Temps de lecture 19 minutesOn a discuté avec Stergos Marinos, défenseur grec du Sporting Charleroi

Bruxelles, dimanche 30 juillet 2017

À l’occasion de la première journée du championnat belge ce weekend, nous avons eu l’opportunité de discuter avec le joueur grec de Charleroi Stergos Marinos. Ce samedi 29 juillet 2017, lors de la première journée le défenseur latéral droit s’est magnifiquement illustré en provoquant le pénalty qui a mené son équipe à la victoire 1-0 à domicile face à Courtrai.

Le joueur de 30 ans, passé par l’Atromitos et le Panathinaikos nous a raconté ses souvenirs de Grèce où il y a remporté la Coupe et le Championnat et a disputé la Ligue des Champions League où il a affronté le Barca de Lionel Messi. Il nous a également fait un constat du football en Grèce touché par la crise et témoigné de la difficulté dans laquelle se trouvent beaucoup de joueurs évoluant au pays.

 

Tu es en Belgique depuis 5 ans. Comment te sens-tu ici ?

Au début c’était un peu difficile à cause du temps et de l’environnement. Je ne connaissais personne, j’avais des problèmes avec la langue. Maintenant, ça s’est amélioré, je parle le français, j’ai rencontré du monde et me suis fait des contacts avec qui je peux profiter de mon temps libre. C’est quelque chose de très important pour être bien psychologiquement.

En ce qui concerne le pays, c’est vrai que l’on ne peut pas comparer la Belgique et la Grèce où tu as toujours du soleil. Je suis ici avant tout pour exercer mon métier.

On sent que tu t’es bien intégré en Belgique. D’ailleurs tu t’exprimes en parfait français.

Oui, j’ai pris des cours dès le début de ma première année. C’était quelque chose d’indispensable.

J’imagine que tout le monde ne parle pas anglais à Charleroi.

Effectivement, c’est pour cela que pour moi c’était important d’apprendre le français pour mieux m’intégrer dans mon environnement de travail.

Des 7 joueurs grecs qui jouent actuellement en Belgique, tu es l’un des premiers à être venu jouer ici en Belgique. Tu as en quelque sorte ouvert la porte aux autres joueurs grecs vers le championnat belge.

Oui, il y avait déjà Galitsios à Lokeren, et je suis venu par la suite. Il y a aussi eu Sifakis qui est venu 6 mois avant moi. Mais c’est vrai qu’après, sont venus plusieurs Grecs. Le championnat est bon et les conditions sont bonnes pour nous, joueurs grecs. Cela nous permet de nous épanouir davantage qu’en Grèce.

Tu as vécu la dernière bonne période du Panathinaikos.

Oui c’est vrai, nous avions remporté le doublé coupe-championnat et nous jouions régulièrement en Europe.

Le doublé coupe-championnat lors de la saison 2009-2010 constitue-t-il ton meilleur souvenir de footballeur ?

Oui, je pense. C’était ma première année au Panathinaikos donc c’était très important pour moi. C’est quelque chose que tu ne vis pas tous les jours et ces moments resteront inoubliables.

Ces deux trophées sont d’ailleurs les seuls que tu aies remportés. Tu n’as pas de regret par rapport à cela ?

Chaque joueur veut remporter le plus de titres possible. Avec Charleroi, nous faisons notre possible pour aller le plus loin, que ça soit en coupe ou en championnat. Nous avons eu de bonnes années où nous sommes allés en Playoffs 1 et en Europe.

Et qu’est-ce qui t’a fait venir à Charleroi ?

Je suis venu ici, car j’avais une offre concrète de Charleroi. Le Président m’a montré son intérêt. Je suis venu, j’ai discuté avec eux et l’offre m’a intéressé. De plus, j’étais libre, car mon contrat au Panathinaikos venait de s’achever ; donc cela a facilité mon transfert.

Lors de ta dernière saison au Panathinaikos, tu ne jouais plus beaucoup.

