Les relations politiques entre la Serbie et la Chine sont excellentes depuis la guerre froide et la constitution d’un front commun face à l’URSS au sein du bloc « socialiste ». Cette bonne entente s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui où la Serbie est souvent vue comme le Cheval de Troie de la Chine en Europe au sein de son projet de « Nouvelle Route de la Soie ». En revanche, ce qui est moins connu sont les liens qui unissent ces deux pays d’un point de vue footballistique.
Jia Xiuquan et Liu Haiguang, les précurseurs
La Serbie ou plutôt la Yougoslavie à l’époque est le deuxième pays à avoir accueilli des footballeurs chinois à l’époque où la Chine commençait à s’ouvrir sur le monde. Jia Xiuquan et Liu Haiguang ont signé avec le Partizan lors du mercato hivernal de la saison 1987-1988. Jia et Liu sont d’ailleurs les deux premiers étrangers à avoir signé au Partizan. Ces deux joueurs sont les pionniers du football chinois en Europe.
Jia Xiuquan, défenseur central né en 1963 à Dalian a joué 10 matchs dans les six mois qui suivirent son transfert, terminant à un point du champion, Crvena Zvezda. Il participa durant l’été 88 aux Jeux Olympiques. L’année suivante, Jia est rentré dans les annales en devenant le premier Chinois à jouer en coupe d’Europe. Cette première apparition européenne est arrivée le 26 octobre 1988 face à l’AS Rome lorsque Jia a remplacé Fadil Vokrri à la 46ème minute. Le match s’est terminé par la victoire des Noir et Blanc 4-2,mais en s’inclinant malheureusement 2-0 à Rome, cela signifiait la fin de leur parcours européen. Le club terminait la saison à une insignifiante sixième place en championnat yougoslave mais se rattrapait par une victoire en coupe de Yougoslavie, titre auquel participa Jia en participant à deux matchs et devenant le premier Chinois à gagner un titre européen de football. Notre joueur a ainsi participé à un total de 34 matchs avec le maillot des crno-beli , marquant une fois en amical. Après le Partizan, il a ensuite joué en Malaisie et au Japon (Osaka). Il a également porté le maillot national, défendant les couleurs de la Chine entre 1987 et 1992, devenant même capitaine de cette équipe chinoise. Il totalise 55 sélections au moment de prendre sa retraite et se consacrer au métier d’entraîneur. Il défraya cependant la chronique en 2010 lorsqu’il est arrêté avec d’autres coachs à la suite d’une enquête sur des matchs truqués.
Liu Haiguang, attaquant né en 1963 à Shanghai n’a pas beaucoup joué pour l’équipe serbe. On note six matchs au cours desquels il a marqué à trois reprises. Tout comme son compatriote Jia, il a représenté la Chine lors deux jeux olympiques de 1988 à Séoul. En quittant la Serbie, il est revenu à son club d’origine, l ‘équipe de Shanghai, désormais dénommé le Shanghai Shenhua FC. Avec 20 buts en 56 rencontres, Liu est aujourd’hui le sixième meilleur buteur de l’histoire de la Chine.
Dans les années 90 et 2000, des flux migratoires comme symbole de la mondialisation
Après les guerres de Croatie, Bosnie-Herzégovine et Slovénie, Slobodan Milosevic (président de la Yougoslavie) et sa femme Mira Marković visitèrent la Chine. C’est le début d’une vague d’émigration de la Chine vers la Yougoslavie. C’est ainsi que la BBC avait évalué le nombre de chinois à Belgrade entre 75 000 et 100 000. La totalité du village de Jincun dans la province de Zhejiang a ainsi été déplacée dans le « blok 70 » de Novi Beograd, le « Chinatown » local. A notre connaissance, la diaspora ne dispose pas de son propre club de football.
