On a discuté avec Bark Seghiri, ancien défenseur de l’Iraklis et de l’APOEL

Natif de la région parisienne puis formé au PSG, Bark Seghiri a dû s’exiler de la capitale pour lancer sa carrière professionnelle. D’abord à Istres, en Ligue 2, puis à Wasquehal, en National, avant de mettre le cap sur la Grèce en 2004 en rejoignant l’Iraklis Salonique. L’occasion d’un entretien fleuve, pour évoquer une époque où les footballeurs francophones étaient encore assez peu nombreux à s’exiler dans le berceau de la démocratie. La formation, Istres, et l’arrivée en Grèce, les barrages de l’UEFA, le racisme en Grèce, un derby de Salonique dantesque, l’APOEL, Machlas, et la fin de carrière à Panserraikos. Tout y passe.

Une ville, un club, une formation

Commençons par les débuts : en es-tu venu naturellement au football ?

Oui, puisque depuis l’âge de six ou sept ans, quand je tapais le ballon dans mon quartier, je disais aux maîtres ou aux maîtresses d’école que je voulais être footballeur. Ça faisait rire, parce qu’à l’époque, ce n’était pas ce qu’on entendait souvent. Ça été une passion dès le début. Je suis issu des quartiers un peu modestes à Argenteuil, donc la facilité quand vous voulez occuper un enfant, c’est de lui filer un ballon. Et on était vingt à courir après.

En termes de club, tu as commencé où ?

De six à onze ans, je tapais le ballon dans mon quartier, sans trop savoir qu’il y avait des clubs. Les personnes plus âgées que moi, que ce soit mes grands-frères ou leurs amis, connaissaient ça, me disaient d’aller dans un club, que j’avais l’air bon. Quand j’ai compris ça, j’ai été pris par mon grand frère et ma grande sœur qui se sont renseignés. Le club dont tout le monde parlait à l’époque, c’était le Racing Club de France, de l’autre côté du pont, à Colombes. Il y avait des journées de détection qui se faisaient, et puis on était une centaine de gamins. C’était bizarre pour moi de découvrir ça, moi qui tapait le ballon dans mon quartier. Il a fallu faire cette journée, et c’est un très bon souvenir : je suis venu en baskets sur le terrain, alors que tout le monde avait des chaussures de foot.

Comment s’est faite la bascule vers le Paris Saint-Germain ?

De onze à treize ou quatorze ans, je n’avais pas cette notion vraiment professionnelle. Je m’éclatais, je m’amusais, et je voulais être le meilleur de mon équipe. En région parisienne, comme dans toute la France, il y a des sélections départementales, où les meilleurs joueurs de chaque club sont envoyés. Pour moi, c’était avec le 92, pour faire l’équipe des Hauts de Seine. Il y avait des rencontres inter-départementales, et puis l’année d’après, j’ai fait partie de la sélection de Paris. Le Racing était réputé pour avoir un bon vivier de joueurs, donc les recruteurs venaient pas mal s’amasser là-bas. J’ai eu plusieurs propositions de clubs, mais je ne me sentais pas encore prêt à partir loin, donc quand le PSG s’est présenté, ça m’a paru la solution la plus évidente.

En tant que Francilien, est-ce que c’était ton club de cœur ?

Au Racing, quand on était jeunes, on était un peu opposés au PSG. Quand on se rencontrait dans les tournois internationaux, il y avait une rivalité. Mais en même temps, le Racing avait perdu son statut pro, donc ça devenait vital si je voulais avoir une chance dans le football, de partir. À 11-12 ans, on regardait Marseille qui gagnait la Coupe d’Europe.

Puis, après, il y a eu l’épopée du PSG qui m’a fait chavirer, avec Kombouaré. Ça a été un amour pour le club qui est venu, qui s’est créé naturellement. Je suis de la région parisienne, j’ai vu les matchs… Le fait d’évoluer à Saint-Germain-en-Laye, on était à côté des pros sans l’être, on ne pensait qu’à ça. C’était une suite logique.


Quels souvenirs gardes-tu de ta formation ?