C’est vrai, j’avais disputé entre 20 et 25 matchs, mais j’étais rarement titulaire, donc ce n’était pas toujours facile pour moi. De plus, pour l’équipe, cela a été une saison assez mauvaise.

Cela contraste avec la saison 2010-2011 brillante du Panathinaikos, où tu joues tous les matchs de Ligue des Champions et de championnat en tant que titulaire. On te voit même au marquage de Messi lors de la phase des groupes contre Barcelone !

Oui, j’avais joué les 6 matchs de phase de groupe de Ligue des Champions, dont 4 ou 5 comme titulaire. J’ai réalisé une très bonne saison cette année-là. Une saison pleine à tous les points de vue.

Si tu devais choisir, que préfères tu entre : cette saison pleine au Pana, où tu joues la Champions League et le championnat grec, et celle à Charleroi (2014-2015) où tu joues 35 matchs et inscris 3 buts ?

Ce sont deux moments différents. Jouer contre Barcelone en Ligue des Champions ou jouer contre la Roma en Europa League, ce sont des moments uniques qui restent gravés à jamais.

Mais chaque moment et saison sont différents. La saison que j’ai réalisée à Charleroi où je suis tout le temps titulaire et inscris 3 buts et après laquelle nous nous qualifions pour l’Europa League est aussi très importante pour moi.

Quand tu as quitté la Grèce en 2013, sentais-tu la crise qui touchait le pays et le football grec ?

Je la sentais et cela a joué un rôle dans mon départ. Nous sommes des professionnels donc nous devons faire des choix en fonction de certains critères. Si tu es footballeur professionnel et que tu as de bonnes conditions financières, tu es bien psychologiquement. Donc oui, la crise a joué un rôle important dans ma décision, je la sentais vraiment, car à l’époque où je suis parti le Panathinaikos avait des problèmes financiers.

Cela a donc joué un rôle important dans ta décision de quitter le club ?

Oui, oui. Cela a joué un rôle, c’est vrai. Mais le plus important c’était que je voulais tenter ma chance à l’étranger et expérimenter quelque chose de nouveau.

Tu avais plusieurs options à l’étranger ?

J’avais des opportunités en Grèce et à l’étranger également, mais l’offre la plus intéressante et sérieuse est venue de Charleroi ; donc je n’ai pas eu à trop réfléchir, mon choix a été rapide.

Depuis que tu es à Charleroi, ces dernières années, l’équipe a fortement progressé.

Le niveau de l’équipe a vraiment augmenté. Ils ont fait beaucoup de pas en avant. Quand je suis arrivé, le club commençait sa phase ascendante. Et ce que nous avons réalisé ces dernières années est vraiment surprenant et encourageant.

Tu étais en grande forme avant ta blessure en avril 2016. Tu as maintenant 30 ans, âge qui est considéré comme le sommet dans la carrière d’un footballeur. Comment te sens-tu après cette blessure ?

Maintenant je me sens très bien. J’ai eu cette blessure qui m’a bloqué dans ma meilleure forme. Mais le plus important, c’est que je sois revenu et que je me sente bien.

À 30 ans, tu as vécu beaucoup de choses : tu as joué la Champions League, l’Europa League, le championnat grec et maintenant en Belgique. La saison dernière, tu as joué moins à cause de cette blessure. Comment vois-tu ton futur ?

J’ai encore un an de contrat à Charleroi et je me sens bien ici. Malgré le fait que je joue moins, les gens ont confiance en moi et me le montrent. Depuis mon retour de blessure, je me sens au sommet de ma forme, et la préparation cet été a été importante pour moi. J’ai pu montrer ce que je vaux.

Tu te sens aussi fort qu’avant ?

Oui, je me sens même mieux ! Bien sûr, avec les années, tu dois faire plus attention à ta condition, ton corps et à ce que tu fais parce qu’avec l’âge le risque de blessure augmente. Mais je me sens très bien. J’ai même commencé depuis peu le yoga, pour me relaxer et détendre mes muscles. Ça me fait énormément de bien.

