Footballski a pu s’entretenir avec Ousmane Coulibaly, défenseur de Platanias, en Grèce, passé notamment par le Stade Brestois. Entretien.
Tu es né à Paris, c’est là que tu as commencé le foot ?
Je suis de Mantes-la-Jolie, dans le 78. Du coup, j’ai commencé au FC Mantois, à l’âge de 13 ans. Avant, je faisais de l’athlétisme, et ensuite je me suis converti au football. J’y ai joué jusqu’à 17 ou 18 ans, avant de partir à Guingamp. Là bas, j’ai fait un an avec la CFA, tout en m’entraînant souvent avec les pros, et j’ai fait deux matches avec eux. Ensuite, j’ai signé à Brest, parce qu’ils me proposaient mieux. Et j’y suis resté cinq ans, avant de venir en Grèce.
Tu suis encore le club de Mantes ? Ce n’était pas mal cette année en Coupe de France.
Oui, ils sont sortis contre Nantes, en faisant un très bon match même s’ils ont perdu 1-0. C’est un club que je suis toujours. Ma famille est toujours là-bas. Beaucoup d’amis à moi aussi y jouent encore.
À quel moment tu es devenu latéral ?
Quand j’étais jeune, on va dire que j’étais attaquant, comme tout le monde. J’étais buteur. Je jouais d’abord dans l’axe, puis sur le côté. Au fur et à mesure, je suis descendu. Milieu droit, et ensuite latéral. J’ai joué à tous les postes, à peu près. Sauf gardien.
Ta vraie formation début à Brest, ou tu es arrivé pour directement jouer avec les pros ?
Mon premier contrat pro, c’était à Brest. J’ai été pris avec l’équipe première, prêt pour jouer avec les pros. Mais le club fait une très bonne saison, donc j’ai fait une saison blanche. On était en Ligue 2, et on est monté. Je ne pouvais pas espérer jouer, parce qu’il y avait une très bonne équipe en place. Mais j’ai été patient, j’ai continué à travailler, et ils m’ont prolongé parce que j’étais sérieux. J’avais fait le dernier match, ça avait été concluant pour eux. Ensuite, petit à petit, j’ai commencé avec la Ligue 1, et la Ligue 2.
Tu en gardes quoi comme souvenirs ?
J’ai fait pas mal de matches, et j’en garde de très bons souvenirs, même si je n’avais pas joué la première année. Déjà, la première année en Ligue 2 quand on est monté, c’était magnifique. C’était ma première année en pro. Ensuite, quand on est arrivé en Ligue 1, pff… Avec les stades pleins, c’était vraiment un grand changement avec les caméramans qui venaient. Un changement de vie, quoi.
Là aussi, tu suis toujours le club ?
Oui, toujours, vu que j’ai des amis qui y jouent encore, comme Falette, Hartock. Donc je suis, normalement.
Et après Brest, tu signes en Grèce. Comment cela s’est fait ?
J’étais en fin de contrat, je sortais d’une très bonne saison. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais j’espérais avoir mieux. J’étais sûr de moi, même s’il ne faut jamais l’être. Je pensais que j’allais trouver mieux, minimum une Ligue 1 ou à l’étranger, en Espagne ou en Angleterre. Il y avait des clubs, ça parlait, mais à la fin, il n’y avait rien du tout de concret.
Je voulais absolument voir l’étranger. Je voulais quitter la France.
Platanias, j’imagine que tu ne connaissais pas forcément.
Franchement, je ne connaissais pas du tout. Ensuite, on m’en a parlé, et je me suis renseigné un petit peu. J’ai réussi à avoir un joueur qui jouait là-bas. Je ne sais plus comment il s’appelle, mais c’était un Français. Il m’avait dit que du bien de là-bas. Du coup, j’ai tenté ma chance.
Tu avais peur de partir de l’inconnu ?
