La nomination récente d’Oliver Schlegl à la tête de la ligue de football professionnelle lettone (plus communément appelée Virsliga) a de quoi étonner. Cet allemand de 49 ans est devenu le premier étranger appelé à diriger une ligue professionnelle de football en Europe. Et pour Footballski nous l’avons rencontré et on va donc pouvoir vous expliquer pourquoi c’est sa candidature qui a été retenue.

Oliver bonjour et merci de prendre le temps de nous recevoir malgré les nombreuses autres sollicitations (Kicker, Sport Bild…). Avant toute chose, pourriez-vous nous présenter votre parcours atypique et les raisons qui vous ont poussé à présenter votre candidature à la direction de la Virsliga ?

Effectivement, je n’ai pas un profil standard et ma carrière professionnelle a pas mal évolué dans le temps. En fait, j’ai longtemps travaillé dans le domaine de l’aviation, chez « Lufthansa Germany » pour ne rien vous cacher. Parallèlement à mon job, j’arbitrais le week-end en quatrième division allemande. Cela a duré 17 ans puis un jour de 2007 j’ai été contacté par la compagnie aérienne lettone « Air Baltic » pour un poste à responsabilité au sein de la direction. C’est donc comme ça que j’ai découvert la Lettonie et j’ai ensuite naturellement commencé à m’intéresser au football local lorsque mon emploi du temps me le permettait.

Un jour de 2009, une compagnie aérienne basée au Koweït me contacte et me propose un contrat de 18 mois financièrement difficile à refuser. J’ai donc accepté l’offre et j’ai dû quitter Riga à contrecœur avec l’espoir d’y revenir un jour. Chose qui s’est produite fin 2010, une fois mon contrat en péninsule arabique terminé. J’ai alors travaillé pendant près de trois ans en tant que consultant Freelance dans le domaine de l’aviation avec différentes compagnies aériennes à travers le monde jusqu’à la crise qu’a connue le domaine de l’aviation dans les années 2012-2013.

Au printemps 2013 j’ai donc décidé de passer les concours FIFA nécessaires à l’obtention d’une licence d’agent et j’ai alors débuté une tout autre carrière professionnelle, bien plus en adéquation avec mes centres d’intérêt. Toujours depuis la Lettonie, j’ai officiellement tout d’abord travaillé avec l’agence allemande Starkick avant de rejoindre une autre agence allemande SPOCS. De par mon travail, j’ai rapidement tissé des liens forts avec les différents acteurs du football letton (présidents de club, joueurs, directeurs sportifs, représentants de la fédération, agents…) et j’ai commencé à m’intéresser au problème structurel du développement du football letton.

Et en fin d’année 2016, lorsque le président de la Virsliga de l’époque (Emils Latkovskis ; On a discuté avec Emils Latkovskis, président de la ligue professionnelle lettone) m’a fait part de son intention d’arrêter, j’ai décidé de franchir le pas et à nouveau de donner une nouvelle  direction à ma carrière en présentant ma candidature.

Vous mentionnez le « problème structurel du développement du football letton », qu’est-ce que vous entendez par là ? Pourriez-vous me faire part de votre constat ?

Disons que le postulat de départ, c’est d’améliorer le classement FIFA (111ème sur 209) ou UEFA (41ème sur 55) de la Lettonie et que pour cela il y a beaucoup à faire, à bien des égards : infrastructure, formation, méthode d’entraînement, professionnalisation des clubs…

Le football enseigné en Lettonie est d’un autre âge et je pense qu’une remise en question s’impose, comme nous l’avions fait en notre temps en Allemagne après les échecs de la Coupe du Monde 1998 et de l’EURO 2000.

