Ce dimanche soir, le Pirée va vibrer pour l’affiche de la 21ème journée de la Superleague grecque. C’est un choc qui va voir s’opposer à 18h30 les deux meilleures équipes des deux plus grandes villes de Grèce. A neuf journées de la fin de la saison régulière, l’Olympiakos, quasi champion, accueille dans son stade Georgios Karaiskakis le PAOK de Thessalonique.
Un choc lourd de sens
Si pour le premier, les choses sont quasiment pliées puisqu’avec 16 points sur le second au championnat, l’AEK Athènes, on voit mal comment les Erithrolefki” (rouges et blancs) peuvent laisser abandonner le titre ; pour leur rival du jour, cependant, les choses sont plus compliquées.
Avec 24 points de retard sur l’Olympiakos, les ambitions du titre sont déjà oubliées. Le PAOK bataille difficilement pour pouvoir finir dans les cinq premiers afin de pouvoir accéder aux play-offs qualificatifs pour les compétitions européennes. Le PAOK, fort irrégulier cette année, dispose pour le moment de 34 points et est à ce jour quatrième au championnat. Mais le Panathinaïkos, troisième, a une avance de 4 points, et à la cinquième et sixième position l’Asteras Tripolis et le Panionios comptent 3 points de retard par rapport au PAOK et espèrent tous les deux un faux pas de celui-ci au Pirée pour pouvoir rattraper ce court retard.
Pour l’Olympiakos, les choses sont évidemment fort différentes et ce choc a une importance plus symbolique que mathématique. En effet, avec une telle avance au classement, le championnat est déjà promis aux joueurs de l’excellent entraîneur portugais Marco Silva, arrivé cet été du Sporting de Lisbonne. Jusqu’à ce jour, les “Erithrolefki” ont engrangé 19 victoires et un match nul. C’est un total complètement incroyable qui relève du jamais vu dans l’histoire du championnat grec.
Si les joueurs du Pirée auront à cœur de remporter cette victoire face à un ennemi historique et d’offrir une victoire de prestige à leurs loyaux supporters, ce dimanche 7 février, le match tombe surtout la veille d’une date tristement célèbre pour tout le peuple de l’Olympiakos.
“Aderfia zite eseis mas odigeite”
En effet, le 8 février 1981, l’Olympiakos accueillait l’AEK Athènes et l’emportait 6-0. Mais cette date ne restera pas célèbre pour cette victoire mais pour un événement qui hante encore toutes les mémoires au Pirée. A la fin de ce match, après un mouvement de foule dans la Thyra 7 (virage des ultras de l’Olympiakos), 20 supporters de l’Olympiakos et un de l’AEK trouveront la mort.
Ce triste jour reste et restera gravé comme une date noire dans le coeur du peuple rouge et blanc. Dans la Thyra 7 (Gate 7 en anglais) du stade Karaiskakis, 21 sièges noirs représentent un sept entre tous les sièges rouges du virage en hommage aux 21 morts du 8 février 1981 tandis qu’un monument en hommage aux victimes se trouve également en dehors du stade.
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Hier, auprès de ce même monument, a eu lieu la cérémonie annuelle de commémoration de la catastrophe. Les différents groupes de supporters de l’Olympiakos, les joueurs, le staff, l’administration, les équipes du club en volley, basket, water-polo: tout le monde était là pour rendre hommage aux victimes. Ces victimes ne seront évidemment pas oubliées aujourd’hui au stade. La Thyra 7 a un chant en hommage aux victimes qui dit: “Aderfia zite eseis mas odigeite”, ce qui signifie littéralement “Frères vivez, c’est vous qui nous conduisez”. Ce chant est régulièrement entonné par la Gate 7 et se fera entendre à plusieurs reprises ce soir.
On verra évidemment plusieurs banderoles à la mémoire des victimes dans le virage tandis qu’un bon nombre d’ultras de la Thyra 7 resteront après la rencontre jusqu’après minuit, et passer au lundi 8 février dans le stade, pour rester ensemble et commémorer dans leur virage le souvenir de leurs frères morts lors de cette triste date. Les joueurs du PAOK vont eux aussi déposer une couronne de fleurs au pied de la Thyra 7. Au Stade Toumpa de Thessalonique, lors du match aller joué le 4 octobre et remporté 0-2 par les rouges et blancs, les joueurs de l’Olympiakos avaient eux déposé une couronne de fleurs au pied de la Thyra 4. En effet, le 4 octobre 1999, six fans du PAOK trouvèrent la mort dans un accident de voiture au retour d’un match à Athènes contre le Panathinaikos. Ce jour a donc pour tous les supporters du “Dikefalos” (l’aigle bicéphale, emblème du PAOK), une importance symbolique et émotionnelle très forte.
La charge émotionnelle de ce match mise à part, la rivalité sportive entre ces deux équipes est énorme . Mais plus que la rivalité sportive, c’est la rivalité et l’animosité entre les groupes ultras et les supporters de chaque équipe qui est à mettre en avant. Parler d’animosité est peut être un faible mot! En effet,, la Thyra 4 du PAOK et la Thyra 7 de l’Olympiakos se vouent une haine énorme. Cette haine s’exprime même dans leurs alliances respectives avec les groupes ultras étrangers. Les deux groupes ultras font honneur à la fraternité orthodoxe par leurs très fortes alliances avec les Grobari du Partizan Belgrade pour la Thyra 4, et avec les Delije de l’Etoile Rouge de Belgrade pour la Thyra 7 – les Grobari et les Delje sont des ennemis éternels en Serbie, comme vous le savez sans doute.
On devra compter aujourd’hui au sein de la Gate 7 un certain nombre de Delije pour un match spécial pour les Grecs comme pour les Serbes. Pour l’Olympiakos, ce match arrive dans un mois de février complètement fou. En effet, avec sept matchs au calendrier, les joueurs du Pirée vont jouer presque deux fois par semaine et vont enchaîner les affiches et les chocs. Dès la semaine prochaine, le samedi 13 février, les “Erithrolefki” se déplaceront au Stade OAKA d’Athènes pour le derby athénien face à l’AEK, l’équipe tout juste remontée en première division et seconde au classement. Ensuite, cinq jours plus tard, le 18 février, l’Olympiakos sera à Bruxelles pour affronter Anderlecht lors du match aller des seizièmes de finale de l’Europa League. Ils accueilleront une semaine plus tard Anderlecht au Pirée, quatre jours après avoir affronté l’Atromitos. Trois jours après le retour contre Anderlecht, les rouges et blanc clôtureront ce mois de février par la rencontre de championnant face à Veria.
Le PAOK de son côté a tout intérêt à rentrer ce soir à Thessalonique avec un résultat positif du Pirée si les joueurs entraînés par le Croate Igor Tudor ne veulent pas subir les foudres de leur chaud public, tellement déçu par les tristes et décevantes prestations de leurs joueurs cette année. Les joueurs d’Igor Tudor, très irréguliers et peu performants en championnat, ont également été éliminés sans gloire dès la phase de groupe de Ligue Europa. Il est donc inutile de rajouter à quel point la Thyra 4 ne pardonnera pas un faux pas du PAOK face à l’Olympiakos ce soir.
Du côté de la Thyra 7, plus que la victoire face à un rival historique, c’est faire honneur aux morts qui comptera ce soir. Aderfia zite eseis mas odigeite.
Ghassen Fridhi
Image à la une : © contra.gr