De très bons souvenirs. À notre époque, c’était très dur de passer pro au PSG. Le club avait deux équipes en CFA et CFA 2, donc il y avait beaucoup de joueurs au centre de formation. Mais c’étaient des années magnifiques, parce qu’à 17-18 ans, j’ai commencé à m’entraîner avec les pros et j’ai pu toucher à ce niveau et voir que c’était ce que je voulais. C’était vraiment accessible, tout en étant loin. La proximité des vestiaires fait qu’on pense qu’on est juste à côté, qu’on est presque arrivé, mais on comprend après que le niveau pro, c’est plus que ça. Il y a des exigences qu’il faut avoir tout le temps et pas juste se contenter d’être le meilleur du centre ou le capitaine de la réserve. Ça ne suffisait pas. Si, par hasard, on se croise avec d’anciens joueurs sur la région parisienne, on prend toujours des nouvelles, et on sait ce que devient l’autre. J’ai encore des contacts avec certains. C’était exceptionnel, ces années-là… On s’entraîne avec de très bons entraîneurs. On a la chance de pouvoir toucher du doigt le métier.

Qui sont les joueurs qui t’ont particulièrement marqué ?

Les joueurs de mon époque vont très bien le reconnaître : Christophe Ode. Il était peut-être l’un des plus talentueux que l’on avait à Paris. Malheureusement, il était parti au Portugal et s’est perdu. Il n’avait pas un bon relationnel avec Luis Fernandez, l’entraîneur du groupe pro à l’époque. Il le trouvait un peu nonchalant. Mais, unanimement, il était l’un des meilleurs, avec Kefing Dioubaté, ou encore Djamel Belmadi qui était déjà très fort. Mais parfois, on se dit que certains étaient très forts, et qu’est-ce qui a fait qu’ils n’ont pas passé le milieu pro ? Les exigences du foot.

Être très fort au centre de formation, s’il n’y a pas d’engagement… C’est le problème de l’époque, où on se disait qu’on y était déjà presque un peu arrivé. Si on ne réussit pas à Paris, il y a d’autres solutions. Notamment partir et réussir ailleurs, comme m’avait dit Antoine Kombouaré. Cette personne avait quelque chose de très fort. Il faisait partie de ces joueurs polyvalents, bon partout. Après, j’ai côtoyé Anelka, et on a vu très vite qu’il était au-dessus. Que ce soit la vitesse, la technique… Il était très très tonique. Il venait de l’INF Clairefontaine, et je l’avais rencontré avec le Racing en U17 Nationaux.


C’est dur de partir de Paris, parce qu’on tombe de haut. On se dit qu’on n’est pas loin, que les joueurs avec qui on joue chaque année signent pro. Pourquoi pas moi ? Je suis le capitaine de la réserve. Soit on s’apitoie sur son sort et on ne rebondit pas, soit on en tire une motivation.

Bark seghiri – FOOTBALLSKI

Comment as-tu géré le fait de partir à Istres (2000-2003), et de ne pas avoir de contrat pro à Paris : c’était plus un regret, ou une opportunité ? Ou les deux ?

Les deux, clairement. J’étais capitaine de la réserve depuis deux ou trois ans, et je m’entraînais chaque année avec le groupe pro. C’était l’époque du PSG où il y a eu beaucoup de changements d’entraîneur. À chaque fois, le nouvel arrivant jetait un œil sur la réserve. Et puis, ça ne passait pas. L’année d’après, à la reprise, les jeunes repartaient avec le centre de formation pendant quelques mois. J’ai vécu trois années comme ça, avec des coachs qui ont fait l’intérim, comme Bergeroo, Giresse, Paul Le Guen. Ils m’ont donné ma chance pour m’entraîner avec les pros, et quand ils ont prolongé, à la reprise de l’été, ce n’était pas ça… C’est peut-être qu’il fallait que je travaille plus. En même temps, j’étais tellement motivé. Je ne lui ai pas souvent dit, à Antoine Kombouaré, mais quand il m’a pris entre quatre yeux pour me dire que si je ne réussissais pas ici, je le ferai ailleurs, je sais qu’il avait demandé au club de me faire signer pro. Dominique Leclerc, l’entraîneur de la réserve à l’époque, était passé avec les pros, et poussait pour que je monte. Mais le destin a fait que ça ne s’est pas fait.

