Quand on pense au football nord-macédonien, quelques noms nous viennent en tête : Goran Pandev bien sûr, et Darko Pancev pour les plus anciens. Mais depuis quelques années maintenant, il faut compter sur une footballeuse parmi les stars nord-macédoniennes. Nataša Andonova (26 ans) a en effet joué pour les plus grands clubs européens et évolue désormais au FC Barcelone, avec lequel elle dispute aujourd’hui une finale de Ligue des Champions.
Athlète complète, programmée pour le football depuis son plus jeune âge, Nataša Andonova est également actuellement en plein bras de fer avec sa fédération et refuse de se rendre en sélection depuis plus de deux ans maintenant. Portrait d’une joueuse qui est un peu plus qu’une « Goran Pandev au féminin. »
Une histoire de famille, de Negotino à Barcelone en passant par Potsdam
Nataša Andonova naît en 1993 à Negotino, petite localité du sud de la Macédoine située sur l’autoroute reliant Skopje à Thessalonique, plus connue pour sa fête annuelle de la « Semaine du Vin » que pour ses performances footballistiques. Pas forcément l’endroit où l’on penserait voir émerger une future championne.
Mais Nataša Andonova ne nait pas forcément au plus mauvais endroit pour autant. Comme elle l’explique dans une interview au magazine Nezavisen, la passion du football est une affaire de famille chez les Andonov :
« Je suis une passionnée de sport et de football depuis mon plus jeune âge. Dans ma famille, mon père, mon grand-père, mes frères, mes oncles, tous jouent ou ont joué au football, et j’étais tout le temps sur le terrain avec eux. J’accompagnais tout le temps mon père aux entraînements ou aux matchs, voila pourquoi je suis tombé amoureuse du football.«
Une passion qui ne tarde pas à s’exprimer, d’autant que Nataša partage cet amour du football avec sa grande sœur Sijche, d’un an sa cadette. Les deux Andonova font ainsi leurs premières apparitions en Macédoine sous les couleurs du ZFK Tikvesanka, le club de leur ville, puis du ZFK Borec.
Les choses s’enchaînent si vite que les deux frangines font leurs premières apparitions en équipe nationale première à 16 ans à peine. En 2010 la Macédoine accueille alors l’Euro U19 féminin. Alors que la France s’en va remporter son deuxième titre dans cette catégorie d’âge grâce à des joueuses comme Marion Torrent, Camille Catala, Rose Lavaud ou encore Marina Makanza, Nataša Andonova fait sensation. L’équipe de Macédoine se fait pourtant balader lors de ses trois matchs de groupe, encaissant six buts face à l’Espagne, sept face aux Pays-Bas et six autres face aux Bleues. C’est pourtant Nataša Andonova – qui inscrit le seul but de son équipe face à la France – qui est élue meilleure joueuse du tournoi.
Repérées par le Turbine Potsdam et à peine majeures, Nataša et sa sœur Sijche s’envolent alors quelque mois après pour ce qui se fait alors de mieux en Europe : le Turbine Potsdam, triple champion d’Allemagne en titre et fraîchement vainqueur de la Ligue des Champions cette année.
Projetées loin de leurs repères, dans un pays dont elles ne parlent pas la langue (ni l’anglais d’aileurs), les deux frangines se réconfortent mutuellement, tandis que leur famille les pousse à s’accrocher. Évoluant les premiers mois avec la réserve, Nataša fait ses débuts en équipe première rapidement et inscrit son premier but à l’occasion d’une demi-finale de Coupe d’Allemagne face au Bayern Munich. Malheureusement pour elle, elle ne fait pas partie du groupe de Potsdam qui dispute la finale (perdue cette fois) de la Ligue des Champions face à l’Olympique Lyonnais, mais empoche son premier titre, celui de championne d’Allemagne.
