Formé à Troyes, Salimo Sylla a connu les joies d’un titre de champion de Ligue 2 en 2015 avec son club formateur. Mais, faute de contrat pro, il a tracé sa route à Auxerre, puis à Saint-Trond, avant de débarquer à Xanthi en 2017. Dans ce petit mais sérieux club grec, il a petit à petit fait son trou. Entretien.

Tu es né à Châlon-en-Champagne. Comment en es-tu venu au football ?

Simplement. J’ai commencé le foot à Sézanne, où j’habitais avec ma famille, avant d’habiter à Paris. J’ai démarré là-bas jusqu’à mes treize ans, avant de partir en pré-formation à Troyes.

C’était quelque chose de naturel pour toi le football ?

Au début, je faisais du basket jusqu’à neuf ans, mais je pratiquais le football avec mes amis, au quartier. Après, j’ai changé.

À treize ans, qu’est-ce qui a fait que Troyes t’a repéré ?

Dans mon club amateur, j’étais au-dessus du lot. Et Troyes m’a repéré. Je pouvais aller au CREPS de Reims, où j’avais passé des tests, mais mon père ne pouvait pas m’emmener. Donc je suis allé à Troyes.

Par rapport à là où tu es originaire, ce n’est pas très loin, non ?

C’est à 50 minutes de Reims, et aussi de Troyes. C’est entre les deux, en gros. Je pouvais faire les deux, mais mon père ne pouvait pas m’y emmener.

Que représentait cet éloignement pour toi à l’époque ?

C’est la première fois que j’étais éloigné de ma famille et de mes amis, oui.

Quels souvenirs gardes-tu de cette époque ?

Un bon souvenir. J’ai appris beaucoup de choses, notamment en étant seul.

À quel moment tu as su que ça devenait vraiment sérieux ?

Quand j’ai intégré le centre de formation, et que les entraînements étaient plus poussés. Que chaque année, il y avait des joueurs qui partaient, qui venaient. La sélection était plus difficile.

Comment es-tu arrivé jusqu’aux pros ?

Quand j’étais en U19 Nationaux, j’ai commencé à m’entraîner avec le groupe pro, avant d’intégrer progressivement la réserve. J’ai mis longtemps à définitivement l’intégrer. Au moins deux ans. Je faisais les entraînements dans la semaine, mais je revenais tout le temps avec la réserve le week-end.

Comment as-tu géré cette impatience ?

J’étais impatient, parce que j’étais pratiquement toujours avec eux, mais pas dans le groupe, dans le vestiaire. Je m’entraînais avec la réserve, et le matin, on me disait que j’allais m’entraîner avec le groupe pro. C’était un peu chiant.

L’équipe première tournait bien à ce moment là, en plus…

Ouais, elle tournait très bien même. J’ai commencé à m’entraîner avec le groupe pro quand l’équipe est montée en Ligue 1, avec la génération Enza Yamissi, Obbadi, tout ça.

Et si je te parle du 24 avril 2015, ça t’évoque quoi ?

Je ne sais pas si ce n’est pas mon premier match. C’est ça, contre Nancy ! Ca s’était bien passé individuellement, parce que j’avais fait un bon match, mais collectivement, on avait perdu 2-0.

Sur cette fin de saison, tu avais un peu enchaîné les matchs…

On a eu des blessés derrière. J’ai commencé à jouer, et à faire des bons matchs. Donc j’ai continué à rester dans le groupe et à jouer, surtout que c’étaient les matchs les plus importants de la saison. On est monté en Ligue 1 après.

Comment était Jean-Marc Furlan en tant que coach ?

Un coach qui aime le beau jeu. C’était assez facile de parler avec lui. Si tu avais envie de discuter, tu pouvais aller dans son bureau et le faire. Il était assez ouvert.

Ce titre de Ligue 2, c’est l’un de tes plus beaux souvenirs ?

Oui. D’avoir participé à la montée, et d’avoir fini champion…

Pourtant, l’été qui suit, tu pars à Auxerre. Pourquoi ?

Troyes ne m’a pas fait de proposition de contrat professionnel, donc je suis parti.

La manière reste un regret pour toi ?

Oui, un petit peu, parce que j’aurais voulu signer pro dans mon club formateur. En plus, j’avais participé à la montée, en faisant de bons matchs. Je n’ai pas trop compris. Mais, maintenant, je suis passé à autre chose, parce que ça remonte.

Qu’est-ce qui t’a convaincu à Auxerre ?

C’était assez facile, parce qu’ils m’ont proposé de signer pro, tout en me garantissant du temps de jeu si j’étais bon. J’ai fait 30 matchs, ça s’est bien passé. Et quand j’ai eu le choix de signer à Auxerre, Xanthi m’a appelé en 2015. Mais je ne me sentais pas prêt pour aller en Grèce. J’avais une meilleure proposition d’Auxerre. J’avais une progression à faire, je n’avais fait que cinq matchs en Ligue 2.

De l’autre côté de la défense, il y avait Ruben Aguilar. Es-tu surpris par sa progression ?

