Des Landes à l’Arménie, avec un grand détour par les Etats-Unis nous avons eu l’occasion de discuter avec Vincent Bézécourt. Formé aux New York Red Bulls et évoluant au FC Alashkert, le champion d’Arménie en titre, il participe également en ce moment à la première campagne de coupe d’Europe pour un club arménien en Ligue Europa Conference. De quoi, à 28 ans, avoir déjà de beaux souvenirs à raconter.

Bonjour Vincent, on te retrouve aujourd’hui en Arménie mais pour commencer peux-tu nous dire quel est ton premier souvenir lié au football ?

Mon premier souvenir ça doit être ma première équipe. Je viens des Landes et mon premier club c’était la Violette Aturine, le club de Aire-sur-l’Adour. Je me rappelle qu’on avait des équipements violets et qu’à l’époque on avait un énorme écureuil comme logo au milieu de notre maillot. Ca, c’était en tant que joueur, sinon bien sûr, la Coupe du Monde 98. Je pense que c’est le premier événement qui m’a marqué.

Tu as commencé le football assez jeune, quel a été ton parcours par la suite ?

Pour commencer, j’avais déjà mon frère qui jouait au foot dans le même club, donc forcément en tant que petit frère, j’ai suivi le grand. Comme j’étais bon dans mon petit club, je suis allé à Mont-de-Marsan à 13 ans. Je n’ai pas fait de centre de formation malgré quelques sollicitations des Girondins et de Toulouse, les deux clubs du coin. J’ai fait quelques détections à une époque mais au final ça ne s’est jamais fait, donc je suis parti en sport-études en internat à Mérignac. C’était super, c’est là-bas que j’ai rencontré mes meilleurs potes. Et en même temps je jouais à Villenave-d’Ornon, toujours dans la métropole bordelaise. Là, j’ai fait U17 nationaux, U19 nationaux, montée en CFA2 et en CFA.

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A ce moment là, tu pensais plutôt te consacrer aux études ou au foot ?

Disons que j’ai toujours jonglé entre les études et le foot. J’étais en équipe universitaire de Bordeaux, puis j’ai été sélectionné en équipe de France universitaire et j’ai participé aux Universiades avec l’équipe de France universitaire à Kazan en Russie, où l’on a fini champions du monde universitaires. Arrivé à ce moment là, je me suis dit que si je pouvais continuer à voyager grâce au football, découvrir d’autres choses, j’allais foncer. Et un an plus tard j’ai eu une bourse universitaire pour aller à l’université Saint-Francis à New York, j’ai pas réfléchi à deux fois, c’était un rêve pour moi de partir vivre à New York, et surtout de pouvoir étudier et jouer au foot en même temps. C’était un no brainer comme on dit, donc j’ai foncé.

Et quand tu files à Saint Francis, le football devient le projet principal ?

C’était plutôt l’inverse en vrai. Jusqu’à mes 17 ans, 19 ans, je continuais à être en contact avec des clubs professionnels, à faire des essais. Mais au bout d’un moment je commençais à me dire que c’était mort, donc je me disais surtout « profite de l’aventure, tu vas apprendre une nouvelle langue. » Dans l’idée c’était plus de vivre une aventure avant tout humaine, continuer mes études, avoir un diplôme, et si en plus j’avais l’opportunité de faire du foot c’était que du bonus. Mais je ne suis pas parti aux Etats-Unis en me disant que j’allais me focaliser uniquement sur le foot.

Saint-Francis à Brooklyn qu’est-ce que ça représente dans le football universitaire ?

C’est une équipe de première division dans le championnat universitaire donc ça compte pas mal. Notre division était la North East Conference. On n’avait pas vraiment de grandes universités contre nous, ça jouait plutôt kick and rush je vais pas te mentir, donc j’ai beaucoup bossé mon physique là-bas. J’y ai fait deux saisons qui se sont très bien passées et la proximité géographique a fait que les New York Red Bulls m’ont scouté comme on dit. Ils m’ont proposé de venir à une détection, mais cette fois-ci avec des joueurs de tous le pays, Californie, Maryland…des grosses universités surtout. Moi dans ma « petite » université où j’avais pas d’énormes opportunités je voyais ces joueurs un peu comme des stars, mais au final en les côtoyant et en faisant la détection je me suis dit que j’avais le niveau pour aller au plus haut. On devait être peut-être 60, et ils n’ont gardé que moi et un autre Français, qui jouait lui aussi en périphérie New Yorkaise.