En Belgique, l’ambiance est beaucoup plus calme, tu ne vas pas penser : “Je vais jouer dans tel stade, que vont me faire les supporters adverses? Est-ce qu’ils vont me jeter des bouteilles, ils vont m’insulter? ».

Tu vis seul en Belgique ?

Oui, je suis seul. Mes parents vivent toujours sur l’île de Kos.

Depuis quand as-tu quitté ton île ?

À 17 ans, j’ai quitté Kos pour Athènes. J’y ai vécu 9 ans. J’ai d’abord commencé à jouer pour l’Atromitos et ensuite au Panathinaikos.

Tu es venu de Grèce où chaque semaine les ambiances sont dingues. À ton arrivée, comment as-tu vécu le changement de pays en termes d’ambiance dans les stades ?

Ça été surprenant comme changement. Ici, en Belgique, l’ambiance est beaucoup plus calme, tu ne vas pas penser : “Je vais jouer dans tel stade, que vont me faire les supporters adverses? Est-ce qu’ils vont me jeter des bouteilles, ils vont m’insulter? ». Ici, tu ne perds pas ton esprit dans de telles pensées. En Grèce, nous avons le sang plus chaud !

À la fin du derby contre l’Olympiakos […] les supporters sont rentrés sur le terrain et dans les vestiaires. Certains joueurs ont été frappés. […] Les supporters nous ont pourchassés jusqu’aux vestiaires. Même certaines personnes de la sécurité se sont retournées contre nous !

Est-ce que tu as vécu ou ressenti la violence en Grèce? Par exemple dans les derbys contre l’Olympiakos et l’AEK.

Oui, j’ai vécu et senti tout ce que tu peux imaginer. Et même avant que le match ne commence. Dès l’arrivée au stade et à l’échauffement, tu sens directement la haine des supporters adverses.

Est-ce que tu as été amené à vivre des situations anormales au stade ou dans les vestiaires ?

Bien sûr ! À la fin du derby contre l’Olympiakos, en 2011, au Stade Karaiskakis (2-1 pour l’Olympiakos), les supporters sont rentrés sur le terrain et dans les vestiaires. Certains joueurs ont été frappés.

Comment réagis-tu à ce moment-là ?

Durant ce match nous avons eu très peur, les supporters nous ont pourchassés jusqu’aux vestiaires. Même certaines personnes de la sécurité se sont retournées contre nous !

Je me sentais honteux. Chaque joueur veut aller au stade pour jouer et profiter, même si c’est un match spécial pour tout le monde. Nous devons voir ce qui nous unit plutôt que ce qui nous divise, car c’est une honte pour les gens qui voient ça, pour les enfants qui voient tant de violence.

Est-ce que cette passion que tu trouves dans les stades grecs te manque-t-elle maintenant que tu joues en Belgique ?

Il est bon d’avoir de la passion pour ton équipe, de la supporter, mais pas jusqu’à atteindre le stade extrême du fanatisme. On ne doit pas en arriver à jeter des fumigènes, des chaises, se battre contre les supporters adverses.

As-tu vu récemment les événements qui se sont déroulés lors de la finale de la Coupe de Grèce PAOK-AEK ? (2-1 pour le PAOK, le 6 mai 2017. Match retardé suite à d’importantes échauffourées et bagarres entre ultras des deux camps, NDLR.)

Oui, c’était une vraie honte. Normalement la finale de la Coupe de Grèce devrait être une fête. Ça devrait être une fête pour tout le monde, et ils l’ont transformé en honte pour tout le football grec. Tout ce qui s’est passé avant et pendant le match, à l’intérieur et à l’extérieur du stade, ça affecte aussi les joueurs, et aussi les supporters normaux qui veulent juste assister calmement à une rencontre de football. Certains ne peuvent plus amener leurs enfants au stade.

