Panique sur les marchés financiers, la Russie a connu un mardi noir il y a deux semaines avec des fluctuations de près de 36% pour le rouble face au dollar dans la même journée. C’est un énième coup dur qui vient frapper l’économie du football russe. Quelles répercussions sont à prévoir sur le foot russe ?

Les problèmes financiers des formations russes en raison d’un conflit géopolitique ne datent pas d’aujourd’hui. Lors du mois d’août 2013, suite à une dispute politique entre la Russie et la Biélorussie au sujet de l’entreprise Uralkali détenue par Suleyman Kerimov, le président de l’Anzi Makhatchkala est amené à cesser les investissements entrepris dans son club du Daghestan, prétextant officiellement une santé vacillante. Ne pouvant plus compter sur son mécène, le club est amené à se séparer de ses meilleurs éléments – Eto’o, Traoré, Carcela, Boussoufa, Diarra, Kokorin, Samba, William, Zhirkov, Shatov, Gobulov, Denisov, Spahic – et se retrouve à l’issue de la saison 2013-14 relégué en seconde division après avoir terminé au pied du podium lors de la saison précédente.

Des propriétaires de clubs victimes de la crise du rouble

Alors que la majorité des clubs sont actuellement détenus par des hommes d’affaires ou des entreprises plus ou moins proches de Vladimir Poutine, l’exemple de l’Anzi Makhatchkala pourrait alors se propager au sein d’un grand nombre de formations du championnat. L’absence de formations russes lors du dernier classement « Deloitte Football Money League » – alors que le championnat génère le 6ème revenu européen avec 896 M€ en 2013-14 – illustre la dépendance des clubs aux différents investissements procédés par leurs propriétaires proches du pouvoir.

Touchés sévèrement par les sanctions émises par l’Union Européenne et les États-Unis au cours des dernières semaines, plusieurs dirigeants pourraient être amenés à cesser leurs investissements à l’image de la situation vécue par l’Anzi. En plus d’une raréfaction de l’argent, la chute vertigineuse du cours du rouble provoque également une hausse de charges colossales que doivent supporter les actionnaires des différents clubs. En effet, la plupart des stars attirées au sein du championnat russe possèdent des contrats dont la rémunération est stipulée en euros.  On imagine cependant que les clubs ont contracté des polices d’assurance pour leur assurer un cours fixe ou qu’ils se sont protégés des variations sur les marchés financiers. Ne pouvant accéder aux comptes de ces clubs, nous ne pouvons qu’émettre des suppositions. C’est en tout cas la pratique financière la plus courante.

Les stars étrangères condamnées au départ ?

Avec l’envolée actuelle du rouble, l’addition est d’ores et déjà corsée pour les clubs russes possédant de nombreux joueurs étrangers au sein de leurs effectifs. Entre janvier 2014 et le 16 décembre, le salaire de Hulk s’est apprécié de près de 61%. Alors que certains clubs comme Rostov ou Perm ont déjà des problèmes pour payer leurs joueurs, il sera alors très difficile pour ces formations de conserver leurs joueurs étrangers avec un salaire subissant une forte poussée inflationniste et venant plomber un peu plus leurs finances. Ainsi, un exode massif de joueurs pourrait intervenir au cours du prochain mercato hivernal. Et cette fuite des talents pourrait également toucher les grands clubs : Gazprom pourra difficilement supporter une charge salariale estimée à 23,9 M€ – selon sports.ru – pour seulement 5 joueurs de l’effectif du Zenit (Hulk, Garay, Witsel, Javi Garcia et Danny).  A cause de leurs arriérés de paiement, Perm, Rostov et le Torpedo peuvent être déclarés en cessation de paiement.

Salaire Hulk
Le site internet sports.ru publiait ainsi, cette infographie, montrant l’évolution du coût du salaire de Hulk pour le Zénith.

Le manque de liquidités des clubs russes devrait également provoquer un changement de préparation durant la trêve hivernale. Habitués à s’envoler vers des contrées plus chaudes comme la Turquie ou Chypre à cette période, 4 clubs ont déjà annoncé leur intention de rester en Russie. Arsenal Tula et l’Amkar Perm vont partir à Kislovodsk, alors que d’autres équipes ont prévu d’installer leur camp en Crimée ou à Abrau-Dyurso. Enfin, la fédération a demandé aux équipes nationales de jeunes de rester à Moscou.

Les clubs n’ont pas tardé à réagir au travers d’un « memorandum » signé le 24 décembre par le syndicat des présidents de clubs et invitant les joueurs étrangers à amender leurs contrats avec un taux change fixe qui serait de 1 dollar américain pour 45 roubles et de 1 euro pour 55 roubles. Le manque à gagner pourrait être important pour certains joueurs, certains agents ont d’ores et déjà exprimé leurs craintes sur un tel accord, remettant en question son application.

Le memorandum
Le memorandum
Le memorandum
Le memorandum

Clairement, la crise financière traversée par la Russie met en lumière la dépendance économique des clubs du championnat envers leurs actionnaires proches du Kremlin. Avec l’accueil de la Coupe du Monde en 2018 et de nouvelles réformes au sein du championnat dont la limitation du nombre de joueurs étrangers, le championnat russe espère rapidement trouver un nouveau modèle de financement lui permettant de conserver son rang européen.

Article également paru sur le site d’ ecofoot.fr

Lazar Van Parijs

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