Je voulais absolument voir l’étranger. Je voulais quitter la France pour ça. Mais après la Grèce, franchement, c’était un championnat que je connaissais, mais vaguement. Juste les gros clubs comme le Pana, l’Olympiakos, avec l’histoire qu’ils ont et tout ça. Platanias, je ne connaissais pas du tout (rires).
Tu voyais ce départ comme un tremplin ? Tu avais pris conseil un peu avant d’y aller ?
Je me suis dit : « si je vais là-bas, autant tout donner et j’espère que ça va être un très bon tremplin pour accéder aux grands clubs d’ici ou l’étranger. » Oui, je m’étais renseigné là-dessus. On m’avait dit que ce club-là était très sérieux. J’ai eu confiance, et ça s’est bien passé. Il y a quelques retards, mais ce n’est pas exagéré, on va dire.
Le cadre de vie, en Crète, n’est pas trop mal…
C’est excellent, même. Tout l’été, notamment. Arrivé l’hiver, il n’y a plus trop de touristes, donc toutes les boutiques ferment. Mais heureusement qu’il y a une ville à côté, Chania. Elle est ouverte toute l’année, ça bouge un peu, donc ça va. Au niveau du cadre de vie, il n’y a rien à dire.
Le fait d’arriver en même temps que d’autres francophones t’a aidé ?
On va dire que c’est eux qui m’ont un peu motivé, parce que je les ai appelés avant d’arriver, et ils m’ont que les installations et la vie ici étaient bien. J’ai pris conseil auprès d’eux, et ils m’ont dit que ça allait le faire. Ils m’ont beaucoup aidé, parce que c’était la première fois pour moi que je partais à l’étranger. Je n’ai pas fait beaucoup de clubs, je sortais de 5 ans à Brest, donc ce n’était pas évident de changer. Là, j’ai changé carrément de pays (rires). J’avais un petit peu peur de l’adaptation. Mais ça s’est fait très très vite.
Ça a changé quoi pour toi ?
La mentalité, le football, tout change. Le cadre de vie, aussi. La langue, même si ici ils parlent beaucoup anglais. Je me débrouille un peu de ce côté-là. Et comme il y avait déjà quatre Français, qui étaient déjà habitués de l’étranger donc ils parlaient bien l’anglais.
Ta première saison à Platanias correspondait à ce que tu voulais ?
J’ai fait une très bonne saison. Ce n’était pas évident, parce que j’avais raté un peu la préparation. Je suis arrivé au milieu. Moi, pour être vraiment performant, il faut que je commence dès le début, comme la deuxième année. Là, j’ai fait toute la prépa, et j’étais au maximum. J’ai fait une très bonne saison, et je suis fier de moi.
Au niveau de la découverte de ce foot là, tu en as pensé quoi ?
(Il hésite). C’est moins tactique, on va dire. Moins technique, aussi. Le niveau n’est pas pareil, en France c’est un peu plus élevé. Mais ça va, ce n’était pas mal. C’est entre la Ligue 1 et la Ligue 2. Il y a cinq-six grands clubs qui jouent bien, qui ont un bon niveau. Après, les autres, c’est un petit moins élevé. J’ai aimé, j’ai découvert autre chose. C’est bien de faire ça, parfois.
Beaucoup de coachs et de clubs ont parlé sur notre équipe, en disant qu’on était l’une de celles qui jouaient le mieux au ballon.
Comment as-tu jugé les transferts entre les deux saisons ?
Ils ont fait un très bon mercato. Ça nous a permis de faire une très bonne. On a frôlé les play-offs pour l’Europe, ce qui aurait été historique pour ce club-là.
Vous êtes aussi l’équipe qui a fait deux nuls cette année contre l’Olympiakos, en mettant fin à leur série de victoires.
Dans ce championnat-là, beaucoup de coachs et de clubs ont parlé sur notre équipe, en disant qu’on était l’une de celles qui jouaient le mieux au ballon. C’est la vérité, parce qu’on a fait une très bonne saison, en jouant bien. Ce qui nous a fait perdre des points, c’est que l’on n’a pas été réaliste devant le but. On ratait beaucoup d’occasions, sinon je pense qu’on aurait pu jouer dans les 5 premiers si on avait eu un top attaquant. Même si les nôtres sont très bons, c’est juste qu’on a eu un peu de mal. Comme on est un petit club, c’est un peu difficile d’attirer de grands joueurs.