C’est un sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire et à débattre tellement c’est intéressant, mais disons que d’une manière générale, le pays n’a que très peu évolué depuis sa qualification à l’EURO 2004 si on le compare à d’autres fédérations. Je pourrais par exemple citer l’Islande qui a récemment fait sensation à l’EURO 2016 en France et qui est un pays aux caractéristiques comparables à la Lettonie : météo capricieuse, pays peu peuplé… La Lettonie souffre de la comparaison avec un pays qui a su développer son football avec :

  • Le développement de ses infrastructures avec la construction de plus d’une dizaine de terrains entièrement couverts, permettant la pratique décente du football pendant les douze mois de l’année.
  • L’avènement de plusieurs écoles de football dans lesquelles on insiste sur la formation des jeunes talents de demain. En Lettonie, seul le centre de formation du FS Metta peut être considéré comme véritablement professionnel.
  • La formation des entraîneurs islandais qui ont tous suivi le programme de training mis en place par l’UEFA avant de l’enseigner ensuite à leurs confrères locaux.

Bref, aujourd’hui, en Lettonie, on est bien loin de tout cela. Le pays ne dispose que de deux terrains couverts (les deux situés à Riga) ce qui contraint les clubs professionnels non situés à Riga ainsi que les centres de formation de province à s’entrainer en extérieur par des températures difficilement supportables (jusqu’à -20 °C en journée) et/ou dans des gymnases d’écoles destinés à la pratique du basketball.

Enfin, je pense sincèrement également que la non-présence d’éducateurs étrangers et la non-formation à l’international des entraîneurs locaux n’est pas une bonne chose. Le football enseigné en Lettonie est d’un autre âge et je pense qu’une remise en question s’impose, comme nous l’avions fait en notre temps en Allemagne après les échecs de la Coupe du Monde 1998 et de l’EURO 2000.

OK, je vois. Et quels sont vos idées directrices et les changements que vous pensez pouvoir apporter ?

Concrètement, je ne suis nommé qu’à la tête de la Virsliga, mon champ d’action sera alors exclusivement porté sur le développement du football professionnel en Lettonie. Par conséquent mon travail sera de veiller à ce que les huit clubs professionnels du pays se portent bien et continuent les efforts de développement qu’ils ont entrepris sous l’impulsion de mon prédécesseur (Emils Latkovskis) qui a effectué un travail remarquable.

La Virsliga, si « cheap » soit-elle, peut devenir un vecteur marketing intéressant pour une compagnie étrangère voulant s’implanter en Lettonie ou dans l’ensemble des pays baltes. Quoi de mieux que le sport pour faire connaitre sa marque, son image et ses produits ?

Avant de vouloir tout changer ou améliorer, il faut déjà s’assurer que les actions réalisées dans le passé continuent à subsister. Je pourrais citer :

  • La lutte contre le fléau des matchs truqués.
  • La production télévisuelle de la Virsliga afin d’en améliorer la visibilité.
  • Le développement du marketing du produit « Virsliga » en Lettonie et à l’international.

Et concrètement, quels sont vos objectifs ou les défis que vous souhaiteriez réaliser ?

Mon objectif est simple : augmenter les recettes de la Virsliga qui est aujourd’hui à mon sens sous-évaluée. Pour cela, je pense qu’il faut améliorer la visibilité du produit Virsliga via différents médias (TV, internet, radio, presse écrite…) afin d’attirer plus de potentiels sponsors. Et surtout il faut arrêter de se limiter au marché local qui est à mon sens trop petit.

Le football doit être considéré comme un sport générateur d’émotions et ainsi être présent dans la pensée des gens.

J’entends par là que la Virsliga, si « cheap » soit-elle, peut devenir un vecteur marketing intéressant pour une compagnie étrangère voulant s’implanter en Lettonie ou dans l’ensemble des pays baltes. Quoi de mieux que le sport pour faire connaitre sa marque, son image et ses produits ? Qu’elles soient lettones, allemandes ou étrangères, les sociétés voulant développer leur vente dans la région doivent prendre en considération la fabuleuse image véhiculée par le sport dans ce pays.

Que faire alors pour augmenter l’intérêt du public ?