C’est dur de partir de Paris, parce qu’on tombe de haut. On se dit qu’on n’est pas loin, que les joueurs avec qui on joue chaque année signent pro. Pourquoi pas moi ? Je suis le capitaine de la réserve. Soit on s’apitoie sur son sort et on ne rebondit pas, soit on en tire une motivation. J’ai eu la chance de tomber dans un club comme Istres, qui était très famille, mais avec une réelle envie de monter en Ligue 2. Je l’ai senti comme une grosse opportunité. Donc la déception a fait place très vite à de la motivation. À notre époque, les joueurs du centre de formation de Paris étaient prêtés en Ligue 2 mais ne faisaient pas forcément des saisons pleines. Pierre Ducrocq, Edwin Murati, beaucoup de joueurs comme ça ont été prêtés. Et ils me disaient que ce championnat n’était pas évident. C’était âpre, dur. Je comprenais qu’il fallait passer par ça. J’aurais pu partir plus tôt, parce que j’ai eu une opportunité à Guingamp, mais ça ne s’est pas fait. À Rennes, aussi, puisque Paul Le Guen était parti là-bas, et j’avais été invité à faire quelques jours d’entraînement, sauf que Paris ne m’a pas laissé y aller. J’avais des contacts avec des clubs anglais, mais j’avais resigné deux ans stagiaire à Paris.

Istres s’est présenté, et il y avait un ancien joueur du centre de Paris, Laurent Quiévreux, un gardien qui était parti là-bas et qui m’a dit qu’il fallait que je vienne. Qu’il y avait une belle équipe, quelque chose à faire. J’ai pris mes affaires, alors que j’étais en stage avec Amiens et je devais y signer, avec Denis Troch, ancien du PSG, qui s’était renseigné. Je suis parti sur un coup de poker, en plein été. Et je suis resté ! Ça a été le vrai début. J’ai côtoyé un ancien joueur pro, maintenant entraîneur de Reims (David Guion), et je l’ai pas mal écouté.

Tu évoquais Quiévreux, mais il y avait Fabiano, Piètre, Ragued, soit pas mal d’anciens du PSG qui ont fait cette liaison avec Istres.

La première année, il n’y avait que Laurent et moi. Après, comme on est monté en Ligue 2, et que le club était satisfait de notre apport, ça s’est fait naturellement. Ils sont venus, mais ça n’a pas été évident pour eux, parce que ça faisait partie de cette plus jeune génération qui a ce comportement où tout est acquis, un peu nonchalant. Istres, c’était un club familial, avec pas mal de joueurs originaires de région parisienne. Quelque part, ça aide. Tout comme le fait de repartir de zéro, de me mettre en danger. Soit ça marche, soit ça ne marche pas. Cette année en National a été exceptionnelle, avec la montée tout de suite et des propositions de clubs de Ligue 2. C’est là que j’ai compris que j’avais le pied dans le truc, et qu’il fallait le garder.

En parlant de joueurs de région parisienne, il y en avait un en attaque avec toi : Nassim Akrour, qui joue toujours à 44 ans. Comment était-il à l’époque ?


C’est un vrai bon gars. Il est venu tard sur le football, donc ça ne m’étonne pas de le voir encore. Il n’a pas connu les centres de formation. Il est parti faire ses études en Angleterre, et a joué un peu à côté. Quand il est revenu, il a été recruté en toute fin de mercato, en même temps que moi. On a très vite sympathisé, vu qu’on est de la même région, lui de Colombes, moi d’Argenteuil.


Il est devenu un joueur de fixation, capable de décrocher et, techniquement, de remiser, de garder le ballon. C’est tout le travail qu’il a fait en National, que ce soit avec l’entraîneur ou nous, les défenseurs. Les joueurs qui commencent tard peuvent durer plus longtemps, et, physiquement, il avait ce côté fin, des qualités naturelles. Je suis content, mais ça ne m’étonne pas ! Il était assez sérieux, comme nous tous. On avait très bien compris, tous, qu’Istres serait un club tremplin, et pas une équipe qui pouvait tenir dans la durée.

Il avait des qualités d’endurance, un peu comme Jérôme Leroy. Et il avait un jeu de tête exceptionnel. On s’est pas mal chamaillé, gentiment, à l’entraînement, et j’ai pu voir son évolution, parce que notre entraîneur de l’époque, Arnaud Dos Santos, l’avait fait énormément travailler dos au but, là où il avait énormément de déchet. Il ne m’en voudra pas de dire cela, car il sait qu’il a bien progressé. Il avait des qualités brutes.


Ce sont ces clubs amateurs et qui deviennent pro très vite, avec un bon recrutement au bon moment. Dans la stabilité, que ce soit les infrastructures ou le président, ça restait encore amateur. Il y avait de grosses différences entre le milieu pro, et Istres, il ne faut pas se mentir. Mais c’était une bande de copains qui a fait un bon parcours. Nassim était quelqu’un qui avait une très bonne hygiène vie. Il ne fumait pas, ne buvait pas, on s’entendait là-dessus. La longévité, c’est surtout dû aux qualités naturelles qu’il a.