Ce n’est pas passé loin. Quelles étaient les clés pour les embêter ?
On menait 1-0, mais une fois qu’on avait ce score, on défendait, on restait bas. On sait que ça ne peut pas tenir très longtemps sans s’en prendre un quand on subit beaucoup. C’est ce qui est arrivé, sur une petite erreur de concentration on s’est pris un but. Le match nul n’est pas démérité.
Le fait qu’ils soient champions aussi vite, ça t’inspire quoi ?
Pour le championnat, ce n’est pas une bonne chose, parce que c’est bien quand c’est un peu plus serré, avec un peu plus de suspens. Cette année, ils étaient vraiment au-dessus de tout le monde. Mais je pense que l’année prochaine, ça ne sera pas la même chose. L’AEK est revenu, et le Pana va essayer de faire une grosse équipe. Ça sera un peu plus difficile pour tout gagner.
Vous ratez les play-offs cette année, en terminant 9e. Mais finalement, vous n’êtes qu’à 5 points de la qualification…
Ce n’est pas passé loin, oui. On a eu le match nul contre le PAOK (0-0, le 17 avril) là, si on gagnait on pouvait espérer quelque chose. Il y a aussi un match où je n’ai pas pu être, vu que ma femme était enceinte, et je pense que ça a un peu pénalisé l’équipe. Ils étaient partis jouer contre le dernier, ils ont perdu 2-1 là-bas, à Kalloni. C’était là le tournant du championnat, on va dire. Si on gagnait celui-là, je pense qu’on pouvait faire un truc.
Le Panionios a aussi montré, cette année, que les « petits » peuvent faire quelque chose dans ce championnat.
Ouais, quand on voit Panionios, l’Asteras, même s’ils ne feront pas l’Europe… Ça tourne. Je pense que ces petits clubs-là peuvent faire quelque chose. Ça commence à être assez équilibré, à part les équipes du top 3 comme l’AEK, l’Olympiakos et le Pana.
Tu as passé la barre des 50 matches en Super League. Avec le recul, tu en penses quoi de ces deux ans ?
Sur un plan personnel, ça ne peut que me faire progresser. Plus on joue, plus on a de l’expérience. Et ça m’en a donné beaucoup. Maintenant, je suis un garçon ambitieux, et j’aimerais trouver un plus grand club, pourquoi pas dans un plus grand championnat. Revenir en France, par exemple, peut être en Ligue 1. Ou l’Espagne, l’Angleterre … on ne sait pas.
Tu sais si tes performances sont suivies ?
Oui, je pense qu’elles le sont un petit peu, quand même. Mais bon, après, c’est un peu compliqué la Grèce au niveau de la visibilité. Si on veut, on peut comme on dit. Si la personne veut vraiment savoir la saison que j’ai faite, c’est passé à la télé donc ils pourront toujours trouver les vidéos.
J’aimerais voir ailleurs. Je suis plus dans cette optique-là que de rester ici.
Tu es son contrat jusqu’en 2017. Tu as envie de continuer, ou de voir autre chose ?
J’ai envie de tourner la page, déjà. Le club, aussi, aimerait vraiment me vendre, parce que pour eux ça serait une bonne chose. Si je reste, je partirais libre. Donc pour moi et pour eux, ça serait bien que je parte cet été.
Tu espères autre chose que la Grèce, ou un gros club d’ici te ferait réfléchir ?
Oui, ça me ferait réfléchir. J’ai une proposition de l’un des gros clubs grecs, mais j’aimerais aussi voir ailleurs. Je suis plus dans cette optique-là que de rester ici. Après, on ne sait pas. Le destin, on ne peut pas savoir (rires). Qui aurait cru que j’allais finir en Grèce après ma saison à Brest ?
Ce n’était pas ton plan de carrière ?
