Un Volgar AstrakhanSokol Saratov, c’est déjà un derby. En effet, quoique séparées par 800km (l’équivalent d’un Paris-­Marseille), à l’échelle russe, les deux villes sont indubitablement proches, coincées en bords de Volga, à la frontière du Kazakhstan ; Saratov un peu plus au Nord, Astrakhan au Sud, sur la mer Caspienne.

A Astrakhan, où va se dérouler ce match, on trouve en ville quelques réclames pour inciter les habitants à se déplacer au stade. Il faut dire que l’équipe performe plutôt bien, avec une belle quatrième place la saison dernière, tristement conclue par un play-off perdu contre l’Anzhi et Yannick Boli, son redoutable attaquant français formé au PSG buteur à l’aller et au retour (3-0, score final cumulé). Mais ces bons résultats ne drainent pas foule au stade, la température accablante n’aidant pas à faire sortir les habitants de leurs appartements climatisés. Il faut aussi dire que si Astrakhan est assez touristique, lesdits touristes (souvent des Moscovites et des Caucasiens) montrent généralement plus d’appétence à la dégustation du caviar ou à la pêche (la Volga étant un spot reconnu mondialement pour son abondance en poissons divers et variés) que pour le football local.

Nous sommes donc mi-juillet et à Astrakhan, région de steppes au climat hostile, il fait près de 40° à l’approche du coup d’envoi. Mi-juillet, une période surprenante pour jouer un match de championnat, mais la D2 russe possède, en plus de certaines particularités de calendrier assez difficiles à appréhender (le Volgar débute, par exemple, par 3 matchs à domicile), la spécificité de commencer très tôt dans l’été (pour bénéficier ensuite d’un long break en hiver). C’est donc pour un match de la seconde journée du championnat que nous nous acquittons des 100 roubles (un gros euro, au cours actuel) requis pour entrer dans le Centralny Stadion.

source: Raphäel Auffret
© Raphäel Auffret / Footballski

Le Centralny Stadion, comme son nom ne l’indique pas, est assez excentré ; pour y parvenir, il sera souvent nécessaire de prendre deux marshrutky. Le stade de 17.000 places n’est pas un chef-d’oeuvre de l’architecture soviétique, mais il est imposant, et possède quelques particularités de construction situées entre l’audace et le kitsch, en témoignent ces portes dont la forme est censée rappeler la flamme du logo de Gazprom.

Car oui, la gargantuesque société d’Etat est le sponsor principal du Volgar. Au point d’avoir longtemps fait partie du nom même du club (FC Volgar Gazprom Astrakhan, de 1995 à 2012). Depuis 2012, le nom historique de FC Volgar, plus sobre, a été repris, ce qui a posé quelques problèmes logistiques (le mot « Gazprom » étant toujours présent sur le logo du club), réglés bien vite par le bon sens russe : Ainsi, sur l’immense logo du club à l’entrée du stade, on a repeint les lettres de « Gazprom » et sa flamme en bleu sur fond bleu, sauf que les peintures n’étant pas du même bleu, l’artifice est grillé et le résultat aussi subtil qu’un coup-­franc de Hulk ou une balade en tank dans les rues de Prague.

Après avoir tendu nos billets à deux policières en tenue de travail (jupe cintrée et talons hauts), nous voilà au stade où, pour quelques dizaines de roubles, on dégustera bien vite quelques semechky (graines de tournesol dont les Russes raffolent) et un kvas glacé, oasis bienvenu dans l’étouffante chaleur ambiante.Un petit passage par la minuscule boutique du club permet de constater que ni maillots, ni tee-­shirts ne sont vendus, car « autrefois on en vendait, mais c’était trop cher et personne n’en achetait. » Le ton est donné. On a donc le choix entre un mug à l’effigie du Volgar, et une écharpe dont la seule vue, par 40°, donne des difficultés à respirer.

Sur le chemin, un journaliste d’une radio locale micro en main, nous pose quelques questions interminables sur le foot en Russie, la vie en France et le terrorisme.

