La Biélorussie en reconquête

Après une campagne de qualifications pour l’Euro ratée, la Biélorussie n’a que très peu de chance d’enfin participer à sa première grande compétition internationale, chez le voisin russe. Ce sera très difficile dans un groupe extrêmement relevé mais les hommes d’Aleksandr Khatskevich, qui débute-là son premier cycle de deux ans, vont tenter de créer la surprise. L’objectif reste néanmoins tout autre.

La réforme de l’Euro à 24 équipes avait été perçue comme un grand espoir pour de nombreuses petites nations du continent européen. La Biélorussie était l’une d’elles. Pourtant, après un début de campagne catastrophique avec notamment un match nul arraché au Luxembourg, la qualification a très vite été un lointain mirage. C’est logiquement que la fédération a licencié Georgiy Kondratiev, un des nombreux entraîneurs sortis de l’équipe du Dinamo Minsk championne d’URSS en 1982. Kondratiev n’est pas un mauvais entraîneur, mais il est un peu vieux jeu, manquant d’idées tactiques modernes. Il est surtout bien meilleur formateur, comme en témoigne ses excellents résultats avec les Espoirs, qu’il a mené à la troisième place de l’Euro U21, offrant au pays une qualification pour les Jeux Olympiques de Londres. Kondratiev est désormais entraîneur du FK Minsk, en charge d’une équipe très jeune dans le club qui travaille le mieux dans le domaine de la formation en Biélorussie actuellement.

Changement nécessaire

Georgiy Kondratiev a été remplacé par Aleksandr Khatskevich, lui aussi l’un des joueurs biélorusses les plus accomplis de sa génération. Multiple champion d’Ukraine avec le Dynamo Kyiv, il était un membre proéminent de l’équipe de 2002 qui était à deux doigts de se qualifier pour la Coupe du Monde en Corée du Sud et au Japon. La grosse différence est donc ce changement de génération, Khatskevich étant plus moderne et plus jeune, si jeune que ce poste de sélectionneur est sa première grosse expérience sur un banc professionnel. Plus qu’une révolution tactique, Khatskevich a changé l’état d’esprit autour de la sélection, comme nous le disait Evgeniy Romanyuk, journaliste chez offside.by, lors de notre bilan de la saison passée : « C’est un bon meneur d’hommes, estime Evgeniy. Il a tout : il est classieux, a une très bonne carrière passée et du charismeMais en tant que tacticien, il y a des doutes. C’est impossible d’attendre que quelqu’un nous amène à la Coupe du Monde 2018 avec ces joueurs. Mais au moins, il a apporté une atmosphère plaisante autour de l’équipe. C’est beaucoup plus ouvert, je pense que c’est sa plus grosse réussite. »

L’exemple le plus criant s’est déroulé tout récemment. La fédération a lancé sa nouvelle campagne de communication, avec nouveaux maillots, nouveau logo, nouvelle mascotte et… nouveau surnom. Les Biélorusses s’appellent depuis mi-août les « Ailes blanches », ou les « Белыя крылы » en version originale. A cette occasion, la fédération avait organisé, le 3 septembre, un entraînement ouvert au public qui ressemblait plus à un rassemblement populaire avec boutique, nourriture, baby-foot et autres où les supporters, les médias et les joueurs ont pu interagir. « C’était très agréable, vraiment, a réagi Sergey Krivets à Pressball après l’événement. Tout le monde était content, heureux. C’était la première fois, j’espère que l’initiative se poursuivra. » L’occasion d’attirer des supporters et de rendre les joueurs plus accessibles et proches pour une équipe nationale qui avait bien besoin de voir qu’elle était toujours aimée. Surtout qu’elle ne joue pas dans sa capitale et ville la plus peuplée mais à 50 kilomètres de là, à Borisov, et que la flambante neuve Borisov Arena n’est pas toujours remplie.

Une sélection plus ouverte et un vrai changement d’état d’esprit hors du terrain, qui se voit également sur le terrain. Les joueurs font beaucoup plus d’efforts dans un système plus ouvert que dans celui de Kondratiev. Bien que ça ne voit pas tellement quand on jette un œil aux statistiques, la Biélorussie joue beaucoup mieux et surtout vers l’avant. Elle se crée plus d’occasions tout en gardant sa solidité défensive passée. Arrivé lors du match face à la Macédoine, Khatskevich offre un bilan de cinq victoires en treize matchs, dont plusieurs belles en Irlande, en Slovaquie et en Norvège, pour quatre défaites et 13 buts encaissés, dont dix sur seulement trois matchs (Irlande du Nord, Ukraine, Russie).