Dans ce genre de grands matchs, dans une ambiance hostile, est-ce que ça affecte votre concentration en tant que footballeurs professionnels ?

Oui, cela joue un rôle. Pendant que tu es dans les vestiaires ou sur le terrain, tu entends que des actes violents se déroulent à l’extérieur. Même si en Grèce nous sommes habitués à ça depuis que nous sommes petits, ça reste quelque chose de dérangeant, car nous allons au stade pour pratiquer le sport que nous aimons.

Ici, en Belgique, c’est totalement le contraire. J’imagine que tu ne vois pas ce genre d’événements quand tu vas jouer contre Westerlo ou Zulte-Waregem par exemple.

Oui, exactement. Ici, tu peux te concentrer sur ton match, où que tu ailles ton esprit n’est pas perturbé par ce qui se passe en dehors du terrain. C’est pour cela que les conditions pour nous footballeurs sont meilleures, ici, en Belgique, et cela nous permets de profiter davantage.

Tu as joué une saison avec Sotiris Ninis à Charleroi avant qu’il ne s’en aille à Malines en janvier 2017. On se souvient de lui comme un des plus grands talents grecs dont toute la Grèce et l’Europe parlaient. Il n’a pas eu la carrière que tout le monde lui prédisait. Tu le connais comme ex-coéquipier au Panathinaikos et à Charleroi. Tu es également l’un de ses amis. Quel regard portes-tu sur l’évolution de sa carrière ?

Je me souviens encore quand tout le monde parlait de lui au Panathinaikos. J’ai vu son talent hors-norme qui le plaçait au-dessus du lot en Grèce et  en Europe. Il a fait le choix de partir à Parme et a été malchanceux avec les blessures, ce qui l’a fait reculer. Là, il a été blessé quelque temps après avoir signé à Malines. Il essaie de retrouver sa forme petit à petit.

Penses-tu qu’il y a d’autres problèmes, mis à part ses multiples blessures ? Son départ du Panathinaikos pour Parme en 2012 était-il une bonne idée par exemple ?

Les décisions et les choix s’analysent toujours avec les résultats. Il était au Panathinaikos et a fait le choix d’aller de l’avant et de signer en Serie A. Je pense que chacun d’entre nous aurait fait le même choix. Maintenant, savoir si ce championnat lui convient ou pas, ça, c’est un autre débat. Plusieurs facteurs rentrent en jeu: le coach, l’équipe, …

Ninis est l’exemple du jeune grec qui n’a pu réussir comme on l’espérait. Selon toi, la Grèce donne-t-elle suffisamment la chance à ses jeunes joueurs ?

Auparavant ce n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui pour les jeunes. Le seul point positif de la crise qui touche le football grec est que les clubs ont moins d’argent pour acheter des joueurs étrangers et font donc davantage confiance aux jeunes. Il y a plus de possibilités pour les jeunes sortant des académies.

Par exemple, le Panathinaikos, qui a moins de moyens ces dernières, donne du temps de jeu aux jeunes.

Au Panathinaikos cela s’est fait surtout avec Anastasiou (Entraîneur du Pana de 2013 à 2015 et actuel entraîneur de Courtrai en 1re division belge). Andrea Stramaccioni, le coach qui lui a succédé, n’a pas repris cette tendance. L’entraineur actuel Marinos Ouzounidis reprend petit à petit cette volonté de donner la chance aux jeunes grecs.

L’Olympiakos est connu pour être un club qui brûle souvent les jeunes talents grecs en les faisant signer et en les prêtant à d’autres clubs sans jamais leur donner réellement leur chance. Qu’en penses-tu ?

L’Olympiakos était connu comme cela, mais le club change progressivement sa politique en ce qui concerne les jeunes. Avant, on voyait beaucoup des jeunes de l’Olympiakos prêtés à de petits clubs et c’est vrai que beaucoup de joueurs se sont perdus en route.

