L’œil du recruteur revient et c’est toujours le même principe. Un rapport détaillé, technico-tactique d’un joueur de nos championnats, qui mériterait de jouer à un niveau un peu plus élevé qu’il ne le fait actuellement. L’occasion de vous faire découvrir un joueur que vous devriez voir dans un championnat plus huppé d’ici peu. Aujourd’hui, Amr Warda de Panetolikos.

AMR WARDA

Nom complet : Amr Medhat Warda
Né le : 17 septembre 1993 à Alexandrie
Pays : Égypte
Taille – poids : 1.76 m / 70 kg
Poste (pied) : Ailier gauche (droitier)
Autre(s) poste(s) : Milieu offensif central
Club : Panetolikos – Superleague, Grèce
4 sélections, 0 but avec l’Égypte

CARRIÈRE

Son nom ne vous dit sûrement rien. C’est un peu normal, en même temps. Mais cela devrait bientôt changer. Il faut dire que le début de carrière d’Amr Warda s’est fait dans un pays de foot assez peu médiatisé dans le reste de l’Europe, à savoir l’Égypte. Né à Alexandrie, le jeune footeux commence dans le club de sa ville, le Sporting Alexandria, qui est, pour l’anecdote, l’un des plus vieux du pays puisqu’il fut fondé en 1890. Sa carrière décolle vraiment en 2011 quand, à 18 ans, il rejoint une équipe connue et reconnue dans le monde entier pour y parfaire sa formation : Al Ahly, le club le plus titré d’Afrique, où beaucoup de grands joueurs égyptiens (et étrangers) ont fait preuve de leur talent. Amr Warda, lui, gravit les échelons petit à petit. Les U19, puis les U23, avant de partir une première fois, en prêt, à l’Ittihad d’Alexandrie, dans sa ville natale, le temps d’une demi-saison (16 matchs – 1 but).

En fin de contrat à l’été 2015, il arrive dans le radar du club grec de Panetolikos, équipe plutôt modeste de Superleague, et destinée à se battre pour son maintien. Il y signe un contrat de trois ans, avec une assurance d’avoir du temps de jeu, et après avoir effectué des essais à Séville et en Norvège. L’idéal pour lancer véritablement sa carrière, dans un championnat d’un niveau supérieur à celui qu’il a connu en Égypte, mais dans une structure moins huppée, et avec moins de pression. Sa première saison sera une réussite : 30 apparitions toutes compétitions confondues, pour 5 buts et 3 passes décisives. Au-delà des stats, qui ne disent pas toujours le talent d’un joueur, le petit égyptien à la chevelure bouclée impressionne, portant souvent son équipe avec sa qualité technique et ses dribbles. Une saison pleine, aboutie, et qui suscite logiquement l’intérêt d’écuries européennes d’un autre calibre : AnderlechtMarseille, et des clubs italiens et turcs le cochent dans leurs petits carnets. Contre toute attente, il reste dans la ville d’Agrinio pour une deuxième année, qui a plutôt bien démarré, avec 2 buts en 7 apparitions.

© futking.com
© futking.com

Concernant la sélection, Amr Warda a connu quelques capes chez les jeunes, 4 chez les U20 et 5 avec les U23, pour être précis. Dans la foulée de son bon début de saison 2015-2016 avec Panetolikos, il est appelé chez les A pour la première fois en octobre 2015, où il prend part, sous les ordres d’Hector Cuper, à ses premières 45 minutes avec les Pharaons, contre la Zambie. Deux autres apparitions suivront contre le Tchad, lors des éliminatoires de la Coupe du Monde, avant de disparaître un peu, et de retrouver sa sélection en juin dernier. Soumis à une rude concurrence, il ne figure pas toujours dans les listes. D’où l’intérêt de rejoindre un club un peu plus huppé, et surtout dans un championnat un peu plus exposé.

UTILISATION ACTUELLE

Tout d’abord, il convient de poser le contexte de l’équipe dans laquelle évolue Amr Warda. L’ancien club d’Habib Bamogo ou Kanga Akalé a terminé à la 11e place (sur 16) l’an passé, décrochant un maintien assez rapide, mais en restant, quand même, jamais bien loin de la menace. C’est donc dans une équipe qui subit souvent dans ses rencontres qu’il brille, et qu’il essaie de faire des différences. Et il n’a pas la scène européenne pour attirer l’attention.

D’un point de vue tactique, Amr Warda est à l’aise dans plusieurs systèmes. Son poste de prédilection est milieu offensif sur le côté (gauche, de préférence), mais il peut se décliner de plusieurs manières : on l’a vu sur le côté droit d’un 4-3-3, en 10 ou à droite dans un 4-2-3-1 l’an passé, et même à droite dans un 4-4-2, un poste qui lui avait permis, notamment, de marquer contre l’Olympiakos. En d’autres termes, l’Égyptien est capable d’occuper tout le front de l’attaque (sauf la pointe), et d’être l’élément majeur de cette animation offensive. Le placer à gauche lui permet de repiquer sur son pied droit et de tirer, ce qu’il a déjà fait à plusieurs reprises. Mais en 10, il est utile pour orienter le jeu, et ressortir très vite le ballon. Un véritable couteau suisse pour un entraîneur, sachant qu’il n’est pas maladroit de son mauvais pied.

