Au coeur du mois d’août, le chemin menant à la Ligue des Champions est souvent semé d’embûches. De confrontations face à des clubs historiques en perte de vitesse, de déplacement qui oscillent entre le romantisme des années 1990 et l’âge doré du football européen du début des années 2000, quand tout n’était pas encore si resserré autour des gros championnats.
L’OM, qui a fait de la plus grande des compétitions européennes un objectif prioritaire, va y être confronté de plein fouet durant cet été 2023. Car sur la route du club phocéen se dresse une écurie qui, finalement, ressemble un peu à l’OM : le Panathinaïkos, géant athénien aux fondations toujours un peu fragiles, mais à l’histoire débordante.
Un passé glorieux
Tout amoureux du football digne de ce nom connaît le club au trèfle, et ce pour plusieurs raisons : cette finale de Coupe d’Europe des Clubs champions perdue en 1971 face à l’Ajax, ces supporters bouillants aux fumigènes verts, ces joueurs grecs marquants comme Karagounis, Basinas, l’ex-futur prodige Ninis ou encore le passage fracassant de Djibril Cissé qui a permis de mettre de la lumière sur ce club pour le public français. Mais la réalité, elle, est un peu différente. Il a ainsi fallu attendre 2022 et une victoire en Coupe de Grèce face au PAOK pour que le Panathinaïkos retrouve la joie d’un trophée, après un dernier titre de champion sur la saison 2009-2010 et une coupe glanée en 2014. Loin, bien loin des standards d’un club qui, dans le sillage de son ennemi juré de l’Olympiakos, facture plus de 40 titres et presque autant de participations à des coupes européennes.
Donis comme sauveur
Alors, qu’est-ce que l’OM va réellement trouver sur sa route le mercredi 9 août et le mardi 15 août ? Un club qui se reconstruit doucement, sous la houlette de l’expérimenté Ivan Jovanovic, arrivé sur le banc à l’été 2021. Avant ça, et après avoir été exclu des compétitions européennes pour trois ans en 2018 en raison de manquements au fair-play financier, le Panathinaïkos avait frôlé le pire quant il avait fallu faire face à une interdiction de transferts. Arrivé à la rescousse en 2018, Giorgios Donis, ancien joueur du PAO et père de Tasos, avait redressé le navire malgré six points de pénalités et un effectif très moyen, composé de jeunes Grecs et de binationaux venus de l’étranger.
Son départ (forcé, il faut bien le dire) en 2019 avait alors contribué à rendre Giannis Alafouzos, le richissime propriétaire, encore plus impopulaire auprès de fans aussi fidèles qu’exigeants. Et quand on pensait que le pire était à venir, après des années compliquées et un passage plutôt correct de Laszlo Bölöni aux côtés de Pierre Dréossi, le salut est donc venu d’Ivan Jovanovic, coach serbe de plus de 60 ans à la parfaite connaissance de la réalité grecque, puisqu’ancien joueur de l’Iraklis pendant dix ans avant de devenir coach en Grèce et à Chypre (le fameux APOEL, vous vous souvenez ?). Quatrième à l’issue de sa première saison (2021-2022), les fondations ont été posées petit à petit.
Jovanovic et la logique de groupe
Car contrairement à l’OM, qui a changé de coach chaque saison ces trois dernières années et qui a considérablement remanié son effectif, le Panathinaïkos semble, sur le papier, un peu plus stable. Dès sa première saison, en effet, Jovanovic a fait signer quelques hommes de bases : le gardien italien Alberto Brignoli, très fiable et régulier depuis son arrivée, mais aussi le milieu défensif espagnol Ruben Perez, patron de l’entrejeu, et l’ailier argentin Sebastian Palacios. Les deux premiers, trentenaires, arrivaient avec un petit vécu dans de gros championnats (Italie et Espagne) et ont semblé vite s’imprégner de la réalité du Panathinaïkos (mais aussi de la Grèce).
En parallèle que l’effectif était « nettoyé » des décisions précédentes (départs de Sankharé, Mollo, N’Gbakoto par exemple), le curseur était rehaussé dans le sens des arrivées puisqu’à l’été 2022, le club a mis la main au portefeuille en faisant signer Andraz Sporar (Sporting CP, 3.5M) pour l’attaque, le Brésilien Bernard et le Slovène Verbic pour ses ailes et en misant aussi sur des potentiels à développer comme Enis Cokaj (23 ans, milieu) ou Adam Gnezda Cerin (22 ans, milieu). Un beau mélange d’expérience, de « clinquant » (tout le monde se souvient de la hype Bernard au Shakhtar et avec le Brésil) et de jeunesse qui ne demande qu’à progresser.
