L’œil du recruteur revient et c’est toujours le même principe. Un rapport détaillé, technico-tactique d’un joueur de nos championnats, qui mériterait de jouer à un niveau un peu plus élevé qu’il ne le fait actuellement. L’occasion aussi de vous faire découvrir un joueur qui pourrait débarquer dans un grand championnat d’ici quelques mois. Aujourd’hui, Leonardo Koutris de l’Olympiakos.
Leonardo Koutris
Nom complet : Leonardo Pablo Koutris
Né le : 23 juillet 1995 à Ribeirão Preto (Brésil)
Pays : Grèce / Brésil
Taille – Poids : 1.74 – 70 kg
Poste (pied) : Latéral (gaucher)
Autre(s) poste(s) : milieu gauche
Club : Olympiakos – Super League, Grèce
3 sélections, 0 but avec la Grèce.
Carrière
Né au Brésil, d’un père grec et d’une mère brésilienne, le jeune Leonardo tape ses premiers ballons au pays où le football est roi. Là, il y restera durant ses sept premières années, vivant seul avec sa mère, son père étant déjà reparti en Grèce, à Rhodes. Et c’est en 2002 qu’il foulera le sol grec pour la première fois, d’abord pour des vacances estivales, pense-t-il. Finalement, il s’y installe définitivement, et commence à jouer dans un petit club local, Niki Rodes. Très vite, son talent saute au yeux de tous, et son pied gauche, couplé à sa technique et son attrait pour l’attaque, lui confèrent une petite réputation.
Finalement, « scouté » par l’Ergotelis, il rejoint le club crétois en 2011, avant de signer son premier contrat pro en 2013. Dans la foulée, il fait ses débuts officiels en décembre 2013, en entrant lors d’un match de championnat face à … l’Olympiakos. Comme un signe du destin. À partir de ce moment, sa progression sera linéaire. D’abord à l’Ergotelis, où il prendra part à 31 rencontres (D1, D2 et Coupe), sans jamais vraiment être un titulaire régulier.
Le premier tournant de sa carrière arrive en janvier 2016, quand l’Ergotelis, dans la foulée de sa relégation en D2 (Koutris, lui, était resté malgré la descente), doit déposer le bilan et rompre le contrat de ses joueurs. Là, il décide de répondre à l’appel de Giannis Petrakis, son ancien coach à l’Ergotelis, désormais au PAS Giannina alors en Superleague. Un choix judicieux, puisque dans ce modeste club de D1, il y parfait son apprentissage. La saison 2016-2017 sera celle de la révélation : la Grèce découvre ce petit gabarit, assez robuste, et toujours aussi habile avec son pied gauche. Déjà international en U17, U19, puis U21, il n’est pas le titulaire au poste, donc n’a guère d’occasions de se montrer.
Avec son club, il boucle donc une saison pleine, avec aussi deux tours préliminaires de Ligue Europa. Suffisant pour que l’Olympiakos pose 600 000 € sur la table pour l’attirer à l’aube de l’exercice 2017-2018. Et, si le club du Pirée a la réputation de « manger » les jeunes talents grecs en ne les faisant jamais jouer, Leonardo Koutris réussit à grappiller un temps de jeu conséquent : cinq journées de Ligue des Champions, 20 matchs de championnat, et un nom qui commence à émerger en Europe, malgré la déception collective amenée par la perte du titre national.
Pour la saison 2018-2019, il est mis en concurrence avec Konstantinos Tsimkas, son compatriote grec au poste. Son temps de jeu partagé (24 matchs toutes compétitions confondues) l’indique d’ailleurs, avec une alternance presque permanente, même si Koutris a su inverser la tendance, lui qui n’a pas été utilisé sur les sept premières journées de championnat.
Utilisation
Durant ses deux ans à l’Olympiakos, Leonardo Koutris a évolué, la majeure partie du temps, dans une formation qui domine son adversaire, avec une possession largement en sa faveur. Ce qui lui octroie une certaine liberté sur son flanc gauche, et ce qui correspond surtout parfaitement à son profil plutôt offensif. Tactiquement il a la majeure partie du temps été utilisé dans des schémas très classiques, comme le 4-3-3 ou plus souvent un bon petit 4-2-3-1 des familles. En LDC, l’Olympiakos avait tenté quelques « coups » tactiques, comme ce 4-5-1 au Camp Nou, mais l’écart de niveau était trop important pour que ce soit réellement significatif.
Pour le reste, ce gaucher exclusif est un vrai atout pour la construction du jeu de son équipe. Souvent, il prend son couloir, et propose des solutions de renversement de jeu. Surtout, il est doté d’une qualité technique très intéressante, que ce soit dans le contrôle de balle (aérien, au sol, en mouvement), la transmission et même la frappe de balle. Sa saison 2016-2017 avec le PAS Giannina est d’ailleurs assez parlante : même si ses statistiques ne le montrent pas, il a été vraiment très bon et régulier, créant souvent le danger à lui seul. Hélas, dans un collectif globalement moyen, ses qualités n’ont pas été assez exploitées, avec beaucoup de centres qui n’ont jamais trouvé réellement preneur ou, pire, qui ont été vendangés par ses petits camarades de l’attaque.
