Nous nous sommes rendus à Tiraspol en Transnistrie, territoire sécessionniste de la Moldavie pour rencontrer l’attaquant belgo-congolais Ziguy Badibanga, du Sheriff Tiraspol, fraîchement champion pour une énième fois.
Est-ce que tu peux te présenter tout d’abord ?
Je suis Ziguy Badibanga, je suis Belge. J’ai grandi en Belgique et cela fait deux ans que je joue ici. Je suis passé par différents clubs. J’ai fait trois ans en Grèce, un an en Chypre et ensuite je suis venu ici.
Tu as été formé à Anderlecht, qu’est-ce qu’il t’a manqué pour réussir là-bas ?
J’ai d’abord fait toutes mes classes là-bas puis j’ai passé trois ans avec l’équipe professionnelle. Je m’entraînais tout le temps, je rentrais souvent en jeu. Quand j’étais petit, j’étais pressé, j’avais envie de jouer. Je ne voulais pas rester sur le banc donc j’ai demandé à partir. Et quand je suis parti, j’ai eu de mauvaises expériences aux Pays-Bas puis on m’a prêté à Charleroi où je suis arrivé à la fin de mon contrat. J’ai alors décidé de quitter la Belgique et de partir à l’étranger. Je voulais complètement une autre expérience, je voulais changer.
Tu as côtoyé des joueurs de la génération dorée belge actuelle que ce soit en sélection U21 ou à Anderlecht, quel est ton regard sur la Coupe du Monde qu’ils ont réalisé ?
J’étais avec Romelu à Anderlecht et les autres en sélection. Ils sont devenus plus matures. Ils ont plus d’expérience. Je pense qu’ils pouvaient faire quelque chose à la dernière Coupe du Monde.
Aujourd’hui, tu n’es pas appelé en sélection nationale belge. Est-ce que le Congo pourrait t’intéresser ?
Le Congo ne m’a jamais appelé. J’ai joué pour la sélection nationale belge. Si jamais cela se présentait, pourquoi pas puisque c’est mon pays. S’ils m’appellent, j’y réfléchirai. Je prendrai des décisions avec ma famille.
Revenons à ta carrière, tu es parti en Grèce et tu as eu un break de plusieurs mois…
Mon deuxième fils venait de naître. J’avais discuté avec le club et j’ai décidé de casser mon contrat. Je souhaitais rentrer auprès de ma famille et rester à côté d’eux. Je n’étais pas bien à ce moment là, je ne m’entendais pas bien avec le club. J’ai donc cassé mon contrat à l’amiable. Vu que je l’ai cassé en septembre, j’ai dû attendre jusqu’en janvier pour retrouver un club. Cela m’a permis de passer du temps avec ma famille. C’était un bon moment car cela faisait longtemps que je n’étais pas resté auprès d’eux. Ma femme et mes enfants habitent à Bruxelles, et dès que j’ai deux ou trois jours de vacances, je pars les rejoindre. Je prends l’avion à Chisinau, directement pour Bruxelles.
J’imagine que tu as entendu parler du récent scandale dans le foot belge. Tu as joué à Charleroi, est-ce que ces histoires t’ont surpris ?
Pas plus que ça, je ne suis pas toutes ces histoires. Mogi Bayat, je le connais parce que j’ai joué à Charleroi. Ça a toujours été une bonne personne envers moi. J’espère qu’il se sortira de son petit problème. D’un point de vue humain, c’est vraiment quelqu’un de bien. J’étais plus proche avec son frère Mehdi, mais j’espère que tout ira bien après ce scandale. C’est quelqu’un de bien. J’espère qu’il pourra retourner auprès de sa famille. En équipe nationale, tous les joueurs jouent à l’étranger, cela aide à rester concentré.
En préparant l’interview, je me suis rendu compte que tu étais très pieu. Comment ça se passe dans les pays orthodoxes ?
Je suis catholique donc être dans des pays orthodoxe n’a pas d’importance. Je vais souvent prier à l’église. Je vais prier dans la maison de Dieu. Il y a une église ici au centre de Tiraspol. C’est important pour moi.
Et du coup justement la vie ici ça se passe comment ? Tu parles russe ?
Non, on a des traducteurs.
Tu as toujours été entouré de francophone dans tes clubs, c’est important ? Le site du Sheriff est en français, est-ce que cela a joué dans ton choix ? Comment est-ce que tu es arrivé ici ?
Non, c’est du hasard. Et puis non pour le site, je ne savais pas. Ce qui a pesé dans mon choix, c’est que ma famille m’a demandé de retourner faire ce que je sais faire : jouer au foot.
Je ne connaissais pas la Moldavie. Des agents m’ont contacté et m’ont proposé le Sheriff. Ils m’ont envoyé des photos des installations et ça m’a plu donc j’ai décidé de tenter ma chance. L’agent m’avait envoyé le site internet, c’est là que j’ai vu les installations, ça m’a impressionné. Ici, c’est même un peu plus grand qu’à Anderlecht. C’est un des meilleurs centres que j’ai vu. On a tout ce dont on a besoin. On est nourri, logé, il y a une banque à l’intérieur, un hôpital. Il y a énormément de terrains, plus de dix mais aussi deux stades et beaucoup de salles de sport. On est logé soit ici, soit dans le centre de la ville si on préfère prendre un appartement. Souvent, ceux en famille prennent un appartement. Les autres, on reste entre nous.
C’est Louvain-la-Neuve pour les footballeurs pros…
Ouais [rires].
Justement, la vie à Tiraspol, ça donne quoi ?
J’aime bien aller manger au restaurant. Quand ma famille est là, c’est l’activité principale. Sinon, on va de temps en temps au bowling. Mais il n’y a pas grand chose. Le quotidien ici, c’est entrainement puis repos.