L’ambiance autour du stade est excellente, les Russes dégustent leur chachlik (viande grillée au barbecue) avant de se diriger lentement vers les gradins, le match s’apprêtant à débuter. Sur le chemin, un journaliste d’une radio locale micro en main, nous pose quelques questions interminables sur le foot en Russie, la vie en France et le terrorisme ; l’histoire ne dit pas quand, comment, pourquoi, et sur quelle radio sera diffusée cette interview, mais une chose est sûre, celle-ci risque fort d’être surréaliste.

Enfin, nous voilà assis à nos places. Première constatation : nos places jouxtent les tribunes VIP (qui sont constituées, grosso modo, d’une sorte de terrasse sur laquelle ont été négligemment posés des fauteuils en simili-cuir). Seconde constatation : lesdites tribunes VIP nous cachent une bonne partie du terrain (l’un des quatre angles nous étant tout à fait masqué). Assis à notre gauche, un quadra de type caucasien dont les centres d’intérêt oscillent successivement entre son smartphone et l’identification des 3 zouaves assis en VIP ; à la 8ème minute, sa question « Et le Volgar ils jouent en quelle couleur ? » ne sera qu’un avant-goût de son départ définitif du stade aux alentours de la mi-­temps. Assis à notre droite, un jeune kazakh d’une dizaine d’années arbore fièrement un succédané de maillot des Bleus floqué Griezmann.

Sympa la tribune VIP qui gène totalement la vue | © Raphäel Auffret / Footballski
Sympa la tribune VIP qui gène totalement la vue | © Raphäel Auffret / Footballski

Nous voilà parés pour le match et l’arbitre siffle le coup d’envoi d’une rencontre qui s’avérera rapidement très engagée et assez débridée, ce qui n’était pas gagné au vu de la réputation du Volgar (équipe assez défensive la saison dernière) et surtout de la chaleur étouffante qui laissait plutôt présager un 0-0 accouché dans la sueur et les larmes. Les deux équipes, aux ambitions plutôt élevées pour la saison à venir, cherchent à effacer leurs débuts en demi-teinte, le Volgar étant tombé d’entrée contre Fakel (très bonne équipe également, qui devrait truster le podium cette saison – 1­-2), et Saratov ayant dû partager les points contre la réserve du Zenit (1-1).

Les supporters exultent et entonnent le chant « Volgar vperëd ! tvojei pobedy gorod zhdët », au grand dépit de la dizaine de supporters visiteurs, ayant courageusement parcouru les 800km séparant Saratov d’Astrakhan.

Dans un début de match assez propre techniquement, le Volgar monopolise le ballon, mais Sokol parvient à se créer la première occasion (frappe au-­dessus), puis à obtenir un corner à la 14ème. Parfaitement brossé, celui-ci déstabilise la défense du Volgar et le malheureux Aleksandr Radchenko envoie une praline dans la lucarne de son propre gardien (14′, 0-1). Un comble pour ce jeune numéro 9,  fraîche recrue du Volgar, qui vécut ce soir-là une sale soirée (en plus du CSC, un ballet de contrôles ratés et de passes à contretemps).

Qu’à cela ne tienne, les joueurs du Volgar repartent de l’avant et sur l’engagement, une belle action aboutit à un coup-franc parfaitement placé dans l’axe du but du Sokol. La frappe, à ras de terre plein axe, n’est ni puissante ni précise, mais elle suffit à déstabiliser le gardien qui repousse le ballon devant lui. Une offrande pour Aleksey Sutormin ; l’ailier droit égalise à bout portant (16′, 1-1). Une belle récompense pour le Volgar, qui a dominé le début de match, et pour Sutormin, qui sera ce soir-là le meilleur joueur sur le terrain (technique affûtée, passes précises, belle pointe de vitesse ; peu surprenant de voir qu’en difficulté, c’est toujours vers lui que ses partenaires dirigent leurs passes). Les supporters exultent et entonnent le chant « Volgar vperëd ! tvojei pobedy gorod zhdët » (Allez le Volgar, toute la ville attend ta victoire), au grand dépit de la dizaine de supporters visiteurs, ayant courageusement parcouru les 800km séparant Saratov d’Astrakhan.

