Passé par Gueugnon et Tours, Xavier Tomas est l’un des nombreux Français à avoir choisi la Grèce pour s’épanouir footballistiquement, d’abord à l’Olympiakos Volos puis à l’APO Levadiakos. Entretien.

Comment et où as-tu débuté le football ?

Je suis né dans l’Ain, à Nantua. J’ai commencé le foot à l’âge de 5 ans, dans un tout petit club qui s’appelait le FCCV, le Football Club de la Combe du Val. C’est un petit club familial, où mon père était président. Toute la famille y était, et je les accompagnais tous les week-ends donc, indirectement, j’ai mis le pied à l’étrier assez rapidement.

Tu as commencé défenseur dès le départ ?

À l’époque, quand tu étais grand, tu allais derrière. Les plus petits et les plus rapides, eux, allaient devant. J’ai tout le temps joué défenseur central depuis ma tendre enfance. Mais bon, c’était un poste que j’aimais bien, et ça ne m’empêchait pas non plus de marquer quand on jouait à sept. Les terrains étaient assez petits, et j’avais déjà une bonne frappe. Ça me permettait de marquer tout en défendant, ce que j’aime aussi.

Un peu plus tard, te voilà à Gueugnon. Comment ça s’est fait ?

J’arrive par le biais d’un prof de sport, qui avait une connaissance là-bas. Il connaissait le préparateur physique. Il m’a dit : « Écoute, franchement, tu as le potentiel pour intégrer un centre de formation. » Il commençait à y avoir des clubs qui me suivaient, mais début janvier, je suis parti faire un test, et Gueugnon m’a recruté tout de suite. J’ai eu d’autres sollicitations, mais bon, j’avais donné ma parole juste après ce match, et je ne me voyais pas revenir dessus. J’ai donc atterri là-bas et ça s’est super bien passé. Je suis arrivé en U15 Nationaux, et j’ai fini par intégrer l’équipe pro assez jeune.

Tu fais notamment ton premier match de L2 à 18 ans.

Le premier match, je m’en souviendrai toujours. C’est un truc qui marque. J’étais avec la réserve, et je m’entraînais avec eux. C’était veille de match pour les pros, et puis il y a eu la blessure d’un joueur. Du coup, on m’appelle en catastrophe, on me dit qu’on décolle pour Montpellier dans une heure et demie, et qu’il fallait que je prenne mes affaires pour y aller. Moi, je ne me suis pas posé de question. Je pensais que j’allais commencer sur le banc. J’entendais que ça discutait par rapport au fait que j’allais sûrement débuter, mais je n’y prêtais pas forcément attention, et ça me permettait aussi de ne pas trop avoir la pression. Deux heures avant le match, le coach Thierry Froger dévoile l’équipe. J’ai vu mon nom sur le tableau. Je n’ai pas trop cogité, j’y suis allé et ça s’est super bien passé. On a fait un match nul au final.

Tu as aussi connu quelques sélections en équipe de jeunes, avec la France, à cette période.

Ouais, j’ai fait une sélection avec les U17 juste avant les championnats d’Europe. On s’est fait éliminer par l’Espagne, à l’époque. Moi, je suis d’origine portugaise, et ma première sélection tombe contre le Portugal, là-bas. C’était assez bizarre, toute ma famille du Portugal était venue me voir, pour la petite anecdote.

Ensuite, direction Tours. Quels souvenirs gardes-tu de ces trois années ?

Ça a été trois années au top, parce que Max Marty a repris le club en tant que manager général, et il a ramené que des jeunes. Pour te les citer, tu as Laurent Koscielny, Olivier Giroud, Sigamary Diarra, Fatih Atik. On avait une très bonne équipe, on avait tous entre 21 et 23 ans. On arrive en National, l’équipe vient de descendre et on remonte direct en Ligue 2. L’année d’après, on rate de peu la montée en Ligue 1, on fait un 0-0 à la maison contre Montpellier, et si on avait gagné, il ne nous aurait fallu plus qu’un point pour monter. Finalement, Montpellier passe devant et monte en Ligue 1. C’étaient de belles saisons. Après, j’avais envie de quelque chose de plus exotique on va dire (rires).

