Un article paru dans le Varakine Palanga a fait récemment sensation en Lituanie. Le média lituanien a en effet été contacté par une certaine Vilma Rameikytė qui a rencontré dans les rues de Palanga un jeune nigérian complètement perdu, Kolejo Yusuf Olalekan. Le joueur se disant abandonné par son club de Palanga, la femme l’a alors pris sous son aile et fait un appel pour que le club prenne ses responsabilités. L’article écrit par Dana Lukauskiene va cependant obliger Palanga à sortir de sa réserve et avouer que le club s’est fait escroquer.
Mais que se passe-t-il à Palanga ?
Promu cette année en Division 1 Lituanienne, le modeste FK Palanga signe en début de saison quelques joueurs français (Brice Goupy, Yven Moyo, Waly Diouf) et le nigérian Lukman Haruna qui possède quelques références (AS Monaco, Dynamo Kiev). Sauf que la belle aventure tourne court. Faute de paiement, tout ce petit monde quitte le navire avant l’été…
Brice Goupy nous parle brièvement de la situation du club de Palanga :
«L’entraineur est gentil mais les dirigeants… C’est catastrophique. Fin juin, alors que je ne suis plus payé depuis deux mois, mon coach m’informe que Trakai désire me signer. Ils vont jouer la Ligue Europa, donc c’est plutôt intéressant. Je lui dis que par respect, je partirai avec son accord, et il est OK. Il demande alors au directeur qui refuse de me laisser partir alors que je ne suis plus payé… Mon agent contacte Trakai une semaine plus tard et ils nous disent que Palanga leur a dit que je ne voulais pas signer chez eux donc ils ont pris un autre joueur… La semaine d’avant, pendant la trêve, ils m’ont donné un mois de salaire au lieu de deux, je n’y suis plus jamais retourné… Les autres avaient déjà abandonné avant moi ».
Le club, confronté à des problèmes de trésorerie, est aussi en difficulté sportivement. Il opte alors pour une filière nigériane. Les noms des nouveaux arrivants sont Godspower Aniefok (ES Sahel), Idowu sans club depuis un passage en Roumanie au CSF Speranta, Lucky Omerou (Marsa FC Malte) amenés par l’agence SIG Football. Et puis, arrive le désormais fameux Kolejo Yusuf Olalekan, dont on ne sait pas vraiment d’où il vient. La signature se fait avec la traditionnelle photo où l’on voit le joueur, le directeur sportif de Palanga et un agent espagnol, Wilmer Usquino Maldonado.
Malgré un parcours cahotique, Palanga parvient à éviter de justesse la dernière place. Pendant ce temps, Kolejo Yusuf Olalekan n’a jamais disputé le moindre match avec Palanga sans que personne n’y prête attention, il faut bien le dire.
Le Dani Alves Nigérian
Pourtant, dans une interview donnée en Septembre au journaliste Ademetan Abayomi pour futbalgalore.com, il est présenté en toute simplicité comme le « Dani Alves Nigérian ». Tout semble bien se passer. Il indique avoir rejoint Abu Dhabi à l’âge de 15 ans, après quoi il aurait été recruté par un club local jusqu’en U17, participant à des tournois prestigieux avec le FC Barcelone, Torino ou le FC Valence. Ensuite, après six mois avec l’équipe première, il serait parti au Adafra Club avant de rejoindre la Lituanie et Palanga. Il se dit éligible à la sélection du Qatar, mais son rêve est de gagner la coupe du monde avec le Nigéria. Avant tout, Olalekan assure vouloir gagner le championnat avec Palanga… alors que le club n’a jamais enregistré le joueur pour participer au championnat !
Par ailleurs, étonnamment, le joueur apparait dans l’effectif de la saison précédente du Sunshine Star FC de la ville d’Akure au Nigéria. Bien entendu, le joueur ne l’a jamais mentionné dans son interview.
Une rapide recherche sur Youtube nous permet de trouver des vidéos postées par le joueur lui-même, dont un clip promotionnel datant de 2015, où il indique jouer au Dibba Al Fujaira, un club effectivement basé aux Emirats.
La médiatisation de l’histoire
L’article du Varakine Palanga va nous expliquer cette histoire assez bizarre en laissant chaque partie donner son point de vue, ce qui donne un contenu assez confus.
Au Varakine Palanga, Olalekan raconte son parcours jusqu’en Lituanie. Il présente d’abord un certain Dayo, qu’il aurait rencontré à Dubai, comme son agent. Ce dernier lui aurait proposé d’aller jouer à Palanga contre 860 euros pour payer son visa. De là, les deux hommes partent en Egypte (où se trouve l’ambassade de Lituanie la plus proche). Olalekan y passe 7 jours et assure se rendre compte que Dayo utilise une fausse identité en se faisant passer pour une représentant d’une société d’agent connue. Il lui révèle alors avoir lui-même géré son transfert à Palanga.
Signé dans l’urgence, le joueur ne passe pas de visite médicale et se blesse rapidement à la jambe suite à un contact avec un coéquipier. Olalekan ne nie pas qu’il avait ressenti une douleur avant de signer à Palanga (mais rien de très grave selon lui).
La version du club est un peu différente. Palanga aurait été contacté par un certain Daren Flitcroft de l’agence Wasserman Media Group (Tim Howard, Michael Owen, Steven Gerrard). Tout se fait par internet et le deal est simple. L’agence propose à Palanga de signer Olalekan avec un contrat de 1000 euros par mois (300 à la charge du club et 700 payés par Wasserman). Il est présenté comme un U21 nigérian très prometteur.
Daren Flitcroft qui existe réellement (il est Director Global Soccer pour Wasserman Media Group) est interrogé par Dana Lukauskiene. Il indique bien entendu n’avoir jamais entendu parler d’Olalekan ni de Palanga.