Arrivé dans une équipe qui a la possession de balle, Koutris est un vrai « outil » pour déjouer les systèmes tactiques ultra-défensifs mis en place par les formations qui veulent éviter de subir la loi de l’Olympiakos. Ainsi, il permet d’étirer le jeu sur la largeur, offrant souvent des solutions idéales pour le milieu relayeur ou le meneur de jeu, en fonction du profil de celui-ci. Par exemple, il n’hésite pas à « manger la ligne » et partir dans le dos du latéral adverse, permettant un décalage et offrant à l’attaquant de pointe un potentiel bon ballon à négocier dans la surface. Le meilleur exemple est ce but (voir ci-dessous) de Hassan sur la pelouse de l’Aris : avant même la réception de la balle dans les pieds de Natcho, Koutris (en haut à gauche) lève la main, fait un appel tranchant, avant de remettre une balle en une touche qui se terminera en passe décisive.
Tactiquement, il réunit les qualités nécessaires pour être utilisé dans un système à trois axiaux et deux pistons. Rapide, technique, doté d’une endurance lui permettant de multiplier les efforts, et donc précis offensivement. Mais il sait aussi s’adapter à une défense à quatre, et a même dépanné à droite à quelques reprises, même si son mauvais pied n’est pas spécialement sa principale qualité. Par ailleurs, il a montré que sa frappe de balle pouvait être très intéressante, même si cela ne se ressent qu’assez peu sur sa feuille de statistiques, puisqu’il ne facture que trois buts au total chez les professionnels. Globalement, dans une ère où ces aspects sont souvent primordiaux, Leonardo Koutris n’a pas forcément le CV le plus cliquant, avec 12 passes décisives en près de 130 matchs de championnat en Grèce. Son axe de progression se situe ici : être plus décisif, plus impactant.
Si aucun titre n’est venu couronner son passage à l’Olympiakos, Koutris peut se targuer d’avoir disputé 56 matchs en deux saisons avec le mastodonte grec. De quoi poser une petite expérience à bientôt 24 ans. Surtout qu’en parallèle, il a ENFIN découvert la sélection A en novembre 2018, et qu’il a désormais pris place au poste, sous la houlette d’Anastasiadis. L’heure de la maturité, en somme.
Profil
- La précision de son pied gauche est une vraie arme offensive pour un n°9 capable de bien sentir les trajectoires, que ce soit au sol, mais aussi dans le jeu aérien. Il n’hésite pas à repiquer dans l’axe, parfois, pour s’offrir un angle de passe différent. Mais sa palette offensive est assez large : intelligent tactiquement, il peut aussi très bien combiner avec l’ailier devant lui, ou un autre de ses coéquipiers.
- D’un point de vue physique, il est plutôt robuste et trapu. Au duel, il est capable de résister à l’épaule (voire de s’imposer), et offre un alliage vitesse-puissance tout à fait intéressant. Dans les airs, il sait aussi s’imposer, avec 51% de duels aériens gagnés (source : Wyscout) cette saison, alors qu’on pourrait penser que c’est un domaine où il peut aisément se faire battre.
- Petit gabarit (1,70 m), sa pointe de vitesse (avec ou sans ballon) en fait un latéral moderne typique, capable de prendre son couloir, dribbler, renverser le jeu, mais aussi centrer et apporter le danger dans la surface adverse, ce qui est forcément utile pour un latéral. Sa vision du jeu lui donne aussi un aspect intéressant : couplé à un bon organisateur dans le onze de départ, cela permet à son équipe de créer le danger assez aisément.
- Autre aspect intéressant de son jeu : sa capacité à « couper » les occasions adverses, avec un sens du jeu très développé, notamment sur les phases d’attaque adverse. À titre d’exemple, il a réalisé 422 interceptions cette saison (source : Wyscout), ce qui illustre bien l’apport défensif qu’il peut avoir.
- Comme la plupart des gauchers, son mauvais pied est loin d’être au niveau du bon. Même si cela ne se ressent pas trop sur son jeu, il utilise quasi-exclusivement son bon pied, et ses rares passages à droite de la défense en cours de match n’ont pas été très concluants, ne serait-ce que pour ressortir le jeu ou centrer.
- Avec tout ce qui a été exposé ci-dessus, Leonardo Koutris est un profil à privilégier dans une équipe ambitieuse en termes de jeu. Son potentiel est bien mieux utilisé lorsqu’il peut avoir une certaine liberté de mouvement vers l’avant, et être servi dans la moitié de terrain adverse. Autrement, il serait un peu « bridé » à se contenter de tâches défensives qui ne sont pas forcément sa plus grande valeur ajoutée.
