Depuis longtemps, le RSC Anderlecht est connu pour faire évoluer de nombreux joueurs de l’Est dans son effectif. Parmi les plus connus, citons pêle-mêle les Tchèques Jan Polák, Jan Koller et Daniel Zítka, les Serbes Milan Jovanović et Aleksandar Mitrović, les Ukrainiens Oleksandr Yakovenko et Oleh Yashchuk, l’Albanais Besnik Hasi, le Hongrois Roland Juhász, et le Polonais Marcin Wasilewski. Dès lors, rien d’étonnant lorsque les dirigeants mauves ont annoncé l’arrivée du buteur Łukasz Teodorczyk pour un prêt d’un an (avec une option d’achat fixée à 4 millions d’euros) en provenance du Dynamo Kiev.
Dimanche 7 août, 17h30. J’arrive avec Max aux abords du Parc Astrid où il a ses habitudes depuis quatorze saisons maintenant. Autant dire qu’il a vécu autant de grands moments, tant en Jupiler Pro League qu’en coupes d’Europe, comme des déceptions emplies de mollesse, l’inconstance étant le maître-mot des équipes belges. Pendant qu’on descend une bière qui passe très mal, au vu du week-end de groundhopping en Angleterre dont nous ne sommes revenus que quelques heures plus tôt, il me rappelle que la rencontre de ce soir face à Courtrai sera la première de Łukasz Teodorczyk sous la vareuse bruxelloise. « Tiens, ça pourrait faire l’objet d’un petit papier » pensé-je, tandis que nous rejoignons nos places dans la tribune nord.
Effectivement, la première du Sporting à domicile cette saison a un petit goût excitant. Quatre jours plus tôt, les Mauves se faisaient sèchement sortir des qualifications de la Ligue des Champions par le FK Rostov, 0-2 à domicile. Peu étonnant en fin compte, lorsque l’on sait que les Rostovites évoluent ensemble depuis plus d’une paire d’années, tandis que les Anderlechtois sont actuellement en pleine phase de reconstruction après le départ en disgrâce du coach albanais Besnik Hasi pour le Legia Varsovie. Sur le terrain, la composition du jour évoluera en 4-3-3 offensif, avec Teodorczyk en numéro 9. René Weiler, le technicien suisse arrivé cet été en provenance du FC Nuremberg, a fait le pari de donner directement sa chance au buteur originaire de Żuromin à la pointe de l’attaque. Pas de temps à perdre. Les Mauves se sont fait peur lors de la journée d’ouverture en gagnant sur le fil 1-2 face à Mouscron. Le public anderlechtois, peu connu pour sa bonne foi, est tout de même venu en nombre (nous sommes 20 000 à garnir les tribunes du Parc Astrid ce jour-là) pour assister aux débuts de celui qui s’annonce comme une bouffée d’air frais malgré sa saison peu convaincante au Dynamo Kiev (10 buts marqués en 18 apparitions tout de même).
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Łukasz Teodorczyk, c’est l’histoire d’un pétard mouillé au pays de l’aigle blanc. Formé au Polonia Varsovie, il évolue une saison dans la réserve du club étiqueté à gauche de la capitale avant de passer en équipe première à l’aube de la saison 2011-2012, après qu’il ait terminé meilleur buteur de Młoda Ekstraklasa, le championnat national des réserves. Aucun but en A pour ce milieu offensif de formation lors de ses six apparitions en compétition régulière et seulement un petit pion en coupe de Pologne. L’année suivante sera déjà plus bénéfique : onze rencontres disputées et quatre buts à son actif. Encore un peu faible pour un aspirant-buteur, mais suffisant pour susciter l’intérêt du Lech Poznań qui le signe en 2012. Sous les couleurs des Kolejorz, Teodorczyk jouera 58 rencontres, pour 28 buts marqués et 13 assists délivrés. Un ratio honorable qui séduira Waldemar Fornalik et lui ouvrira les portes de la sélection nationale, lui qui était déjà passé par les U20 et U21 polonais. Son bilan chez les Biało-czerwoni se chiffre actuellement à trois buts en huit rencontres, essentiellement amicales.
Arrivée officielle de Teodorczyk au RSC Anderlecht
Lorsque le speaker du Parc Astrid égraine la composition du jour, le public ne peut retenir son engouement au moment de prononcer le nom de celui qui porte le numéro nonante-et-un (son année de naissance) : « Lukasse Téodortchik ! ». Il est comme ça le public mauve : excité et impatient de voir à l’œuvre ses nouvelles recrues, mais impitoyable lorsque celles-ci ne répondent pas à ses attentes. Supporters de la victoire diront certains, quand d’autres préfèrent se qualifier d’élitistes. Contre Courtrai, la rencontre s’annonce logiquement à l’avantage des Bruxellois. Du moins sur le papier et l’on attend d’eux (enfin) un semblant de coup d’éclat. Car sous l’ère Hasi, qui aura duré deux saisons et demie (entre mars 2014 et juin 2016), la plus grosse victoire à domicile a justement eu lieu contre Courtrai, sur le score de 5 à 1 en mars 2015 lors des play-offs de fin de saison.