PROFIL

  • Assez petit (1,76m), Amr Warda ne paie pas forcément de mine, comme ça, au premier regard, mis à part ses bouclettes et son n°74 caractéristique. Mais très vif, ce gabarit de poche lui donne finalement un avantage : il devient vite insaisissable pour la défense, surtout face à des défenseurs lents, souvent contraints à la faute. Avec ce centre de gravité assez bas, il arrive souvent à s’en sortir dans de petits périmètres, même face à plusieurs adversaires, ou contre une équipe qui aurait décidé de mettre un gros pressing en place.
  • Ce physique peut aussi être un axe de progression : il doit encore prendre du coffre, s’étoffer musculairement s’il venait à rejoindre un championnat d’un meilleur niveau où les duels seraient plus âpres. En Grèce, le jeu est assez ouvert, moins porté sur l’impact physique à l’état pur. L’intensité n’est pas forcément très élevée, du moins pas dans toutes les rencontres. Amr Warda n’est pas forcément à la ramasse dans ce niveau, mais il peut facilement gagner en masse musculaire sans perdre sa tonicité ni son côté feu-follet.
  • Pour le reste, il dispose de qualités naturelles non négligeables : une belle pointe de vitesse, et une endurance qui lui permet de multiplier les efforts offensifs (mais aussi défensifs) pendant 90 minutes, voire plus. En effet, Warda n’est pas le genre d’ailier qui ne se préoccupe pas des tâches défensives et qui laisse son équipe en déséquilibre. Il revient, gratte des ballons, et on le voit même (bien) tacler, parfois, en commettant très peu de fautes. Il est vite devenu, d’ailleurs, l’atout n°1 de son équipe, celui qui guide le jeu, l’accélère ou le calme quand il faut. Sans être capitaine, il est le leader technique de Panetolikos.
  • Autre qualité importante : sa vision du jeu. À son poste, il est important de vite sentir le jeu, et Warda sait très bien le faire. Il voit tout très vite, souvent avant les autres (même ses propres coéquipiers). Il n’hésite pas à changer d’aile en une ou deux touches de balle, plutôt de que tenter un dribble superflu. Par exemple, il reçoit le ballon dos au jeu sur son côté gauche, et enchaîne avec une transversale directe sur la droite, en une touche dès qu’il le peut. Il permet d’étirer le bloc adverse, et de créer des décalages. Souvent, ça ne porte pas ses fruits, puisqu’il évolue dans un club où le niveau n’est pas forcément très élevé. Mais placez-le dans une équipe avec des techniciens et il sera très utile pour donner de la vitesse au jeu et solliciter le latéral/ailier du côté opposé.
  • Pour en revenir à sa qualité technique, l’Égyptien n’est pas ce genre de joueur offensif qui cherchera le dribble à tout prix. Certes, il aime bien ça, mais il utilise plutôt des dribbles « simples », comme le crochet, la feinte de corps ou le changement rapide d’appuis, par exemple. Rien de tape-à-l’oeil. Toujours très vif, il a mis beaucoup de défenseurs en difficulté avec ça (y compris ceux des quatre gros clubs), devenant très vite insaisissable. Il est également très utile pour provoquer des fautes, notamment aux abords de la surface.
  • L’un de ses mouvements préférés est de recevoir le ballon et de partir dans de grandes chevauchées sur son côté, le long de la ligne de touche. Souvent, il devient vite inarrêtable, entre sa belle pointe de vitesse, et le ballon qui lui colle au pied. Il a d’ailleurs été surnommé à plusieurs reprises le Mohamed Salah de Superleague, tant on peut trouver de la ressemblance dans son style de jeu avec son compatriote.
  • Globalement, Amr Warda a très peu de déchet. Que ce soit dans les contrôles, les passes ou les tirs, sa précision est plutôt très intéressante, surtout que les pelouses en Grèce sont vraiment loin d’être parfaites. Juste techniquement, il est le danger n°1 de son équipe, et les adversaires le savent. Mais, même ciblé, il trouve presque toujours la bonne passe ou le bon dribble pour s’en sortir. Très disponible, Warda est une véritable rampe de lancement des attaques, tout en sachant être là pour les conclure. Il ne porte jamais trop la balle, et sait à quel moment il faut la lâcher, ce qui est toujours appréciable pour un élément offensif.
  • L’Égyptien est aussi un joueur très altruiste : il n’hésite pas à passer le ballon quand il sent que c’est la solution la plus utile. Ce n’est pas ce genre de n°10 dribbleur et qui devient frustrant à ne pas jouer avec son coéquipier. Bien au contraire : Amr Warda est un joueur qui sait, en plus de ses qualités individuelles, faire briller son équipe et ses coéquipiers, en les sollicitant beaucoup. Profondeur, changement d’aile, une-deux : il touche beaucoup le ballon. Ses stats pourraient être bien plus élevées avec des attaquants encore meilleurs que ce avec qui il a pu évoluer à Panetolikos. Un 9 qui prend la profondeur ou qui a un bon jeu de tête se régalera avec Amr Warda derrière lui.
  • Autre point fort : sa qualité pour tirer les coups de pied arrêtés. Quand ils sont excentrés, il arrive toujours à placer la balle dans cette zone entre le gardien et le point de pénalty, là où c’est le plus dangereux. Il lui est déjà arrivé, d’ailleurs, de marquer directement sans qu’aucun joueur ne la touche, preuve de sa précision. Ce peut être utile pour débloquer des situations, notamment quand son équipe est dominée ou menée (ce qui arrive souvent avec le Panetolikos).
  • Même si ses stats ne sont pas si extraordinaires, il sait être décisif, de la tête, sur coup-franc, dans le jeu ou sur pénalty. Sa palette est large. Dans le contexte d’une équipe moyenne, luttant pour le maintien, c’est déjà très bien. Il ne se cache pas, ne fuit pas ses responsabilités dans le jeu, et affiche une régularité dans la performance très intéressante : il est rare de le voir passer au travers d’un match. Bien sûr, il doit encore progresser dans beaucoup de compartiments. Mais son état d’esprit est bon, et cette expérience en Grèce lui a fait prendre de la maturité. À 23 ans, il a tout ce qu’il faut pour aller voir ailleurs. Et plus haut, surtout.

