Au moment de quitter l’Ukraine après y avoir vécu deux ans et demi, dont une grande partie de cette période dans le Donbass, l’heure est au bouclage de boucles. Quoi de mieux qu’un Dynamo Kiev vs. Shakhtar Donetsk pour boucler cette boucle. Une rencontre pleine de symboles, toujours attendue par les supporters ukrainiens, mais à laquelle je n’avais jamais eu l’occasion d’assister. Et pourtant, ce match me rappelle l’un de mes premiers souvenirs ukrainiens, la dernière manifestation pro Maidan de Donetsk. J’étais à l’avant du cortège avec les ultras du Shakhtar lorsque les séparatistes avaient débarqué avec des barres de fer pour tabasser tout le monde. Quelques jours plus tard, le Shakhtar avait quitté Donetsk pour ensuite rejoindre Lviv.
Le stade Olimpiski a beau être au bout de ma rue, je m’y suis rarement rendu. Le dernier match auquel j’avais assisté m’avait un peu refroidi, le Dynamo Kiev avait affronté Guingamp, en février 2015. Les ultras du Dynamo avaient interrompu le match pour aller tabasser un mec sur le terrain pendant que les stadiers faisaient évacuer les dix supporters guingampais. Nous avions passé le reste du match à nous faire insulter par le public.
Mais cette fois-ci, l’ambiance est nettement plus détendue, la police est présente en nombre, mais les supporters du Dynamo semblent tenir ceux du Shakhtar en respect. Le respect veut aussi dire ne pas faire de cadeaux à l’adversaire sur le terrain comme dans les tribunes. J’assiste au match avec deux amis français, et comme de nombreux spectateurs, nous achetons nos places à l’entrée du stade. C’est une babouchka qui nous vend nos tickets, toute contente de réussir à parler avec des étrangers. À la sortie du métro, des militants du groupe nationaliste Pravii sektor distribuent des tracts, le Shakhtar a beau vivre à l’ouest, la guerre n’est jamais loin.
La météo est dantesque, de la neige, du vent, des températures largement en dessous de zéro. À une demi-heure du début de la rencontre, le parvis enneigé du stade est vide. Mais les ultras, eux, sont au rendez-vous, leur tribune est quasi pleine, et nous sommes assis juste à côté. De l’autre côté du stade, la tribune orange du Shakhtar est plus petite, mais elle aussi pleine. En tant qu’habitués de la galette-saucisse/bière du stade rennais, nous rejoignons nos places, le hot-dog ukrainien/bière de rigueur en mains. À côté de nous, quelques supporters du Shakhtar, quelques familles et beaucoup de jeunes. À deux euros la place, le match est plutôt accessible.
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Le match commence, le Dynamo marque dans les 20 premières secondes. Notre tribune s’enflamme. Dans la minute qui suit, c’est le Shakhtar qui met son but. Leur petite tribune est enfumée par les fumigènes, un drapeau ukrainien est sorti par les supporters pour le symbole.
À quelques rangées de la nôtre, huit soldats prennent place. Sur le terrain, les buts se multiplient, les tribunes disparaissent dans la fumée et les explosions des pétards résonnent fortement, histoire de rappeler quelques souvenirs aux soldats de retour du front.
Le froid est glacial, le vent fait tomber des nuages de neige sur le terrain, les ultras se réchauffent en sautant et en balançant des fumigènes sur le terrain. Le Shakhtar prend l’avantage, les trois supporters du Shakhtar de notre tribune ne s’assoient plus. Les buts s’enchaînent, les supporters du Dynamo crient « Shakhtar enculés. » Sur le terrain, une bagarre éclate entre les joueurs, deux joueurs du Dynamo sont expulsés. Tout ce qui réchauffe les tribunes est bon à prendre et au final on ne se sera pas embêté une seconde pendant ce match.
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Et puis c’est justement la fin du match, 4-3 pour le Shakhtar. Avec 13 points d’avance sur le second du championnat, il n’en quittera plus la tête. Les supporters du Dynamo font la gueule, mais le gardien de l’équipe, Oleksandr Shovkovskiy, annonce la fin de sa carrière (gardien du Dynamo depuis 1993!) et vient signer quelques autographes au pied de la tribune avec ses camarades. Une belle soirée de foot ukrainien !
Paul Gogo
Vous pouvez retrouver Paul sur son Twitter, ainsi que sur son site lacouverturealest.com. Merci à lui pour cet article.
Image à la une : © Paul Gogo