L'ange s'est envolé. © Aleksandr Shichkin, pressball
L’ange s’est envolé. © Aleksandr Shichkin, pressball

Constante inconstance

Aleksandr Khatskevich a pu s’appuyer sur un groupe qui se connaissait bien, un mélange des deux générations qui se sont qualifiés pour les Euro Espoirs 2009 – éliminées en poules – puis 2011 – troisième, comme signalée plus haut. Les Krivets, Kislyak et autre Martynovich arrivent sur leur trentaine alors que les Dragun, Filipenko – malheureusement blessé pour le match face à la France –  et Politevich suivent de près. C’est très probablement l’avant-dernière possibilité de ces deux générations de se qualifier, ensemble, pour une grande compétition internationale et, malgré leurs succès européens passés, cette qualification semble très loin. La faute aux sélectionneurs, peut-être, mais surtout la faute à de mauvais choix de carrière, souvent. Si certains ont signé dans de bons clubs, beaucoup n’ont pas joué autant qu’ils le voulaient pour continuer leur progression. Renan Bressan, parti du BATE Borisov pour l’Alania, en D1 Russe, a eu beaucoup de mal à passer le cap et a beaucoup ciré le banc avant de galérer pour trouver un club (Rio Ave). Aujourd’hui à l’APOEL après une très belle saison au Portugal, il s’assoit de nouveau plus sur le banc qu’il ne court sur le rectangle vert. Les exemples sont nombreux (Sivakov à Cagliari, Krivets en Chine puis à Metz, Kislyak au Rubin, Shitov au Dinamo Moscou, Filipenko à Malaga…) et cela a créé de la difficulté pour les sélectionneurs d’avoir régulièrement onze joueurs en forme au même moment. Régulièrement, les joueurs reviennent en Biélorussie, surtout au BATE, pour se refaire la cerise avant de repartir à l’étranger et, au final, les expériences acquises pour beaucoup en Ligue des Champions sont perdues en dehors de Biélorussie. Au final, un joueur comme Krivets n’a que 38 sélections avec son pays. D’anciens grands espoirs comme Pavel Nekhaychik (18 sélections) et Anton Putsila (50 sélections) ne sont plus sélectionnés.

Aujourd’hui capitaine de la sélection, Aleksandr Martynovich est l’un des joueurs les plus expérimentés et l’un des rares qui a constamment réussi en Russie. Transféré à Krasnodar, il fut l’un des piliers de la progression du club russe avant d’être prêté au FC Ural la saison passée. Le longiligne défenseur central est l’une des valeurs sûres de la sélection et une vraie pierre angulaire du système défensif. Autre joueur expérimenté en grande forme : Timofey Kalachev. Deuxième en Russie avec Rostov et qualifié pour la Ligue des Champions, l’ailier droit est dans la forme de sa vie à 35 ans. Enfin, Mikhail Gordeychuk sera l’homme à suivre pour la France. Le milieu de terrain joue généralement dans un rôle d’électron libre et il y est excellent. Il est la caution offensive de cette équipe, comme de celle du BATE Borisov, avec qui il est en grande forme. Si danger il y a, il passera sûrement par Mikhail Gordeychuk. La bonne surprise vient d’Ivan Maevskiy qui, à 28 ans, éclot sur le tard. Milieu de terrain de l’Anzhi, il a été l’un des meilleurs joueurs du club du Daguestan dans une saison délicate l’année dernière et a confirmé en sélection. Il est très rapidement devenu l’un des joueurs clés après de très bonnes prestations, notamment face à l’Espagne.

Vaut-il mieux prendre des joueurs en forme sur le moment ou des joueurs peut-être meilleurs qui ne le sont pas ? Là où Kondratiev préférait garder des joueurs expérimentés qui ne jouaient pas ou rarement, Khatskevich change très régulièrement de sélection en privilégiant la forme du moment avec notamment la sélection d’Aleksey Rios et d’Evgeniy Klopotskiy, respectivement auteurs de très bonnes saisons avec le BATE et le Torpedo Zhodino – le dernier ayant remplacé Filipenko, absent sur blessure. Ainsi, il parvient à intégrer des joueurs plus jeunes tels que Roman Begunov et le grand espoir Nikita Korzun dans un effectif plutôt expérimenté. Si cela pose toujours un problème d’inconstance au niveau de la sélection, il n’y a néanmoins plus le problème de la forme du moment.

Un poste reste un problème, celui d’attaquant. Kornilenko est un choix par défaut alors que son remplaçant, Nikolay Signevich, autrefois grand espoir du football biélorusse quand il est arrivé au BATE Borisov, cire le banc au BATE derrière un Vitali Rodionov en méforme mais qui reste capitaine et indéboulonnable chez le décuple champion en titre. Pour la Biélorussie, l’objectif est donc ailleurs qu’une qualification qui serait inespérée. Il s’agit de bâtir avec un nouvel entraîneur, intégrer quelques jeunes joueurs qui seront les cadres de prochaines réussites sportives et redonner un élan à la sélection biélorusse alors que Bernd Stange avait posé les premières pierres. Ce ne sera pas chose aisée dans un groupe très difficile.

Quentin Gueguen

Image à la une : BERTRAND LANGLOIS/AFP/Getty Image

Leave A Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.