Mathieu Gomes offre un parcours atypique. A l’image de Thomas Dos Santos, l’attaquant repositionné en arrière droit a connu des divisions inférieures européennes avant de bourlinguer et d’arriver en Grèce où il a réussi à se faire un nom. Actuellement à l’AOK Kyrkera, en deuxième division grecque, depuis trois saisons, le Bayonnais espère retrouver rapidement la Super League, si possible la saison prochaine.
Est-ce que tu peux nous détailler ta formation ? Tu commences en Espagne, à la Real Sociedad. Comment as-tu atterri là-bas ?
Je jouais à l’Aviron Bayonnais qui, à l’époque, avait un partenariat avec la Real Sociedad. M. Eric Olhats, qui faisait un travail fantastique avec Bayonne et qui est actuellement recruteur pour la Real Sociedad, m’a aidé à signer là-bas. D’abord en faisant un tournoi avec la sélection basque, puis ensuite en faisant un autre tournoi avec la Real, que j’ai remporté en marquant deux buts en finale. L’aventure pouvait commencer.
Est-ce que cette formation en Espagne a influé sur ton style de jeu ?
Je suppose, bien sûr, que je suis devenu meilleur joueur. J’ai appris le haut niveau même si a l’époque je jouais attaquant, et je me suis révélé plus tard comme arrière droit.
Tu signes ensuite à Salamanca, où tu y restes un an et demi. Quels souvenirs gardes-tu ? Le cadre de vie n’est pas trop mal…
La première année était fantastique. Jusqu’en mars, on est dans les trois premiers, avec dans notre équipe des joueurs en prêt comme le Mexicain Carlos Vela qui fait la différence à tous les matchs. On jouait un football fantastique. Puis la deuxième année, il y a eu un nouveau coach, avec ses nouveaux joueurs et les problèmes économiques commencent… à oublier.
Après un passage à Irun, tu arrives en Italie, d’abord à Pomigliano. Quelles différences as-tu observées avec le foot espagnol ?
En fait, je pars en Italie et je signe avec Pescara, un grand club italien pour son histoire, où je croise aussi Verratti. Il était déjà pas mal. Un joueur incroyable. Ensuite, le président va partir, et les joueurs ne touchent pas un euro pendant quatre mois donc je pars. Je signe déjà avec la Juve Stabia qui me laisse à Pomigliano pour le reste de la saison car ils avaient déjà trop d’étrangers.
Tu es passé aussi par le club de Juve Stabia, dont les supporters sont réputés assez chauds. Tu en gardes de bons souvenirs ?
La Juve Stabia a été mon coup de cœur. C’était super, avec beaucoup de supporters, beaucoup de ferveur, et on a eu également une super équipe pendant 2 ans. À ce moment-là, je commence a jouer dans un 3-5-2 dans un couloir, où mon endurance fait la différence.
Plus globalement, tu es passé par plusieurs clubs (Pomigliano, Juve Stabia, Sanremese, Aprilia) en Italie. Lequel t’as le plus marqué ?
Sans aucun doute la Juve Stabia. J’étais comme à la maison.
Quel regard portes-tu sur le football italien ? J’imagine que, footballistiquement, on y apprend beaucoup.
Oui. Tactiquement, c’est comme on l’imagine tous. Ça bosse bien. On apprend énormément. Les préparations sont dures aussi, mais ça, c’est mon domaine donc je me régale.
Venons-en à la partie grecque. Comment arrives-tu en Grèce ? Tu connaissais un peu le football dans le pays ?
Je vais essayer de t’expliquer du mieux possible. En Italie, j’étais vraiment bien, mais avec les mauvais résultats de l’équipe nationale, et le nombre d’étrangers dans chaque club, la fédération a décidé de mettre en place une règle qui consiste à ce que chaque club qui fait jouer des U21 dans leur équipe titulaire reçoit de l’argent de la fédération. Donc, les postes sur les côtés sont les premiers visés. Toutes les offres reçues de clubs de Série B étaient quasiment à la moitié de ce que je touchais à la Juve Stabia la première année et je sentais que mon nouveau poste pouvait me permettre d’aller beaucoup plus haut.
Avec Fokikos, tu fais une saison pleine en Football League (12-13). Comment as-tu trouvé cette D2 grecque ? Le niveau est plutôt hétérogène, non ?
Le niveau est assez faible, à part les 5-6 premiers où avec des étrangers et de l’argent, ils jouent la montée. Le reste, ce n’est pas top. Je fais huit buts en jouant derrière, je crois.
Tu signes ensuite pour Kerkyra, à Corfou. Un club habitué de la Super League. Tu connaissais un peu son importance ?
Oui, j’avais déjà deux offres de Super League, mais en Grèce, il faut faire très attention dans quel club tu tombes. Donc, sachant que Kerkyra n‘avait aucune dette, je me suis fait donner les garanties nécessaires et j’ai foncé.
Avec cette équipe, tu vas connaître la montée lors de la saison 13-14. Un beau souvenir, j’imagine. Comment expliques-tu cette belle saison ?
L’équipe était armée pour la montée, et c’était notre seul objectif. On a gagné les neuf premiers matchs. On a été, de la première à la dernière journée, premier, avec des équipes comme l’Iraklis et l’Olympiakos Volos derrière nous. J’ai marqué six buts en tant qu’arrière droit et mon contrat a été quasiment doublé pour les 3 prochaines saisons en Super League.
Te voilà donc dans l’élite, où tu réalises une saison plutôt pleine. As-tu pu mesurer la domination de l’Olympiakos ? Quels joueurs t’ont marqué cette année-là dans le championnat ?
