Temps de lecture 5 minutesOn a discuté avec Ksenia Kovalenko, défenseur de la Sbornaya féminine

Tout juste auréolée d’une victoire en finale de la Coupe de Russie avec son club du CSKA Moscou, la défenseur Ksenia Kovalenko nous a accordé un entretien exclusif. Entre deux entraînements et avant une fin de saison palpitante, la jeune joueuse nous raconte son parcours, de Novokouznetsk en Sibérie à la sélection russe. Portrait.

Tu es née au Kazakhstan, à Aksu (450km à l’Est d’Astana). Tu as ensuite grandi en Sibérie, c’est ça ?

Oui, c’est ça. Je suis née au Kazakhstan, en 1995. Quand j’avais un an, nous sommes partis avec ma famille vivre en Sibérie, à Novokouznetsk, pas loin de Novossibirsk. Du coup, j’ai passé toute mon enfance là-bas.

Comment as-tu commencé à t’intéresser au football ?

J’ai un frère aîné qui a un an de plus que moi. Il jouait toujours avec ses copains et j’adorais le suivre. Donc je jouais avec lui et ses amis. J’étais la seule fille. Au début, ils me mettaient dans les buts. Mais petit à petit j’ai commencé à prendre de l’assurance et à jouer comme joueuse de champ. Et ça m’a plu au point de vouloir jouer dans un club.

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Dans quel club as-tu débuté ta carrière ?

En fait, j’ai commencé au FC Kuzbass Kemerovo, à un peu plus de deux cents kilomètres au nord de Novokouznetsk. Malheureusement, le club a été dissout en 2012 suite à des problèmes financiers et j’ai dû me trouver un nouveau club. J’avais 17 ans. A ce moment-là, j’avais aussi été convoqué pour un rassemblement avec les équipes de jeunes de la sélection russe et ça m’a permis de rejoindre le CSP Izmailovo, dans la banlieue de Moscou. L’écart de niveau était vraiment important et je faisais souvent des séances en plus pour rattraper mon retard sur les autres filles. J’étais la plus jeune joueuse de l’effectif et au début, c’était vraiment compliqué pour moi. J’avais laissé ma famille et mes amis en Sibérie et je me retrouvais à des milliers de kilomètres. Les premiers mois n’ont pas été faciles, mais au final je m’y suis faite. Après un an et demi, j’ai rejoint Rossiyanka, l’un des plus gros clubs de Russie. Le club est basé à Khimki, au nord de Moscou, et là-bas, tout était fait pour que les filles réussissent. D’ailleurs, Rossiyanka est réputé pour jouer avec des jeunes joueuses et c’est cela qui m’avait convaincu, en plus de la renommée du club.

On t’a vu jouer à tous les postes en défense. Tu as une préférence ?

Très honnêtement, non. L’important pour moi, c’est de jouer. Je suis encore jeune et j’ai beaucoup à apprendre d’autres filles qui ont plus d’expérience. Donc pour moi, tant que je joue, c’est bénéfique. Peu importe que je sois dans l’axe ou sur un côté. En équipes de jeunes, j’ai même joué en attaque plusieurs fois !

L’an passé, tu as gagné le championnat russe avec Rossiyanka. Qu’as-tu ressenti à ce moment-là ?

C’était incroyable ! Surtout après avoir échoué de peu l’année juste avant. On avait fini à la deuxième place. Gagner le championnat, c’est toujours incroyable. Mais là, c’était vraiment spécial vu que c’était ma première fois. Je m’en souviendrai toujours. Et on avait gagné avec la manière : on avait été sacrées alors qu’il restait encore 5 matchs dans la saison. Mais évidemment, j’espère que ce trophée en appellera beaucoup d’autres, en club et en sélection. C’est aussi pour ça que j’ai signé au CSKA en début de saison : pour continuer à progresser et gagner des trophées. Etant donné que je connaissais pratiquement toutes les filles avant d’arriver (des sélections de jeunes ou de la Sbornaya féminine), l’adaptation a été très rapide.  Il y a quelques semaines, nous avons remporté la Coupe de Russie face au FK Chertanovo et cela m’a conforté dans mon choix.

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J’ai lu que tu avais envie de jouer au Bayern Munich un jour, c’est vrai ?