Dans l’effectif de l’époque, il y avait pas mal de joueurs, comme Xavier Gravelaine ou Brahim Thiam, qui sont restés dans le foot, que ce soit dans des clubs ou comme consultant. Est-ce que tu as encore des contacts avec eux ?

Je n’ai plus de contacts avec eux. Mais Xavier Gravelaine, je l’ai côtoyé à Paris, déjà. C’était sympathique de se retrouver à Istres. De le voir dans le milieu pro, directeur sportif, ça fait plaisir. Il fait partie de ces personnes qui dérangent un peu dans le football, mais qu’on aime bien. Ce genre de personne qui a une grande gueule, mais qui ne l’ouvre pas pour rien. Quand il parle, il faut écouter. J’ai beaucoup appris, parce que c’est un très bon attaquant. Et en tant que défenseur, j’en redemandais ! Beaucoup de gens avec qui j’étais en centre de formation sont passés dans les médias, comme commentateurs. Je n’ai pas de contacts avec eux, mais si on se voyait, on prendrait un verre, et on rediscuterait du bon temps, sans aucun problème ! Brahim Thiam, c’était un peu un adversaire, car on était défenseur tous les deux à Istres. J’avais un peu sorti mon épingle du jeu. Mais c’était une concurrence saine.

Après Istres, tu signes à Wasquehal (2003-2004), un échelon en dessous. Pourquoi ?

Je fais partie de ces joueurs qui, peut-être, dérangeaient, parce que je ne parlais pas trop, mais quand on me demandait les choses, je les disais. À Istres, il y avait un entraîneur qui était là, M. Meguelatti. Je n’ai pas eu de bons rapports avec lui malgré le fait d’avoir beaucoup joué comme titulaire. Ce n’est passé avec lui, ni avec le président Benoît. Je n’ai pas souhaité rentrer dans le jeu du copinage. J’ai toujours appris que les meilleurs jouaient, et puis c’est tout. Il y avait un certain copinage entre l’entraîneur et certains joueurs. Moi, comme ce n’est pas passé, j’ai très vite compris que quelque chose n’allait pas, alors que j’étais un de ceux qui jouait le plus. On a été un peu au clash, et à la fin de saison, avant que je parte, il est venu me voir en me disant qu’il avait eu tort vis à vis de moi, qu’il n’aurait pas dû faire ce qu’il a fait, et qu’il avait eu des bâtons dans les roues.

Moi, j’étais honnête. J’ai préféré laisser l’entraîneur choisir, et si ça se cassait la figure, ça se cassait la figure. J’ai eu un discours avec le président, en disant que la seule chose que je voulais, c’est qu’il fasse jouer les meilleurs. Qu’il me fasse jouer, et on va se maintenir ! J’étais un petit peu grande gueule, mais c’est ce que l’entraîneur a fait lors des derniers matchs. Pour se maintenir, il a remis l’équipe qu’il fallait, et on l’a fait. J’avais dit que je ne prolongerai pas. Je suis parti. Mais je crois qu’on m’avait un peu cassé du sucre sur le dos, parce que j’ai eu des retours de certains entraîneurs qui m’avaient expliqué qu’à Istres, les échos me concernant n’étaient pas bons, alors que j’ai été un peu plus que correct et professionnel. Les personnes qui étaient autour de moi savent que j’étais très respectueux, et je n’ai eu de problèmes avec aucun entraîneur dans ma carrière, sauf avec M. Meguellati pendant une saison et demi.

J’ai eu de la chance : David Guion connaissait l’entraîneur de Wasquehal, et il m’a appelé. Il m’a dit de signer, même pour une année. C’était un club qui descendait de Ligue 2, très famille. Je suis parti, je l’ai écouté. Humainement, j’ai fait une très belle année. Le Nord, on a tendance à dire qu’on pleure une fois quand on y va, et une autre quand on y part : c’est vrai ! Sportivement, l’équipe n’a pas pris. On était beaucoup de joueurs à arriver de Ligue 2, et le projet semblait cohérent, mais il n’y a pas eu la réussite. Moi, j’ai tiré mon épingle du jeu en faisant une saison complète, avec de bons matchs.

La Grèce comme nouveau départ


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