On tombe contre le PSG qui vient d’être racheté par les Qataris, avec Pastore et compagnie qui venaient d’arriver. Moi, ça m’a fait direct kiffer. Mais deux ou trois jours après, on nous annonce qu’on est disqualifié. Le gouvernement, à l’époque, fait descendre le club en 4e division, mais rien n’a été jugé ou quoi que ce soit.

Comment s’est déroulée ton arrivée en Grèce ?

J’attendais des offres de France, mais ce qu’il y avait n’était pas ce que je recherchais. Arrive l’offre de l’Olympiakos Volos, et je ne cherche même pas à comprendre. C’était quelque chose d’assez bien, j’ai demandé des infos avant. Le club venait de monter en première division. Ça s’est fait assez rapidement et finalement, on a fait une super saison. On fait les playoffs et on va en Europa League. Pour la deuxième année, on avait commencé depuis deux mois avec une préparation, on passe les deux premiers tours éliminatoires, et arrive le tirage au sort du troisième. On tombe contre le PSG qui vient d’être racheté par les Qataris, avec Pastore et compagnie qui venaient d’arriver. Moi, ça m’a fait direct kiffer. Mais deux ou trois jours après, on nous annonce qu’on est disqualifié. Le gouvernement, à l’époque, fait descendre le club en 4e division, mais rien n’a été jugé ou quoi que ce soit. C’est une décision qui a été prise par le gouvernement, pour notre président Beos, que tu dois connaître (rires). Il était dans des affaires un peu louches. Là, on était à la fin du mercato européen, et il ne restait que le marché grec, plus deux ou trois autres pays. Le contrat, de toute façon, était résilié puisqu’on est descendu en 4e division. Je pars à Levadiakos, où on fait la meilleure saison du club en Superleague en finissant à deux points des playoffs, mais on ne se qualifie pas. On avait fini 6e.

Je passe de la Ligue 2 où, bon, les gens sont plus spectateurs que supporters dans l’âme. Ils viennent voir les matches, mais… En Grèce, tu sens la ferveur. Tu te promènes avec ta famille, t’es arrêté à tous les coins de rue. Tu veux payer ton addition au restaurant, et ils te disent : « Non non, c’est pour moi ».

Pour revenir sur Volos, comment expliques-tu ce succès ?

Ça me faisait penser à la saison de Tours, où, plus tard, il y a eu des éclosions de certains joueurs. Il y avait les Grecs, avec de très bons joueurs, comme Zaradoukas qui est parti à l’Olympiakos après, mais le pauvre n’a pas trop joué parce qu’il s’est fait les croisés. Il était en feu à cette époque-là. On avait aussi la base des meilleurs joueurs qui étaient montés. Et puis, pour schématiser, le groupe était divisé en trois : les Grecs, les Argentins et un Espagnol, puis le reste du monde. C’était un bon mélange, de qualité. On savait où on voulait aller. Il y avait un engouement dans la ville, parce qu’on a eu de bons résultats tout de suite. Quand tu commences à en faire, il y a du monde dans le stade. Moi, franchement, ça me faisait kiffer. Je passe de la Ligue 2 où, bon, les gens sont plus spectateurs que supporters dans l’âme. Ils viennent voir les matches, mais… En Grèce, tu sens la ferveur. Tu te promènes avec ta famille, t’es arrêté à tous les coins de rue. Tu veux payer ton addition au restaurant, et ils te disent : « Non non, c’est pour moi ». Ce sont des trucs que tu ne vois jamais, et je pense que cet engouement-là a aussi fait que la mayonnaise a pris. Et ça a duré jusqu’à la fin.