Oui, j’aime beaucoup ce club. J’aimerais beaucoup jouer en Europe occidentale. Pour le moment, ce n’est pas possible. Il nous reste trois matchs très importants dans la saison et on est toujours en lice pour le titre (au moment de cet entretien, le CSKA était à quatre points du leader, le Zvezda 2005, et à égalité de points avec le Ryazan-VDV, NDLR). Après, on verra. Pourquoi pas ? Le niveau en Europe est beaucoup plus élevé qu’en Russie et ce serait un formidable tremplin, c’est certain.

L’Euro féminin a eu lieu cet été aux Pays-Bas et Elena Fomina, la sélectionneuse, ne t’a pas convoquée en sélection. Comment l’as-tu vécu alors que tu avais joué plusieurs matchs cette année, notamment contre les États-Unis ?

Je ne sais pas trop pourquoi je n’ai pas été convoquée. L’entraîneur a fait ses choix. Elle pensait sans doute que je n’étais pas prête. Je n’ai pas eu de discussion avec elle et je ne pense pas que j’en aurai. Je continue d’avancer et on verra ce qu’il en est lors des prochaines échéances avec la Sbornaya.

Qu’as-tu pensé de la performance de l’équipe en général ?

L’objectif était évidemment de passer les poules. Finir troisième avec trois points derrière l’Allemagne et la Suède, c’est tout de même honorable. Battre l’Italie en ouverture représente une belle performance. Il faut savoir que pour nous, le niveau en compétition internationale est beaucoup plus élevé que dans notre championnat. Du coup, c’est souvent difficile de battre des équipes comme l’Allemagne ou la Suède.

Les qualifications pour la Coupe du Monde 2019 en France ont débuté il y a quelques semaines. Quel est l’objectif de la Sbornaya dans ce groupe relevé avec notamment l’Angleterre ?

C’est un groupe très dur. Tomber sur l’Angleterre, ce n’est pas un cadeau (le 19 septembre, la Russie s’est inclinée 6-0 contre les Anglaises, sans Ksenia Kovalenko, NDLR). Après, c’est plutôt ouvert. Le Pays de Galles, la Bosnie, ce sont de bonnes équipes également. Mais nous avons un bon effectif. En fait, je n’aime pas trop parler de nos adversaires avant et préfère me concentrer sur les rencontres que l’on aura à jouer avant la Coupe du Monde.

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Comment décrirais-tu l’évolution du foot féminin en Russie ces dernières années ?

J’habite à Moscou depuis quatre ans, et ça fait quatre ans que je sens que le football féminin se développe. Vous savez, dans les années 70 et 80, le football féminin était très populaire en Russie. Il y avait beaucoup plus de clubs qu’aujourd’hui. Mais l’apparition d’un « Nouveau Monde » et d’une nouvelle économie dans les années 90 ont fait que les gens se sont désintéressés et les clubs ont fermé.  L’Euro cet été a aidé un petit peu à montrer ce qu’on faisait. Cela a suscité l’intérêt d’une partie du public. C’est un petit pas, mais cela montre que les mentalités changent.

Est-ce que les médias jouent un rôle actif dans la promotion du football féminin en Russie ?

Le développement de notre sport passe évidemment par une couverture médiatique importante. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Nos matchs sont très peu diffusés à la télé. Les salaires restent très faibles aussi. On ne peut donc pas comparer le foot féminin en Russie et en Europe occidentale en ce sens. Mais les médias ont un rôle important à jouer et ils peuvent être la clé dans un futur proche pour montrer aux jeunes filles qu’elles peuvent elles aussi jouer au football.

D’une manière générale, existe-t-il des infrastructures pour les joueuses de football, comparables à celles des hommes ?

Non, en réalité il est très dur de trouver un club pas loin de chez soi. Et c’est un très gros problème. Souvent on m’écrit pour me demander quels sont les clubs les plus adaptés. C’est très difficile parce qu’en Russie, nous n’avons pas vraiment de centres de formation pour les filles. Cela n’existe pas vraiment. Il y en a quelques-uns autour de Moscou, mais c’est tout. C’est donc compliqué pour les jeunes filles qui habitent loin de la capitale de trouver une équipe. Moi-même j’avais dû faire l’effort de venir à Moscou et quitter ma famille pour jouer. J’espère vraiment que des investisseurs puissent développer cet aspect-là. C’est très important.

 

Robin Bjalon / Propos recueillis et traduits du russe par R.B.


Image à la une : © SEFA KARACAN / ANADOLU AGENCY via AFP Photos 

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