Arrivé en Grèce en 2014 en provenance du National, Nicolas Diguiny est en train de se faire, petit à petit, un nom sous le maillot de Panthrakikos. À 27 ans, l’ancien attaquant vannetais effectue sa deuxième saison dans un club pourtant mal engagé dans la course au maintien en Super League. Entre retard de salaires, quête de grand club et doublé contre l’Olympiakos, il fait le point sur sa nouvelle expérience de vie.
Commençons par le début. Où as-tu commencé à jouer au foot ?
J’ai commencé en banlieue parisienne, dans le 78, à Achères, là où j’ai grandi. C’est là-bas que j’ai eu ma première licence. Un ou deux ans après, j’ai intégré le PSG parce que c’était à côté de chez moi. En fait, Achères, c’est limitrophe avec Saint-Germain, donc j’avais fait des essais. J’ai ensuite joué au PSG pendant deux ou trois ans, et c’est comme ça que j’ai commencé le foot.
De là, tu pars à Carquefou non ?
En fait, mes parents ont déménagé à Nantes. Du coup, quand je suis parti du PSG, j’ai intégré le FC Nantes pendant deux ou trois ans encore, de 11 à 14 ans environ. Et à 14 ans, je n’ai pas été gardé parce qu’à l’époque, c’était une politique plutôt basée sur les capacités physiques. Il y avait pas mal de joueurs qui étaient tout petits, qui n’avaient pas encore grandi et qui étaient tout frêles, et d’autres qui étaient déjà à 1m75, costauds. Je n’ai donc pas été gardé et j’ai intégré Carquefou à 14 ans.
Tu as fait quelles catégories là-bas ?
J’ai fait 14 ans Nationaux, 15 DH, 16 Nationaux et après je suis parti à Vannes.
Vannes, c’est un peu le club où tu as tout connu ?
Je suis arrivé assez jeune, à 17 ans. En fait, après l’année de 16 ans à Carquefou, j’ai fait des essais au Stade Rennais, qui avaient failli être concluants. Au final, ça ne s’était pas fait, et ils m’avaient conseillé d’aller à Vannes pour pouvoir me surveiller. Moi, je n’étais pas trop chaud, mais j’y suis allé quand même. J’étais à Vannes en U18 régionaux, la même chose qu’il y avait à Carquefou. Ça s’est bien passé, et on est monté en U18 Nationaux. J’ai fait une année de U18 Nationaux donc et l’année d’après j’ai intégré le groupe qui évoluait en National, avec les seniors.
En plus, vous montez en Ligue 2 en 2008 après ça.
Dès l’année où j’ai intégré le groupe pro, on est monté directement en Ligue 2 à la fin de la saison. Après, j’ai évolué trois saisons en Ligue 2 avant de redescendre, et d’être en quelque sorte bloqué à Vannes. Pendant la dernière année de Ligue 2, j’avais prolongé de deux ans, et quand on est descendu, ces deux années m’ont un peu empêché de partir dans un autre club pour rester à ce niveau-là.
C’est un club qui a eu des difficultés financières récemment, et qui a dû repartir d’en bas. Tu es parti avant que ça arrive ?
Je suis parti l’année juste avant, mais bon, c’était déjà chaud. Ce qui se passait, c’est que lorsqu’on est descendu en National, ils n’ont pas voulu lâcher les joueurs. Pas mal d’entre eux pouvaient rester en Ligue 2, et avaient des possibilités autres que de rester à Vannes. Mais le club a voulu les garder pour remonter. Au final, ça ne s’est pas fait. La première année, on a terminé quatrième, et du coup on n’est pas monté. Ils ont retenté cette politique l’année d’après. Et comme ça ne s’est pas bien passé, ils ont payé cash les efforts qu’ils avaient faits financièrement pour rejouer la montée. La dernière année, ils n’ont pas pu investir, et ils ont eu pas mal de joueurs prêtés. Au final, ils ont dû repartir de plus bas. Ils ont été rétrogradés carrément jusqu’en DH, jusqu’en DSE même. Donc ça a été dur pour eux, à mon avis.
