Avec 4 clubs en Synot Liga, chaque weekend à Prague offre son lot de plaisir footballistique – et surtout, de saucisses grillées et de Gambrinus bien fraîche. Pour le retour du championnat après plus de deux mois et demi de pause hivernale, l’excitation se faisait sentir du côté des supporters des Bohemians 1905 et du Sparta Prague, les deux clubs praguois qui auraient l’honneur d’ouvrir le bal printanier du football praguois, en recevant respectivement le Vysočina Jihlava et le 1.FK Příbram. Les supporters du Slavia Prague et du Dukla Prague, les deux autres clubs praguois en première division, devront attendre le week-end d’après pour voir leurs équipes en action, tandis que le seul club praguois de Národní Liga (seconde division), le FC Victoria Žižkov, bien classé dans la course à la promotion, ne reprenait que le dimanche 8 mars.

Un disclaimer important, à ce stade de l’article: le choix du coeur de l’auteur, lors de son déménagement à Prague, s’est aisément porté sur les Bohemians, malgré des couleurs vertes et blanches qui rappelent un peu trop celle d’un certain club du Forez, honni par lui. Pourquoi les Bohemians? Pour l’histoire d’un club fondé en 1905 dirigé aujourd’hui par Antonin Panenka; pour le magnifique logo au kangourou, héritage d’une tournée australienne en 1927 à l’issue de laquelle le club reçut en cadeaux deux marsupiaux qui passèrent une vie paisible au zoo de Prague; pour le stade Ďolíček, situé dans le quartier populaire de Vršovice, et dont certains habitants ont une vue imprenable sur le stade; enfin, pour la rocambolesque histoire autour des droits du nom du club: le vrai Bohemians ayant fait faillite en 2005, le nom et le logo “Bohemians Praha” ont été rachetés par un club alors en 3ème division, le FC Střížkov Prague 9, qui encore aujourd’hui en détient les droits malgré divers recours juridiques intentés par le Bohemians historique, qui repartit la saison d’après en 3ème division sous l’appelation “Bohemians 1905”.

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Vue imprenable sur le stade pour les habitants du quartier

C’est donc sous un beau soleil de fin de journée d’hiver que la saison du Bohemians 1905 reprenait face à Jihlava, un match opposant le 12ème au 10ème (sur 16), deux clubs à 3 et 4 points respectivement de la relégation. Cette perspective, ajoutée à la longue trêve hivernale, annonçait un match tendu.

Aucune des deux équipes ne se libéra véritablement tout au long du match, la faute à un 4-3-3 inefficace et sans imagination des Bohemians, et une solide organisation de Jihlava en 4-5-1, qui sut rapidement se projeter vers l’avant pour mettre les Bohemians en danger. L’ailier gauche colombien Jhon Mosquera ne parvint pas à faire la différence, lui qui a débloqué bien des situations à l’automne dernier – tout au contraire, son replacement laxiste et ses infructueuses tentatives de dribbles poussèrent l’expérimenté latéral gauche Radek Šírl à quelques recadrages bien sentis (et apparemment, pas compris, puisque Mosquera fut remplacé à la 85ème). En fin de match, une fabuleuse frappe venue de l’angle droit de la surface poussa Jaromír Blažek à une parade monumentale, le jour où le gardien fêta un record historique: celui de joueur le plus âgé à évoluer en première division tchèque, à l’âge de 42 ans et 54 jours. Malgré un carton rouge à la 75ème minute et les multiples Bohemians do toho (en avant Bohemians!) lancés par le kop, Jihlava résista jusqu’au bout d’un match soporifique (résumé vidéo), où même le géant slovaque Ivan Lietava, entré en cours de match, ne put rien sur les multiples centres de ses coéquipiers.

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Belle atmosphère créée par les supporters des Bohemians 1905

Dans ce genre de match, il importe que l’atmosphère soit au rendez-vous, ce qui est toujours le cas à Ďolíček. Ce qui constitue l’ambiance d’un stade tchèque? L’inénarrable combo saucisses/bière (passons sur le fait que la Gambrinus ait le monopole de la vente…), quelques images improbables comme le public en fauteuil roulant au poteau de corner, mais surtout un public toujours chaud et des joueurs accessibles et proches de leur public, se promenant avec leur petite fille sur le terrain à la fin du match (comme le fit le capitaine Josef Jindřišek) ou donnant de leur temps pour prendre des photos avec les supporters.

