Le NK Maribor affronte ce soir le club israélien de l’Hapoel Beer-Sheva lors des matchs retours des barrages qualificatifs à la Ligue des Champions et nul doute que les Viole Maribor, son principal groupe d’ultras, feront beaucoup de bruit dans la tribune Sud du Ljudski Vrt, à seulement quelques pas du centre-ville de la deuxième plus grande ville de Slovénie. Focus sur ce groupe ultra, le plus connu de ce petit pays d’ex-Yougoslavie d’à peine deux millions d’habitants.
Une création au moment de la dislocation de la Yougoslavie
1989, le régime communiste tangue en Yougoslavie. Le moment choisi par les premiers supporters du NK Maribor pour se réunir lors des matchs du petit club. Beaucoup de jeunes, de très jeunes même. 14-15 ans tout au plus, mais la ferveur et la volonté d’encourager l’équipe locale est bien plus importante que leur âge. Le premier match des « Marinci » (les « Marines »), nom de ce groupe de jeunes choisi en référence aux couleurs de la ville, contre le Spartak Subotica, se déroule un 2 août de l’année 1989, lors de la Coupe du Maréchal Tito. Ils ne sont qu’une petite vingtaine, tout au mieux, mais tous veulent se rapprocher du NK Maribor. Rappelons qu’à l’époque, le club évolue en Première Division yougoslave, mais ne remporte quasiment rien du fait de la domination hégémonique du Dinamo Zagreb, de l’Hajduk Split, et des deux clubs de Belgrade, le Partizan et l’Étoile rouge. C’est peu dire que les plus petits clubs comme le NK Maribor sont quasiment délaissés et les matchs à domicile sont suivis par seulement quelques supporters ; la plupart des jeunes préférant supporter les exploits des « grands « du pays. Même l’Olimpija Ljubljana, club historique du pays, devenu grand rival, accueille plus de personnes à chaque rencontre.
C’est donc en 1990-1991 que tout change. Le 23 décembre 1990, un référendum sur l’indépendance du pays aboutit avec près de 89 % des voix. Après un court conflit armé lorsque l’armée yougoslave tente d’intervenir manu militari fin 1990, l’indépendance du pays est proclamée en 1991.Le début d’un changement dans le foot slovène. Ceux qui n’allaient voir que le top 4 yougoslave se tournent dès lors vers leurs clubs locaux. Pour sa première saison en championnat slovène, les Marinci enregistrent près de 80 signatures. À savoir qu’à ce moment-là, le groupe n’a aucune organisation, les déplacements se font de manière sporadique et les contacts avec les autres groupes ultras slovènes – eux aussi naissants – sont quasi inexistants.
L’indépendance de la Slovénie marque aussi un grand changement dans le paysage sportif slovène. L’UEFA donne un nombre de quotas et de places pour les équipes du pays et le NK Maribor en profite pour faire ses grands débuts européens. Le premier match restera dans l’histoire, contre les Hamrun Spartans, un petit club maltais, marquant l’arrivée des « Viole Maribor », après un changement de nom durant ce même été. Les deux banderoles historiques du nouveau groupe font alors leur apparition : « Mi Ljubimo Maribor » (« Nous aimons Maribor ») et « NK Maribor – Viole ». Les membres du groupe sont toujours très jeunes, même si quelques ultras plus aguerris venant des Balkans, mais originaires de Slovénie, sont venus les rejoindre. Les Viole Maribor se déplaceront ainsi à 80 pour un match face au Borussia Dortmund et environ 200 contre le FK Austria Vienne.
Le groupe se distingue par ses tifos, mais aussi dans quelques « fights » organisées, notamment face aux ultras de la Gate 7 de l’Olympiakos . Lors du premier titre de champion en 1997, les Viole Maribor organisent une animation exceptionnelle avec 212 fumigènes tout autour du terrain et se font connaître de toute l’Europe.
