L’ancien international togolais, Abdoul-Gafar Mamah a passé toute sa carrière dans les contrées de l’Est. Aujourd’hui âgé de 32 ans, il a débarqué en 2005 au Sheriff Tiraspol, passé une saison en Russie à l’Alania Vladikavkaz puis est revenu en Moldavie au Dacia Chisinau pour enfin découvrir la Lettonie avec le FK Ventspils. Après avoir éliminé les Albanais de Luftetari, le latéral gauche va maintenant croiser le fer avec les Girondins de Bordeaux en Ligue Europa. L’occasion de s’entretenir rapidement avec lui avant ce match aller.
Vous vous attendiez à vous qualifier aussi facilement contre les Albanais ?
Non, pas vraiment. On ne savait pas trop à quoi à s’attendre. Nous avons joué le contre et avec nos Nigérians très rapides nous avons fait la différence en une mi-temps en marquant cinq buts. Leur défense était dépassée, ils laissaient beaucoup d’espace. En seconde période, ils ont resserré leur défense et ce fut plus compliqué pour nous. Il n’y avait qu’à gérer le match retour.
Quel est le sentiment au sein de l’équipe de Ventspils avant de recevoir Bordeaux ce jeudi ?
Nous savons que Bordeaux est une grande équipe, mais nous allons jouer à fond. On pense qu’on peut passer. Ils sont plus forts que nous, mais nous allons tout donner. Mais on est bien conscients que cela va être un match très compliqué. Pour les gens du club, c’est une fête. Ventspils n’a jamais joué de club français. Cela fait toujours plaisir de rencontrer une équipe d’un gros championnat.
En plus, Bordeaux c’est le club de Zidane, une légende du football, les Lettons en parlent beaucoup. Les gens sont vraiment très contents d’avoir cette opportunité. Je sais que dans mon pays, au Togo, on parle aussi de ce match. Le retour sera sympa, pouvoir jouer dans un bon stade en France est quelque chose de plutôt chouette même si ce sera très compliqué sur le terrain.
Comment es-tu passé du Togo à la Moldavie ?
C’est assez simple. Un directeur sportif du Sheriff était à Lomé, il m’a vu jouer et m’a fait venir en Moldavie. Il passe énormément de temps en Afrique pour trouver des joueurs. Je lui ai plu et il a directement tout fait pour me faire venir en Moldavie.
Le Sheriff est un club assez bien organisé en Moldavie.
Oui, vraiment. C’est le mieux organisé. Tout est professionnel, les infrastructures sont impeccables et il y avait pas mal d’Africains, donc cela facilite l’intégration. Avec le Sheriff, tu joues l’Europe chaque saison donc c’est un vrai plus pour un joueur de football. D’autant que le club a de l’argent pour attirer de bons joueurs, comme le Belge Ziguy Badibanga.
Malgré tout, tu as souhaité tenter ta chance ailleurs, avec une courte pige en Russie.
La Russie, c’est encore autre chose. Les stades sont grands, il y a du public, tu joues contre de grands joueurs, les installations sont d’un autre niveau. Mon meilleur souvenir c’est un déplacement au Spartak Moscou où il y avait une très grosse ambiance. C’est l’un de mes meilleurs souvenirs en tant que footballeur. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à nous maintenir, nous sommes descendus en D2 et ils ont dû dégraisser l’effectif. J’ai dû partir …
Et tu reviens en Moldavie, mais au Dacia Chisinau. Il n’a pas été trop difficile de te faire accepter par les supporters moldaves en venant d’un club connoté « russe » comme le Sheriff ?
Non, pas du tout. Tu sais, si tu donnes tout sur le terrain, les supporters le voient et t’acceptent. Plus généralement, selon moi, les tensions entre les Moldaves et Russes qui existent à cause de la situation en Transnistrie ne ce ressentent pas trop dans le football moldave. En tout cas, à mon échelle, je n’ai eu aucun souci à ce niveau-là.
Le Dacia vient d’ailleurs de disparaître.
J’étais déjà à Ventspils quand j’ai appris que le Dacia disparaissait, je n’ai pas vécu cela de près, mais je suis évidemment très triste. J’ai passé six saisons là-bas, c’est une grosse partie de ma vie…
Tu n’as pas fait le voyage seul, vous êtes plusieurs joueurs à avoir fait le chemin entre le Dacia et Ventspils. Votre point commun est Adlan Shishkhanov, ancien propriétaire du Dacia débarqué cette année à Ventspils.
Oui, il a investi ici, à Ventspils. Je dois avouer que pour l’intégration c’est assez facile d’être avec autant de joueurs que je connais déjà.
Il a malgré tout une réputation assez sulfureuse.
Je ne vois pas de quoi tu parles.
On parle de matchs truqués.
Jamais ! Je n’ai jamais entendu parler de choses comme cela et je n’ai jamais été confronté à cela. Les gens parlent sans savoir. Au premier abord, il peut être difficile à aborder, mais une fois qu’on le connaît c’est un gars très correct et très agréable.
As-tu vu des différences dans le niveau entre les deux championnats ?
Le niveau est équivalent. Je dirais que c’est peut-être un peu plus fort en Moldavie.
Quelles sont les ambitions affichées par Ventspils ?
On voudrait être champion ou au moins être dans les places européennes. Là, on a du retard par rapport au RFS Riga, qui est premier. Honnêtement, ils ne nous sont pas supérieurs, mais on a trop gaspillé de points. La Ligue Europa est également un gros objectif. On a déjà réussi à éliminer les Albanais, maintenant on va voir contre Bordeaux…
Il ne t’est pas trop compliqué de découvrir un nouveau pays après autant d’années passées en Moldavie ?
Non, Ventspils est une petite ville agréable. Je suis ici avec ma femme et mes trois enfants, je mène une vie très tranquille et très calme.
Et pour les enfants ?
En Moldavie, ils allaient dans une école publique et parlaient roumain et anglais. Ici, ils suivent un enseignement uniquement en anglais, mais tout se passe très bien.
On parle souvent de la question du racisme en Europe de l’Est. Tu as été personnellement touché par cela ?
Cela existe dans ces pays, c’est indéniable, mais personnellement je n’ai jamais eu aucun problème de ce côté. Parfois, tu ressens que les gens te regardent bizarrement, mais c’est simplement qu’ils ne sont pas habitués à côtoyer des Africains. Les Russes sont peut-être un peu plus fermés, les Moldaves sont plus expansifs. Pour les Lettons, je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour avoir un avis.
Tu as aussi eu une longue carrière avec le Togo.
Oui, j’ai passé de très moment avec le Togo. J’ai côtoyé Adebayor que je connais bien et qui est un très grand joueur. Mes meilleurs moments sont liés à la CAN, mais j’ai aussi eu une grosse déception avec le Mondial 2006 où je participe à toute la qualification, mais je me blesse avant la Coupe du Monde et je ne peux pas jouer. C’était une période frustrante.
Tu étais dans le bus qui été attaqué en janvier 2010 à la frontière angolaise par des rebelles.
Oui, ça a été une période très compliquée pour nous. Je préfère laisser ça derrière moi…
Viktor Lukovic / Tous propos recueillis par V.L pour Footballski
Image à la une : © Boris Kharchenko