Une réelle proximité entre joueurs et supporters chez les Bohemians
Une réelle proximité entre joueurs et supporters chez les Bohemians

Il est fort à parier que la saison sera longue pour les supporters du Bohemians, pour un club qui enchaîne défaites à l’extérieur et matchs poussifs à domicile (la moyenne anglaise d’Alain Perrin, mais renversée), et que cela donnera lieu à quelques matchs explosifs en fin de saison. Mais le club aura connu bien pire…

De l’autre côté de la rivière Vltava et du classement de la Synot Liga, le Sparta Prague, le club soutenu par une majorité des praguois, reprenait son championnat dans l’anonymité d’un lundi soir en reçevant Příbram, une petite ville à 60km au sud de Prague, dont le club était classé 11ème. Le Sparta ayant été mis sous pression par la victoire de Plzeň la veille, la victoire était impérative pour ne pas se laisser creuser l’écart en tête du championnat.

La Generali Arena, située dans le quartier branché de Letna, à quelques encablures du fameux château de Prague, est un stade bien différent de celui des Bohemians. Rectangulaire, proche des joueurs (on dira “à l’anglaise” pour se faciliter la description), il donne une impression bien différente de Ďolíček: normal pour un club plus populaire et qui joue la Coupe d’Europe (cette année la Ligue Europa, éliminé en phase de poules au profit de Naples et des Young Boys). Toutefois, les fondamentaux sont là, et les saucisses grillent à un rythme effréné et attendent d’être accompagnées d’une Gambrinus moins bien servie qu’à Ďolíček. A peine le temps de profiter des plaisirs et de voler une photo du virage inférieur qu’il fallut s’installer pour ne pas rater le début du match. On notera que la pub est bien plus présente à la Generali Arena…

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Un stade plus moderne côté Sparta…

 

Après 37 minutes de domination inefficace, le Sparta se fit surprendre sur un coup franc détourné dans son propre but par le malheureux Pavel Kadeřábek, devenu titulaire en sélection cette saison. Les sept (oui, sept, on a compté) supporters de Příbram n’eurent toutefois que deux minutes de bonheur, puisque le buteur maison David Lafata remit rapidement les pendules à l’heure. Après avoir bravé les foules à la mi-temps pour confirmer que la Gambrinus du Sparta est moins bonne que celle des Bohemians, le stade se leva à la 54ème minute pour célébrer le retour en prêt de l’enfant star Vaclav Kadlec, dont le temps de jeu avait largement diminué lors de la première partie de saison à l’Eintracht Francfort. Avoir avoir gâché une énorme occasion 30 secondes après sa rentrée, Kadlec se fit pardonner à la 57ème en donnant l’avantage à son club, puis en inscrivant un doublé à la 83ème. Entre temps, Příbram aura tout donné de ses maigres moyens, mais avait aussi été victime entre temps d’un CSC de son défenseur Milan Nitrianský, transfuge du Slavia et qui jouait son premier match pour sa nouvelle équipe. La deuxième mi-temps solide du Sparta marquait le retour réussi de Kadlec au berceau, mais mit surtout en avant les grands écarts de niveau qui existent entre équipes dans la Synot Liga, le Sparta donnant l’impression de faire ce qu’il veut quand il accélère. Le match mit aussi en avant les écarts dans les niveaux des joueurs dans une même équipe, y compris une équipe de haut de tableau comme le Sparta, où Marek Matějovský continue à distribuer comme aux plus belles heures de Reading en Premier League, mais avec autour de lui quelques joueurs brouillons et poussifs.

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Mais des fumis tout de même !

Cela suffit bien évidemment au bonheur du kop du Sparta, rappelé à l’ordre par le speaker et les écrans géants de ne pas hurler d’insultes – avertissement inutile – et de ne pas craquer de fumigènes – là encore en vain. Les joueurs allèrent saluer le kop à la fin du match et rentrèrent vite au vestiaire, tandis que les fans du Sparta se séparaient entre les hospoda de Letna et les divers tramways qui les ramenèrent aux quatre coins de la ville.

Ainsi vont les weekends à Prague, ville folle de foot, où l’attente des championnats du monde de hockey sur glace au mois de mai se fait sentir pour en découdre avec le voisin slovaque, et où les créateurs des affiches de l’Euro Espoirs 2015 ont oublié de mettre une photo de Kurzawa. En attendant le prochain match à Ďolíček, on boira une bonne Pilsner-Urquell en se moquant du controversé Président de la République Milos Zeman.

Martin Michelot

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