C’est une équipe dans laquelle tu as réussi une performance assez rare : celle d’arrêter un penalty adverse.
(Rires). Ouais. Bon, c’est anecdotique. C’est sûr que c’est rare et ce n’est pas un truc qui arrive tous les jours. Mais bon, ce n’est pas quelque chose que je retiens comme un fait de ma carrière. C’est plus une situation pour moi qui est assez drôle à raconter. Le gardien prend un rouge à la 91ème et les changements étaient déjà faits. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit « j’y vais« . Je ne sais même pas ce qui m’avait motivé à ce moment là, mais je le sentais bien, et j’ai arrêté le pénalty.
La semaine d’après, tu mets un quadruplé. Une période faste pour toi, j’imagine.
Ça doit être la semaine d’après, ou d’avant, je ne sais plus. Franchement, je sais plus exactement, mais c’est dans ce mois-là. J’avais mis un quadruplé face à Quevilly qui, à l’époque, était en National. Plutôt un bon moment.
Tu pars ensuite au Poiré-sur-Vie. C’étaient quoi les raisons de ce départ ?
Les deux années où j’étais descendu à Vannes, j’avais des sollicitations de clubs de Ligue 2. Mais Vannes ne voulait jamais me laisser partir libre, du coup je ne pouvais pas y aller. La dernière saison en National n’avait pas été très performante d’un point de vue personnel, donc je n’avais pas d’autres solutions que d’aller dans un club de ce niveau-là. Et le Poiré-sur-Vie avait un gros projet. En fait, à l’époque, ils recrutaient de bons joueurs de Ligue 2/National pour faire la montée. Pour moi, c’était un beau projet d’aller là-bas. J’avais fini la saison à Vannes en forçant beaucoup sur des blessures parce que je ne voulais pas lâcher le club, et au final, j’ai été blessé les deux premiers mois au Poiré. On n’a pas gagné durant les dix premiers matches, et ça a été une saison difficile. Au final, on n’a pas joué la montée, on a joué le maintien. On s’en est sorti, mais bon, ce n’est pas une saison qui s’est passée comme prévu. Il y avait de bons joueurs pourtant, comme Hervé Bazile qui est à Caen maintenant.
En plus, tu mets un but contre Vannes qui les condamne plus ou moins à la relégation.
Ouais, plus ou moins. On va dire que c’était leur dernière chance. Nous, on jouait le maintien comme eux, mais on était un peu au-dessus. Il restait trois ou quatre matches, et il fallait qu’ils gagnent tout pour se maintenir. On va dire qu’ils n’avaient plus le droit à l’erreur. Du coup, comme on les a battus, c’est comme si on les envoyait en CFA, mais si ce n’était pas nous, c’était l’équipe de la semaine d’après qui allait le faire. Ce n’est pas le Poiré qui les envoie en CFA, ce n’est pas moi qui les envoie en CFA, c’est le timing qui a fait ça.
J’ai décidé d’aller en Grèce moi aussi pour tenter autre chose. Je n’avais rien à perdre.
Tu pars donc en Grèce, à Panthrakikos. Comment ça s’est fait là aussi ? Tu avais envie de faire le grand saut ?
J’avais un ami avec qui j’avais évolué à Vannes qui était parti en Grèce une année plus tôt, au moment où j’ai signé au Poiré-sur-Vie. C’est Ben Mohamed El Fardou qui maintenant est à l’Olympiakos. Il m’avait parlé de la Grèce, ça s’était bien passé pour lui. En fait, le truc, c’est que j’avais envie de changer d’air. La France, voilà… je pensais que j’avais certaines qualités. J’avais été blessé certaines années, j’étais redescendu en National et ça ne s’était pas super bien passé parce que j’avais eu des problèmes avec mon coach à Vannes qui m’avait bloqué et avec qui je ne m’entendais pas bien. Moi, j’avais envie de changer d’air, d’aller dans un autre pays et de pouvoir tout recommencer à zéro. Que le pays me juge sur mes capacités, plutôt que sur le fait de savoir si j’ai été blessé ou pas, si j’avais été performant ou pas telle année. J’ai décidé d’aller en Grèce moi aussi pour tenter autre chose. Je n’avais rien à perdre. J’étais en National en France, et tout le monde sait qu’il n’y a pas de grand futur ou de grandes opportunités quand on est à ce niveau-là. C’est bloqué, les gens n’y apportent pas trop d’attention si tu ne marques pas 15 buts. Tu ne montes pas au-dessus même si tu es super bon. Même si tu fais tes matches, il faut de bonnes statistiques alors que tout le monde sait que c’est un championnat hyper physique et difficile parce que les terrains sont mauvais, c’est très défensif. Donc j’avais envie de changer par rapport à tout ça.