Non, parce que c’est un joueur qui se donne toujours à fond. Il avait de grosses qualités, donc je ne suis pas surpris de sa progression et de ce qu’il fait actuellement. Je pense qu’il peut aller en équipe de France, s’il continue de travailler.

Après cette saison, tu pars en Belgique. Comment s’est effectué ce départ ?

Mon agent a eu une proposition de Saint-Trond, et Auxerre, à ce moment là, avait recruté Baba Traoré, qui partait pour jouer latéral gauche. J’ai eu une bonne proposition, qui me convenait.

Et en D1 Belge, en plus…

Oui, c’était un échelon au dessus, un bon niveau. Je le voyais comme un tremplin, comme une progression.

Dans les faits, comment ça s’est passé ?

J’ai bien commencé la saison, en faisant de bons matchs face à Anderlecht ou au Standard. Après, j’ai fait quelques erreurs qui m’ont coûté ma place. Et puis, je n’ai plus rejoué, sauf une fois en Coupe. Je trouve ça dommage.

Ça été dur mentalement pour toi ?

Je n’étais pas le seul dans l’équipe à ne pas jouer, on était plusieurs Français dans ce cas. Mais c’était une situation difficile. Si le coach changeait, ça pouvait tourner. Mais je savais qu’il allait rester jusqu’à la fin de la saison, et j’avais confiance en mes qualités. La direction a préféré négocier un départ. Et de là, Xanthi m’a appelé. J’y suis allé.

Comment s’est passé ce transfert ?

J’étais un peu plus ouvert, parce qu’il y avait Khassa Camara qui était au club. J’ai parlé avec lui, et il m’a dit du bien du club. Je ne connaissais pas grand-chose. J’ai tapé sur internet pour savoir comment était le stade, j’ai regardé quelques matchs.

Tu avais joué avec Khassa avant, non ?

J’étais avec lui en réserve et dans le groupe pro à Troyes. C’était un gros avantage de le retrouver. S’il n’était pas là-bas, je ne sais pas si j’y serais allé.

En arrivant sur place, qu’est-ce que tu as trouvé ?

La ville m’a surpris, parce que c’est petit et tranquille, mais une belle petite ville. Les installations sont bonnes, avec deux terrains, un jacuzzi, un sauna. Franchement, ça va. J’ai joué deux semaines après mon arrivée.

Est-ce que ce nouveau cadre te changeait beaucoup par rapport à ce que tu avais connu ?

Un petit peu, mais pas trop, parce que les installations sont bonnes. À Saint-Trond, j’habitais dans une ville où il n’y avait pas grand-chose. J’ai été un peu perdu au niveau de la langue, parce que je ne parlais pas anglais, et le grec, c’est trop dur. J’apprends un petit peu, je connais quelques mots… Khassa m’aidait beaucoup au début.

En terme de coach, tu avais Razvan Lucescu lors de ta première saison. Quel type de coach c’est ?

C’est un très bon coach. C’est l’un des meilleurs avec lequel j’ai travaillé. Ce qui en fait un bon coach ? Sa connaissance du foot. Ce qui change de la France, avec les coachs étrangers, c’est la tactique. En Grèce, j’ai beaucoup travaillé cet aspect là par rapport à Auxerre et à Troyes. Je ne suis pas surpris de le voir réussir au PAOK. Parce que ce qu’il faisait déjà avec Xanthi… Il gagnait contre les gros clubs, en finissant sixième la première année, tout en étant deuxième en janvier, avant que je n’arrive.

Xanthi est un club réputé pour bien fonctionner, et payer à l’heure. Tu confirmes ?

Khassa m’avait dit que c’était réglo par rapport aux paiements, qu’il ne fallait pas que je m’inquiète. Et je n’ai pas été étonné. C’est l’inconvénient de la Grèce. Avant de signer, je pensais à ça, savoir si j’allais être payé. Et à Xanthi, je n’ai pas de problème.

Comment s’est déroulée cette première moitié de saison quand tu es arrivé ?

Elle s’est bien passée. Quand je suis arrivé, mon premier match était contre le PAOK, un mercredi. Et le dimanche, encore contre le PAOK ! J’ai fait de gros matchs, contre Panathinaïkos ou encore le PAOK chez eux. J’ai été content, ça s’est bien passé.

As-tu été surpris par le niveau du championnat grec ?

C’est difficile de juger le championnat, parce qu’il y a de grosses équipes comme le PAOK, l’AEK, l’Olympiakos ou le Panathinaïkos, mais après, celles qui luttent pour le maintien, c’est bas de tableau Ligue 2, voire National.

À l’été d’après, comment as-tu vécu le changement de coach ?

Au début, je l’ai bien vécu, parce que je me suis dis qu’il allait redistribuer les cartes, et que ça allait bien se passer. Mais je n’ai pas joué pendant les six premiers mois, où j’étais sur le banc, avec quelques rentrées pas à mon poste.

Tu as su pourquoi ?