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Est-ce que c’est à ce moment là que tu t’es dit que le football pouvait être ton métier ?

Dans un sens oui mais sur le moment c’était plus un sacrifice. Parce qu’à ce moment je devais rentrer en France pour Noël. Je n’avais pas d’argent et je n’avais pas pris d’assurance annulation sur mon billet d’avion, mais je me suis dit que j’allais quand même rester pour ces essais, notamment parce que j’avais la possibilité de participer à la draft aussi, chose qui ne s’est finalement pas faite. Mais après ces essais qui ont donc été concluant j’ai été invité par Jesse Marsh, aujourd’hui le coach de Leipzig, à participer au stage de présaison avec l’équipe MLS en Floride, au même titre que les joueurs draftés. Il m’avait prévenu « Tu ne seras pas drafté mais tu seras dans les mêmes conditions que les autres, maintenant à toi de faire tes preuves. » Ca se passe très très bien, des fois, j’étais même titulaire avec l’équipe MLS. J’étais surpris ! A la fin le coach me dit « On aime beaucoup ton profil, il faut juste que tu te développes un peu mais tu as le niveau. Par contre il n’y a pas de spots internationaux en ce moment pour toi dans l’effectif. » Car il y a des quotas pour les joueurs étrangers et là tous les quotas étaient pleins. Donc ils m’ont proposé un contrat en réserve, pour rester dans l’organisation et me développer, et si tout se passait bien, on me ferait monter en équipe première.

Ca c’est en 2016 et à la fin de cette saison vous gagnez tout avec la réserve des Red Bulls ?

Oui c’est ça. Mais en vrai au début j’étais un peu blasé, parce que les contrats en réserve sont vraiment très faibles, et quand tu as gouté un mois à la MLS, et qu’au final tu te retrouves en réserve, tu es un peu dégouté. Mais ça s’est bien passé, même si je me suis blessé pour mon premier match. Et après ça on a tout remporté effectivement cette année. On avait une équipe incroyable, tous les mecs qui étaient dans cette équipe sont soit montés en équipe première soit en MLS, voire en Europe.

Après cela est-ce que tu arrives à intégrer l’équipe première justement ?

Alors, pas encore. Au début, j’étais intégré à trois entrainements par semaine avec l’équipe première, en fin saison on gagne tout et je finis avec de très bonnes stats, des buts, des assists, surtout en play-offs. Donc je me dis que ça y est, là, c’est le bon moment. Mais au final c’est la même chose à la fin de l’année. Pas de spot international mais ils veulent continuer à me voir, ils me font venir au stage de présaison avec l’équipe première. Un peu déçu mais je signe en équipe réserve une nouvelle fois. Je fais une demi-saison ou je suis encore performant. Finalement – je crois que c’était le dernier jour du mercato – ils trouvent un moyen d’ouvrir un sport international, en envoyant justement un mec en équipe réserve et en me faisant signer en équipe première. Donc au final j’ai fait un an et demi en réserve, puis trois ans et demi en équipe première.

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Comment ça se passe tes premiers pas avec le monde pro, tes premiers matchs en MLS ?

Ca c’est très bien passé car je connaissais très bien le groupe. Je crois que même le capitaine de l’équipe première avait un peu poussé pour me faire monter en équipe première. Les coachs, le staff, je les connaissais très bien puisque je faisais trois entrainements par semaine avec eux, dans la même ville. L’intégration a donc été très facile. Après, sur le niveau général, il y a forcément un gros gap entre la réserve et la première division, ça a été dur pour moi au début. Je n’ai jamais vraiment été titulaire mais je rentrais quand même bien dans la rotation, j’entrais souvent en cours de match, j’avais le sentiment de participer au succès de l’équipe. Jusqu’à ce que je me blesse une première fois.

Tu as vécu un an de blessures aux genoux et de rechutes.

Je fais neuf matchs où ça se passe super bien puis je me fais une première blessure au genou. Je m’arrête deux mois et quand je reviens en réserve pour redémarrer je rechute directement. Là on me dit qu’il faut m’opérer donc c’est sept mois d’arrêt, saison terminée, j’avais les boules. Et en même temps, c’était ma dernière année aux Red Bulls et en toute honnêteté, je n’étais pas du tout performant. J’avais encore des douleurs au genou et il y a également eu des changements de coach. Donc c’était logique qu’ils ne renouvellent pas mon contrat, d’autant plus que je prenais une place internationale. Ils m’ont donc laissé libre et j’ai décidé de partir à Miami.