Tu connaissais le club, ou c’est eux qui t’ont supervisé ?
En fait, l’agent qui avait fait le transfert de mon ami en Grèce a parlé de moi à ces gens-là. J’ai envoyé des vidéos, et elles ont plu à ces clubs-là. Ils les ont proposées à deux ou trois équipes qui étaient intéressées, et j’ai choisi celui qui avait l’air le plus apte à ma situation. Sans trop connaître le club, j’y suis allé. J’ai tenté, je n’avais rien à perdre. Je n’avais pas de famille en France, ce n’est pas comme si j’avais trop peur de ce qui allait m’arriver.
Ta première saison se passe plutôt bien, tu joues souvent et l’équipe se maintient (12e). L’adaptation footballistique s’est bien passée ?
Ça a été une saison quand même assez compliquée, parce qu’on a été relégables durant pas mal de journées. On a changé de coach en cours de saison, on a eu beaucoup de façon de jouer différentes. J’ai évolué à beaucoup de postes, que ce soit en 8, à gauche, à droite, en 10 et j’ai même joué à cinq derrière, sur le côté gauche. Ça a été compliqué, mais ça s’est bien passé sur un plan personnel. Là, on est parti sur une deuxième saison – car j’avais signé pour deux ans quand je suis arrivé – qui est encore plus compliquée. Le club a beaucoup de problèmes, que ce soit sur le plan financier ou sportif. Il y avait une interdiction de recrutement en janvier par rapport à certains problèmes du club, on a déjà connu trois coaches cette saison. C’est une année très compliquée qui va être très difficile à terminer, mais c’est enrichissant d’un point de vue personnel. Je fais une belle saison, je suis assez satisfait de ce que je produis, mais c’est dur d’avoir de grosses statistiques quand vous jouez le maintien et que vous avez deux frappes par match.
Pour en revenir à ta première saison, le fait de passer du National à la Super League grecque n’a pas été trop difficile ? Cela correspondait à ce que tu attendais ?
Le National est un championnat très axé sur le physique. Les terrains sont petits et mauvais. On joue beaucoup sur le physique et la rigueur défensive, et moi ce n’est pas un style de jeu qui me convient complètement (rires). D’un point de vue personnel, la Super League est un championnat qui, je trouve, est plus axé sur la technique. La rigueur défensive est peut-être un peu moindre, comme dans toutes les premières divisions. On est plus axé sur le jeu que sur la rigueur et le combat. Ça me convient plus, et je m’épanouis plus ici qu’en National, c’est sûr. Après, ça représente à peu près le niveau de la Ligue 2, ça dépend de certaines équipes. Des équipes ont le niveau Ligue 1, bien sûr.
Tu mets aussi deux buts cette année-là contre le PAOK, un à l’aller, un au retour. Il y a pire, non ?
Oui, bien sûr, ici le PAOK est un gros club qui a beaucoup de supporters, qui a une histoire. C’est sûr que ça fait plaisir, tu joues dans un stade devant des supporters qui sont assez virulents, tout ça. Donc, quand tu marques contre eux, ça te donne de la confiance.
À l’intersaison, tu es resté. Tu voulais poursuivre une deuxième année, ou tu avais quelques offres ?