Pour illustrer un peu tout ça, une vidéo classique YouTube est la bienvenue. Elle permet de voir l’influence qu’il peut avoir dans le jeu de son équipe, et comment, parfois, ses coéquipiers n’exploitent pas au mieux ses qualités.

https://www.youtube.com/watch?v=aCKHNoA3SG8

ÉVALUATION

Amr Warda est dans la lignée des joueurs égyptiens que l’on peut voir réussir en Europe : très bon techniquement, rapide, sans être un monstre physique. Débarqué un peu dans l’inconnu en Grèce, il a su, en une saison, se faire remarquer positivement, au point d’attirer de nombreuses convoitises. Il est évident que le club de Panetolikos est trop petit pour lui, et qu’il ne peut pas y exprimer tout son potentiel. Mais ce qu’on peut voir est déjà suffisant pour dire que ce joueur-là a un petit truc en plus que les autres. À 23 ans, il est déjà complet : rapide, technique, capable de marquer et faire marquer, tout en défendant pendant 90 minutes. La quasi-totalité des équipes en Grèce a d’ailleurs subi ses dribbles/frappes, et la plupart des observateurs le placent d’ailleurs dans le XI type qui évolue actuellement en Superleague. Que demander de plus ? Peut-être s’étoffer un peu physiquement lorsque le niveau va s’augmenter à l’avenir, surtout s’il est amené à jouer une compétition européenne. Autre avantage : il est encore relativement méconnu, ce qui le rend abordable pour beaucoup de clubs.

Pas encore installé en sélection, Amr Warda est à un tournant de sa carrière. Il n’a jamais été un crack du foot mondial, ni annoncé comme la future pépite. Mais qu’importe : le temps de quitter la Grèce est venu, que ce soit dès janvier, ou cet été, pour montrer qu’il en a sous le capot. L’idéal pour lui serait de rejoindre un championnat basé sur la technique et le jeu rapide, comme peuvent l’être la Liga ou la Bundesliga, voire le Portugal. Il saura sans nul doute y briller, tant il dispose de qualités naturelles que peu ont. Sa marge de progression est énorme, et il faut garder en mémoire que ce passage en Grèce est sa première expérience loin de son pays natal, dans un football européen qu’il découvre. Mais il est le genre de joueur que tout coach aimerait avoir : avide de savoir, à l’écoute, et qui ne rechigne pas à l’effort. Avec ça, il a toutes les cartes en mains pour franchir le (ou les) palier suivant. Ce n’est qu’une question de temps. À 23 ans, il est encore dans les temps.

Cibles types : Braga, FC Bâle, Hoffenheim, Fribourg, Las Palmas, Celta Vigo, Betis Séville.
Prix : 1.500.000 € – voire probablement moins. La culture de la vente n’est pas trop développée en Grèce, surtout dans ce genre de clubs modestes où la plupart des arrivées et départs sont des fins de contrat. Mais plus il brille, et plus le prix monte.
Rapport qualité/prix : Très bon.
Note du joueur : B
Note du potentiel : A-

Martial Debeaux


Image à la une : © kora11.com

1 Comment

  1. MDX 4 novembre 2016 at 8 h 29 min

    Excellent cet article, comme les autres de ce site d’ailleurs. MERCI.

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