Ils ont recruté un Espagnol, Jorge Casado, pour le faire jouer à gauche, et le coach ne me faisait pas jouer car, je pense, il n’aimait pas trop mon profil. Je n’ai pas pensé à partir. J’ai continué à travailler, je n’ai pas lâché. Et je savais que j’allais avoir ma chance. Je l’ai eue, j’ai fait un bon match, j’ai continué, et je ne suis plus sorti du groupe.

© Capture d’écran Ziggo Sport

Tu avais retrouvé ta vitesse de croisière dans le club après ?

Ouais, je m’y plaisais. J’ai fait une bonne deuxième partie de saison, j’étais content de mes matchs.

Dans ces effectifs, il y a toujours beaucoup d’étrangers. Est-ce que tu as développé d’autres qualités en dehors du terrain ?

Franchement, oui. Côtoyer d’autres nationalités, d’autres cultures footballistiques… Sofiane (Khadda, un autre Français) est arrivé au mois de juillet. C’est toujours bien d’avoir des Français dans l’équipe. On n’était que deux, là on est trois. On est souvent ensemble. Il a eu des questions, des doutes. Je l’ai un peu conseillé.

Comment juges-tu cette première partie de saison, plutôt intéressante d’un point de vue individuel et collectif ?

Avant de rencontrer les trois gros, à savoir PAOK, AEK et Olympiakos, on était vraiment bien au classement. Le calendrier a fait qu’on a joué ces trois matchs à la suite, et sur neuf points, on en a perdu huit. Ce mois a été un peu difficile. Individuellement, j’ai bien commencé la saison. J’ai joué les sept premiers matchs, avant de me blesser bêtement en Coupe et d’être arrêté un mois. C’est dommage, parce que j’avais tout joué.

Est-ce qu’il y a la place pour finir cinquième cette année ?

Je pense qu’il y a la place, si on est régulier dans la performance. Mais ça dépend de nous. Erik Jendrisek a bien commencé la saison devant, il a une petite panne en ce moment mais s’il continue comme ça, il va faire une bonne saison. L’entraîneur (Milan Rastavac) aime qu’on reparte de derrière, aime jouer au ballon et n’aime pas qu’on balance. C’est un jeune coach. Il est proche de nous, on peut discuter facilement avec lui. Je trouve ça bien.

Vous avez aussi quelques jeunes pas mauvais. Comment trouves-tu le niveau des joueurs grecs ?

Il y a beaucoup de bons jeunes dans le championnat. Mais il y a des progrès à faire. Ici, à Xanthi, ils signent cinq ans, alors qu’en France ce n’est pas comme ça. Il y a beaucoup de différences dans la manière dont les jeunes sont gérés. C’est plus facile de signer pro en Grèce. Dans les équipes de bas de tableau, c’est difficile pour eux de jouer, car ces formations jouent le maintien et préfèrent s’appuyer sur des joueurs expérimentés. Mais, cette année, le Panathinaïkos a fait confiance aux jeunes. Et ils en ont de bons.

Dimitrios Meliopoulos ? Il a de bonnes qualités, mais ça dépend de lui. S’il bosse et qu’il écoute les joueurs expérimentés, le coach… Il a des qualités, mais il est un peu fou fou.

Comment vois-tu le championnat cette saison ?

Je pense que le PAOK va être champion, parce qu’ils ont un effectif de qualité, et ils le démontrent chaque semaine qu’ils sont au dessus du championnat. L’Olympiakos, il leur manque un petit truc pour être à ce niveau. Mais ils sont pas mal.

Toi, personnellement, quel objectif te fixes-tu ?

Faire le maximum de matchs, et surtout des matchs de qualité. C’est assez regardé la Grèce. Et ça va vite : si un joueur fait des bons matchs dans un petit club comme Xanthi, par exemple…

Qu’est-ce qui t’as le plus plu dans la vie grecque depuis ton arrivée ?

La météo ! Franchement, ce n’est pas mal. Là, on est au mois de décembre, et il ne fait pas froid en journée. Les stades, c’est pas mal aussi, notamment quand tu affrontes le PAOK ou l’Olympiakos. Le stade est plein, les fans chantent. Je trouve ça bien.

Tu as aussi la nationalité sénégalaise. Est-ce que tu as la sélection dans un coin de la tête ?

Je n’ai pas assez de visibilité à Xanthi. Si je veux prétendre à la sélection, je dois jouer dans un meilleur club, et faire des meilleurs matchs. Ils regardent partout, mais je pense que déjà je dois progresser, et évoluer dans une plus grosse équipe.

Comment envisages-tu l’été qui arrive, avec la fin de saison ?

C’est un peu loin. Je suis en fin de contrat, donc je ne sais pas encore comment ça va se passer l’année prochaine. Je me projette pas trop, je préfère être concentré sur les matchs qui arrivent et faire une bonne deuxième partie de saison.

Si tu devais ressortir une anecdote depuis que tu es en Grèce, ce serait quoi ?

Le code de la route. Ils sont un peu bizarres ici. Tu vois des motos sans casque, tout ça.

Martial Debeaux (tous propos recueillis par MD pour Footballski)


Image à la Une © Xanthi

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