On tape le Pana chez eux, l’AEK aussi. C’étaient de gros clubs. C’étaient, et ça l’est encore, mais il y avait Cissé/Boumsong au Pana, il y avait du joueur quoi. Ce n’était pas non plus une équipe de rigolos. On ne se posait pas de questions, et on prenait les matches comme ils arrivaient. Après, j’aurais bien voulu voir notre équipe, parce qu’on était encore plus fort la deuxième année, avec le coach Javi Gracia, qui est actuellement à Malaga. Avec lui, on avait commencé une préparation et franchement, on avait encore quelque chose à faire. Mais on ne pourra jamais le savoir. On prenait aussi les équipes par surprise, je pense, par notre qualité de jeu et celle d’aller vite de l’avant, parce qu’ils ne prêtaient pas trop attention à nous, vu qu’on venait de monter. Ils s’inquiétaient plus de l’Olympiakos, du Pana, de l’AEK et du PAOK que de l’Olympiakos Volos. C’est un peu comme Leicester, à une échelle différente. Ils ont fait un truc, et je pense que les grosses cylindrées ne vont pas se faire torcher face à Leicester facilement l’année prochaine. Ils vont les analyser plus qu’une grosse équipe.

Au niveau du cadre de vie, hors football, c’était comment ?

Volos, c’était nickel. Je ne te cache pas que Levadia, c’était un peu plus compliqué. Mais on était à 1h – 1h15 d’Athènes, et j’ai pas mal de potes là-bas, ça restait bien. Mais Volos, j’ai vraiment aimé. C’est une ville de 80.000 habitants à peu près, avec un port qui est magnifique. Tu as des petites îles à 1h30 de bateau, comme Skiathos, c’est super. La Grèce, en cadre de vie, ce n’est vraiment pas mal. Ma famille a vraiment aimé, et j’y retournerais sûrement pour voir mes amis.

Par rapport à la relégation pour cause de matches truqués, comment on gère ça quand on est joueur ?

Tu te sens impuissant face à ça, déjà, parce que tu n’es pas dedans, ni quoi que ce soit. Ça a été dur à encaisser, c’était difficile. On est resté trois semaines, même un mois, à attendre les décisions des différentes juridictions. Même le TAS, tout ça. Tu attends, mais tu vois que ça ne sent pas bon. Tu t’entraînes, mais tu ne sais pas. C’est très bizarre.

Au niveau de l’équipe, c’était difficile. Tout le monde se regardait, on ne savait pas où on allait aller.

Surtout que c’est une accusation assez grave.

Oui, c’est contraire à l’éthique sportive, et à la mienne aussi. On sait tous qu’il peut y avoir des matches truqués, mais nous, ça nous est tombé dessus. On ne pensait pas une seconde que c’était lié aux joueurs, c’était sûr. Après, bon, pour le petit truc, le président a été mis en examen par rapport à des affaires qui datent de quatre ans avant la saison. Ça n’était pas du tout frais. Nous, on savait qu’on n’avait rien à voir là-dedans. Mais au niveau de l’équipe, c’était difficile. Tout le monde se regardait, on ne savait pas où on allait aller.

En tout état de cause, au niveau de Marinakis et de l’Olympiakos, quand tu vois l’effectif qu’ils ont et quand ils jouent en Ligue des Champions, je ne pense pas qu’il y ait de corruption. Le niveau où ils sont en Europe, ça remet les points sur les i pour beaucoup de personnes, non ?

Quand on parle de la Grèce et de son foot, la corruption revient souvent, notamment en ce qui concerne Marinakis. Tu dirais que c’est plutôt du fantasme ou de la réalité ?

On lui attribue beaucoup de choses, mais avec tout ce qu’on dit… Je pense que quand un président et une équipe gagnent, cela fait aussi des jaloux. Est-ce qu’il y a ou pas corruption ? Ça, je ne peux pas te le dire. Mais tu as vu la finale de la Coupe, voilà quoi. S’il était si fort que ça… Ils ont perdu la coupe. Il faut relativiser. Je pense qu’il y a eu, par le passé, sûrement de la corruption, parce que les affaires ont été menées jusque devant la justice. Mais après, de mettre une étiquette « le football grec = corruption », c’est un peu compliqué. Indirectement, les joueurs sont touchés, surtout les étrangers comme moi qui sont allés en Grèce. Peut-être que l’on m’attribue une étiquette quand je vais rentrer en France, du genre : « Le championnat compte pour du beurre, c’est de la corruption ». Il faut arrêter. En tout état de cause, au niveau de Marinakis et de l’Olympiakos, quand tu vois l’effectif qu’ils ont et quand ils jouent en Ligue des Champions, je ne pense pas qu’il y ait de corruption. Le niveau où ils sont en Europe, ça remet les points sur les i pour beaucoup de personnes, non ?