Pour toi, ce phénomène disparaît-il petit à petit ?

Oui. Je pense qu’à l’Olympiakos et la Grèce se rendent compte de l’importance d’avoir de bonnes académies de jeunes qui puissent approvisionner les équipes premières en talents. De plus, cela permet aux clubs de dépenser moins et par le futur de pouvoir effectuer de bonnes opérations financières par la vente de ces joueurs formés dans les académies. C’est un choix bien plus intelligent que d’acheter des joueurs cher dont tu n’es même pas sûr qu’ils vont pouvoir avoir le rendement espéré. C’est ce que font toutes les grandes équipes ici en Belgique comme Anderlecht, Bruges, Standard. Ils continuent à faire sortir de très bons jeunes de leurs académies et en même temps ils font des transferts intelligents.

Dans un passé proche, la Grèce était toujours devant la Belgique au classement UEFA. Depuis que tu es en Belgique, les choses ont changé et la Belgique a dépassé la Grèce (La Belgique est actuellement 8e au classement UEFA et la Grèce 15e). Tu as pu constater ce changement non seulement au classement UEFA, mais également au niveau des sélections nationales.

Penses-tu que les raisons de ce basculement sont seulement dues à la crise économique ?

Non, je ne pense que ce soit seulement lié à la crise. C’est aussi lié au système et à l’organisation. Ici, les académies ont une excellente organisation. C’est aussi une question d’atmosphère et de conditions comme je le disais précédemment. Ici, les footballeurs se sentent bien grâce à leurs conditions d’entrainement et au système en général. Je ne pense pas que la différence soit liée à une question de talent, car en Grèce il y a beaucoup de talent. Tout est question de donner la chance à ce talent d’éclore, c’est ça la chose la plus difficile.

C’est difficile économiquement pour des familles grecques de consacrer l’avenir de leur enfant dans le football et de pouvoir lui donner la chance de réussir ?

Effectivement, c’est dur pour une famille grecque vivant sur une île d’envoyer leur enfant vivre à Athènes pour qu’il puisse jouer dans une équipe et peut-être pouvoir réussir dans ce sport. Pour beaucoup de familles, c’est très difficile économiquement de pouvoir faire cela pour leur enfant.

Pour toi, comment cela s’est passé quand tu étais jeune et que tu as quitté ton île de Kos pour aller jouer à Athènes à l’Atromitos et ensuite au Panathinaikos ?

Quand j’étais à l’Atromitos, je n’avais pas de bon contrat. Heureusement, j’étais pris en charge par le club. Mais c’était difficile, j’avais 17 ans et je quittais mon île pour aller vivre à la capitale. J’ai dû quitter mon école et finir mon cursus à Athènes. Mes conditions se sont améliorées en 2009 quand j’ai rejoint le Panathinaikos. J’avais 21 ans à l’époque.

Comment se sont déroulés tes débuts sportifs à l’Atromitos (Il y a joué de 2005 à 2009) ?

La première année, je m’entraînais avec les jeunes et avec l’équipe première. La saison d’après, je ne m’entraînais qu’avec la première. Je jouais de plus en plus de matchs au fil du temps jusqu’à ce que je gagne ma place de titulaire.

Ensuite tu vas au Panathinaikos et les choses se passent très bien. Tu découvres la Ligue des Champions. Qu’est-ce que ça t’a fait d’avoir joué cette compétition et d’entendre l’hymne ?

J’avais la chair de poule. Ce sont de grands moments. Je m’en souviens encore comme si c’était hier et de cette rencontre face à Barcelone, au Camp Nou (5-1 pour Barcelone, but de Sidney Govou sur une passe de Djibril Cissé pour le Panathinaikos).

Je me disais “Qu’est-ce qu’il se passe? On est en train de gagner au Camp Nou contre Barcelone?!

En plus tu étais titulaire !