Après New York tu pars à Miami, c’est pas mal comme destinations aux Etats-Unis ?

Oui ! Quand tu vis plus de six ans à New York, le facteur environnement est assez important (rires). Mais j’étais ouvert à tout à ce moment là, pourquoi pas retourner en Europe. J’ai pesé le pour et le contre mais je voulais surtout rejouer et refaire une saison pleine. Donc j’ai fait le pari de repartir en deuxième division et puis… Miami ça ne se refuse pas ! J’avais envie de découvrir ça. Malheureusement, c’est l’année du covid. J’arrive, je fais le premier match et la saison s’arrête. On pensait que ça allait durer trois semaines et puis tu connais la suite. Au final on a fait une mini saison en l’espace de deux mois et demi, c’était vraiment très intense.

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Et puis c’était un peu le bordel dans l’équipe, on a pas eu de super résultats, j’ai pas trop accroché avec le coach et je me suis dit que c’était peut être le moment de rentrer en Europe. Ca faisait sept ans que j’étais aux Etats-Unis et à un moment, tu as les facteurs famille, potes, qui commencent à peser. J’avais pourtant eu une offre de contrat pour renouveler, chose que le club n’a fait qu’à trois des 26 joueurs de l’effectif ! Ca a été dur de refuser mais je voulais voir mes options en Europe. Finalement, c’était encore en plein covid en Europe, donc la plupart des recrutements étaient gelés. Les jours passaient et je n’avais rien. J’ai essayé de revenir vers Miami mais ils m’avaient déjà remplacé. Au final on m’a trouvé ce club en Arménie et j’ai décidé de faire le grand saut.

J’ai vu que tu avais même une touche pour jouer en Andorre quelques mois à ce moment là ?

Oui, j’ai un agent qui cherchait des pistes depuis quelques mois et qui me dit qu’il a de très bons contacts en Andorre. C’est pas loin de chez moi, la saison dure trois mois, je pouvais découvrir autre chose donc je m’étais dit pourquoi pas. C’est aussi un agent qui a pas mal de contacts en Bolivie donc ça pourrait peut être me plaire pour plus tard. Je suis allé en Andorre, je me suis entrainé pendant une ou deux semaines, mais vu que j’avais passé sept ans aux Etats-Unis, on me demandait mon casier judiciaire américain pour me faire un contrat. Il fallait fournir des empreintes digitales, faire des demandes au FBI… Un truc qui allait prendre deux mois ! Et vu que la saison en dure trois à peine, ça ne valait pas du tout le coup. Alashkert me voulait au même moment, donc je me suis dit que j’avais plus trop de raison d’hésiter. Le vendredi j’ai dit oui et le lundi j’étais en Arménie.

Quand tu as été contacté par ce club quel a été le projet qu’on t’a présenté ? Quel est le rôle qu’on t’a proposé ?

Ils voulaient un milieu offensif, ils avaient déjà un Brésilien très bon. Ils étaient très bien classés en championnat donc ils me parlaient de jouer au moins la qualification en Europe. Au final je suis arrivé, je fais mes matchs, rapidement après on joue la finale de la coupe, qu’on perd malheureusement. Arrivés à la fin de la saison c’était hyper serré, on était quatrième et on devait jouer les deux meilleures équipes. Et au final on gagne le titre. Pour moi l’expérience sportive était déjà bouclée, et l’expérience humaine aussi, rien qu’en vivant dans un pays comme l’Arménie. J’arrivais néanmoins en fin de contrat. Je voulais laisser un peu la période de mercato pour voir ce qu’il pouvait arriver, mais on me met un peu la pression, on me dit qu’on va jouer les qualifications, que le club a besoin de moi. Comme à ce moment là on est en juin et que c’est relativement tôt pour les transferts, je finis par dire oui pour signer un nouveau contrat.

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Et ce sera au final un bel été avec cette qualification en Ligue Europa Conference ?

Oui, on fait une petite préparation en juin et on attaque ensuite avec deux matchs de Ligue des Champions et deux matchs de Ligue Europa et au final, on réussit à décrocher les phases de groupe de Ligue Europa Conference. En trois mois seulement, j’avais atteint un nouvel objectif, c’était super !