Tu penses quoi des propos de Djibril Cissé, qui disait, entre autres, ne pas lutter à armes égales face à l’Olympiakos lors de son passage au Pana ?

Dans mon cas, je n’ai pas eu ce sentiment-là. Après, il y a certains joueurs… Je me rappelle très bien du match, cet Olympiakos-Panathinaïkos. Et c’est vrai que je ne te cache pas, sur ce match-là… C’était quand même gros, et je comprends tout à fait. Tous les joueurs sont là pour gagner, et ça peut vraiment foutre les boules. Je rejoins parfaitement Djibril, surtout si j’avais été sur le terrain avec lui. C’est quand même bizarre, j’étais devant la télé, et je me suis dit : « Bon, quand même, c’est un peu gros » (rires).

Sportivement, tu pars donc à Levadiakos. Tu voulais rester en Grèce, ou tu n’as pas eu trop le choix ?

Après Volos, le marché était fermé sur l’Europe. Je ne pouvais même pas revenir en France. Il n’y avait que des championnats où ils avaient laissé quinze jours de plus, comme la Grèce, ou d’autres comme la Russie où ils reprennent plus tard. Le président de Levadiakos me voulait absolument, il poussait pour m’avoir, et je n’ai pas trop cherché, parce que bon, en même temps, si j’avais dit non, je ne sais pas ce qui aurait pu m’arriver. J’ai accepté assez vite, et on a commencé à jouer direct. Mais ça s’est super bien passé, on avait une bonne équipe aussi.

Quand je vois les jeunes dans les centres de formation, quand ils arrivent dans des équipes premières, ou même des joueurs qui sont en France depuis toujours, ils se plaignent beaucoup sur certaines choses. Ils n’ont jamais goûté l’étranger pour savoir ce que c’est vraiment.

En Grèce, les effectifs sont assez cosmopolites. Ça se passe comment au niveau du dialogue et de l’adaptation ?

Je suis d’origine portugaise, donc la langue latine, j’arrive à comprendre. Il n’y avait que des Argentins à Volos, donc indirectement, je me suis mis à l’espagnol. Et je le parle peut-être mieux que le portugais maintenant. Dans tous les clubs, je parlais tout le temps espagnol. J’ai aussi appris l’anglais de manière plus soutenue, parce qu’on ne va pas se cacher, mais ce qu’on apprend à l’école en France, ça ne va pas nous aider plus tard. Il faut aller à l’étranger pour l’améliorer.

Au-delà des langues, il y a l’ouverture d’esprit. En France, on est dans un cocon. Quand on est en Grèce ou ailleurs, le monde est différent. Il faut savoir jouer des coudes, parce qu’en France, on a tout ce qu’on veut. Quand je vois les jeunes dans les centres de formation, quand ils arrivent dans des équipes premières, ou même des joueurs qui sont en France depuis toujours, ils se plaignent beaucoup sur certaines choses. Ils n’ont jamais goûté l’étranger pour savoir ce que c’est vraiment. C’est vraiment enrichissant pour la vie future aussi, on rencontre pas mal de gens. On peut voir que les personnes vivent différemment le football que la France.

Quand je l’ai vu, là, au chevet de ma fille, j’ai eu un respect vis-à-vis de lui par rapport à ça. Ce sont des choses de la vie qui comptent.

Tu as retrouvé à Levadiakos un président avec une réputation sulfureuse : Giannis Kobotis.