Oui, en effet. Je portais le numéro 22 à l’époque et j’étais défenseur latéral droit, comme maintenant.

À la 20e minute de ce match contre Barcelone, Govou ouvre la marque pour ton équipe et vous menez 0-1 au Camp Nou. Comment te sens-tu à ce moment ?

À ce moment, tu te réjouis, tu fêtes le but et tu essaies de rester concentré. Mais à l’intérieur de toi, tu es comme un enfant. Je me disais “Qu’est-ce qu’il se passe? On est en train de gagner au Camp Nou contre Barcelone?!” ! Je n’arrivais pas à le croire. Ce n’était pas facile de réaliser ce qu’il se passait.

Le stress, je le ressens plus quand mon équipe affronte une plus petite équipe. Dans ce genre de situation, tu te dois de gagner, tu n’as pas le droit à l’erreur.

Tu étais encore très jeune à l’époque où tu as joué l’Europa League et la Champions League.

C’était facile de garder ses émotions quand tu rentrais sur le terrain ?`

Il faut dire que tu n’as pas vraiment le temps de beaucoup réfléchir. Les jours avant le match, tu penses un peu à la rencontre, mais une fois que tu rentres sur le terrain pour l’échauffement et que tu vois tout ce monde dans un stade énorme, tu te dis que tu dois jouer ce match et profiter de chaque moment.

En termes de stress, qu’est-ce qui était plus difficile à gérer le match de Ligue des Champions contre Barcelone ou un derby face à l’Olympiakos ?

Pour moi, que ça soit l’un ou l’autre, c’est dans ce style de match que tu as le moins de stress. Ce sont des matchs que tu prépares bien et pour lesquels tu es le mieux concentré. Je n’ai jamais eu beaucoup de stress durant ce genre de rencontres. Le stress, je le ressens plus quand mon équipe affronte une plus petite équipe. Dans ce genre de situation, tu te dois de gagner, tu n’as pas le droit à l’erreur. Si tu gagnes, personne ne viendra te féliciter, car c’est considéré comme normal de remporter de telles rencontres. Par contre, si tu te manques, tout le monde te tombe dessus.

Donc pendant les matchs de Ligue des Champions, tu es moins stressé, car tu joues vraiment pour le plaisir et pour profiter de chaque instant. Tu joues avec moins de tension et un meilleur esprit.

À ce moment-là (saison 2010-2011), tu es titulaire au Panathinaikos que ça soit en Ligue des Champions ou dans le championnat grec, est-ce tu as eu des offres intéressantes de l’étranger ?

J’ai eu quelques offres, mais j’étais sous contrat au Panathinaikos. J’étais plus jeune et je n’ai pas vraiment cherché à partir ou répondre aux offres de l’étranger qui étaient proposées à mon manager. J’avais pourtant réalisé une très bonne saison.

Tu as le même manager?

Oui, le même. Il est en Grèce.

Après autant d’années en Belgique, est-ce que ton île te manque ?

C’est vrai qu’elle me manque. Là-bas c’est l’été durant presque 6 ou 7 mois ! Heureusement j’y retourne chaque été. J’y ai encore ma famille.

Est-ce qu’elle te manque ?

Oui elle me manque, surtout l’hiver. C’est quelque chose de normal quand tu vis loin de tes proches.

Est-ce qu’ils viennent souvent te voir?

Ma mère vient de temps en temps, mon père pas tant que ça.

Tu aurais voulu jouer devant eux chaque semaine au stade?

C’est quelque chose auquel je ne pense pas vraiment. De toute manière il regarde mes matchs à la télévision ou via internet.

Et que disent-ils ?

Ils sont fiers !

Pour quelle équipe penche ton coeur grec ?

Pour les deux équipes pour lesquelles j’ai joué: Panathinaikos et Atromitos. Le Pana, car c’est l’équipe avec qui j’ai vécu les moments les plus forts et l’Atromitos, car c’est grâce à cette équipe que j’ai pu éclore au plus haut niveau.