Et ça t’a plutôt bien réussi puisque je crois que pour ton premier match européen, tu marques le but de la qualification contre les Gallois de Connah’s Quay ?

Exactement, mais ce match je n’étais même pas sûr de le jouer. En fait on était en camp de préparation dans les montagnes arméniennes et là j’ai une infection/inflammation au niveau de l’estomac. Donc quand on va au Pays de Galles pour le match aller, je ne peux pas jouer. J’ai des crampes d’estomac comme je n’en avais jamais eu. J’ai dû aller à l’hôpital, faire des tests avec les médecins du club. En plus avec la communication en interne, comme je parle anglais et français et eux uniquement arménien et russe, c’était un peu un bordel pour savoir ce qu’il se passait. Du coup le coach me fait commencer sur le banc, il attend, il y a les prolongations, il attend encore. Finalement j’entre et sur mon deuxième ballon, je marque ce but qui nous qualifie pour le deuxième tour.

Durant ce parcours, vous jouez ensuite contre le Sheriff Tiraspol, qui a fait les performances que l’on connait en Ligue des Champions, vous allez battre le Kairat Almaty et vous finissez par un gros match chez les Glasgow Rangers. C’est plutôt pas mal comme parcours ?

Oui ! On commence en tirant le Sheriff au deuxième tour, contre qui on perd de peu (défaite 0-1 à Erevan puis 1-3 à Tiraspol en ayant ouvert le score), donc on a un peu les boules. Après, c’est le Kairat, le champion du Kazakhstan qu’on bat (3-2 après prolongation dans un match fou). Puis on tire les Rangers. Pour moi qui aime beaucoup le style anglo-saxon c’était un rêve, Steven Gerrard sur le banc c’était incroyable, le stade aussi. C’était plein dès l’échauffement, les 50 000 personnes qui chantent… Incroyable ! On perd 1-0 ce qui est dommage parce qu’en plus on était à 10 contre 11 une bonne partie du match. Puis le retour on fait 0-0 à Erevan mais on est quand même reversé en Ligue Europa Conference, donc une expérience incroyable.

Malheureusement depuis cette épopée, les performances en championnat et en Ligue Europa Conference sont pas vraiment du même niveau, comment tu l’expliques ?

Honnêtement je ne sais pas quoi te dire. Même nous dans les vestiaires on se regarde et on ne se l’explique pas vraiment. Je pense que pour tout club c’est compliqué de garder un équilibre entre le championnat et l’Europe mais ça l’est encore plus dans un pays comme l’Arménie. Quand on goute à l’Europe, on vit un rêve. Et quand on retourne en championnat, ça fait tout de suite moins rêver. On est dans une mauvaise série, on perd ou on fait match nul, c’est difficile. En Europe en plus, je pense qu’on a pas eu de chance. Contre le Maccabi Tel-Aviv, il n’y a pas photo. A mon avis, Helsinki est largement battable, mais on prend un rouge à la 30ème minute au match aller (2-4 score final). Et le LASK Linz, c’est une très belle équipe. Je pense qu’il n’y a pas grand chose à dire. Après, on se dit qu’on a accroché le Sheriff, on a accroché les Rangers donc on doit être capable d’accrocher n’importe quelle équipe, mais c’est à nous de retrouver notre niveau de jeu.

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Vous êtes la première équipe arménienne qualifiée pour une coupe d’Europe. Est-ce que tu sens encore aujourd’hui qu’on vous le rappelle, que c’est un exploit qui va rester dans l’histoire pour le foot arménien ?

Bien sûr ! Je vais te dire : notre président c’est lui qui gère tout de A à Z et il a passé son temps à nous répéter qu’il fallait qu’Alashkert écrive l’histoire de l’Arménie. Quand on s’est qualifiés, il était en pleurs, mais c’était énorme pour tous les Arméniens. Il y a l’équipe nationale qui était très bonne au début des qualifications européennes pour la coupe du monde, même s’ils ont un peu merdé. Et là, d’avoir un club arménien qualifié, qui permet de placer le foot arménien sur la carte, c’est génial pour tout le monde.

Est-ce que par exemple ça vous a ramené plus de monde au stade ? Vos matchs à domicile en coupe d’Europe il y avait combien de monde par exemple ?