Le résultat fut plutôt probant, puisque la saison 2022-2023 a failli coïncider avec celle du retour au sommet du Panathinaïkos, passé à cinq petits points du titre en perdant notamment un derby fatal face à l’Olympiakos lors de l’avant-dernière journée. Mais l’essentiel avait été validé : un retour en Ligue des Champions, là où le club doit être, finalement. Et, une fois de plus, Ivan Jovanovic, coach presque manager au sens Arsène Wenger du terme, a mis sa patte sur le mercato estival en faisant signer ses compatriotes Filip Djuricic (31 ans, plus de 160 matchs en Série A) et Filip Mladenovic, mais aussi le Néerlandais Tonny Vilhena (ancien du Feyenoord et de Krasnodar) tout en finalisant le retour de Zeca, idole du club, de retour d’une pige à Copenhague.
La logique, elle, est un peu restée la même : des joueurs expérimentés, prêts immédiatement et surtout voulus par le chef de file de l’équipe, qui a obtenu aussi deux défenseurs centraux (Erik Palmer–Brown de Troyes et le Croate Tin Jedvaj) pour renforcer son secteur défensif. La moyenne d’âge, qui dépasse les 27 ans (selon Transfermarkt), illustre bien ce qu’est le Panathinaïkos à la sauce Jovanovic : une équipe qui a du vécu, quelques noms connus mais pas d’énormes stars. Un collectif, finalement, comme pouvait l’être le PAOK de Razvan Lucescu que l’OM a récemment affronté en Ligue Europa Conférence, franchissant l’obstacle grec.
Les forces : qualité individuelle et hommes-clés
Alors, la question que tout le monde – du moins les fans de l’OM – se pose est : que vaut réellement le Panathinaïkos ? Premièrement, il convient de dire que l’équipe est prête. Prête dans le sens où de petites améliorations ont été faites sur deux mercatos estivaux, mais aussi hivernaux (Daniel Mancini, l’ancien de Bordeaux et Auxerre, est par exemple arrivé de l’Aris à l’hiver 2023), gardant la base qui a remporté une coupe et finit deuxième. Prête, aussi, dans le sens où le Panathinaïkos a franchi son premier tour face au Dnipro-1 pendant que Marseille devait se « contenter » de match amicaux.
La qualité individuelle est là, aussi, avec des joueurs comme Vilhena et Djuricic, très en vue depuis leur arrivée, autour d’un Sporar qui a déjà marqué trois fois cet été. Trois joueurs aux beaux CV, y compris avec leur sélection. Une expérience internationale qui peut aussi peser dans ce type de rencontre. La magie de Bernard est encore parfois là, mais le Brésilien n’est pas forcément la menace principale, comme son « nom » aurait pu le faire croire. Comme dit plus haut, Alberto Brignoli a souvent été décisif dans ses buts, et sans ressembler à un gardien impressionnant (autrement dit, il ne sort pas toujours des arrêts très spectaculaires), c’est une valeur sûre dans ses buts capable de matchs XXL. Souvent bien placé, bon dans ses sorties sans prendre trop de risques, c’est le portier dont toute équipe voulant vivre une belle aventure en Europe doit être dotée.
Devant la défense, Ruben Perez est un véritable métronome, avec une belle qualité de jeu long (au sol ou dans les airs) qui peut s’avérer utile pour trouver ses ailiers ou son attaquant. Récemment prolongé, l’Espagnol aux 261 matchs de Liga est la deuxième vertèbre de cette colonne vertébrale, et se mue en véritable fer de lance du jeu de l’équipe d’Ivan Jovanovic. Fait intéressant : sur les deux premiers matchs officiels, il a été aligné comme la pointe basse d’un 4-3-3 avec Vilhena et Djuricic devant lui, tranchant avec l’habituel 4-2-3-1 qu’utilisait Ivan Jovanovic sur la grande partie de la saison dernière.