Une réputation sulfureuse, oui. Je lui ai dit direct : « Je sais votre réputation, on verra dans l’année si ça se confirme avec moi ». On avait une relation d’homme à homme, vraiment. On a beaucoup parlé. Et c’est vrai que quand on a des discussions comme ça, les choses sont vraiment différentes. J’ai vu vraiment sa personnalité le jour où, pendant un match, ma fille était vraiment malade. On a dû la transporter à l’hôpital en urgence. Ils m’ont informé de ça tout de suite après le match, et je suis parti direct. Ce jour-là, il est arrivé avant moi là-bas. Juste après le match, il a pris sa voiture. Quand je l’ai vu là-bas, on s’est regardé et bon, il y a des choses qui ne trompent pas dans la vie. Quand je l’ai vu, là, au chevet de ma fille, j’ai eu un respect vis-à-vis de lui par rapport à ça. Ce sont des choses de la vie qui comptent. Après, on a toujours eu une relation nickel, et encore maintenant, j’ai des nouvelles de lui. Il veut que je revienne, mais bon, on verra plus tard.

Ça contraste avec l’interview assez virulente d’Olivier Kapo après son passage au club.

J’étais avec lui, quand il est parti, lors de la deuxième saison. Il clashe pas mal au niveau de l’interview. Après, chaque joueur est différent. Il a eu une mésaventure avec le club et le président. Je comprends tout à fait sa position. Quand tu n’es pas payé et quand on te prend pour de la merde… Bon, c’était quand même Olivier Kapo. On a fait une préparation ensemble, on discutait beaucoup. C’est vrai qu’Oliv’, il a eu du mal à encaisser, et quand il est parti, il a lancé un missile. Je peux te dire que ça l’a déstabilisé, le président. Parce que bon, c’était son image qui était pris pour cible, mais peut-être que ça lui a fait du bien aussi. Je comprends la démarche d’Olivier. L’interview était corsée. Franchement, si c’est vraiment le cas, les menaces vis-à-vis de la famille… c’est quelque chose de dingue. On est là pour jouer au foot, et ça a pris des proportions énormes. Après, je n’étais pas là pour dire oui ou non. Mais moi, je n’ai jamais eu de problèmes avec ce président-là. Tant mieux, parce que sinon, j’aurais dit la vérité. Je ne suis pas là pour être langue de bois ou quoi que ce soit.

La relation entre un joueur et son président est primordiale en Grèce, peut-être plus qu’ailleurs ?

Oui, exactement. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’à l’étranger, le boss, c’est le président. Dans les papiers du coach, et tout, c’est bien. Mais si tu n’es pas bien avec le président, tu vas galérer, parce qu’il fait ce qu’il veut. En France, les présidents on les voit peut-être un peu moins au bord des terrains, un peu moins gueuler. L’image charismatique d’un président en France, pour moi, c’est Louis Nicollin. C’est dans ce sens-là. Des mecs de poigne, qui gèrent leur club de A à Z. En Grèce, c’est un peu cette image-là.

Sportivement, tu réalises deux saisons pleines. C’est ce que tu voulais ? Tu as senti une progression ?

J’avais progressé, oui. Économiquement, la Grèce commençait à se casser la gueule, et je sentais que ça changeait, donc c’était peut-être le moment de repartir. J’attendais des offres de France, ou d’ailleurs, mais surtout de France. J’avais la petite qui allait naître. C’était assez compliqué de revenir en France quand tu es passé par la Grèce parce qu’indirectement, je pense qu’on a des étiquettes. En fait, Max Marty me rappelle. Tours avait un début de championnat catastrophique, avec un point en cinq journées et une défaite à l’extérieur 3-0 à Châteauroux. Il m’appelle et il me dit : « Tu viens, je t’attends demain à Tours ». Donc, je reviens super content, parce que c’est une ville et une équipe dirigeante que je connaissais. Le club était dernier quand j’arrive, en même temps que Pascal Bérenguer et Bryan Bergougnoux. On finit milieu de tableau en fin de saison et j’avais signé un contrat 1+1 en cas de maintien. On avait fait le job, tout le monde était content. On devait rempiler pour une saison, et puis le président vend le club. Ça s’est mal passé pour moi.