Cet été, quand il faisait chaud, on a du avoir 8 000 spectateurs contre le Kairat, 13 000 contre les Rangers… Mais là, maintenant qu’il fait froid et que l’équipe ne tourne pas très bien, on n’a plus grand monde au stade c’est sûr. Ce qui est un peu dommage, parce que c’est quand même tout neuf pour l’Arménie de jouer une compétition européenne. Après, je sais par exemple que l’UEFA impose que l’entrée soit payante pour les matchs de Coupe d’Europe. Et comme en Arménie le niveau de vie n’est pas très élevé, c’est difficile pour pas mal de familles de voir un match européen. Surtout depuis que c’est l’hiver maintenant…

Le vestiaire d’Alashkert est très cosmopolite, il y a plusieurs nationalités africaines, des Brésiliens, les Arméniens bien sûr, et toi au milieu. Comment ça se passe entre vous la communication ?

Ca se passe très bien. Le truc, c’est juste les Arméniens qui ne parlent pas anglais, que russe, donc il y a un peu un côté du vestiaire arménien/russe et le reste des étrangers. Après, c’est vrai qu’on a un Namibien, un Ivoirien, un Nigérian, quatre Serbes, un Bosnien, un Monténégrin… Moi j’adore ça, c’est cosmopolite. Pour la communication, oui, il faut s’accrocher parfois. Mais sur le terrain tout se passe bien.

Est-ce que tu es un peu « l’Américain » du vestiaire ?

Oui, forcément, quand je suis arrivé ils ont vu mon CV et ils ne me parlaient que de Miami (rire). Mais après, ils n’oublient pas que je suis Français. Je suis « l’Occidental » on va dire.

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Il y a pas mal de clubs en Arménie qui ont justement des effectifs cosmopolites, comme l’Ararat-Armenia, qui a recruté Yoann Gouffran par exemple (qui a pris sa retraite sportive depuis). Est-ce que tu as eu l’occasion d’échanger avec lui, de jouer contre lui ?

Je ne l’ai jamais vu à Erevan mais j’ai joué plusieurs fois contre lui. Bon, ce n’est plus le Gouffran qu’on connait, hyper vif et rapide sur son aile. Là il était plutôt en 6, posé, il organisait le jeu, mais ça reste un super joueur, forcément. Et l’Ararat-Armenia, c’est une grosse équipe, avec un businessman derrière qui met le plus gros budget, donc ça se traduit dans les résultats.

Comment tu définirais le niveau du championnat arménien ? Tu pourrais le comparer au niveau Ligue 1, Ligue 2, National ?

J’ai toujours eu du mal à comparer les niveaux, même quand j’étais aux Etats-Unis, parce qu’au final en France je n’ai joué qu’en CFA. L’Arménie, je dirais qu’il y a quatre équipes qui sont très fortes et qui jouent bien, je pense qu’elles joueraient en National sans problème. Après le reste c’est un cran en dessous, ça joue moins bien.

Ca va faire huit mois que tu es à Erevan. Comment tu trouves le cadre de vie ?

Franchement Erevan c’est top. Nous, Occidentaux, c’est vrai qu’on a une image un peu triste de l’Arménie, ternie en plus par les conflits géopolitiques. Mais c’est vraiment une ville très sympa, trendy, il y a des supers restos, des bars… En plus les gens sont posés, ils prennent leur temps, il y a une culture du café… J’aime beaucoup. Et à l’extérieur, l’Arménie c’est très nature, des grandes montagnes, des rivières, le Mont Ararat dans le paysage. En plus j’ai eu la chance d’avoir pas mal de visites de la part de mes potes Français et Américains aussi, donc j’ai pu découvrir avec eux l’Arménie assez largement. Après, je ne me verrai pas y vivre de nombreuses années non plus, il y a quand même des différences culturelles, et puis je ne parle pas arménien ni russe.

Il y a un peu moins d’un an , juste avant que tu arrives, il y a eu une guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabagh. Est-ce que tu en as entendu parler ? Ca t’a fait réfléchir avant de venir ?

Je savais qu’il y avait la guerre, j’avais fait mes petites recherches. Je savais aussi que ça venait de se terminer et que la situation était très calme, surtout à Erevan. Le cousin d’un de mes meilleurs potes est arménien donc je l’avais appelé et il m’avait expliqué un peu comment ça se passait. C’est vrai que l’ambiance était très lourde, les gens parlaient principalement de ça, il y avait tout le temps des manifestations, en plus de cela il y a eu des élections. Tu voyais parfois passer des avions et tu savais qu’ils allaient vers la zone de guerre.