Pour le reste, le Panathinaïkos s’appuie sur une ossature de « soldats », c’est-à-dire de joueurs dévoués à la cause collective qui ont été capables, pour la majorité d’entre eux, de se surpasser l’an dernier et d’évoluer à un niveau de régularité qu’on ne soupçonnait pas. Citons par exemple l’arrière-gauche espagnol Juankar, triple passeur décisif à l’aller face au Dnipro-1 et lui aussi expérimenté (33 ans, près de 150 matchs en Liga), l’Islandais Hördur Magnússon en défense centrale (ancien du CSKA Moscou, passé par la Série B et le Championship), l’ailier argentin Sebastian Palacios, parfois un peu irrégulier mais capable de folies techniques, sans oublier quelques Grecs comme Fotis Ioannidis (attaquant plutôt puissant), spécialiste des buts ultra-importants et des entrées de joker ou Giannis Kotsiras (latéral droit).
Les faiblesses : défense centrale et milieu défensif
Évidemment, le Panathinaïkos présente des faiblesses. La première – évidente – est l’écart de qualité avec une équipe comme l’OM, mieux fournie en qualité et en quantité, qui découle de l’écart de dimension financière qui permet de réaliser des choses différentes sur le marché des transferts (même si le Panathinaïkos n’est pas un club pauvre). Le recrutement marseillais, d’ailleurs, a été particulièrement ambitieux et à des années lumières de ce qu’un club grec est en capacité de réaliser. Mais d’autres failles pourraient être exploitées par l’équipe marseillaise sur cette double confrontation.
Celle de la défense centrale par exemple, qui se cherche clairement alors que Bart Schenkeveld, qui apparaît comme le taulier, est toujours aussi fragile physiquement, ce que sa blessure face au Dnipro a montré. Recruté cet été, le Croate Tin Jedvaj est une sortie de pari, en tant qu’ancien espoir qui doit toujours confirmer le potentiel qui l’a mené à la Roma et Leverkusen. Et sa première comme titulaire lors du match retour face au Dnipro-1 (il a joué plus d’une heure à l’aller) a illustré qu’il pouvait être mis en danger malgré ses qualités (passeur décisif notamment) quand le 9 adverse est de qualité (type Dovbyk par exemple). Recruté à Troyes, club avec lequel il est descendu en Ligue 2, Erik Brown–Palmer pourrait faire ses débuts en vert lors de cette double confrontation. Un gros risque mais un risque nécessaire puisqu’il n’y a guère d’autres choix à disposition de Jovanovic.
L’autre secteur en chantier est celui du poste de milieu défensif. Pièce maîtresse du Panathinaïkos pendant de longues saisons, y compris quand tout ne tournait pas rond, Dimitris Kourbelis a mis le cap sur Trabzonspor cet été, préférant partir (pour une très belle offre salariale) que de prolonger avec son club de cœur pour lequel il a beaucoup donné. Joueur de qualité et international, Kourbelis a laissé un vide qui n’a pas été comblé pour l’instant, Cokaj ne paraissant pas capable d’assumer ce rôle pour l’instant. Une recrue aurait sans doute été plus qu’utile avant d’affronter l’OM mais le mercato est, logiquement, assez délicat dans cette période de tours préliminaires.
Globalement, la différence pourrait se faire sur la profondeur de l’effectif. Sur le papier, le XI type du Panathinaïkos peut, sur deux matchs secs, réussir à faire un exploit en évoluant à 100% ensemble et en profitant d’une équipe de l’OM potentiellement pas encore au point (nouveau coach, recrues, schéma tactique peut-être différent à assimiler). Mais chaque blessure, chaque suspension mettra à mal cette structure puisque le banc n’est pas qualitativement fourni de la même manière à tous les postes.
L’apport du stade
Tout le monde s’attend à une ambiance bouillante au moment de jouer un club grec, et l’antre du Panathinaïkos ne devrait pas décevoir. Mais ce qui sera frappant, c’est surtout le côté typique (ou ancien, voire dépassé, c’est selon) du stade Apostolos Nikolaidis, que l’on appelle aussi Leoforos. Avec 16 000 places, c’est un très petit stade pour un club qui vise la Ligue des Champions, et même la Ligue Europa. Il ne sera d’ailleurs pas homologué pour les phases de poules, le Panathinaïkos devant jouer à l’OAKA, le stade olympique. Chauffé à blanc, il devrait être rempli plus que de raison (les entrées sans ticket existent aussi en Grèce) et, à défaut de déstabiliser l’OM, il sera un atout de poids pour les joueurs du Panathinaïkos.
Martial Debeaux
Image à la Une © Martial Debeaux