La première mi­-temps, pauvre en occasions, mais intéressante en termes de jeu, va consacrer la domination du Volgar. Au milieu Bukia et Dyshekov distribuent les ballons, et les ailiers Sutormin et Skvortsov se démènent pour apporter le danger devant. De nombreuses fois, le ballon traîne dans la surface, mais toujours un pied ou une tête vient sauver le Sokol in extremis. En seconde mi-­temps, le Sokol va revenir avec de bien meilleures intentions.

Monopolisant le ballon, les joueurs de Saratov se procurent plusieurs occasions nettes ; le rapport de forces s’est inversé au milieu. Le Volgar perd son football, au grand dam de ses impatients supporters qui ne tardent pas à faire savoir leur mécontentement. Les joueurs d’Astrakhan procèdent essentiellement par contre­-attaques, et sur l’une d’elles, une superbe action collective sur la gauche du terrain (4 joueurs impliqués, dont 2 jouant à une touche de balle) permet de libérer Skvortsov qui, après un contrôle­-éclair en pleine surface, efface son vis-à-vis d’un coup de reins et croise sa frappe, du pied gauche, dans le petit filet opposé. C’est magnifique, c’est merveilleux, c’est du football, c’est du Footballski (57′, 2-1). L’engouement est total après ce but tout en vélocité et en toucher, Skvortsov l’ailier gauche (à créditer d’un très bon match par ailleurs) enjambe les panneaux publicitaires et fête son but avec une joie ostentatoire. Voilà le Volgar qui mène au score, pour la première fois cette saison.

La fin de match va être difficile. Sous la chaleur, les joueurs souffrent physiquement ; plusieurs interruptions pour crampes et blessures sont à constater. De plus, Sokol n’a pas dit son dernier mot et pousse pour égaliser. Mais les défenseurs du Volgar, héroïques, repoussent toutes leurs offensives, profitant également de la maladresse des attaquants adverses. Le Volgar rate même, dans le temps additionnel, le but du 3-1, lors d’une contre-attaque particulièrement mal jouée à 4 contre 2.

Enfin, l’arbitre siffle la fin d’une rencontre qui voit le Volgar remporter sa première victoire de la saison, sous les applaudissements des supporters. La sono crache « I will survive » de Gloria Gaynor : la boucle est bouclée, les supporters rentrent chez eux avec la satisfaction d’une victoire compliquée, mais plutôt méritée.

Les notes Footballski :

Volgar Sokol

Standing du stade (3/5) :

Un joli stade typique de l’époque soviétique, assez imposant, récemment rénové.

Disponibilité des billets (4/5) :

Au guichet quasi­-uniquement. Le stade étant à 80% vide, vous n’aurez aucun souci pour vous procurer le précieux sésame.

Tarifs (5/5) :

Un gros euro pour une place, difficile de faire mieux.

Ambiance (2,5/5) :

L’ambiance est assez feutrée, mais bon enfant. Une poignée de sexagénaires (probablement habitués) n’hésite pas à passer ses messages directement aux joueurs. Une quinzaine d’ultras se charge de l’ambiance, sans battre des records de décibels, mais avec une palette de chants suffisamment étendue pour forcer le respect.

Risques (4,5/5) :

L’omniprésence policière n’a que très peu d’utilité, le public étant sobre, familial, et peu nombreux.

Accessibilité & transports (3/5) :

Le stade est excentré, quoique bien desservi.

Boissons (3/5) :

Le minimum syndical (kvas et sodas).

Quartier environnant (2,5/5) :

Si la ville d’Astrakhan possède de très beaux quartiers (notamment le centre-ville avec son Kremlin, et les rives de la Volga), le quartier du stade, excentré et résidentiel, ne présente que peu d’intérêt.

Raphäel Auffret


Image à la une : © Raphäel Auffret / Footballski

1 Comment

  1. Greg Hillasort 24 juillet 2016 at 19 h 22 min

    Bien joué Sébastien

    Reply

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