Nouvel investisseur, nouveau coach, nouveau manager général. La préparation se passe bien, on attaque les amicaux de prépa, et je fais mes matches. Dernier match, je ne joue pas. Je me dis que ça commence à sentir le roussi. Ça s’est confirmé : je n’ai pas joué du tout. Ça a été une saison très, très difficile. Je pense avoir fait mon job, j’ai toujours été professionnel, je n’ai jamais carotté ni quoi que ce soit. J’en veux au coach de ne pas m’avoir mis. J’ai l’impression que c’était un peu une omerta, parce que je sortais d’une saison pleine, où j’étais l’un des leaders défensifs. On n’a pas fait de recrue, donc je me suis dit qu’en cours de saison, en cas de coup de moins bien, j’allais pouvoir intégrer le truc. Et non… Après je ne sais pas qui a pris la décision de ne pas vouloir me mettre.

Ça a continué toute la saison, c’était un véritable crève-cœur de ne pas pouvoir aider mes coéquipiers, mais au-delà de ça, j’ai perdu une saison. C’est compliqué pour réintégrer le circuit après, quand tu passes une saison à ne pas jouer. Tout le monde disait : « On le connaît, c’est un bon joueur, mais il n’a pas joué cette année ». Ce n’est pas comme si tu étais blessé, ou quoi que ce soit. Pas mal de personnes vont se poser des questions au niveau de mon état d’esprit. Là, le président de Levadiakos me rappelle et la chose était claire dès le départ : je voulais faire le maximum de matches pour remettre le pied à l’étrier. Il m’a donné cette chance-là, et j’ai pu tous les faire, à part un ou deux où il voulait que je me repose. Cette saison pleine m’a permis de me relancer dans le circuit, et de démontrer tout ce que je sais faire.

Sportivement, ce fut un peu plus difficile que ta première saison à Levadiakos.

Elle a été très difficile, oui, parce qu’il n’y avait pas de super résultats. En plus, le coach qui était en place a eu beaucoup de tension avec des joueurs. Pour ma part, non, mais ça a créé une atmosphère détestable, celle des clubs qui n’ont pas de résultats. Ça a été difficile de remettre en selle tout le monde. Après, le coach Mantzios est arrivé et il a vraiment redonné un nouvel élan. Ça nous a fait du bien, jusqu’à la fin, d’avoir un entraîneur qui a su remobiliser tout le groupe. Sur la fin de saison, c’était plus sympa. Après, à la fin de l’année, à part si j’avais une bonne proposition d’un bon club de Grèce, je pensais avoir fait le tour de ce championnat. Ça m’intéressait moyennement de rester une saison de plus ici.

Comme tu le dis, tu en as fait le tour. Tu en penses quoi de ce championnat, réputé très hétérogène ?

Tu as les grosses cylindrées, comme tout le monde le sait. T’as les clubs qui sont susceptibles de faire un coup, comme l’AEK qui est arrivé cette année avec un président qui réinjecte et redynamise le championnat. Je pense que c’est la meilleure des choses qui soit arrivée pour le football grec. Ensuite, la suprématie de l’Olympiakos s’explique par le fait qu’ils veulent des résultats en Ligue des Champions, donc ce sont presque des matches d’entraînement pour eux en Superleague face à certains clubs. Derrière, tu as un championnat avec des équipes comme le PAOK, le Pana qui, à l’heure actuelle, traverse une phase un peu difficile, et puis des autres clubs, comme l’Asteras, qui arrivent à faire des parcours en Europa League et se qualifier pour des trucs sympas. Et après, tu as le reste. Donc j’avais fait le tour de tout ça, si c’était pour re-signer dans ces équipes-là… J’ai eu des demandes, mais sportivement, ça ne m’intéressait pas. Et puis je voulais voir autre chose, hors Grèce et hors France, parce que je m’éclate à l’étranger.

Si tu es passionné un minimum, au niveau de ton métier et du football, tu kiffes le football grec. […] Il y a des matches où tu rentres sur le terrain avec des frissons. Tu as une tribune qui est pleine de fumigènes. Bon ok, ce n’est pas bien, la fédération n’aime pas, mais quand tu es joueur, ça te fait dresser les poils. Tu as envie de tout arracher.