Dans le même temps, les Yougoslaves étaient alors nombreux à officier lors de la création de la ligue professionnelle chinoise en 1994, la Jia-A Ligue. A cet égard, Slobodan Santrač est devenu le premier entraîneur étranger à gagner la ligue en 1999, faisant même coup double en gagnant la coupe. Il profite de ce titre pour être élu meilleur entraîneur en Chine la même année. S’en suivirent trois titres de champion en quatre ans pour Milorad Kosanović avec Dalian Shide. Pour ainsi dire, de 1999 à 2002, le titre a toujours été gagné par un Yougoslave. Toujours au début des années 2000, on peut citer Ilija Petković qui a emmené Shanghai Shenhua à la seconde place en 2001.
Aujourd’hui, des relations sportives et commerciales imbriquées
Désormais, la Chine a multiplié les accords commerciaux avec la Serbie. En juillet, Politico publiait ainsi un papier très détaillé sur les investissements chinois en Serbie. L’idée étant d’avancer ses pions dans le jeu géopolitique avec en ligne de mire une possible entrée de la Serbie dans l’Union Européenne. C’est ainsi que la Chine a financé puis construit le pont Mihailo Pupin reliant Zemun à Borča. Le pont a ouvert en 2014 en présence du Premier Ministre chinois de l’époque: Li Keqiang. Deux ans plus tard, en juillet 2016, le club de Borča signait en prêt Zhu Zhengyu (21 ans) du Shanghai SIPG. Il a fait ses débuts avec le BSK Borča le 5 novembre 2016 lors de la défaite face à Odzaci à 1-0 à l’extérieur. Après trois petits bouts de match, le joueur rentrait au pays en février 2017.
Cette année, Hebei CFFC a envoyé six jeunes en stage pendant deux mois à Pirot, un club de seconde division. La ville de Pirot se veut un centre touristique important (en plus d’être connue pour l’usine Michelin) et accueillir des joueurs chinois est pour eux l’occasion d’être citée et connue au pays de l’Empire du Milieu. Des membres du club d’Hebei CFFC sont venus trois fois afin de visiter la région, la ville, et voir les infrastructures avant de signer le partenariat. Rien n’est laissé au hasard. Derrière ces deux accords, on retrouve un homme : Darko Marić. Darko est un Serbe qui a entre autres joué à Créteil et en Chine et que nous avions déjà évoqué lors d’un précédent article : « Qu’est ce qu’est allé faire le FK Jagodina au Ghana ?« . Au passage, l’arrivée de Zhu à Borca a été facilitée étant donné que Darko est un ancien de la maison (ex-directeur sportif). Joint au téléphone, il nous explique :
Alors que la coopération politique (non reconnaissance du Kosovo par la Chine) et économique (construction du pont Popin à Belgrade, ligne de train entre Belgrade et Budapest, investissements dans l’industrie serbe) prospèrent, je trouvais ça logique de développer la collaboration sportive. Les Chinois n’ont pas besoin de visa pour aller en Serbie, c’était un des premiers pays européens à établir cette politique.
Au moins de septembre de cette année, c’est l’ambassadeur de la République de Chine, Monsieur Li-Mancang, qui a été invité par l’administration de Zvezda. Ce dernier est supporter de l’Etoile Rouge depuis 1978 et son séjour universitaire en Yougoslavie. Interviewé sur le site du club, il raconte même qu’il a transmis cette passion à son fils, qui a repris le flambeau et supporte également le club. Toujours lors de cette interview, l’ambassadeur a mentionné la coopération entre les deux pays, soulignant que la Chine avait beaucoup à apprendre de la Serbie. Déjà en 2015, il évoquait la coopération entre les deux pays et l’aide serbe apportée au football chinois. Cette coopération va se matérialiser entre autre le 10 novembre prochain avec un match amical entre les deux nations à Guangzhou.
Enfin, cet article sur les relations footballistiques entre les deux pays ne pourrait être complet sans une pensée pour Goran Gogić, ancien joueur de l’Etoile Rouge qui décéda en juillet 2015 à l’age de 29 ans après un entrainement de son équipe Quingdao Hainiu.
Lazar Van Parijs
Image à la une : © crno-bela-nostalgija.blogspot.be
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