J’avais deux trois offres de la part d’autres clubs de Grèce, à peu près du même niveau. Après, le truc, c’est que moi j’avais signé deux ans et que ces clubs-là ne sont pas en mesure d’acheter des joueurs. Dans le championnat grec, il y a quatre ou cinq clubs qui peuvent acheter des joueurs, et les autres les prennent libre parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers. Donc, je me suis dit que j’allais repartir sur une saison, et qu’on verrait bien à la fin de l’année d’après. Je n’allais pas me prendre la tête avec ça. Je suis reparti sur la saison, je fais mon truc, et on verra bien comment ça va se passer d’ici un mois ou deux par rapport à ma fin de saison sur le plan personnel.
J’ai signé pour deux saisons en me disant que j’allais serrer les dents sur n’importe quel problème qui pourrait arriver
Comment tu expliques que ce soit plus dur pour vous cette année ? Beaucoup de départs dans l’équipe ?
Bah ouais, il y a eu des départs et puis il y a eu une interdiction de recrutement par rapport à certains problèmes que le club a connus. Je ne suis pas dans les détails du club, je ne connais pas tout du système du championnat grec, mais le club avait interdiction de recruter des joueurs de plus de 23 ans. Ça a posé pas mal de problèmes. Surtout qu’il y a des soucis financiers aussi au sein du club, beaucoup de retards de salaire, etc. Tout ça fait qu’on n’est pas dans les meilleures conditions pour évoluer sur la pelouse, forcément. Après, c’est le football. Vous connaissez comment c’est. Des fois, quand ça tourne mal, vous ne savez pas pourquoi. Là, on reste sur une série de trois ou quatre matches où tu as l’impression de mériter de gagner comme jamais, et puis à chaque fois ça tourne dans le mauvais sens. C’est une mauvaise année. L’an dernier, c’était juste et cette année on est en train de payer ce qu’on a réussi à sauver la saison passée. On va continuer à se battre jusqu’au bout, même si c’est compliqué.
Surtout que c’est difficile d’être à 100% dans le football quand il y a ces problèmes à côté.
Si ça arrive dans un pays comme la France ou l’Allemagne, c’est sûr que ça va poser d’énormes problèmes. Moi, quand je suis venu ici, je savais ce à quoi je pouvais être confronté. J’étais préparé. Je suis venu sans famille ni enfant ici donc je savais que je pouvais avoir ce genre de problèmes et j’étais préparé mentalement. J’ai signé pour deux saisons en me disant que j’allais serrer les dents sur n’importe quel problème qui pourrait arriver, pour peut-être avoir ce que je mérite d’ici deux ans. Le but, c’était de faire une mission de deux ans, et d’attraper un contrat qui m’intéresse et me plaît. Des difficultés, il y en a. Cette année, il y a de grosses difficultés financières et sportives. Je suis en Grèce, je savais que ça pouvait arriver et c’est arrivé. Il y a pire que ça, on verra comment ça va se passer à la fin de la saison, mais j’essaie de rester concentré le plus possible, être professionnel parce que malgré tout ça, je ne vais pas pour autant m’arrêter de travailler ou d’être performant. C’est mon avenir à moi que je joue. Ce n’est pas parce qu’ils ne me paient pas qu’il faut que j’arrête de jouer, parce que je ne vais rien gagner dans tout ça. Je suis obligé de continuer à m’entraîner dur, être performant. Il reste sept ou huit matches, et il faut que je les fasse à fond pour tirer pour tirer mon épingle du jeu, parce que c’est ce que j’avais prévu. J’ai signé deux ans, pour avoir à la fin de ces deux années ce que je ne pouvais pas avoir en France. Je ne vais pas lâcher maintenant parce que j’ai des problèmes de salaire.
En parlant de te faire remarquer, tu as marqué un doublé contre l’Olympiakos cette saison, ce qui n’est pas donné à tous les joueurs. C’est un bon moyen de se faire voir ?