Les présidents des clubs doivent arrêter de toujours se mettre en avant à chaque occasion. Il faut qu’ils arrêtent par exemple d’apparaître dans les médias à chaque fois qu’il y a une erreur arbitrale ou autre, car de la sorte il incite la violence et n’apporte que des choses négatives au football grec.

Tu regardes les matchs du championnat grec ?

Non, je ne regarde pas vraiment la Super League, à part de temps en temps certains derbys ou bien peut-être la finale de coupe. Le championnat n’est pas vraiment attrayant, la qualité s’est dégradée au fil des années. Beaucoup de choses doivent changer.

À ce sujet, nous sommes maintenant en 2017, presque dix ans après le début de la crise économique grecque, comment le football grec peut-il aller de l’avant ? Au jour d’aujourd’hui je ne pense pas que le niveau puisse être plus bas qu’il ne l’est.

Il y a toujours plus bas ! Mais je pense que c’est le moment. Nous sommes tombés tellement bas que je pense que la Fédération et les présidents des clubs doivent se saisir du moment pour changer les choses de manière positive. Ils doivent comprendre que les protagonistes du football grec, ce sont les joueurs et personne d’autre ! Les présidents des clubs doivent arrêter de toujours se mettre en avant à chaque occasion. Il faut qu’ils arrêtent par exemple d’apparaître dans les médias à chaque fois qu’il y a une erreur arbitrale ou autre, car de la sorte il incite la violence et n’apporte que des choses négatives au football grec.

Penses-tu cela possible ? Ces dernières années, on n’a assisté à aucun changement.

C’est quelque chose de très inquiétant. On ne voit aucune amélioration. La situation ne fait que s’empirer.

À cause de cela on voit que les clubs grecs n’arrivent plus à aucun résultat en Europe, même pas en Europa League.

Oui, ce sont les conséquences à payer. C’est dû à la mauvaise organisation, aux mauvaises conditions pour les joueurs, au manque de compétitivité et de concurrence dans le championnat national. Si le championnat grec était aussi compétitif et qu’il y avait autant de concurrence qu’en Belgique, il y aurait des résultats bien plus positifs. On voit qu’ici, en Belgique, durant la saison dernière, en 2016-2017, deux équipes belges (Genk et Anderlecht ) ont pu se qualifier pour les quarts de finale de l’Europa League. Anderlecht a su faire face à Manchester United et n’a perdu qu’en prolongations ! Les performances des équipes au niveau européen sont liées au niveau du championnat national. Si tu as un championnat compétitif, les choses se passeront bien dans les coupes européennes.

https://www.youtube.com/watch?v=hMaJQz8l95k

Comment te sens-tu ici dans ce club de Charleroi ?

Je me sens très bien. Les conditions sont excellentes. Le niveau de l’équipe s’est amélioré au fil des années. J’ai une bonne relation avec l’entraîneur, nous sommes arrivés en même temps à Charleroi.

Tu aimes le stade de Charleroi et l’ambiance qu’il y a ?

Oui le public est fantastique. Il y a une très bonne ambiance. Les supporters sont parmi les plus chauds de Belgique. Je les apprécie très fort, ils nous soutiennent tout le temps, que l’on gagne ou que l’on perde.

Te vois-tu finir ta carrière à l’étranger ?

Oui, pourquoi pas. Ici, les conditions sont meilleures et j’aime le football. Donc je vais essayer de rester à l’étranger autant d”années que possible.

J’ai beaucoup d’amis footballeurs. Ils sont eux aussi dégoûtés par l’état général du football en Grèce. Ils me disent de rester le plus longtemps possible à l’étranger, voire même de ne jamais rentrer.

De plus, en Grèce, que ça soit sur le plan financier ou sportif, tu n’as pas grand-chose à y gagner.

