Plutôt connu des amateurs de sports pour ses champions de cyclisme, à l’image d’Alexandre Vinokourov ou de l’équipe Astana de Nibali, le Kazakhstan n’en demeure pas moins un pays de football. Comme en témoigne la participation de l’équipe d’Astana à la prochaine Ligue des Champions, première dans l’histoire du club.

Et parmi les joueurs à évoluer en Kazakhstan Premier League, figure Fernander Kassaï, international centrafricain de 28 ans formé au Mans, passé également par Grenoble et la Bulgarie avant de débarquer au FC Irtysh Pavlodar. Entretien.

Raconte-nous un peu ton parcours, et notamment tes débuts au Mans.

J’ai en effet fait ma formation au Mans, où j’ai effectué toutes mes classes. Je suis d’Orléans à la base, et Le Mans m’a repéré. Ensuite, j’ai commencé en réserve et je suis arrivé en L2 petit à petit.

J’ai vu la montée. J’étais là quand le club était en Ligue 1. Mais j’étais aussi là quand le club est tombé. J’ai vu les deux facettes. On entendait les choses à travers la presse, ‘il paraît que’, etc. Ce n’était pas facile pour tout le monde, notamment pour les salariés et les administratifs. On nous disait tous les jours ‘normalement, ça devrait aller’. On s’est retrouvés au mois de novembre, on ne savait pas trop où on allait. En plus, les effectifs des autres équipes étaient déjà faits.

Du coup, tu signes à Grenoble, en CFA. Un club qui a vécu la même chose que Le Mans finalement.

La différence, c’est qu’à Grenoble, ils l’ont plus ou moins senti venir. J’arrive en janvier dans un club avec un projet intéressant de base qui était de remonter en National. Malheureusement, on a raté la montée. Je suis donc parti à la fin de la saison.

D’ailleurs, je suis plutôt Grenoble que Le Mans, puisqu’il y a toujours Fred Thomas que j’ai connu au Mans. Je regarde de temps en temps les résultats du Mans, mais je ne connais plus grand monde dans l’équipe.

Kassaï sous le maillot du Mans
Kassaï sous le maillot du Mans

Et là, tu signes en Bulgarie, au Slavia Sofia. Un choix facile ?

C’est un foot différent, je dirais qu’il faut franchir la ligne. Mais ça peut être un bon tremplin, c’est comme ça que je le vois.

J’ai été agréablement surpris. J’avais quelques préjugés par rapport au racisme en Europe de l’Est. Je sais que certains l’ont vécu, mais de mon côté je ne l’ai pas ressenti.

Comment tu juges le niveau du championnat, toi qui es formé en France ?

Il y a une grande différence entre les équipes. Une ou deux, celles qui jouent le haut de tableau, ont un niveau qui correspond au haut de tableau de la Ligue 2 française, voire le bas de la L1. Ensuite, tu en as deux ou trois qui valent le milieu de tableau de L2. Et celles qui viennent de monter, c’est plus du niveau National, voire CFA pour certaines. Pour ma part, au Slavia, c’était plutôt milieu de tableau L2. J’ai aimé ce passage en Bulgarie, même si je sais que certains n’ont pas aimé, par exemple avec les problèmes de salaires en retard. Personnellement, j’ai eu quelques petits retards, mais à la fin de l’année, j’avais tous mes salaires.

Après ta pige bulgare, te voilà maintenant au Kazakhstan, au FC Irtysh Pavlodar. Tu as réagi comment quand on t’a proposé le club ?

Ma première réaction, c’était ‘ça ne m’intéresse pas’. Puis j’en ai parlé avec un ami qui joue dans ce championnat (NDLR : Foxi Kethevoama, international centrafricain qui joue à Astana). Il m’en a parlé, et il m’a dit qu’il fallait que je vienne. On peut dire qu’il m’a réellement convaincu. Et je ne regrette pas, même si je sais que ça surprend beaucoup de gens.

Au niveau de la langue, tu t’en sors ?

Ce n’est pas du tout la même langue que le bulgare, bien que ce soit le même alphabet. C’est comme si tu disais que le français et l’espagnol, c’est pareil. J’aimerais apprendre le russe, c’est une grande langue. Mais pour le bulgare, je n’ai pas trop fait d’efforts. Plus tu entends parler, et plus tu l’apprends.

Et le Kazakhstan alors, c’est comment ? Quel est le niveau du championnat ?

C’est un beau pays ! C’est ça qui surprend, je ne m’attendais pas à ça. On peut dire que je remercie mon ami (rires).

En ce qui concerne le football, je dirais que c’est un peu comme en Bulgarie. Il y a beaucoup de différences. Il y a trois équipes qui sont en haut du tableau, Astana, Aktobe et Kairat, et qui se disputent chaque année les places européennes.

