Oleg Blokhin, c’est plutôt le joueur qui rappelle des souvenirs à nos parents. Des souvenirs intenses de joutes européennes, inoubliables des deux côtés du rideau de fer. Un joueur somptueux qui rappelait Johan Cruyff dans son style de jeu, son élégance et ses dribbles. Blokhin, c’est aussi des statistiques incroyables et la fierté du peuple ukrainien, de par ses succès avec le Dynamo Kiev et son aura sous le maillot rouge et blanc brodé CCCP. Footballski vous fait découvrir (ou redécouvrir) le personnage qu’était le grand Oleg Blokhin à travers une date, un chiffre, une image et bien d’autres choses. En route, camarades…
Une jeunesse… made in Kyiv
C’est dans la capitale ukrainienne que le petit Oleg va voir le jour en novembre 1952 d’un père moscovite, vétéran de la bataille de Stalingrad, et d’une mère championne d’athlétisme. Doué dans tous les sports, Oleg va choisir le football plutôt que l’athlétisme et intégrera l’académie du Dynamo Kiev à l’âge de 10 ans. Son entraîneur de l’époque, Oleksandr Leonidov, va très vite remarquer son habileté balle au pied et sa capacité à mettre à mal les défenses adverses. C’est un soir de novembre 1969 à Tbilissi que le coach du Dynamo Kiev, Viktor Maslov, va lancer dans le grand bain un jeune attaquant de 17 ans. Il est alors international soviétique espoir. Deux ans plus tard, Blokhin va décrocher son premier titre de champion d’URSS avant d’être nommé meilleur joueur du pays la saison suivante. L’histoire est en marche.
Sa carrière sera parsemée de succès en club avec huit titres de champion d’URSS, cinq coupes et trois titres européens. Légende du Dynamo Kiev, il laisse derrière lui une panoplie de records. Meilleur buteur de l’histoire du club avec 266 réalisations, il est aussi le second joueur le plus capé avec 581 apparitions derrière une autre légende, le gardien Oleksandr Shovkovskiy, lui encore en activité. Même topo avec la sélection soviétique, 42 buts pour 112 sélections.
Une date… le 14 Mai 1975
Parc Saint-Jacques, Bâle, 67e minute. Blokhin, lancé en profondeur, s’en va effacer son vis-à-vis défensif d’un coup de rein insolent. Même figure quelques mètres plus tard, le numéro 11 du Dynamo se joue presque trop facilement du gardien hongrois de Ferencváros avant de propulser la balle au fond des filets. 3-0, les Hongrois sont KO, le Dynamo Kiev s’en ira soulever son premier titre européen.
Sous-estimés depuis le début de la compétition, les Ukrainiens vont remettre les pendules à l’heure et porter le football soviétique dans les hautes sphères européennes. Blokhin vient parachever cette victoire en finale de C2 obtenu sur le score de 3 à 0 après deux exploits de son compatriote Vladimir Onischenko. Derrière, ça ne bouge pas. Mikhaylo Fomenko veille au grain. Devant, ça crépite dans tous les sens. Le tout assaisonné depuis le banc de touche par un Valeri Lobanovskiy en mode légende.
« Le Dynamo Kiev combat comme l’Ajax, caresse le ballon comme une équipe argentine et jaillit vers le but adverse comme une formation brésilienne mais surtout cette équipe possède une science de l’accélération jamais vu jusqu’ici en URSS. »
Un chiffre… 266
Comme le nombre de buts inscrits sous le maillot du Dynamo, de 1969 à 1987. Leader incontesté devant Sergeï Rebrov (163), Maksim Shatskikh (142) et Andriy Shevchenko (124). Des statistiques bien gonflées par son talent incontestable mais aussi façonnées par cette époque soviétique où les transferts vers l’Ouest étaient prohibés.
Une image… France Football – décembre 1975
Vainqueur du championnat d’URSS, de la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupes (C2) et de la Super Coupe de l’UEFA, la star ukrainienne aura donc fait carton plein en cette année 1975. Logiquement récompensé, Blokhin se verra honoré du Ballon d’Or, douze années après Lev Yashin (Dinamo Moscou), devenant ainsi le second joueur soviétique à remporter cette distinction.
