L’Ekstraklasa nous a offert un final haletant ce weekend, ponctuée par un dimanche où stress et suspense se sont déployés sous une avalanche de tifos et de pyros. Retour sur la soirée qui a permis au Legia Warszawa de conquérir son 12e titre national.
Ce dimanche 4 juin, il est 16h quand les premières notes de piano résonnent dans le Park Lazienki. Comme tous les dimanches depuis plus de cinquante ans à Varsovie, un pianiste rend hommage à Frédéric Chopin en installant son piano au pied de la statue du compositeur polono-français, et en y jouant une partie de son répertoire. Le parc Lazienki, voisin du stade du Legia, devient alors un parfait endroit pour récupérer des excès de la veille, allongé dans l’herbe, au son des Mazurkas de Chopin, ces compositions très rythmées destinées à la danse de salon. À 17h, l’orage gronde, c’est l’heure de quitter Chopin pour se diriger vers le stade et un spectacle qui sera nettement moins harmonieux.
À mesure que l’on se rapproche du stade, l’orage se calme et la Zyleta se fait entendre. Les supporters entonnent déjà des refrains de champions mais le plus dur reste à faire. En cas de victoire face au Lechia Gdansk, le Legia sera titré à coup sûr. En cas de match nul, cela dépendra du résultat du match entre le Lech Poznan et Jagiellonia Bialystok, qui peuvent eux aussi être champions à l’issue de cette ultime journée. Enfin, le Lechia, notre adversaire du soir, peut également être champion en cas de victoire et d’un résultat favorable dans l’autre rencontre. Un seul objectif donc pour les joueurs de la capitale : gagner pour ne pas se soucier des autres. Une fois le contrôle de sécurité passé, les ultras de la Zyleta récoltent des fonds auprès de tous les supporters pour les amendes qu’ils vont recevoir après ce match : cela réjouit tout le monde, ça veut dire qu’ils ont prévu un grand spectacle !
Vingt minutes avant le coup d’envoi, le stade est plein à craquer, quelques membres de la Zyleta s’agitent sur le toit du stade laissant deviner un tifo qui se déploiera du toit de la tribune vers le bas de cette même tribune. Encore dix minutes avant le début du combat final, c’est alors que « Sen o Warszawie », l’hymne du club, qui signifie littéralement « Rêve de Varsovie », est entonné par les 30.000 supporters avec une ferveur que l’on n’avait pas entendu cette saison, mis à part peut-être avant le dernier match de Ligue des Champions contre le Sporting Lisbonne. La composition du coach varsovien, Jacek Magiera, est classique et attendue, tandis que le Lechia Gdansk comptera sur Milos Krasic et Rafal Wolski pour prendre à défaut la défense du Legia.
Le tifo est déployé lors de l’entrée des joueurs sur la pelouse et représente un homme avec la vareuse du Legia. Toute sa grandeur jaillit au moment où la tribune entière l’entoure de fumigènes. Le parcage visiteurs est bien garni, les supporters du Lechia sont venus en nombre des bords de la Baltique, en espérant assister à un titre inespéré et inédit.
Le match débute sur un rythme peu élevé, les équipes se jaugent et rencontrent des difficultés à s’approcher du but adverse, Miro Radovic passe le plus clair de son temps hors-jeu et Vadis Odjidja Ofoe n’a pas son rendement habituel pour organiser les offensives du Legia. Finalement, le fait marquant de cette première mi-temps est le second tifo déployé vers la demi-heure de jeu, sur la tribune qui longe la ligne de touche. Le tifo est une citation tirée d’une chanson d’Andrzej Bogucki, « Jak przygoda to tylko w Warszawie », dont le texte rend hommage à Varsovie. Le tout bien évidemment accompagné d’une farandole de fumigènes qui plonge le stade dans le brouillard.