- Son gros axe de progression réside dans son jeu défensif : être capable de mieux défendre, moins se faire prendre dans son dos. Les deux saisons où il a évolué à l’Olympiakos coïncident avec deux saisons blanches pour le club du Pirée, ce qui n’était plus arrivé depuis fort longtemps. Koutris n’est pas le seul responsable, mais il a évolué dans une défense trop perméable, avec des matchs où, personnellement, il a éprouvé beaucoup de difficultés à contenir son homologue adverse. Partir vers un championnat plus relevé lui permettra de progresser notamment sur cet aspect-là, surtout s’il évolue dans une équipe qui subit plus que l’Olympiakos (ce qui est fort probable).
- Tactiquement, Koutris doit aussi s’étoffer. Bien que formé en Europe, les clubs grecs ne sont pas aussi réputés que leurs voisins en ce qui concerne la qualité de leur formation, et Koutris a besoin de peaufiner son placement, gérer ses efforts et gagner encore en intelligence de jeu s’il veut espérer s’imposer dans un championnat de haut niveau européen. De ce côté-là, son expérience en Ligue des Champions a été très bénéfique, car malgré le petit score (1 point) de l’Olympiakos, il a été l’un des joueurs les plus en vue, notamment face au Barça (tenu en échec 0-0 au Karaiskakis).
- Cette saison, il a été mis en concurrence avec Konstantinos Tsimikas, qui présente un profil un poil plus complet, avec moins de folie offensive, mais quelques assurances défensives en plus. Sans faire de vague ni se plaindre, il a bossé pour inverser la tendance et finir la saison en boulet de canon. Avide d’apprendre, il représente un vrai pari à tenter pour un club ambitieux.
- Bi-national gréco-brésilien, il a conservé une vraie influence auriverde dans son jeu, sa technique et sa conception du football. Ce qui tranche parfois un peu avec certains de ses camarades grecs.
- À presque 24 ans, Koutris n’est pas un diamant à polir, ni un jeune crack qui a brûlé toutes les étapes. Depuis Ergotelis, il est dans une logique de progression constante, étant passé d’un club jouant le maintien à un autre jouant les tours préliminaires de la Ligue Europa, puis à un gros club local qui joue l’Europe tous les ans. Après deux ans à l’Olympiakos, il semble mûr pour aller voir plus haut.
Évaluation
Forcément, à bientôt 24 ans, Leonardo Koutris n’est pas à mettre dans la case des talents incroyables qui bousculent tout dès leur plus jeune âge. En revanche, il a franchi petit à petit les étapes, et s’est établi comme une valeur sûre dans l’un des meilleurs clubs de son pays. Régulièrement observé, il est aussi dans les petits papiers de plusieurs clubs, signe que ses prestations ont franchi les frontières de la Grèce, et même avant qu’il n’évolue à l’Olympiakos.
Récemment devenu international A, le Brésilien de naissance est à un tournant de sa carrière : le poste est à « prendre » en sélection, malgré la concurrence de Tsimikas, et le marché des latéraux est souvent assez animé, étant donné l’importance croissante du poste et la relative rareté des profils vraiment fiables et intéressants. De ce côté-là, Koutris a un CV qui plaide en sa faveur, avec une campagne de LDC à son actif et une présence dans un club où la pression est énorme, voire inégalée, ce qui fait progresser à vitesse grand V. Au milieu de ces deux saisons décevantes pour l’Olympiakos, il est apparu comme l’une des rares satisfactions, autant sur le terrain qu’en dehors, où il n’a jamais fait de vague ni de déclarations tapageuses même quand il ne jouait pas.
Forcément, sa marge de progression est énorme : sur le plan défensif pur, et sur certaines notions de tactique et de placement, il a encore du boulot, ce qui s’est notamment vu sur les « gros » matchs cette saison. Mais comme lorsqu’il est parti d’Ergotelis pour le PAS Giannina, puis ensuite vers l’Olympiakos, Leonardo Koutris a toujours haussé son niveau de jeu pour se mettre au niveau du défi qui lui était proposé. Nul doute qu’en quittant la Grèce, il saura travailler ses points faibles et devenir plus complet. Il faudra aussi lui laisser un peu de temps pour s’habituer et trouver ses marques en dehors de la Grèce.
Sur le plan financier, l’Olympiakos est réputé comme dur en affaires, et le prix (6 à 10 millions) peut sembler trop élevé pour un joueur qui n’a jamais vraiment été titulaire indiscutable. Mais c’est l’assurance d’avoir un joueur avec une excellente mentalité, qui se fondra parfaitement dans un collectif et qui travaillera dur pour se mettre au niveau. Contrairement à d’autres joueurs grecs, qui ont eu du mal à s’exporter ou qui sont vite tombés dans un confort une fois établis dans un grand club du pays, Leonardo Koutris a toujours affiché une volonté sans faille et un dépassement de soi qui ont contribué à faire grimper sa côte.
Cibles types : Marseille, Benfica, West Ham
Prix : 6 à 10 millions €.
Rapport qualité / prix : Bon, avec potentielle plus-value intéressante
Note du joueur : B
Note du potentiel : A-
Martial Debeaux
Image à la une : © Aris Messinis / AFP