Ouais, c’est sûr. C’était un match assez spécial, parce qu’on est à 1-1 à la mi-temps, et on prend deux penaltys derrière. Après, j’ai réussi à mettre un doublé donc ça m’a fait du bien mentalement, et d’un point de vue personnel, pour être visible de la part des autres clubs, c’est sûr que c’est intéressant. Quand tu es capable de mettre un doublé contre l’Olympiakos, pour tout le monde tu es capable de marquer contre n’importe quelle équipe. C’est vrai que c’est plutôt intéressant, mais je ne m’arrête pas à ça. J’aimerais bien, s’il le fallait, ne pas marquer de but contre l’Olympiakos, mais marquer plus contre les autres, mais c’est compliqué. Cette année, on n’a pas beaucoup de réussite. On n’a que très peu d’occasions, mais quand on a des grosses, je ne sais pas ce qu’il se passe, ça ne rentre pas. C’est comme ça, c’est le football. Mais ce n’est pas pour autant qu’on va lâcher. Il nous reste sept matches, on a encore de grosses équipes à jouer comme le PAOK, l’Olympiakos, l’AEK, le Pana. Donc on va continuer à bosser pour encore marquer contre ces adversaires-là.
Au niveau du maintien, le premier non relégable a 10 points d’avance sur vous. Vous y croyez encore ?
Le programme qu’on a est assez compliqué, il faut être honnête. Il nous reste le PAOK, l’Olympiakos, l’AEK, le Pana dont la plupart des matches seront à l’extérieur. On reste lucide, on sait que ça va être très très compliqué, mais tant que ce n’est pas mathématiquement fait, et même si ça l’est, il faut toujours se donner à fond et donner le meilleur de nous-mêmes. On se doit de le faire. Après, le maintien va être très compliqué, mais on ne sait jamais… Ce week-end, on accueille le PAS Giannina et derrière on reçoit le PAOK qu’on avait battu l’année dernière à domicile. Si on bat les deux, tout peut être relancé, même si ça va être difficile.
Avec le recul, tu considères que ton choix de venir en Grèce était une bonne chose ? Ta « mission » est en train de prendre forme selon toi ? J’ai vu dans la presse grecque des intérêts de clubs grecs plutôt huppés…
Dans le football, tant qu’il n’y a rien de fait, il ne faut pas s’imaginer ou se croire arrivé. C’est vrai qu’il y a l’intérêt de pas mal de clubs ici en Grèce. Pour l’instant, ça a l’air d’être payant, mais tant que ce n’est pas fait, je ne suis pas du genre à m’enflammer, de par mon expérience, mon parcours. Il reste sept matches, je continue à me donner à fond et pour l’instant, ça a plutôt l’air de payer. Tant que rien n’est fait, je ne tire pas de conclusions, et ma mission n’est pas finie. D’ici un mois, j’y verrais peut-être un peu plus clair.
Ton objectif, c’est un peu de faire comme Ben Nabouhane (passé de Veria à l’Olympiakos) que tu évoquais tout à l’heure ?
Le truc, c’est que Ben a eu de très grosses statistiques. Il a été très efficace dans un club qui était modeste. Il a été très performant, il a eu l’attrait de beaucoup de clubs. Moi, je suis en train d’effectuer une bonne saison, mais on souffre beaucoup, et je n’ai pas les mêmes stats que lui. J’ai mis trois buts et délivré trois passes décisives, mais ce n’est pas suffisant pour taper dans les top clubs que Ben a tapés. Je ne suis pas en train de m’enflammer à croire que je peux approcher ces équipes-là avec ces stats parce qu’on sait que le football, c’est surtout basé sur les statistiques pour les joueurs offensifs. Après, il reste encore sept matches, je peux avoir une très bonne série et enchaîner. Mais, pour l’instant, je sais que ce que je produis ne va pas me permettre d’attraper le top 5. Tous les clubs qui sont derrière savent que je suis là, que je fais des bons matches, donc je suis dans la mesure de les intéresser.
Tu arrives en fin de contrat en fin de saison. La priorité, c’est la Grèce ? Ou tu n’es pas fermé à d’autres propositions ?
Non, non, ce n’est pas ma priorité. Il y a beaucoup de difficultés en Grèce, donc je suis ouvert à n’importe quel championnat. Je n’ai aucune priorité, ni d’obligation on va dire. Mais c’est vrai que comme j’évolue en Grèce, ce sont surtout les clubs d’ici qui me regardent, donc j’ai des contacts et des intérêts de certaines équipes grecques. Si j’ai l’attrait d’un club dans un championnat qui est peut-être plus sûr financièrement, plus attrayant d’un point de vue européen, je ne ferme aucune porte.