On voit arriver beaucoup de joueurs français de National ou de Ligue 2. Comment expliques-tu cela ?

On ne vit pas la même ferveur, déjà. Parce que si tu es passionné un minimum, au niveau de ton métier et du football, tu kiffes le football grec. Maintenant, il y a un peu moins de monde dans les stades, mais c’est toujours énorme. Les ambiances et tout… Moi je me rappelle à Volos, il y a des matches où tu rentres sur le terrain avec des frissons. Tu as une tribune qui est pleine de fumigènes. Bon ok, ce n’est pas bien, la fédération n’aime pas, mais quand tu es joueur, ça te fait dresser les poils. Tu as envie de tout arracher. Les joueurs viennent aussi pour se montrer, parce que tous les matches sont télévisés et indirectement, tu peux te faire voir par des gros clubs, tu peux vite exploser. Djamel Abdoun, je m’en rappelle, avait signé à Kavala à l’époque. Il est allé à l’Olympiakos derrière, et ce n’est pas le même délire. Donc bien sûr que ça peut être un super tremplin. C’est un bon championnat. Après, il peut y avoir des mésaventures sur le plan financier, certains joueurs ne sont pas rémunérés. Là, c’est plus compliqué.

Il faut être fort mentalement ?

Ouais. Si tu es faible, s’ils le sentent, je pense qu’ils peuvent te bouffer. C’est la vérité. Mais c’est propre au caractère de chacun. S’ils sentent que tu as une faiblesse, ils vont appuyer dessus. Certains, en tout cas.

Tu suis encore tes anciens clubs en Grèce ?

À Volos, je connais beaucoup de monde encore, des gens qui y habitent. Mais au niveau du club, tout est parti en fumée. C’est vraiment désolant de voir, à l’heure actuelle, comment évolue le championnat de deuxième division grecque. L’Olympiakos Volos a abandonné en milieu de saison parce qu’ils n’avaient plus d’argent. Je me mets à la place des supporters, de ceux qui aiment le foot, c’est très compliqué.

Avec tes trois saisons en Superleague, certains joueurs te demandent des conseils avant de venir ?

Il y a des équipes à éviter, je ne le cache pas. Mais des joueurs m’ont demandé conseil, comme mon pote Stéphane Darbion qui a signé à l’Olympiakos Volos quand on était qualifié pour l’Europa League. Il m’avait demandé pas mal de trucs, et je lui ai bien dit ce qu’il fallait faire quand tu signes ton contrat, et les erreurs à ne pas commettre. Je pense que maintenant encore, il doit me remercier (rires). Il est parti avec un bon chèque pour un mois et demi.

Maintenant, tu joues dans le championnat israélien. Ça se passe comment ?

Ça se rapproche plus de la Grèce que de la France. Il y a pas mal de supporters, c’est sympa, et tu as des grosses cylindrées comme le Maccabi Tel-Aviv, Beer-Sheva, ou le Maccabi Haïfa. On a de très belles installations, neuves pour la plupart. Au niveau du jeu, c’est plus fin que la Grèce, ça joue peut-être un peu plus, parce que le championnat est un peu plus homogène. J’ai vraiment pris du plaisir cette année. Là, j’arrive en fin de contrat, donc on va voir ce qui se présente à moi. J’ai encore fait une saison pleine, avec pas mal de buts à la clé. On a gagné la Coupe, aussi. Un bon moment, on a bien kiffé. On a eu, lors de la préparation de la finale, huit matches dans le mois de janvier, et on a perdu des points bêtement, du coup on ne s’est pas qualifié pour les playoffs, ce qui était l’objectif primordial du club. Aux dépens de la coupe, on est passé à côté au niveau du championnat. On a terminé premier de la deuxième partie de tableau.