Je me rappelle aussi qu’une fois on faisait un déplacement à Gyumri pour affronter le Shirak et il y avait une énorme manifestation qui bloquait les routes. On venait de faire trois heures de route et il nous restait à peine 20 minutes avant destination. En fait c’était 200/300 familles qui manifestaient contre le gouvernement qui n’aurait rien fait pour rapatrier les corps des jeunes tués pendant la guerre. Donc même nous en temps qu’équipe professionnelle on s’est dit que bien évidemment il y avait des choses plus importantes que le foot et on a fait demi-tour. Voilà. Après le génocide de la Turquie au début du siècle, puis l’Azerbaïdjan qui veut conquérir des territoires ça te donne un peu l’idée d’un pays qui se fait tout le temps marcher sur les pieds.

Tu arrives à communiquer avec les Arméniens, à leur parler de ça ?

J’en ai parlé avec des Arméniens, mais jamais mes coéquipiers. J’en ai parlé avec des gens que j’ai rencontré ici, de la diaspora, qui reviennent en Arménie pour essayer d’améliorer les choses. C’est vrai qu’avec mon expérience et en ayant rencontré ces gens là j’ai appris un petit peu à défendre l’Arménie.

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Quels sont tes projets pour la suite ? Tu as un contrat jusqu’à la fin de la saison, ou après la campagne européenne ?

Je suis libre en décembre. Le club aimerait encore me prolonger mais moi, j’aimerais partir sur une autre aventure, à l’étranger ou revenir en France. Je ne suis pas lassé de la vie ici, mais plutôt du foot et de la façon dont c’est organisé.

Tu parles des infrastructures ou du niveau du championnat ?

C’est sûr que les infrastructures, ça n’a rien à voir avec ce que j’ai connu aux New York Red Bulls, mais je le savais. Notre terrain, on n’arrive pas à l’avoir uniquement pour nous donc là, en hiver, son état est un peu scandaleux, les vestiaires aussi. Depuis que je suis arrivé je crois que j’ai eu trois ou quatre entraîneurs différents. Notre président est un peu taré, il vire les coachs un peu comme il a envie. Des fois il choisit de ne pas payer des joueurs, ou alors de ne pas leur donner toutes les primes. Il y a plein de petites choses pas claires en fait qui font que je n’ai pas envie de rester.

Le fait d’être dans un championnat à huit équipes également ?

Egalement. On joue toujours les mêmes équipes, toujours dans les deux ou trois mêmes stades, donc sans réelle ferveur. Tout le monde se connait la dedans. Je trouve que ça enlève l’intérêt du football qui, pour moi, est quelque chose qui doit se jouer pour les fans, avec de la ferveur. Je pense que l’émotion, je l’ai eue cet été lors de la campagne européenne, mais le reste me fait moins vibrer, c’est sûr.

Quel genre de joueur es tu ? Tu vis, tu manges et tu dors foot ou tu es plutôt du genre à déconnecter en rentrant de l’entrainement ?

J’ai plutôt tendance à déconnecter. Après si j’ai du temps et qu’il y a du foot à la télé je vais regarder, mais je préfère me déconnecter de ça. Je préfère aller voir des potes, découvrir des restos, boire des cafés. Je préfère ça que rentrer chez moi jouer à FIFA. Je ne joue pas aux jeux vidéos d’ailleurs.

Après ton passage à Saint Francis Brooklyn, tu as finis tes études ? C’est un projet pour la suite peut-être ?

Je termine en ce moment même mon master en ligne et ça me prend pas mal de temps. En fait, la MLS avait un partenariat avec une école de Boston, ce qui fait que je ne paie que 25% de la formation pour le master/MBA. J’ai évidemment saisi cette opportunité et je le termine à la fin de l’année. C’est un MBA, donc la finance, l’économie, et j’ai une spécialité en management du sport, histoire de bien préparer l’après-foot. Parce que je sais que je ne gagnerai jamais assez d’argent pour pouvoir me mettre à la retraite après la fin de ma carrière.

Tous propos recueillis par Antoine Gautier pour Footballski.fr

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