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L’arrivée de Teodorczyk n’est pas passée inaperçue, René Weiler plaçant en lui beaucoup d’espoirs au sein d’un effectif en pleine reconstruction et qui semble tout doucement prendre ses distances avec Stefano Okaka, son buteur italien pourtant lumineux la saison passée. Mais, du côté des supporters, d’aucuns ont fait la moue lors de la présentation officielle du blondinet âgé de vingt-cinq ans. Sa dernière saison au Dynamo Kiev ne jouait pas particulièrement en sa faveur. Il y a été transféré en 2014 pour un montant de 4 millions d’euros et un contrat de cinq ans à la clé. Fait étonnant cette année-là, il terminera champion national de deux pays à la fois : d’abord en Ukraine avec le Dynamo, pour qui il marquera cinq buts en treize rencontres, mais aussi en Pologne, au vu de ses trois buts en quatre matchs en début de saison avec Poznań. Il remportera également la coupe d’Ukraine avec Kiev, en ne participant cependant qu’à deux rencontres. La faute à une fracture du péroné (la deuxième de sa carrière, la première étant survenue alors qu’il évoluait encore au Polonia) qui l’aura éloigné des terrains pendant cinq mois, entre mai et octobre 2015. Sorti entretemps logiquement des plans du coach Sergiy Rebrov, son prêt à Anderlecht est donc une opération win-win. On imagine que les dirigeants Bruxellois ont été davantage séduits par son ratio de buts par matchs joués (10/22 en 2015-2015) que par ses deux titres consécutifs de champion d’Ukraine remportés un peu par défaut en 2015 et 2016. En dépit de son contrat dans la capitale ukrainienne qui court encore jusqu’en 2019, il pourrait se tailler la part du lion chez les Mauves.
Premier entraînement de Teodorczyk avec les Mauves
Retour au stade, il est 18h00. L’arbitre donne le coup d’envoi et les supporters, de la voix. Ceux-ci attendent de leur équipe qu’elle fasse oublier l’élimination prématurée survenue contre Rostov. Hélas, la rencontre commence de la pire des manières : suite un tacle à retardement complètement stupide dans la surface, le défenseur néerlandais Bram Nuytinck offre un penalty aux Courtraisiens, transformé sans trop de difficultés par le Congolais Hervé Kage. Teodorczyk, quant à lui, trottine à la pointe de la ligne d’attaque, tente de se mettre en jambes comme il le peut mais les adversaires ferment le jeu et, à l’image de son équipe qui domine sans inquiéter, ne montre pas grand-chose pour ses premières minutes. Sa prestation passe presque inaperçue tant le milieu anderlechtois multiplie les fautes grossières qui limitent logiquement les occasions de but.
Pourtant, à force d’essayer, la machine mauve finit enfin par se lancer. À un quart d’heure de la pause, Teodorczyk, que l’on a remarqué assez adroit dos au but, profite d’une bonne récupération pour lancer un une-deux avec le latéral gauche algérien Sofiane Hanni, enchaîne avec un bon dribble et sert son acolyte algérien sur un plateau d’argent. 1-1 à la pause. On respire et on salue le réalisme froid du Polonais.
.@SofianeHanni is a key player in this new Anderlecht side. Good finish. #RSCA #AndKvk pic.twitter.com/YfEWiSANyl
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Retour des vestiaires, la bière light de la mi-temps passe aussi mal que les clopes qui achèvent ce dimanche ensoleillé. Il faudrait vraiment que le match démarre, sans quoi l’irrégularité d’Anderlecht risquerait de nous offrir un piteux nul comme dessert de ce week-end groundhopping. En tribune, le public continue de chanter, on est loin de l’époque Hasi où le Parc Astrid ressemblait au Parc des Princes un après-midi de Coupe de la Ligue. Bizarrement ça a l’air d’apporter quelque chose sur le terrain. À peine cinq minutes après la reprise, le nouveau Boussoufa du Sporting, Sofiane Hanni (encore lui) renvoie l’ascenseur à Teodorczyk par une superbe ouverture qui lui permet de crucifier Thomas Kaminski, le portier belgo-polonais du KV Courtrai d’une frappe croisée du gauche absolument monstrueuse. Mission accomplie. Teodorczyk, passeur et désormais buteur, a débuté sous la vareuse mauve de la plus belle des manières.
Łukasz Teodorczyk’s first goal for #RSCA. #POL pic.twitter.com/p48m01R8T2
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Son nom résonne enfin dans les tribunes du Parc Astrid qui redouble dans ses encouragements. Il s’est trouvé de nouveaux fidèles qui espèrent plus que jamais retrouver un buteur de la trempe d’Aleksandar Mitrović, dernier grand patator en date dans l’Ouest bruxellois. Sorti cinq minutes plus tard par René Weiler afin de le ménager, il est littéralement ovationné par tout le stade qui n’aura mis qu’une grosse heure à l’adopter.
En dépit de son remplacement à la soixantième minute, Łukasz Teodorczyk aura réussi à insuffler un vent d’orgueil à ses coéquipiers qui continueront de dérouler jusqu’à la fin du match. 5-1, score final, et une belle leçon de football donnée par le club recordman de titres en première division qui prend la tête du championnat. Le 18 août, Anderlecht affrontera le Slavia Prague en barrages de la Ligue Europa. Nulle ne doute que Teodorczyk retrouvera sa place dans le onze de départ, malgré le système de rotations cher à René Weiler. Au Polonais de prouver qu’il peut relancer sa carrière en demi-teinte dans un championnat largement à sa portée et avec une équipe toujours portée vers le haut de tableau. Avec à la clé, un contrat potentiel la saison prochaine ?
L’option d’achat, fixée à 4 millions d’euros par le Dynamo Kiev, ne représente que les deux-tiers du transfert entrant le plus cher de l’histoire du Sporting : Steven Defour, qui en 2014, avait couté la bagatelle de 6 millions d’euros. Vu la dynamique très germanique insufflée par René Weiler, on a le droit de penser que l’avenir de Łukasz Teodorczyk pourrait bien s’écrire en lettres Mauve et Blanche. Avec du travail bien sûr, mais aussi un peu de chance comme toujours. Comprenez, en évitant la passe de trois avec son foutu péroné.
Julien Duez
Image à la une : © newsimage/RSCA