images
“Poutine est le président le plus poli” | © STR/AFP/Getty Images

Tout d’abord, on ne comprend pas le message qu’il a voulu transmettre. Ni à qui il a voulu le faire passer ? Aux Turcs qui ne parlent pas russe ? À ses coéquipiers qui le croisent chaque jour au quotidien ? Simple histoire de jeu médiatique sans doute : Tarasov a fait parler de sa personne et pas seulement en Russie. Trop parler même. Sinon, comment expliquer que l’attaché de presse du président lui-même ait donné son avis sur cette histoire.

Car si on a parlé de lui dans la plupart des médias internationaux pour ce t-shirt, Tarasov sait faire parler de lui. Une maîtrise des médias qu’il faut aussi, et surtout, aller chercher dans sa famille et particulièrement chez sa femme. Marié à Olga Buzova, une fameuse star de la téléréalité de “Dom 2” [NDLR : Principal show de téléréalité russe qui existe depuis des années] qui est extrêmement populaire en Russie. Elle est omniprésente à la télévision russe en faisant souvent trop de bruit autour de soi. Si elle a l’air stupide à l’écran, son discours paraît trop calculé pour être vrai à 100%.

À chaque fois qu’elle apparaît à la télévision avec son mari, tout le monde se marre, se moque, avec une Olga Buzova qui raconte tout le temps des bêtises et fait le show tandis que Tarasov, lui, au contraire, ne dit jamais rien. Il a d’ailleurs également l’air stupide, sauf que là, on est sans doute plus proche de la vérité. Croire que c’est le milieu du Lokomotiv Moscou qui eut l’idée de porter ce t-shirt politiquement incompris par tout le monde est plutôt naïf. La plupart de gens qui connaissent le couple ont très vite compris que l’initiative venait d’une seule et même personne : sa femme. L’ironie du sort, Tarasov, milieu de terrain connu pour sa grinta et sa combativité, devient ainsi impuissant devant sa femme et doit maintenant payer cette erreur, l’UEFA interdisant de porter des t-shirts avec des images ou des slogans politiques. Tarasov risquerait ainsi de rater les dix prochains matchs européens de son équipe et par la même occasion la mettre un peu plus en difficulté.

Mais le plus grave dans tout ça, c’est que ce Lokomotiv n’a absolument rien contrôlé. À cause de ce scandale, le club a encore un peu plus perdu son image de « club sympathique », image déjà bien étiolée depuis quelque temps, tandis que le joueur, de son côté, doit sortir le portefeuille pour payer une amende à son club. Ce club qui se prétend être une des grandes institutions du football russe, mais qui ne réagit pas. Un club qui, sous la présidence d’Olga Smorodskaya, continue d’attirer l’attention pour des raisons qui ne sont pas forcément les meilleures. Entre une présidente, à l’image de madame Tarasov, plus encline à penser à son pouvoir et à attirer l’attention qu’à la gestion de son club. Et si certains experts disent que cette dernière a su assainir les finances du club, on constate surtout la succession de gâchis financiers jusqu’à décembre dernier, en témoignent les exemples Boussoufa et Fernandes qui, ne jouant presque pas, gagnaient plus de huit millions d’euros par saison à eux deux.

Chaque saison, les supporters du Lokomotiv Moscou protestent pleins de haine contre leur présidente avec cet espoir de voir leur club revenir en haut de l’affiche avec une structure et une organisation digne de son histoire. Une bonne stratégie et gestion qui sont les deux points nécessaires et essentiels pour que ce Lokomotiv retrouve les sommets. Mais cela reste vain, le club tourne en rond et le Lokomotiv qui arrachait le nul à Santiago Bernabeu il y a treize ans fait aujourd’hui pitié et ne va nulle part…

Mark Neugasimov


Image à la une : © FABRICE COFFRINI/AFP/Getty Images

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