Hors football, l’expérience de vie en Grèce te plaît ? L’adaptation à la vie locale a été facile ?
Ça a été très facile, parce que quand j’ai intégré le club, il y avait déjà un joueur français qui était là depuis un an, puis un autre est arrivé en même temps que moi. Il y avait Daouda Mbow, qui évoluait à l’OM avant. Et il y avait Sofyane Cherfa, qui maintenant a signé en Algérie. Ça a été très simple pour moi à ce niveau-là. Il y avait pas mal de joueurs étrangers aussi, de nationalité espagnole, brésilienne. Je n’ai pas eu de problèmes d’intégration, la Grèce est un pays accueillant. Après, c’est sûr que c’est quand même un pays étranger, il y a des moments qui sont plus difficiles que d’autres, et c’est sûr qu’il ne faut jamais rien lâcher. Mais tu sais pourquoi tu es là. J’ai quitté la France, ce n’était pas pour me lamenter sur mon sort, ou me dire : « je ne joue pas« . Il fallait que je bosse, et ça se passe bien pour l’instant. J’espère que ça va bien se passer pendant les sept derniers matches. Je ne compte pas abandonner, je ne suis pas venu ici pour rien.
L’objectif c’est : après les deux ans, qu’est-ce que je peux avoir ?
Il faut réfléchir à ces potentiels problèmes avant de venir ?
Il faut être préparé. Je suis venu en l’étant, en me disant que, peut-être, j’aurais des soucis, une année où j’aurais trois ou quatre salaires en moins ou des retards. En gros, j’étais préparé à ça, en me disant que ce n’était pas grave. Je ne suis pas venu pour un salaire énorme, je n’ai pas d’énormes conditions salariales ou de vie, donc je suis prêt à ça. L’objectif, il n’est pas là. L’objectif c’est : après les deux ans, qu’est ce que je peux avoir ? Je ne suis pas venu ici pour l’argent, sur les deux premières années en tout cas. Le but, c’est de faire deux années du mieux possible sportivement, et après avoir le contrat que j’espère avoir financièrement. Donc, oui, c’est sûr qu’il vaut mieux être préparé mentalement.
En tout cas, c’est très enrichissant sur le point de vue de l’expérience, parce qu’il se passe plein de choses qu’on n’a pas l’habitude de voir en France. La France, c’est un pays très carré, où on respecte les contrats. Tout se passe assez normalement on va dire, même sur le plan sportif, pendant les matches. Quand tu vas en Grèce, au niveau du foot, c’est un monde totalement différent. Ça fait relativiser plein de choses. Concernant la motivation personnelle, ça donne beaucoup de force.
Quelle serait ton explication au fait que les clubs grecs soient autant en difficulté ?
Je pense que c’est plutôt au niveau des présidents de club. C’est lié à la crise. Ils prennent des clubs, avec de gros pouvoirs financiers, puis ça les touche et d’un coup ils n’ont plus rien, ils connaissent de gros soucis. Ils ne savent pas comment s’y prendre après. Moi, je ne connais pas toutes les conditions, l’historique de chaque club, mais c’est plutôt au niveau de la gestion d’en haut que les problèmes se passent. Comme dans tous les championnats où le pouvoir financier diminue chaque année, les problèmes augmentent. Quand tu as l’habitude de travailler d’une certaine façon, mais que les budgets diminuent, c’est difficile de s’adapter. C’est plutôt ça qui fait que le championnat grec est en difficulté. Chaque année, ils ont de gros problèmes financiers, et ils ne le prévoient pas forcément comme il faut. Ou plutôt, ils le savent, mais ils font comme si de rien n’était pour continuer à attirer les joueurs étrangers.
Depuis que tu es en Grèce, quels joueurs t’ont impressionné ?
