Le site officiel du stade Krestovski, le nouveau stade de Saint-Pétersbourg, ne tarit pas d’éloges : 75 mètres de hauteur, soit le plus haut stade de Russie, 80 000 spectateurs de capacité, 8 snacks-bars et 8 restaurants, un toit faisant 3 fois la taille de la Place Rouge, une structure métallique représentant 4 fois celle de la Tour Eiffel. Des chiffres à faire tourner les têtes, mais qui ne peuvent faire oublier les péripéties de la construction de ce dernier.

Un retard certain

C’est en 2004 que le projet de construire un nouveau stade de football sur l’île de Krestovski, à l’ouest de la ville, voit le jour. En septembre 2006, la démolition du stade Kirov à l’emplacement du futur stade permet, dès 2007, le début de la construction. Dès lors, le premier match du Zenit dans son nouveau stade est prévu en mars 2009. Nous sommes bientôt en 2017 et l’équipe du Zenit n’a toujours pas foulé une fois la pelouse.

Le problème serait sans conséquence si le stade ne devait accueillir 4 matchs durant la Coupe des Confédérations du 17 juin au 2 juillet 2017, répétition générale avant la Coupe du monde 2018. Sera-t-il fini à temps ? Les autorités saint-pétersbourgeoises compétentes tentent de rassurer en assurant que le stade sera opérationnel. Mais compte tenu du nombre de deadlines annoncées ces dix dernières années, on ne peut qu’être sceptique. D’ailleurs, la FIFA émet de sérieux doutes et ce n’est pas leur dernière visite qui les a rassurée.

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Des problèmes de construction longs comme le bras

Les inspecteurs de la FIFA, après vérifications du terrain, ont ainsi révélé que les vibrations étaient trop importantes, dépassant de 7 fois les normes. Les constructeurs ont répondu qu’ils étaient au courant et que le problème serait résolu très prochainement… Et ce n’est pas la première fois que les exigences de la FIFA ne sont pas respectées. En 2009 déjà, les réclamations ont porté sur la visibilité depuis les tribunes ou des problèmes de construction. La Coupe du Monde s’approchant à grands pas, il est normal de voir les inspecteurs de la FIFA visiter de plus en plus le stade. Et être de plus en plus critique sur ce dernier.

Outre la FIFA et son cahier des charges, la construction du stade n’a pas été épargnée par les grosses difficultés liées aux structures comme le toit amovible, les grèves des ouvriers pour réclamer leur salaire en retard, les accidents mortels de 5 ouvriers, l’inondation du stade et l’incendie d’une des tribunes durant l’été 2016…

A l’extérieur du stade, les infrastructures routières posent aussi problème. La construction du pont Yakhteny qui relie l’île au continent doit être terminée avant mi-2017, sans quoi le Ministère des Sports a déclaré que la Coupe des Confédérations devrait se trouver un autre stade.

Un gouffre financier énorme

Qui dit problème de construction dit augmentation du budget. Et dans ce cas précis, l’enveloppe de départ de 6.7 milliards de roubles (103 millions d’euros) a explosé pour arriver, aujourd’hui, à la coquette somme de 43.8 milliards de roubles (673 millions d’euros). Et le stade n’est pas terminé… La chute du rouble a atténué son coût, mais le stade Krestovski est déjà considéré comme l’un des stades les plus chers du monde.

Qui paye ? Au départ, l’entreprise Gazprom devait prendre en charge les coûts, mais il est apparu que c’est la ville de Saint-Pétersbourg qui a assuré le financement. C’est donc l’argent du contribuable qui a servi à financer cette infrastructure, plus coûteuse année après année. L’exploitation du stade sera entre les mains du Zenit qui, malgré la nécessité de payer pour son entretien, en aura l’exclusivité en matière de recette grâce à une concession accordée au club pour une période d’au moins 49 ans. Une aubaine pour le club qui va voir ses recettes augmenter de 10 à 20%. Autant imaginer la frustration des contribuables qui, eux, comprennent qu’il n’est pas nécessaire d’attendre un retour sur investissement.

Le stade Krestovski ou le mal du pays

Un projet énorme financé par le public, un budget qui explose, voilà le scénario récurrent que l’on peut trop souvent retrouver en Russie. L’administration rejette la faute sur l’entreprise de construction, en l’occurrence Injtransstroï-SPB, qui accuse l’administration en retour pour des retards de paiement ou une augmentation de budget qui n’est toujours pas concrétisée. Chacun défend son bout de gras et, au final, c’est le stade qui n’avance pas. Injtransstroï-SPB a d’ailleurs jeté l’éponge et durant l’été 2016, un appel à projets a été lancé à la hâte : c’est l’entreprise russe Metrostroï qui a remporté ce dernier et doit désormais finir le stade.

Le spectre de la corruption pèse aussi sur le stade Krestovski. Le vice-gouverneur de Saint-Pétersbourg, Marat Oganesyan, a été arrêté en novembre dernier à Moscou. Soupçonné de corruption à hauteur de 50 millions de roubles (700000 euros) concernant la fourniture d’un écran vidéo destiné au stade, ce cas peut envisager d’autres faits de corruption ou de pots-de-vin et donc ternir un peu plus ce stade. Selon Novaya Gazeta, aucun travail n’a été effectué sur le stade entre 2013 et 2015, mais l’argent, lui, a continué de circuler.

La gestion du projet par l’administration Saint Pétersbourgeoise est donc au cœur des débats et la comparaison avec la rapide construction (3 ans) du nouveau stade de Krasnodar, gérée par des fonds privés et déjà en activité, attire les foudres des contribuables qui attendent plus d’écoles maternelles ou de structures utiles à leur vie. Au point qu’ils n’attendent qu’une seule chose, la fin de la construction du stade, peu importe son prix.

zaburdaev.ru

Le Kremlin, de son côté, par l’intermédiaire de son porte-parole Dmitri Peskov, n’a pas envie d’intervenir dans l’affaire. L’ex-ministre des Sports Vitali Mutko n’a pas passé l’ouragan médiatique concernant l’organisation nationale d’un système de dopage, mais il lui reste la casquette de Président de la Fédération de football pour mener à bien le projet Coupe du Monde 2018. Espérons que cela sera avec la participation du stade Krestovski qui, malgré ses péripéties, sera l’un des joyaux de la compétition.

Vincent Tanguy


Image à la une : © Andrew Shiva

 

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