Sinon, la vie est top. Moi, j’habite en banlieue de Tel-Aviv, à un quart d’heure du centre. Je me plais vraiment, ma famille aussi. Pour mes enfants, on a trouvé une école française, parce qu’il y a pas mal de Français ici. C’est un plus qui n’est pas négligeable. Je vais voir pour l’année prochaine, je ne ferme aucune porte. J’ai pris goût à l’Israël, malgré qu’on puisse mettre une grosse étiquette en France. On en revient à ça, on est très étiquette en France, en disant : « Israël, les bombes et compagnie ». La sécurité est au top, parce qu’ils font ce qu’ils font. Je ne veux pas rentrer dans des histoires politiques, ni quoi que ce soit, parce que ce n’est pas mon domaine, mais on se sent plus en sécurité ici, parce qu’ils prennent leurs précautions, qu’en France.

Le président était un peu caractériel. Il a pris une chaise, il a explosé une vitrine dans le couloir des vestiaires. Régulièrement, au carré VIP, sa table partait dans les tribunes quand on prenait un but.

Si tu avais deux ou trois anecdotes sur ton passage en Grèce à raconter, ça serait lesquelles ?

Je peux écrire un livre avec toutes les anecdotes. Je me rappelle qu’une fois, on faisait match nul à la mi-temps, avec l’Olympiakos Volos. Et le président était un peu caractériel. Il a pris une chaise, il a explosé une vitrine dans le couloir des vestiaires. Régulièrement, au carré VIP, sa table partait dans les tribunes quand on prenait un but. Ce sont des choses qu’on ne voit pas forcément en France. Moi, ça me fait marrer, mais ça peut choquer certains.

Sinon, la préparation en Italie, lors de la première année, était juste énorme. Ils avaient reçu un appel de Monaco pour faire un match amical. La veille, on avait fait un petit tournoi avec une mi-temps contre la Lazio et une autre contre une équipe de Série B. Le lendemain, le président nous annonce qu’on va jouer à Louis II. Nous, on était en stage en Italie, et on se disait que ce n’était pas possible. Mais si. Ils se sont débrouillés, et on est parti en bus. On a pris l’avion à Venise, ou un truc comme ça, pour arriver à Cannes. De là, on est allé à Monaco, où on a pu dormir un petit peu avant de jouer le match. Après, j’avais un pote qui était venu nous voir, et le président voulait absolument aller au casino. Il voulait quelqu’un pour l’accompagner, et c’est un de mes potes qui l’a fait. C’était un délire (rires). Les anecdotes sont souvent liées aux présidents. Je peux t’en raconter pas mal encore. Avec tout ce qui se passe en Grèce, tu as des trucs de fou. C’est juste énorme.

La sécurité de l’aéroport a dû péter les plombs. Il y avait, de l’aéroport au centre d’entraînement, un quart d’heure de route. Le nombre de motos qui nous suivaient avec des écharpes, les voitures, c’était juste énorme. Si tu aimes le foot… Ce sont des images qui seront gravées à jamais pour moi.

Sinon, j’imagine que ce premier match européen de l’histoire du club, à Belgrade, doit être un grand souvenir.

C’était l’Europa League, et on est fait pour aller dans des trucs comme ça. Moi, très honnêtement, j’ai la mort de ne pas la retrouver cette année. C’est mon objectif, et je ne l’avais dit à personne. Dans le coin de ma tête, ça trottait. Je pensais que c’était un bon championnat et une bonne équipe pour le faire. Mais c’est vrai que Belgrade, c’était quelque chose. On a gagné 1-0 là-bas. Au retour, la sécurité de l’aéroport a dû péter les plombs. Il y avait, de l’aéroport au centre d’entraînement, un quart d’heure de route. Le nombre de motos qui nous suivaient avec des écharpes, les voitures, c’était juste énorme. Si tu aimes le foot… Ce sont des images qui seront gravées à jamais pour moi. Volos, ça a pris une grosse partie de ma carrière. J’ai de très très bons souvenirs de cette époque-là.

Un grand merci à Xavier Tomas pour sa disponibilité

Martial Debeaux / Tous propos recueillis par M.D


Image à la une: © levadiakosfc.gr

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