Une carrière… très soviétique
La carrière déjà bien remplie d’Oleg Blokhin aurait pu être encore plus glorieuse si l’URSS n’avait pas été l’URSS. L’attaquant ukrainien s’était confié il y a quelques années à la presse espagnole, racontant son transfert avorté vers le Real Madrid. Le club de la capitale espagnole l’aurait alpagué à la sortie d’une rencontre européenne entre les deux équipes en vue de le faire passer à l’Ouest. Flatté par la proposition du géant espagnol en 1973, Blokhin se serait bien vu évoluer sous le soleil ibérique.
Oui mais voilà, l’Union Soviétique n’autorisait pas la vente de joueurs, ni leur sortie du territoire. Affaire classée. Le Real reviendra pourtant à la charge en 77 et en 82, tout comme le Bayern Munich, mais rien n’y changera, le joyau de la couronne restera à Kiev. Blokhin avouera même avoir pensé à s’échapper du pays, avant de mesurer les conséquences pour sa famille sur place. Un discours empreint d’une pointe d’amertume tout de même. Le célèbre numéro onze du Dynamo raccrochera finalement son maillot blanc et bleu en 1987 avec 19 titres en 19 ans de carrière en Ukraine.
Une retraite… En demi-teinte
Après 19 ans de bons et loyaux services à Kiev, Blokhin va finalement quitter le pays pour rejoindre le club Autrichien du SK Vorwärts Steyr, sans grand succès avec seulement dix buts en deux saisons et aucun titre à la clé. Il finira sa carrière de joueur à Chypre avec sept buts inscrits lors de son unique saison passée à l’AEL Limassol.
C’est naturellement vers le coaching que va se tourner Blokhin après sa carrière de joueur. C’est à l’Olympiakos qu’il fera ses premières griffes de 90 à 93, avec deux secondes places et une victoire en Coupe de Grèce 1991-92. Le coach ukrainien naviguera ensuite sur les bancs du PAOK, de Ionikos et de l’AEK, sans jamais connaitre le succès.
Son épopée grecque terminée, il prendra les rennes de la sélection nationale en 2003 et qualifiera l’Ukraine pour la Coupe du Monde 2006, la première compétition majeure pour cette sélection indépendante. Les Jaune et Bleu seront défaits en quarts de finale par l’Italie, future championne. Son parcours se poursuivra avec une expérience peu fructueuse au désormais défunt FC Moscou avant de reprendre la sélection pour l’Euro 2012, à domicile, et de sortir dès les phases de poules.
La suite ? La tête du Dynamo Kiev en toute logique. Nommé en septembre 2012 entraîneur du club de la capitale, son club. Oleg va mener le Dynamo aux pires résultats de son histoire récente, avec une troisième place en 2013 et une quatrième en 2014. Incapable de battre le Shakhtar, le club sera même dépassé par le Dnipro et le Metalist Kharkiv avant de s’échouer à la quatrième place donc, constituant le pire résultat du club depuis l’avènement du championnat d’Ukraine indépendante. Coup dur pour le mythique numéro 11 du Dynamo qui sera démis de ses fonctions en avril 2014, remplacé par son adjoint Sergeï Rebrov, autre légende du club qui lui connaîtra un succès retentissant sur le banc de touche. La patte Blokhin n’aura donc jamais vu le jour au Stade Olympique de Kiev.
Un après football… qui passe mal
Outre ses échecs en temps que coach, Oleg Blokhin aura un temps entretenu une image ambiguë sur certaines questions politiques. Élu au parlement ukrainien (Verkhovna Rada) en 1998 dans la formation du centre-gauche Hromada, l’ancien footballeur ne rendra pourtant pas sa carte du Parti Communiste. En 2002, il obtiendra un second mandat de député avec le Parti Social Démocrate qui proposera un programme de gauche pro-russe dans les grandes lignes et qui accordera son soutien au président Viktor Yanukovych. Héritage soviétique mon cher Oleg ?
Malheureusement pour lui, ses propos ambigus sur la révolution Euromaïdan ne joueront pas en sa faveur. Nul ne peut exprimer avec certitude le fond de sa pensée, mais que les Ukrainiens se rassurent, les pieds et les jambes du grand Oleg Blokhin ont parlé pour lui durant deux formidables décennies. Oleg, merci !
Rémy Garrel
Image à la une : © Fussbalikone
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J’oublierai jamais le 2éme but (marqué par Blokhin) en finale de la coupe des coupes contre l’Atletico en 1986, suite à un mouvement collectif d’anthologie…