Temps de lecture 5 minutesOn a discuté avec Milutin Sredojevic, sélectionneur de l’Ouganda

Une récente étude de l’Observatoire du football CIES, publiée le 10 mai 2017, dressait le classement des pays qui exportaient le plus leurs joueurs. Sans surprise, le Brésil est en tête, loin devant la France et l’Argentine. Mais la chose la plus intéressante pour Footballski dans ce rapport est la position de la Serbie, quatrième, soit le premier de nos pays avec 460 joueurs expatriés – la Croatie est huitième de ce classement avec 323 joueurs, l’Ukraine seizième avec 192 joueurs et la Slovaquie dix-septième avec 176 joueurs. Que les Serbes s’exportent, c’est une chose, mais de nombreux entraîneurs serbes officient également à l’étranger. C’est le cas notamment de Milutin Sredojević, surnommé Micho, sélectionneur de l’Ouganda qu’il a dirigé lors de la Coupe d’Afrique des Nations l’hiver dernier.

Milutin Sredojevic avec Kalilou Fadiga | © twitter.com/michocoach

En revenant tout d’abord sur sa carrière, nous comprenons pourquoi celle-ci fut courte : « J’ai eu une blessure au genou et ma récupération a été mauvaise. Je n’ai jamais été capable de retrouver l’entièreté de mes moyens alors je suis allé étudier et j’ai commencé ma carrière de coach très jeune ». Forcément, un Serbe en Afrique, ça intrigue. « Alors que j’étais un des plus jeunes entraîneurs des championnats d’Europe en République Tchèque (NDLR : en 2001 avec la Yougoslavie U20), j’ai été repéré par un reporteur ougandais de Radio France International, Billie Okadamerie, qui m’a convaincu de venir entraîner en Afrique ». C’est ainsi qu’une fois la compétition terminée, Micho s’est envolé pour l’Ouganda afin de prendre en main la destinée du SC Villa, un club de la capitale du pays, Kampala. Il y est au final resté trois ans, le temps de gagner quatre championnats et une coupe.

Il y avait eu cette petite blague sur mes costumes, comme quoi j’en prenais 6 pour les 6 matchs nous séparant de la finale. J’en ai donc utilisé 3 sur 6, les autres n’attendent plus que d’être utilisés à la Coupe du Monde en Russie – Milutin Sredojević

Par la suite, Micho a connu diverses expériences en Afrique : Saint George en Ethiopie (où il ggne deux championnats et deux supercoupes), les Orlando Pirates en Afrique du Sud (sept petits mois de juin 2006 à janvier 2007), les Young Africans en Tanzanie – club formateur du célèbre Shabani Nonda, où il remporte un championnat en trois ans et un retour en Ethiopie toujours à Saint Georges (avec trois championnats à la clé). Ces performances n’ont pas laissé de marbre les sélections nationales de la région et après un écart d’un an à Al Hilal, au Soudan, où il parvient tout de même à enlever le championnat et à atteindre les demi-finales de la Ligue des Champions de la CAF, Micho devient, le 1er novembre 2011, le nouveau sélectionneur national du Rwanda.

Passer de clubs à des sélections nationales, c’est un nouveau monde qui s’ouvre pour Micho. Après un an et demi en poste au Rwanda, il part en Ouganda, sans regrets puisque « malgré l’amélioration des résultats de près de 60 % par rapport à mon prédécesseur (Selas Tetteh), les demandes étaient non réalistes, ils voulaient aller à la Coupe du Monde à la place de l’Algérie, etc. On a donc séparé nos chemins, j’en garde cependant d’excellents souvenirs et un grand respect pour tout le monde. »  Pour se faire comprendre sur le terrain, « je parle anglais, mais je comprends et utilise certains mots de la langue la plus parlée en Ouganda, le Luganda ». Une bonne communication est importante pour faire passer son message.