(Il réfléchit longuement). C’est compliqué à dire. Il y a certains noms contre qui j’ai évolué, comme Berbatov, Cambiasso. Des grands noms, mais après, ce ne sont pas forcément ceux qui m’ont le plus impressionné. On va dire que c’est plutôt des équipes, parce qu’ici il n’y a pas vraiment de phénomènes. Cette année, l’Olympiakos est assez impressionnant, contrairement à l’année précédente où je trouvais qu’ils n’avaient pas un très gros niveau. Cette saison, ils sont au-dessus du lot. L’AEK ? Ils font une belle saison. C’est vrai qu’ils ont quelques bons joueurs comme Buonanotte ou Mantalos. Ils ont quelques individualités au niveau des milieux offensifs. Après, d’un point de vue attaquant pur ou défensif, il n’y a pas grand monde qui soit super impressionnant. Il y a Giannou de l’Asteras qui fait une belle saison. Berg, du Panathinaïakos, aussi, qui l’année dernière était très impressionnant au niveau statistique. Mais voilà, personne ne se détache sur une saison complète on va dire.
Le fait de faire venir des joueurs étrangers peut expliquer, d’après toi, que la sélection ait autant raté ses éliminatoires de l’Euro 2016 ?
Au niveau de la sélection, je n’ai pas été très attentif par rapport à leur parcours. Mais bon, j’ai vu qu’ils avaient été très décevants. Le problème de la sélection grecque, c’est que beaucoup de joueurs évoluent à l’étranger, en Allemagne, en Italie par exemple. C’est très dur de créer des affinités, et ils se connaissent peu au final. Ils sont tous assez jeunes, et ils jouent dans de grands championnats. Pour former une équipe, c’est différent. Mais je ne suis pas très connaisseur sur l’histoire de leur sélection. Le championnat grec, en ce moment, subit beaucoup de problèmes pour être performant d’un point de vue national.
Tu suis encore le championnat français ? Tu en conseilles certains sur la Grèce ?
Ouais bien sûr, j’ai encore des amis qui évoluent en France, que ce soit en Ligue 1, en Ligue 2 ou en National. Je suis toujours, ça m’intéresse. J’ai la télé française ici, donc je regarde des matches de temps en temps. Ça m’est arrivé qu’il y ait deux ou trois collègues qui m’appellent en me disant : « J’ai des propositions en Grèce, est-ce que tu connais ce club ? Comment ça se passe ? » Après j’essaye, par rapport à ce que j’entends ou je sais, de leur être de bon conseil, parce qu’il y a des clubs où il faut plus ou moins aller, plus ou moins sûrs financièrement. Il y en a qui paient très régulièrement en Grèce, où il n’y a aucun problème. Il y en a d’autres où il y a des dettes, et où tu ne sais pas si tu seras payé à la fin du mois ou pas. J’essaye de leur donner ces informations-là pour les aider. Si ce sont des joueurs qui ont une famille, c’est toujours mieux de prendre ses précautions. Quand c’en est un qui est célibataire, qui n’a rien à perdre, c’est plus facile de venir ici.
Propos recueillis par Martial Debeaux
Image à la une : © filathlos.gr
Bonjour
Excellent article avec des commentaires très intéressants d’un superbe joueur que j’ai remarqué dans ce championnat grec et qui se démarque particulièrement par de nombreuses qualités dont la vitesse d’exécution, la facilité de déplacement, la fluidité du jeu, la puissance de frappe (du gauche ou du droit !), l’altruisme et l’intelligence d’appréciation des situations.
Il est indéniable que l’ensemble des qualités du joueur doivent lui permettre de rebondir dans un club plus huppé et ambitieux. Je suis certain que dès lors qu’il pourra aussi s’appuyer sur des joueurs de talent, il va marquer beaucoup plus et il va même pouvoir révéler ses coéquipiers. Il est très sympa avec son équipe: combien d’occasions vendangées sur des bonnes passes de ND ? Et combien de buts encaissés (notamment lorsque NG marque 2 fois par exemple) par manque de rigueur défensive ou de concentration ou à cause de grossières erreurs individuelles qui entraînent l’équipe vers le bas. Ce joueur mérite mieux indubitablement : c’est une vraie pépite footballistique.