Durant quatre saisons, Andonova trace son chemin aux abords de Berlin. Jouant plus de 60 matchs et inscrivant 11 buts, elle s’affirme alors comme une des meilleurs joueuses européennes. A l’issue de la saison 2015, et alors que Potsdam est de plus en plus contesté par l’émergence des Wolfsburg, Bayern Munich et Francfort, c’est Rosengard qui vient frapper à la porte et lui proposer un nouveau défi.
Avec Rosengard, Nataša Andonova remporte deux coupes de Suède mais finit au pied du podium en championnat et ne dépasse pas non plus les quarts de finale de la Ligue des Champions. Dans un football féminin en pleine progression et voyant émerger de nouvelles puissances chaque année, c’est finalement le PSG qui vient s’offrir les services de la Macédonienne à l’hiver 2017 pour six mois.
Au milieu des stars parisiennes – elle arrive en même temps que la brésilienne Formiga – Andonova ne s’impose pas indiscutablement à son poste de milieu de terrain et doit plutôt composer avec la rotation de l’effectif. D’autant plus qu’ayant déjà joué la Ligue des Champions avec Rosengard elle n’est pas qualifiée pour jouer les grandes joutes européennes du PSG, qui atteint cette année la finale. En fin de saison, cette courte parenthèse parisienne se ferme déjà, avec pour destination le FC Barcelone.
C’est aujourd’hui dans la cité catalane que Nataša Andonova joue depuis deux saisons, au sein d’un effectif de stars internationales au milieu duquel elle s’est parfaitement intégré. Peut-être grâce à sa maîtrise de l’espagnol, qu’elle pratiquait sans jamais avoir vécu dans un pays hispanophone. La raison ? Une histoire toute balkanique racontée dans une interview à El Pais :
« Quand j’étais petite j’adorais regarder les télénovelas latino-américaines à la télé. Ils les passaient en VO sous titrées en serbe. Ma préférée s’appelait ‘Je t’aime tellement, frijolito’. J’adorais ça. »
Quoiqu’il en soit, à 26 ans, la milieu de terrain rayonne dans l’entre jeu blaugrana depuis deux saisons, club avec lequel elle a remporté trois championnats consécutifs et surtout – enfin ! – disputé une finale de Ligue des Champions, face à l’Olympique Lyonnais.
Programmée pour le football
Cette réussite dans les plus grands clubs européens pour une footballeuse nord-macédonienne fait bien entendu penser à la légende du football macédonien qu’est Goran Pandev. Le vainqueur de la Ligue des Champions avec l’Inter Milan, qui compte désormais plus de 100 sélections en équipe nationale, est incontestablement le sportif le plus populaire en Macédoine du Nord, du fait de ses performances individuelles et de son palmarès.
Et, sur ce terrain là, Andonova n’a pour l’instant rien à lui envier (hormis une Ligue des Champions). Ayant joué dans les plus grands clubs et aujourd’hui titulaire au FC Barcelone, il ne fait pas de doute qu’elle représente un exemple à suivre pour toutes les petites filles de Macédoine du Nord, à qui elle a montré, comme Pandev en son temps, que les Nord-Macédoniens étaient aussi capables de grandes performances sportives.
Un succès forgé dans l’abnégation que Nataša Andonova met à l’entrainement depuis son plus jeune âge. Grâce à son héritage familial sportif et à l’exemple de sa sœur, elle a ainsi compris très tôt les sacrifices nécessaires à une vie de championne et la nécessité de partir dans les meilleurs clubs européens pour progresser.