Continuons l’histoire du club. Palenga assure avoir directement accepté l’offre mais dès l’arrivée du joueur, des doutes apparaissent sur son niveau. Blessé, il est rapidement conduit à l’hôpital de Klaipeda où le verdict est clair, la blessure est ancienne et nécessite une opération. Le prétendu Daren Flitcroft promet de payer l’opération mais reporte toujours l’envoi de l’argent et c’est le club, décidément très naïf, qui prend en charge les frais de l’intervention réalisée auprès d’un chirurgien réputé de Kaunas.
Des doutes commencent à apparaitre et finalement le joueur donne une nouvelle version. C’est lui qui se faisait passer pour Daren Flitcroft depuis le début ! Il s’excuse, précise avoir une femme qui vient d’accoucher avec des problèmes de santé et demande au club de lui pardonner. Le club met directement fin au contrat.
Cette version est fortement sujette à caution une nouvelle fois, car personne ne semble savoir qui est le Wilmer Usquino Maldonado présent lors de la signature du contrat (voir photo au début de l’article). Il semblerait d’ailleurs que deux autres nigérians auraient été proposés au club par le fameux Daren Flitcroft. Il s’agit donc probablement d’une organisation plus large qui a tenté d’arnaquer des clubs lituaniens. Les clubs de Jonava et Stumbras Kaunas auraient également été approchés.
Palanga réagit
Le club voulant éviter le ridicule, ne communique pas sur cette histoire avant que ne sorte l’article du Varakine Palanga. Via un communiqué, il donne sa version des faits et indique qu’il envisage des poursuites judiciaires vu le préjudice subit, tant financier qu’au niveau de l’image du club.
Le joueur aurait en effet présenté trois faux documents : le contrat le liant à Wasserman Media Group, le contrat où Wasserman s’engage à payer l’opération et le contrat ou Wasserman s’engage à payer les 700 euros du salaire du joueur. Sans doute de bonne foi, Vilma Rameikytė ne semble pas réaliser la situation et demande au club de Palanga de prendre ses responsabilités et de s’occuper du joueur.
La sortie du joueur dans la presse apparait en réalité comme complétement incompréhensible car il semble que Wasserman, maintenant au courant de cette histoire, veuille engager des poursuites judiciaires. Il s’avère que le joueur n’était pas à la rue mais logé dans un appartement du club de Palanga qui a semble-t-il tout tenté pour éviter d’ébruiter l’affaire, en laissant au joueur le temps de se rétablir. Ce qui au vu du contexte apparait comme un geste plutôt sympathique. Olalekan indique également au Varakine Palanga vouloir maintenant trouver un autre club en Lituanie, ce qui semble assez surréaliste.
Une bonne leçon…
Aurimas Adomaitis, journaliste auprès de 15min.lt nous livre son explication sur ce transfert improbable :
Palanga a le plus petit budget du championnat. Ils n’ont pas assez d’argent pour organiser un test, donc à chaque fois qu’ils signent un joueur, ils ne l’ont jamais vu réellement jouer. Ils prennent des risques et se sont fait arnaquer. Le joueur avait préparé un bon CV, avait une vidéo pro et une photo avec le maillot de l’équipe U20 du Nigéria donc Palanga l’a signé dans l’urgence en pleine lutte contre la relégation. Ce n’est qu’après le premier entraînement que des doutes sont apparus.
Je présume que le club espérait créer de bonnes relations et des opportunités dans le futur avec Wasserman en payant l’opération. Je pense que ce sera un très bonne leçon pour Palanga et son directeur sportif, Edgaras Barkus qui devra être plus prudent et récolter des informations vérifiées sur les joueurs qu’il veut signer. Il y a déjà eu ce genre de choses en Lituanie mais ici les choses se sont accélérées rapidement avec l’article. C’est un très bonne leçon pour le club de Palanga.
Contacté par nos soins, la sauveuse du joueur, Vilma Rameikytė, nous indique qu’actuellement « le joueur préfère se concentrer sur son rétablissement et rester loin de l’agitation », qu’il a tout de même un peu créé…
Il semble évident qu’à l’heure actuelle, tous les tenants et aboutissants de cette histoire ne sont pas connus et il semble étrange que le joueur veuille rester en Lituanie, pays où son rêve de devenir footballeur pro semble grillé à jamais… Et où (selon nos différents interlocuteurs) il risque réellement de finir en prison pour avoir produit de faux documents. Sans doute aussi victime que coupable, le pauvre Olalekan semble complètement perdu. Wilmer Usquino Maldonado, si c’est son vrai nom, pourrait sans doute nous éclairer, mais il semble introuvable.
Cette histoire n’est pas sans rappeler le bad buzz du début d’année qu’a connu le club de Panevezys en signant Barkley Miguel Panzo. Selon le club, ils avaient signé le joueur après deux semaines de tests mais Panevezys s’était basé sur sa fiche wikipédia pour le présenter sur son site internet. Problème : celle-ci mentionnait entre autre un passage à QPR avec 45 buts en 36 apparitions, un statut d’international angolais et des contrats de sponsoring avec des marques de luxe. Tout était faux évidemment. L’histoire faisant rapidement le tour du web, sous le titre « Panevezys a signé un joueur sur la base d’une fiche Wikipédia ». Le club n’avait pas rompu le contrat du joueur, mais il était resté blessé quasiment toute la saison et aura causé plus d’ennuis qu’autre chose au récent champion de D2.
Viktor Lukovic
Tous propos (sauf mention) recueillis par Viktor Lukovic pour Footballski
Image à la Une © vakarinepalanga.lt