Tout simplement rendre le jeu propre, passionnant et palpitant. Le football doit être considéré comme un sport générateur d’émotions et ainsi être présent dans la pensée des gens. Pour répondre à cette demande, il faut attiser l’attention et créer des supports à l’expansion de la notoriété de la Virsliga. À ce titre, je pense que pour vivre avec notre temps et avec les spécificités télévisuelles locales (1), internet et le développement d’un site dédié en accord avec son temps sont importants.

Aussi, on pourrait également proposer la diffusion d’un magazine TV hebdomadaire pendant la saison régulière de Virsliga durant lequel on parlerait des derniers résultats (avec diffusion des highlights) et des matchs à venir tout en invitant chaque semaine une personnalité différente du football local sur le plateau.

Je pense qu’il serait intéressant pour nous de regarder ce qui se fait et ce qui fonctionne chez nos voisins. Je pense plus particulièrement aux ligues slovaque et tchèque qui ont un certain savoir-faire en matière de traitement de l’information, de production d’images et de développement marketing.

Enfin, le plus grand cheval de bataille c’est selon moi de faire venir les spectateurs au stade. Pour cela, je pense qu’il faut que nous aidions les clubs à développer leur communication avec les fans. Des annonces radio, une page Facebook, des affiches en ville, etc. sont autant de pistes à explorer qui permettront d’augmenter l’intérêt du public pour le football dans le pays du hockey sur glace.

Quid de la notoriété internationale de la Virsliga ?

C’est aussi un cheval de bataille intéressant, mais à condition de faire avec nos moyens. Nous ne sommes ni la Premier League, ni La Liga, ni la Bundesliga, ni le Calcio ou la Ligue 1.

Je pense toutefois que nous nous devons de tenter de vendre les droits médias de la Virsliga à l’étranger. Pour cela, il est de mon devoir de contacter les différents acteurs du marché susceptibles de nous aider à commercialiser notre produit. Je pense notamment à toutes les agences de marketing en droit sportif tel que : SportFive, Infront, MP Silva… À voir si le produit Virsliga ne pourrait pas intéresser certains diffuseurs toujours avides de contenu.

Je sais qu’actuellement une agence marketing hollandaise a été mandatée par l’UEFA pour faire un point sur les possibilités de regroupement. Si demain une ligue balte voit le jour, alors il est de mon devoir de faire en sorte que les intérêts des clubs lettons y soient représentés au mieux.

Aussi, je pense qu’il serait intéressant pour nous de regarder ce qui se fait et ce qui fonctionne chez nos voisins. Je pense plus particulièrement aux ligues slovaque et tchèque qui ont un certain savoir-faire en matière de traitement de l’information, de production d’images et de développement marketing.

Éventuellement, nous pourrions aussi étudier la possibilité de devenir un membre de l‘EPFL, afin que la voix de la Virsliga soit entendue au plus haut niveau auprès des instances dirigeantes du football : FIFA et UEFA. Reste à évaluer dans le détail le rapport coût/retombée pour notre ligue qui n’a pas de gros moyens. Mais je pense qu’accéder au réseau de l’EPFL, notamment au niveau des agences marketing, pourrait nous permettre de vendre la Virsliga à l’étranger.

Enfin, il est également de mon devoir de suivre de près le projet de regroupement de ligues lancé par l’UEFA. Je sais qu’actuellement une agence marketing hollandaise a été mandatée par l’UEFA pour faire un point sur les possibilités de regroupement. Si demain une ligue balte voit le jour, alors il est de mon devoir de faire en sorte que les intérêts des clubs lettons y soient représentés au mieux.

Maxime Bonnet


Image à la une : SynotTip futbola Virslīga

(1) La Virsliga n’est diffusée en intégralité que sur internet accessible gratuitement depuis la Lettonie. Seul sept matchs par saison font l’objet d’une retransmission télévisuelle.

(2) EPFL pour European Professional Football Leagues, organisation (ou lobby) européenne représentant les intérêts des ligues européennes de football auprès des instances dirigeantes du football que sont l’UEFA et la FIFA.

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