La mi-temps est sifflée, le score est nul et vierge, et le match pas franchement emballant, l’enjeu semblant paralyser les prises d’initiatives offensives des deux équipes. Les supporters commencent à s’intéresser au score du match entre Lech et Jagiellonia, signe qu’ils ne sont pas sereins quant à la victoire du Legia. À la mi-temps de ce match, le Lech Poznan mène 2 buts à 0, score qui convient parfaitement au Legia car il signifie que même en cas de match nul, les joueurs de la capitale seraient champions. Et cela va se voir, informés de ce score favorable sur l’autre pelouse, les joueurs du Legia ne vont pas accélérer en 2e mi-temps, malgré quelques situations dangereuses. À la 70e minute, l’international polonais Slawomir Peszko reçoit un carton rouge pour une agression sur Vadis Odjija Ofoe, on pense alors que le Legia va forcer son destin et enfin inscrire ce but qui soulagerait toute une ville.
Il n’en est rien, le Legia ne parvient pas à marquer, et l’on apprend que Jagiellonia est revenu à 1-2 face au Lech Poznan en fin de match. Il reste trois minutes d’arrêts de jeu quand nous apprenons que le Jagiellonia a égalisé face au Lech Poznan. Les dernières minutes à Varsovie sont un joyeux bordel, les joueurs du Legia jouent la montre tandis que Jacek Magiera, le coach varsovien, est proche de la crise de nerfs en voyant Jedrzejczyk prendre tout son temps pour effectuer une touche, visiblement pas au courant de l’égalisation de Jagiellonia. Si le Legia ne gagne pas et que Jagiellonia parvient à s’imposer, alors le titre reviendra aux joueurs de Bialystok.
Autre facteur important dans cette fin de championnat insoutenable, avec un match nul entre Jagiellonia et Lech Poznan, il suffit d’un but et d’une victoire aux joueurs du Lechia Gdansk pour être champions. La fin du match est sifflée sur un 0-0 à Varsovie, il faut maintenant attendre la fin du match entre Jagiellonia et Lech Poznan, et dix minutes d’arrêts de jeu sont annoncés. Probablement les dix minutes les plus longues de la saison pour les supporters et les joueurs, regroupés sur le terrain avec les téléphones portables dans la main pour contrôler l’évolution du match qui se joue à Bialystok. Après ces quasi dix minutes de souffrance, de rumeurs lancées dans les tribunes sur un but inscrit par Jagiellonia, le speaker finit par annoncer la bonne nouvelle et le titre est enfin officiellement acté. La folie s’empare alors des joueurs et des supporters, qui envahissent le stade pour saluer leurs héros.
La soirée sera longue dans le centre de Varsovie. Malgré la pluie, le cortège des supporters se dirigeant vers la vieille ville est impressionnant, on vide les stocks de fumigènes sur l’avenue Nowy Swiat, le tout dans une ambiance festive, avec des enfants en poussettes émerveillés par le spectacle pyrotechnique. Le cortège s’arrête une première fois pour enfiler l’écharpe du Legia au cou de la statue de Kopernik, tradition immuable après chaque titre du Legia, avant de se diriger vers la place du château, entrée de la vieille ville et lieu de rassemblement traditionnel des soirs de victoires.
La saison du Legia s’achève donc sur une bonne note. Malgré des difficultés évidentes depuis le départ des deux buteurs Nikolic et Prijovic cet hiver, les joueurs de Magiera ont su aborder les matchs importants de la meilleure des manières pour parvenir au titre. Suite à un début de saison très moyen qui a vu l’entraineur Besnik Hasi se faire licencier après deux mois de compétition, les supporters ont chanté à la gloire de Magiera, ancien joueur du club qui a su remettre l’équipe sur de bons rails, en coupe d’Europe comme en championnat. Dans le cœur des supporters du Legia, le héros de cette saison ce n’est personne d’autre, et la légitimité qu’il a pu acquérir depuis son arrivée sur le banc devrait permettre à Magiera de voir la saison prochaine sous de meilleurs auspices.
Milos Leclère
Image à la une : © Milos Leclere / Footballski