Un groupe devenu très organisé
La qualification en Ligue des Champions en 1999 marque un second tournant dans l’histoire du groupe. Les « Viole girls » se créent, un groupe de jeunes filles rattaché au groupe principal. Les têtes pensantes du groupe décident aussi de mieux s’organiser. Les animations sont préparées plus en avance et le groupe se déplace dans toute la ville les veilles de match pour obtenir l’adhésion des gens et se faire connaître. Les Viole se dotent également très tôt aussi d’un site pour vendre DVD et CD afin des générer quelques revenus susceptibles d’aider à la préparation d’animations. À la tête du groupe se dessine rapidement aussi une hiérarchie plus ou moins officielle. En revanche, le « board » du club n’intervient à aucun moment dans le fonctionnement du groupe. Idem en politique : les Viole, en tant que groupe, restent très indépendants et ne se revendiquent d’aucun bord politique – bien que des idées d’extrême droite soient présentes chez certains ultras. Dans la charte officieuse du groupe est d’ailleurs mentionné qu’il est interdit de sortir des banderoles à thématique politique.
D’ailleurs, en 2004, lors du quinzième anniversaire du groupe, le club et les politiques locaux s’étaient montrés très réticents à l’idée de devoir assurer la sécurité des célébrations en ville. S’en suivit des années de conflit et le déménagement de la tribune Sud du Ljudski Vrt lors de la reconstruction du stade. En 2010, lors du retour dans « sa » tribune, le groupe avait annoncé la signature de plus de 250 nouveaux membres, révélateur de sa popularité au sein des supporters du NK Maribor.
Après avoir également assisté à des matchs de l’équipe nationale, notamment à Belfast et à Londres, les Viole ont rapidement développé une rivalité avec les Green Dragons de l’Olimpija Ljubljana. Le club de la capitale, dans un pays très centralisé, a souvent été détesté par les groupes ultras des autres équipes du pays, notamment les Viole. Mais depuis quelques années, il existe un accord entre tous les groupes ultras slovènes de ne pas s’attaquer physiquement pour montrer une bonne image du football national à l’étranger et tenter de la faire progresser dans toutes ses dimensions, notamment en tentant d’attirer d’éventuels investisseurs. Les Viole ont également aucune véritable affiliation à d’autres groupes étrangers. Il fut un temps où la Brigada Graz venait voir des matchs du NK Maribor, mais cela s’est vite terminé. Notons tout de même des liens entre ultras de St. Gallen et Viole.
Vijolčna, je ljubezen večna
Vijolčna,
je ljubezen večna,
srca naša srečna
gremo Maribor…
Najljubši,
si mi na tem svetu,
najboljši na planetu,
gremo Maribor
Violet, l’amour est éternel
Violet,
L’amour est éternel,
Nos cœurs sont heureux
Nous allons à Maribor …
Préféré,
Vous êtes dans ce monde,
Le meilleur de la planète,
Nous allons à Maribor
Enfin, à l’image de nombreux groupes ultras, comme la Green Brigade du Celtic Glasgow, par exemple, les Viole Maribor jouent un rôle social très important dans et autour de la commune de Maribor. Cette année, en organisant une journée entière pour récolter des dons et de la nourriture, le groupe a pu aider 55 familles, soit 184 personnes. Le groupe s’est aussi chargé de l’emballage de la nourriture et de sa distribution dans des centres pour personnes démunies. Ce geste montre donc aussi l’importance des Viole dans la vie quotidienne de la ville, un travail de l’ombre réalisé par de nombreux groupes à travers le monde qui, bien souvent, n’est que très rarement exposé aux yeux du grand public. De même, à chaque match à domicile, il est possible de se présenter à la table des Viole avec des vêtements et de la nourriture qui seront ensuite redistribués localement.
Les Viole Maribor se sont créé une véritable aura dans toute la Slovénie depuis sa création en 1989. Aujourd’hui dépendante aussi des résultats de son équipe pour sa visibilité à l’étranger, il est fort à parier que ces derniers seront derrière leur équipe, ce soir, face à l’Hapoel Beer-Sheva, pour tenter de renverser la situation (défaite 1-2 à l’aller) afin de se qualifier pour les poules de la Ligue des Champions et s’offrir une nouvelle campagne européenne et des déplacements aux quatre coins de l’Europe.
Robin Bjalon
Image à la une : Au coeur des Viole Maribor lors du choc face à Domzale, le vendredi 11 août dernier | © Robin Bjalon / Footballski