C’est l’année où j’ai pris conscience que je pouvais faire quelque chose de vraiment bien à ce poste. Je ne suis mis en difficulté par aucune équipe, je me débrouille vraiment bien, et de belles offres du PAOK et du Pana arrivent au club. J’ai 30 ans, et le club ne veut pas me laisser partir comme ça. Bien évidemment, ces clubs ne vont pas payer un transfert pour un arrière droit de 30 ans. C’est mon premier gros regret. Celui de ne pas avoir eu le courage d’aller au clash avec mon président, qui est devenu un ami. En forçant la situation, j’aurais pu partir, peut-être. L’Olympiakos domine le championnat, sur le terrain et en dehors. C’est le club le plus riche, le seul qui domine, avec un président puissant.
Parle-nous un peu de cette relégation de Kerkyra à cause de transferts de parts falsifiés. Tu peux nous en dire plus ? Comment l’avez-vous appris en tant que joueurs ?
La présaison reprend pour jouer la Super League, puisque nous avions terminé la saison précédente à la 8e place en Super League. Moi, j’ai alors toujours en tête de partir, mais cette histoire commence à ce faire de plus en plus consistante. Et 5 jours avant le début de la reprise, la décision tombe. Toutes les autres équipes du championnat sont quasiment au complet. Mon président veut absolument nous garder et conserve nos contrats de première division pour absolument remonter. C’était une vraie catastrophe. C’est très dur de se motiver tous les jours pour jouer contre des équipes de Football League quand, sur le terrain, tu as gagné le droit de jouer en Super League.
Tu décides de rester malgré la relégation. Tu avais d’offres offres ? Qu’est-ce qui t’a fait rester en Grèce et dans ce club en particulier ?
Le club est basé sur l’île de Corfou (située en mer Ionienne, près de la frontière avec l’Albanie). Le cadre est super, mon président m’adore et ne veut pas me laisser partir. Oui, j’avais des offres, à Veria, Panthrakikos et à l’Atromitos, où il y avait mon ancien entraîneur (Michalis Grigoriou). Mais cet été, j’arrive en fin de contrat. Le président me propose 3 ans de plus, mais je veux faire un pas en avant. J’en suis capable à ce poste, sans aucun doute.
Au niveau économique, ressens-tu les effets de la crise en Grèce ? Beaucoup de joueurs à qui j’ai déjà parlé m’ont dit que les gens n’avaient pas tellement changé leur mode de vie. Tu en penses quoi ?
Oui exactement, ils ne semblent pas trop affectés. Après, bien évidemment, on entend que d’autres clubs ont de grosses difficultés. Je touche du bois, mais c’est ma troisième année à Kerkyra et on ne me doit pas un euro. Bon, c’est vrai, je le répète, je suis le chouchou (rires). Je parle tous les jours avec mon président, ça aide.
Avec ton club, comment se passe le paiement des salaires ? Il fait partie des rares clubs de Football League à assurer à ce niveau-là, non ?
Oui, à ce niveau-là il n’y a pas de soucis. Surtout pour nous, les étrangers. Notre président paye d’abord les étrangers et après les Grecs. Bon, après, s’il veut gagner les matchs, ce n’est pas avec les Grecs (rires).
Comment expliques-tu qu’autant de clubs n’arrivent pas à tenir la route financièrement ? Manque de rentrées d’argent, mauvaise gestion, contexte ?
En Super League, les clubs qui ont des problèmes, c’est dû au passé. Ils trainent des dettes qui ne les laissent pas travailler comme il faut. La crise a touché tout le monde. Les clubs reçoivent de l’argent de la télé, des sponsors. Tu peux faire ton équipe avec cet argent-là. Mais certaines équipes dépassent leur budget. Notre club reçoit une somme de la télé et des sponsors, et fait l’équipe avec moins que ça. Le reste va dans les besoins quotidiens de l’équipe, donc le président n’a quasiment pas à mettre la main à son portefeuille personnel. D’autres clubs sont endettés, et ne réussissent pas à redresser la barre, car ils sont trop gourmands.
Parlons donc de la saison en cours. Vous êtes en course pour la montée, c’est un vrai objectif ? C’est plutôt serré en haut, tu te vois lutter jusqu’à la dernière journée ?
90% de notre équipe est la même que celle de l’année dernière qui évoluait en Super League. Pourquoi on n’est pas premier avec 10 points d’avance ? Le choc psychologique a été énorme. Un gros problème de motivation nous a fait défaut les premiers mois, en perdant notamment contre les derniers et en gagnant a l’extérieur contres les 3 autres équipes qui jouent la montée avec nous. Mais on a réussi à redresser la barre et sans aucun doute on sera devant à la fin.
Tu es en Grèce depuis 2012. Est-ce que ça t’arrive de conseiller des joueurs qui voudraient signer là-bas ? Tu leur donnerais quoi comme conseil ?
Le seul conseil que je peux donner, c’est celui d’être sûr d’où on met les pieds. Il faut essayer, par exemple, de contacter des joueurs du club en question et de ne pas écouter que les agents.
Après l’Espagne, l’Italie, et la Grèce, te vois-tu dans un autre pays ?
La Méditerranée semble me convenir. Il est fort possible que je reste en Grèce, même si un retour en France serait le pied. J’ai suivi que deux ou trois joueurs étaient partis au Red Star, à Lens ou au Paris FC. Dommage que mon agent soit italien et ne connaisse pas le championnat français.
Martial Debeaux
Image à la une : corfucorner.gr
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