Non, ça ne l’était pas. Mais j’ai quand même appris beaucoup de choses. Je ne le prends pas mal, donc on reste positif. Et ce n’est pas fini encore.
La Grèce fait aussi progresser en dehors du terrain, non ?
Avec les problèmes qu’il y a ici, ce n’est vraiment pas évident. Avec la crise, tout ça. Mais on garde la tête sur les épaules, et ça va aller. Quand on sait qu’il y a des gens qui vivent ici, et que c’est vraiment compliqué pour eux, on ne va pas se plaindre. Nous, on sait qu’un jour on va retourner dans notre pays. On ne restera pas dans la crise.
Parlons un peu de la sélection. Quels objectifs tu as avec le Mali ?
Déjà, de se qualifier pour la Coupe d’Afrique. On est premier du groupe, il reste encore deux matches. Ensuite, pourquoi pas essayer de la gagner (rires). Minimum une finale, ça serait bien. Il y a une bonne équipe, je pense qu’on peut faire quelque chose. Mais on ne sait pas… On va tout faire pour en tout cas. Moi, personnellement, j’essaierais d’être titulaire déjà, faire le maximum de matches, tout donner pour le pays.
On voit que beaucoup de sélections africaines se développent, progressent.
C’est de plus en plus dur. Aucun match n’est facile, c’est très compliqué. Même si vous allez jouer dans un pays qui n’est vraiment pas connu, il faut rester concentré. Surtout nous, les joueurs européens, ce n’est pas facile de s’adapter au climat. En Afrique, il fait des températures proches de 40°, et il faut s’adapter assez vite.
Votre saison est finie. Le championnat grec a cette particularité de finir assez tôt…
Elle est finie cette année ouais. Plus tôt que prévu, parce qu’ils ont enlevé deux équipes. On a joué à 16 au lieu de 18. En plus, au mois de janvier, on a enchaîné tous les trois jours. Ça s’est terminé assez tôt, le 17 avril. Avec l’euro, je savais que ça allait finir tôt, mais là c’est vraiment très tôt (rires). Mais bon, on continue à se maintenir, on fait des entraînements. On a encore jusqu’à mi-mai. Pour moi, ça me sert à me maintenir vu que j’ai la sélection. Ça va, j’ai de la chance.
Quel est le championnat qui te fait rêver ?
Ce qui me fait rêver ? La Super, euh, la Premier League (rires). Tous les joueurs aimeraient y jouer. Franchement, c’est un championnat qui m’attire beaucoup. Peut-être qu’un jour, j’y jouerais, peut être pas. En tout cas, c’est mon rêve.
Au niveau des ambiances en Grèce, tu as apprécié ?
Je suis un petit peu déçu par rapport à ce que j’ai entendu, et ce que j’ai vu. Je pensais que les stades étaient un peu plus remplis. C’est un petit peu vide, vraiment vide même. Les vraies ambiances, c’est vraiment quand y’a les derbys, comme Olympiakos-Pana, ou AEK-Pana par exemple. Les gros matches. Chez nous, il n’y a pas beaucoup de public, parce que c’est une ville touristique, avec même pas 3.000 habitants, donc remplir un stade, c’est compliqué.
Est-ce qu’il y aurait des joueurs de Super League que tu conseillerais à des clubs français ?
(Il hésite). Franchement, je ne sais pas. À l’Olympiakos et tout, peut être, mais ce sont des joueurs qui ont déjà joué dans de gros clubs. Chez nous, il y a deux trois joueurs qui peuvent peut être espérer jouer en France.
Ce serait qui ?
Milunovic, c’est un très bon joueur, avec une grosse technique. J’aime beaucoup. Y’a « Oggi », aussi (Ognjen Gnjatic). Lui, c’est le milieu défensif. Et il y a aussi notre attaquant, l’Espagnol Angulo. Il a déjà joué à Cannes en plus, il m’avait parlé de ça.
Martial Debeaux / Tous propos recueillis par MD
Image à la une : © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP/Getty Images