Tu as découvert une nouvelle culture, un nouveau peuple. Comment sont les Kazakhs ?

Ils ont une très bonne mentalité. Je me disais qu’il pourrait y avoir des problèmes avec les gens de couleur, mais non. Tous les pays des alentours se retrouvent au sein du Kazakhstan, ce qu’il fait qu’il y a beaucoup de mélange. Alors, c’est vrai que les gens me regardent dans la rue, mais avec un sourire, un plaisir de te voir. Ils sont contents que je sois là.

Bon, par contre, l’hiver est plutôt rude. Tu y es préparé ?

Je ne suis jamais préparé pour l’hiver (rires). Et ici, ce n’est pas le même qu’en France. Déjà, en Bulgarie, c’était pire qu’en France. Mais là, on m’a dit que c’était encore pire. D’ailleurs, il y a pas mal de terrains synthétiques ici, seules quelques équipes ont des pelouses naturelles.

Célébration des kazakhs après une victoire face au Jagiellonia Białystok en Europa League
Célébration des kazakhs après une victoire face au Jagiellonia Białystok en Europa League

Justement, au niveau des installations, tu juges ça comment ?

C’est sûr qu’en France, et en Europe en général, c’est vraiment de la qualité. Ici, c’est structuré, professionnel, avec des gens qui travaillent pour le club. Je compare ça avec des installations de niveau L1/L2, comme j’ai pu le voir au Mans ou à Grenoble. Les trois gros clubs du Kazakhstan ont des infrastructures de niveau L1. Le reste, ça reste correct.

Tu es loin de la France depuis juillet 2014. Avec un peu de recul, quel est ton sentiment sur ces deux étapes de ta carrière ? Comment gères tu la distance avec les proches ?

Je ne regrette pas du tout ! Ça reste une belle expérience à vivre. Ma famille doit me rejoindre prochainement. Mais c’est vrai que la distance, ça fait très loin. C’est six ou sept heures de Paris, et quatre heures de décalage horaire. Ça fait presque une demi-journée de décalage.

Pour la ville, Pavlodar, c’est une belle surprise. Je n’étais pas trop emballé quand j’ai regardé sur Internet, mais sur place c’était beaucoup mieux. Sofia, c’est une capitale, alors faut comparer avec une autre capitale. À Astana, tout est neuf, c’est joli. Je ne suis pas loin sur la carte, mais le pays est immense, donc je suis à 600/700 kilomètres. D’ailleurs, ce qu’il faut savoir, c’est que dans le même pays, on fait des déplacements en avion de trois heures, et parfois il y a un décalage horaire d’une heure. Par exemple, c’est un déplacement plus long que pour aller de Paris à la Bulgarie.

On va finir avec la sélection. Tu as connu ta première cape avec la Centrafrique en 2010. Tu es passé tout près de participer à la CAN 2013, et depuis, c’est un peu plus compliqué …

Ce match face au Burkina, c’était un moment fort pour moi, mes coéquipiers et tout le pays. On prend un but dans les arrêts de jeu, alors que le temps était fini. Mais bon, ça date, on est passé à autre chose. Après, avec les événements, c’est devenu difficile.

On ne jouait plus à domicile, et en Afrique, on prend plus de points à domicile qu’à l’extérieur. Les conditions sont très difficiles, la chaleur est très différente selon les pays malgré ce que les gens pensent, les altitudes aussi, et les terrains ne sont pas toujours bons. Avec tous ces éléments, ça donne des matchs vraiment aléatoires.

J’imagine que cette victoire contre la RDC, pour le retour à Bangui, est importante, tant sportivement qu’humainement.

C’est très encourageant, le pays avait besoin de ça. On n’avait pas eu la chance de jouer à domicile. Là, toutes les différences ont été mises de côté. En l’espace de cinq ou six heures, même après le match, les gens ont tout oublié. On a voulu rendre les gens heureux.

On a une petite carte à jouer dans le groupe (NDLR : groupe dans lequel figurent les sélections de la République Démocratique du Congo, de l’Angola et de Madagascar). Si tout le monde vient, qu’il n’y a pas de blessés, ça peut le faire. Habib (Habibou) a failli venir plusieurs fois, mais il avait des désaccords avec le président de la fédération. Ça date un peu, on compte sur lui. Le but, c’est de faire en sorte de réunir tout le monde.

 

On remercie grandement Fernander pour sa gentillesse et sa disponibilité en dépit du décalage horaire.

Martial Debeaux

1 Comment

  1. EVOMA 7 décembre 2015 at 2 h 02 min

    bonne change KASSAI que tu fais partie de groupe qui disputent les compétions européennes

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