C’est vrai. Je me dis souvent je veux rentrer chez moi, car mes proches et la vie en Grèce me manquent. Mais d’un autre côté, je me dis que si je vais jouer en Grèce, que vais-je y faire ? Les conditions ne sont pas réunies pour que je rentre au vu de l’état du football dans le pays.

En Grèce j’imagine que tu as beaucoup d’amis footballeurs. Que te disent-ils ?

Oui j’ai beaucoup d’amis footballeurs. Ils sont eux aussi dégoûtés par l’état général du football en Grèce. Ils me disent de rester le plus longtemps possible à l’étranger, voire même de ne jamais rentrer.

Ces joueurs cherchent-ils eux aussi à quitter la Grèce pour jouer à l’étranger ?

Ce n’est pas facile. Beaucoup d’équipes à l’étranger accordent peu de crédit aux joueurs évoluant dans le championnat grec au vu du faible niveau du championnat. Les clubs étrangers ne regardent pas beaucoup le championnat grec à part quand il s’agit de joueurs qui sortent du lot. Je parle parfois ici avec mes coéquipiers et personne n’accorde de l’intérêt à notre championnat.

Et toi, as-tu aidé certains joueurs grecs à rejoindre le championnat belge ?

Non, pas vraiment. Certains joueurs m’ont appelé pour me demander mon avis avant de venir en Belgique comme Sotiris Ninis avant son transfert du Panathinaikos à Charleroi (janvier 2016).

Tu as maintenant bientôt 30 ans, quand tu regardes en arrière, selon toi, quel est le meilleur joueur avec qui tu as évolué ?

Gilberto Silva est le joueur qui m’a le plus marqué par sa qualité et son style de jeu (ils étaient coéquipiers au Pana de 2009 à 2011). Au Pana j’ai aussi eu la chance de jouer avec Karagounis et Seitaridis qui étaient d’excellents joueurs selon moi.

Tu n’as qu’une sélection avec l’équipe nationale (contre la Serbie, en amical, en 2010). Est-ce que tu aurais voulu aller plus loin avec la sélection grecque ? Ce n’est pas quelque chose qui te laisse des regrets ?

Bien sûr que je l’aurais voulu. Chaque joueur aimerait jouer pour son pays, c’est une fierté. Mais voilà, ça ne s’est pas fait et maintenant je me concentre à 100% sur mon équipe.

Tu l’as compris tôt que tu n’aurais pas ta chance en équipe nationale ?

Non, pas vraiment. Ce qui ne m’a pas aidé c’est qu’au Panathinaikos je jouais à plusieurs positions différentes (Arrière droit et milieu droit). Je pense que ça a joué dans la décision du sélectionneur national de ne pas me sélectionner.

Quel regard portes-tu sur l’équipe nationale grecque en ce moment ?

La sélection grecque me donne de très bonnes impressions. Je trouve que le coach la gère très bien et que c’est une équipe solide. On a vu récemment que la Grèce a réussi à tenir tête à la Belgique en qualifications pour la Coupe du Monde (1-1 à Bruxelles le 26 mars 2017). Cette équipe me rappelle parfois celle de 2004, car elle a beaucoup d’âme.

Tu vois la Grèce à la Coupe du Monde 2018 ?

Oui pourquoi pas, je l’espère ! Mais dans son groupe le favori reste bien sûr la Belgique. La Grèce peut obtenir une place dans les barrages.

Comment vois-tu ton futur une fois ta carrière de footballeur finie ?

Je ne veux pas penser à ça. C’est quelque chose qui me stresse. La seule chose que je sais, c’est que j’ai envie de voyager, de découvrir de nouveaux endroits et d’en profiter.

Ghassen Fridhi / Interview réalisée en grec et traduite du grec au français par G.F / Tous propos recueillis par G.F pour Footballski

Remerciements à Stergos Marinos pour le temps qu’il nous a accordé.


Image à la une : © VIRGINIE LEFOUR / BELGA MAG / BELGA via AFP Photos

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