Athlète complète, Andonova entretient un rapport ultra professionnel à son corps et à ses performances physiques. Interrogée par le magazine Nezavisen sur sa routine quotidienne, elle dévoile un plan de journée qui laisse peu de place au hasard :
« J’ai été joueuse pratiquement toute ma vie donc mes journées se ressemblent beaucoup depuis que je joue. Je fais attention à ma nutrition et à mon sommeil. Habituellement je me lève à 7h30 et je suis prête pour l’entraînement à 8h45. Je dois être au club car nous avons un petit-déjeuner conjoint avec l’équipe. L’entraînement commence à 10h, jusqu’à 12h. Après, nous avons un déjeuner à 13h et je rentre à 14h. Je me repose et sur mon temps libre. Je lis des livres, je regarde des films ou je vais voir mes amis.«
Un rendez-vous tendu avec la sélection
Il y a cependant un goût d’inachevé entre Andonova et l’équipe nationale nord-macédoniene, avec laquelle elle compte près de 30 sélections mais pour laquelle elle n’a plus joué un match depuis 2015. Car Nataša Andonova boycotte purement et simplement sa sélection depuis plusieurs années maintenant. A l’image d’Ada Hegerberg, la Ballon d’Or norvégienne, Andonova entend par là protester contre l’attention et la considération des autorités du football de son pays pour le football féminin.
Une histoire qui commence en novembre 2015, alors que l’équipe de Macédoine subit une nouvelle défaite humiliante, 10-0 en Ecosse. Une habitude. En 2014 et 2015 des scores de 11-0, 15-0, 8-0, 7-0 sont des scores auxquels sont habituées les joueuses macédoniennes.
A l’issue du match, Andonova se brouille avec le sélectionneur et exprime publiquement son ras-le-bol de la situation du football féminin dans son pays, réclamant davantage de considération et de moyens pour son développement. En conséquence elle annonce se retirer de la sélection, accompagnée par sa sœur, tant que des changements profonds n’auront pas eu lieu, telle qu’elle l’explique à l’émission The Barcelona Podcast :
« Vous savez, dans mon pays les gens s’intéressent seulement au football masculin. Mais ils devraient aussi s’intéresser au football féminin, sinon nous n’aurons jamais aucune chance à l’international. »
Des changements qui n’ont toujours pas eu lieu, et qui ont même poussé la fédération nord-macédonienne à… mettre en sommeil la sélection nationale féminine. Pendant deux années, la sélection de Macédoine du Nord n’a ainsi participé à aucune compétition et n’a disputé aucun match amical. Un isolement levé il y a seulement quelques semaines, à l’occasion de deux matchs amicaux disputés face au Kosovo.
Elle qui se serait rêvée avec une uniforme de police ou de l’armée si elle n’avait pas été footballeuse, Nataša Andonova a vu son intransigeance lui jouer des tours. Accusée d’avoir laissé tombé la sélection, qui comptait sur elle pour progresser, elle a ainsi vu son entêtement entacher sa réputation auprès des suiveurs de l’équipe nationale. On peut néanmoins toujours constater que sa popularité est intacte lorsqu’elle revient en Macédoine du Nord pour rendre visite à ses anciens clubs et aux jeunes joueuses.
Une situation qui n’a d’ailleurs pas empêché la marque d’eau minérale Pelisterka de la choisir en 2018 comme égérie pour son calendrier annuel. Comptant parmi les plus grosses entreprises de Macédoine du Nord (l’équivalent d’une entreprise comme Evian en France), Pelisterka met chaque année en avant des sportives nord-macédoniennes à l’occasion d’un calendrier annuel, vantant les vertus de l’eau minérale sur l’activité physique. A l’instar des joueuses de handball du Vardar en 2016, Andonova a donc eu droit à cet honneur l’an dernier.
Une reconnaissance logique pour une joueuse qui possède jusqu’ici le plus beau palmarès du football nord-macédonien et qui a également montré à des générations de petites filles de son pays que le succès est possible pour elles si elles s’en donnent les moyens.
Antoine Gautier
Toutes images via © Facebook/Natasa Andonova
Bonjour! Merci pour l’article. Ce n est pas très clair qui est la grande soeur ou la petite soeur « Nataša partage cet amour du football avec sa grande sœur Sijche, d’un an sa cadette. »
Même si un an d’écart ce n’est pas grand chose 🙂