Nous sommes en août, Cracovie rayonne, les touristes déambulent dans les rues de la ville tandis que le soleil les accompagne dans leur pèlerinage vers la Vistule et le Dragon du Wawel. Du côté des locaux, certains se tournent vers le football, véritable religion dans la ville, avec le match à domicile du Cracovia. Habitant la ville depuis quelques années et supportant le Wisla, mon chemin ne peut définitivement pas rejoindre le leur, l’occasion d’aller découvrir les autres clubs de la ville, ceux dont personne ou presque ne parle, ceux qui sont oubliés de beaucoup. L’occasion aussi de se faire un petit derby entre le Wawel et le Wanda en huitième division polonaise, soit l’avant-dernière division existant au pays.

La longue histoire du Wawel Kraków 

Si vous n’avez jamais mis les pieds dans la ville, vous ne connaissez peut-être pas le Wawel. Cette dernière est le nom d’une colline fortifiée de la ville qui accueille notamment le château royal ou encore la cathédrale de Wawel. Surplombant la Vistule, ces édifices restent l’un des cœurs historiques de la Pologne. Et puis, moins connu, il y a aussi le Wawel Krakow.

Formé le 13 juillet 1919 après la Première Guerre mondiale sous le nom de Wawel, le club ajoute par la suite la particule Wojskowy Klub Sportowy à son nom, dès 1928, après une fusion avec le club de l’armée. Le club était ainsi soutenu par l’armée polonaise et supporté par les garnisons de l’armée situées à Cracovie.

© Marcin / Footballski
© Marcin / Footballski

Le Wawel accède à l’élite polonaise quelques années plus tard, lorsque dans les années 20 la crise financière frappe de plein fouet la société et les clubs de foot en général. Si le Wawel Kraków est resté vivant, c’est bel et bien en devenant le club de l’armée de Pologne, profitant ainsi des aides financières de l’état.

Entre 1948 et 1953, le WKS Wawel change de nom pour OWKS Kraków. Le club est alors le plus grand club de sport et un des plus puissants clubs du pays. Les succès des 14 sections sportives du club ont eu lieu lors des années 50, avec notamment la section basket-ball championne de Pologne en 1951, 1952 et 1953 et la section football qui finit vice-championne en 1952. Plus qu’un club de football, le Wawel est un mastodonte omnisports collectionnant de nombreux titres dans diverses disciplines individuelles ou collectives.

En 1953, suite à une nouvelle réorganisation, le OWKS Kraków cesse d’exister. Certains expliquent cette décision suite aux pressions des autorités militaires à Varsovie, envieux de la réussite du club et désireux de donner un coup de pouce au club de sport de l’armée à Varsovie, le Legia Varsovie, afin de n’avoir qu’un seul club militaire dans le pays. Entre 1953 et 1957, le club change de nom pour CWKS Kraków. Puis en 1957, la direction du club adopte une résolution pour le retour du nom historique qui est encore valable à ce jour: WKS Wawel Kraków. Le club évolue aujourd’hui dans les bas fonds du football local, parmi les nombreux autres clubs de quartiers et les réserves de clubs des divisions légèrement au-dessus.

Le club du Wawel se distingue quand même par son stade construit en 1953 et disposant de 5 500 places. Que demander de plus pour un match de Klasa B, huitième et avant-dernière division existant en Pologne ? C’est l’heure de se régaler pour une bonne dose de football vrai.

Un petit derby de Cracovie

Pour ce premier match de la saison, l’adversaire du Wawel est le Wanda Kraków, club qui partage son stade avec le club de speedway de la banlieue de Cracovie, à Nowa Huta. Arrivé au stade avec dix minutes d’avance avant le coup d’envoi, je peux admirer la piste d’athlétisme en rénovation et, surtout, une pelouse visiblement pas tondue ne comportant aucune trace de lignes blanches. Il semblerait donc que le match se déroule non pas dans le stade, mais sur le terrain d’entrainement du club situé à quelques dizaines de mètres de là. Un terrain d’entrainement des plus sommaires, sans tribunes, délimitée par des arbres et de la verdure, le tout dans un cadre bucolique et estival. Loin des craquages de fumigènes dont on a tant l’habitude en Pologne et au Wisla, notamment.

Le stade du Wawel Kraków dont la piste d’athlétisme vient d’être rénovée lors des dernières semaines. | © Kévin Sarlat / Footballski
Le stade du Wawel Kraków dont la piste d’athlétisme vient d’être rénovée lors des dernières semaines. | © Kévin Sarlat / Footballski

Une fois le coup d’envoi donné, les joueurs, avec en première ligne le gardien du Wawel Kraków, crient, s’engueulent ou se donnent des consignes, on n’en est jamais vraiment sûr. L’engagement est présent, la tactique beaucoup moins. Les bleus du Wanda évoluent dans un 4-5-1 qui se transforme en 3-6-1 en phase offensive avec un latéral gauche qui se balade au centre du terrain, voire même en ailier droit. Étant donné qu’il a visiblement dépassé la trentaine, inutile de vous dire qu’il est vite fatigué et essoufflé. L’arbitrage est étonnamment très bon, mais un peu laxiste quant aux cartons, ce qui vaut au jeune arbitre d’une vingtaine d’années de se faire copieusement insulter par quelques-uns des 17 spectateurs présents pour ce match.

Étant donné l’absence de toute tactique et tandis que les joueurs ne peuvent pas vraiment compter sur la technique d’un des leurs pour enclencher les prémices d’une action construite, le match n’est qu’une succession de contre-attaques où les actions fusent des deux côtés. La première mi-temps se termine néanmoins par un 0-0 des familles malgré une domination outrancière du Wawel Kraków.

Le match peut alors s’emballer dès le retour des vestiaires. Premier grand moment, un dégagement en corner d’un joueur se solde par la destruction du poteau de corner en trois morceaux. Cinq minutes d’arrêt et une bande d’elastoplast sortie de la trousse à pharmacie sont nécessaires pour reprendre le match. Une minute plus tard, les verts du Wawel ouvrent le score logiquement sur une frappe lointaine, ce qui ne manque pas de frustrer énormément les visiteurs. Ces derniers égalisent une dizaine de minutes plus tard sur un magnifique coup franc d’une vingtaine de mètres pour finir en lucarne opposée. Le gardien grande-gueule du Wawel est crucifié.

Peu de choses changent vis-à-vis de la première période dans le jeu, et c’est dans cette fébrilité ambiante que le Wanda commet une première faute dans sa surface, qui cause le but du 2-1 avec un penalty magnifiquement tiré. Puis une seconde énorme faute, à 80 mètres de son but, entraîne des échauffourées et de nombreuses contestations prenant fin une bonne dizaine de minutes plus tard avec un défenseur central qui craque et en profite pour prendre un rouge direct, les insultes envers l’arbitre n’étant pas à exclure. Le but du 3-1 arrive par la suite et mène les joueurs du Wawel Kraków vers la victoire pour ce premier match de la saison. Une victoire qui pourrait s’avérer déjà cruciale pour ce club en pleine reconstruction.

Si ce n’était pas le match de l’année, il m’aura aussi permis de retrouver l’une des figures historiques du football et plus généralement du sport polonais. Et si le club est aujourd’hui oublié de beaucoup, on espère sincèrement pouvoir le retrouver dans un championnat bien plus prestigieux correspondant bien mieux à son Histoire.

Kévin Sarlat


Image à la une : © Kévin Sarlat / Footballski

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