C’est ainsi qu’après une très longue disette, l’Ouganda faisait son retour à la Coupe d’Afrique des Nations en 2017 : « amener les “crânes de l’Ouganda” à la Coupe d’Afrique des Nations après 39 ans d’attente était un moment inoubliable. Nous avons tout donné tant d’un point de vue humain que sportif mais notre niveau n’était pas assez bon pour nous aider à sortir des poules. Il y avait eu cette petite blague sur mes costumes, comme quoi j’en prenais 6 pour les 6 matchs nous séparant de la finale. J’en ai donc utilisé 3 sur 6, les autres n’attendent plus que d’être utilisés à la Coupe du Monde en Russie ».

Avoir des joueurs qui se bonifient à l’étranger est une aubaine pour lui vu qu’il n’a pas de soucis pour suivre leur progression : « Au 21ème siècle, il est très facile grâce aux nombreuses plateformes de scouting de suivre l’évolution de tous nos joueurs. C’est un challenge excitant et du travail de suivre chacun sur et en dehors du terrain. » Son problème est ailleurs, c’est la condition physique de ses joueurs : « Certains joueurs ne jouent pas avec leur équipe, je suis obligé d’organiser tout le temps des amicaux pour qu’ils gardent une certaine condition physique. Par exemple, là on va jouer l’Ethiopie le 3 juin, le Senegal le 5 juste pour être en forme lors de notre match qualificatif pour la Coupe du Monde face au Cap-Vert le 10 juin. »

© ducorsports.com

Malheureusement, en tant que pays exportateur de joueurs de qualité pour les grands clubs européens, la Serbie ne peut pas retenir ses talents et ainsi être compétitive pour défier les meilleurs clubs en Europe – Milutin Sredojević

La comparaison entre le football « européen » et « africain » revient régulièrement lorsqu’on discute avec Micho. « La différence principale entre le championnat serbe et les autres équipes en Afrique, c’est l’approche tactique des joueurs. En Serbie on leur apprend le positionnement et la tactique dès leur plus jeune âge. Ici quand on les récupère, c’est plus tard, ils sont en retard sur l’organisation de l’équipe malgré le fait qu’ils peuvent être très talentueux. L’entraîneur est donc forcé de travailler sur l’éducation du joueur en plus de préparer les échéances à venir. »

Et cette Coupe d’Afrique des Nations reste à jamais gravé dans sa mémoire : « Mes meilleurs souvenirs avec un club, ça a été atteindre la demi-finale de la Ligue des Champions de la CAF, deux fois avec les Orlando Pirates et avec Al Hilal. A chaque fois, je voyais la joie des supporters, c’était incroyable ! En tant que sélectionneur national, gagner face aux Comores et qualifier l’Ouganda pour la Coupe d’Afrique des Nations, une première en 39 ans, quelle fête ! Quelle célébration ! C’était incroyable ! » Et si jamais vous décidez de visiter l’Ouganda, un très beau pays soit dit en passant, Micho a un conseil pour vous : « L’Ouganda a sa boisson locale, appelée Ugandan Waragi, c’est de l’alcool de banane et on retrouve de la bière, la Nile Special beer. Je suis cependant plutôt jus de fruits, le pays est si riche en fruits, ce serait dommage de s’en priver. »

Milutin n’oublie pour autant pas d’où il vient et s’intéresse toujours au football européen et serbe en particulier, où il corrobore les données recensées dans le rapport du CIES : « Je suis de loin le football serbe. Malheureusement, en tant que pays exportateur de joueurs de qualité pour les grands clubs européens, la Serbie ne peut pas retenir ses talents et ainsi être compétitive pour défier les meilleurs clubs en Europe. » D’ailleurs, disposant d’un bon carnet d’adresses, il a ainsi « joué un rôle très important dans le transfert de Miya Farouk en Belgique, mais avant il a bien joué, marqué des buts importants et a ainsi attiré l’oeil du Standard de Liège. »


Vous pouvez retrouver Micho sur twitter : @michocoach

Nous remercions Milutin Sredojević de nous avoir accordé un peu de temps pour échanger sur sa carrière et le boulot qu’il mène avec l’équipe nationale ougandaise. Nous lui souhaitons tout le meilleur pour la suite et nous espérons le retrouver « chez nous », en Russie, pour la Coupe du Monde 2018 !

Lazar Van Parijs


Image à la une : © ISSOUF SANOGO / AFP

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