Un petit restaurant à conseiller à nos lecteurs ?
Oui, un restaurant dans le centre qui est pas mal, “Casta”.
Et est-ce que tu sens le contexte politique particulier ?
Non franchement, je ne sens rien. Je ne suis pas quelqu’un qui s’y intéresse.
Tu es à la fin de la saison du championnat moldave, comment ça se passe de passer d’une championnat classique à un championnat sur l’année de janvier à décembre ?
La seule chose différente, c’est qu’en Belgique on avait les vacances l’été et ici c’est l’hiver mais on a un peu plus. Deux mois, c’est beaucoup. Je rentre à Bruxelles pour les fêtes.
Quand tu étais en Grèce, tu as joué avec Vladimir Stojkovic qui a joué à Nantes. Ça se passait comment avec lui ? Il parle français ?
Il ne parle pas français mais ça se passait très bien avec lui. C’est quelqu’un de très gentil, très marrant. Il est vraiment fort, c’est un gardien de classe mondiale. Quand il est arrivé, je crois que c’était lors de la seconde partie de saison, il nous a beaucoup aidés. Après, logiquement, il n’était pas venu pour rester longtemps, et il nous a quittés. On s’envoie souvent des messages sur Instagram.
Tu t’es pas chauffé d’aller le voir à Belgrade ?
Tiens, justement, une anecdote. Je devais aller le voir à Belgrade. Il me disait “viens ici Ziguy, viens à Belgrade, c’est bien, tu vas vraiment aimer” et pendant la semaine où je voulais aller le voir, il s’est fait agresser par les supporters de l’Etoile Rouge.
Je vais en profiter pour passer de la violence au racisme. Est-ce que c’est quelque chose que tu as connu ?
Dans la plupart des pays où je suis parti, on m’a parlé de racisme mais je n’ai vraiment pas senti ça lorsque j’étais en Grèce. Je n’ai pas senti ça à Chypre non plus et ici, vraiment pas. Quand les gens me voient dehors, je suis accueilli chaleureusement.
Justement tu as de bons contacts avec la population locale ?
Oui, j’ai beaucoup de fans. Ils m’envoient beaucoup de messages et j’essaye d’y répondre quand je peux.
En Grèce, tu as dû avoir des ambiances assez chaudes…
Oui. On jouait un match contre le Pana. J’avais marqué et charrié un peu. Après le match, les supporters sont descendus. Les supporters du Pana poussaient la porte de notre vestiaire. Nous, on était de l’autre côté en train de pousser aussi. La sécurité poussait aussi. Les mecs voulaient des explications. On est resté pendant trois heures sans sortir puis ils ont bloqué le bus. Les mecs là-bas ne rigolent pas, ils font vraiment peur.
Ça te plairait d’y retourner en Grèce ?
C’est un pays où j’ai été très bien accueilli. C’était la belle vie, ça me plairait bien d’y retourner un jour. C’était un très beau pays, pour la bouffe, pour tout. Souvent si tu discutes avec les Grecs, ils te disent qu’ils n’ont jamais voyagé, qu’ils ont tout donc pourquoi aller ailleurs…
Justement l’ambiance ne te manque pas trop ici ?
Oui, forcément de temps en temps ça me manque ici. Mais avec le temps j’ai aussi changé ma vision du foot. Avant, c’était surtout les ambiances. A un certain âge, tu penses à ta poche. Quand tu as connu le top niveau et que tu es un peu redescendu, tu vois les choses différemment. Par rapport à la Belgique, quand je suis parti, on m’avait un peu mis une étiquette et ça m’avait dégoûté du foot.
Vu que tu as déjà bien voyagé, est-ce que tu envisages une carrière de footballeur globe-trotteur pour découvrir le monde en même temps ?
Je n’aime pas trop ce mot, globe-trotteur. En Belgique, la plupart des gens croit que si tu joues dans un championnat comme la Moldavie ou un pays de l’Est, tu as régressé. Moi, depuis que j’ai quitté la Belgique, j’ai progressé. Ils ont une vision des choses qui n’est pas la bonne. L’objectif, c’est d’au moins jouer l’Europa League ici. Je n’ai pas changé d’équipe pour découvrir le monde, c’était juste lié aux projets des équipes.
Après je n’ai jamais eu peur d’aller à l’étranger. J’ai découvert que partout c’est la même chose. En partant à l’étranger, on allait me découvrir, on n’allait pas dire « Ziguy, c’est un bon joueur mais il a eu ça, ça et ça ». J’avais envie de tout casser et de repartir de zéro. C’est pour ça que je suis parti à l’étranger et pour l’instant, je ne pense pas revenir en Belgique.
Tu as des pays qui t’intéresseraient, justement ?
J’aime beaucoup le championnat russe. Ils ont des stades tous neufs, des clubs qui ont progressé ces dernières années. J’ai déjà été deux ou trois fois en Russie. La première fois, c’était avec Anderlecht. On avait joué le Zenit Saint-Pétersbourg, c’était vraiment une belle ville. Après, je suis retourné à Moscou l’année dernière, on a joué là bas.
Comment on fête un titre ici ?
On va avoir la remise des médailles puis on discutera entre nous pour savoir si on va au restaurant ou bien au karaoké.
Lazar van Parijs / propos recueillis par L.v.P pour Footballski
Image à la une :Alexey Filippov / Sputnik via AFP Photos
Portrait d’un mercenaire ,un coup belge ,un coup congolais ,ne s’intéresse pas a son environnement ,seulement au cheque qu’on lui propose .Instructif ….
C’est bien ça même