Il n’est pas le plus connu, ni le plus beau à voir jouer, il répond au doux nom de Karim Abdul-Jabbar Guédé et reste loin des projecteurs qu’a pu connaitre son homonyme. Pourtant, Karim Guédé roule sa bosse sur les terrains de football depuis des années maintenant, d’Hambourg à Bratislava jusqu’à la Forêt Noire. Retour sur la carrière du plus grand joueur germano-togolo-slovaque. Rien que ça.

Un enfant d’Hambourg

Karim GuédéNé d’une mère togolaise et d’un père français ayant grandi à Hambourg, Karim Guédé vit le jour un 7 janvier 1985 dans la ville portuaire. Rapidement, Karim tâtera le cuir, dès l’âge de 4 ans, avec le petit club local, le SC Hamm 02. C’est dans le Ernst Fischer Sportplatz, sa première maison footballistique, que notre futur slovaque commencera à faire ses gammes. C’est dans ce même stade que Guédé se fera repérer par un autre club de la ville, Sankt Pauli. Si Karim ne foulera jamais le Millerntor sous le maillot des brun-et-blanc, c’est avec le SC Concordia, un autre club de la ville d’Hambourg jouant alors en quatrième division, qu’il fit ses débuts en devenant l’un des cadres de l’équipe avant de s’engager avec le HSV Hamburg pour une année lors de la saison 2005/2006. Autant dire que Karim Guédé connait parfaitement le football Hambourgeois. Dans le même temps, le joueur n’en oubliera pas ses études et, poussé par sa mère, il terminera sa formation en pédagogie sociale.

Mais c’est bien dans le football que Karim veut s’épanouir. Lors de cette année 2006, vous n’êtes pas sans savoir qu’une certaine Coupe du Monde eut lieu en Allemagne. Une Coupe du Monde à laquelle notre Karim était alors convié avec la sélection togolaise par le sélectionneur de l’époque, l’Allemand Otto Pfister. Malheureusement, une blessure au dos ne lui permit pas d’y participer et mit fin rapidement au conte de fées.

Si Guédé ne portera jamais le maillot de la sélection togolaise, il connut un autre bonheur sous des couleurs bien différentes, car, comme le principal intéressait philosophait au site mopo.de : « Bien sûr que j’étais triste, mais dans la vie tout a un sens. »

Car, après ses différentes aventures en terre locales, Karim Guédé fit le grand saut vers la Slovaquie en s’engageant avec l’Artmedia Bratislava. Défenseur central en Allemagne, il fut rapidement repositionné dans le cœur du jeu en devenant l’un des meilleurs milieux défensifs du pays.

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En Slovaquie, Guédé s’engage dans un Artmedia au sommet de son art avec, notamment, une campagne européenne totalement folle lors de la saison 2005/2006 en éliminant dans un premier temps le Celtic (défaite 4-0 à Glasgow puis une victoire 5-0 à Bratislava), et en atteignant la phase de groupes de Ligue des Champions où le club terminera troisième de son groupe. Une saison légendaire avec un homme qui comptera énormément dans la carrière de notre Karim Guédé, l’entraineur Vladimir Weiss.

Arrivé lors de la saison 2006/2007 en Slovaquie, Karim Guédé évolue alors dans l’équipe parfaite pour s’acclimater au pays et en devenir un cadre. Une équipe avec qui il remporte dès la saison suivante un doublé Coupe-Championnat. Malheureusement, l’Artmedia Petržalka (le club ayant changé de nom) s’écroulera la saison suivante.

Good Bye Petržalka

Ironiquement, la plus belle saison qu’a connue l’Artmedia Petržalka fut aussi le début de sa chute. Tandis que Vladimir Weiss quitta son poste pour rejoindre le Saturn, la véritable mort du club viendra par la faute de son propriétaire, Ivan Kmotrik. Si vous lisez nos articles sur le football slovaque, vous n’êtes pas sans savoir qu’Ivan Kmotrik est aujourd’hui le propriétaire d’un autre club de Bratislava, et rival de l’Artmedia, le Slovan Bratislava.

En quittant l’Artmedia pour le Slovan, Ivan Kmotrik prit le soin d’emporter avec lui les joueurs cadres de son ancien club. Ainsi, le Slovan de Kmotrik recruta pas moins de 5 joueurs de Petržalka dont Radek Dossoudil, Juraj Halenar ou encore Branislav Obzera tandis que Marián Čišovský, autre joueur cadre de Petržalka, rejoindra FC Timişoara en Roumanie. Un an plus tard, 5 autres joueurs viendront alimenter les rangs du Slovan, dont Kornel Salata et, en l’occurrence le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, Karim Guédé.

Évidemment, devant cet exode massif de joueurs, l’Artmedia Petržalka chutera d’année en année en étant relégué successivement de Corgon Liga en seconde division, puis en troisième division lors de la saison 2011/12. Cependant, pendant que son ancien club mourrait à petit feu, Karim, lui, était au sommet.

Karim le slovaque, du racisme à la sélection

L’histoire entre la Slovaquie et Karim fut certainement bien plus longue qu’il ne l’imaginait lors son arrivée à Petržalka. Un après son transfert, Vladimir Weiss, alors entraineur de l’Artmedia, lui demanda s’il pouvait être intéressé de représenter la Slovaquie. Un choix qu’il fit quelques années plus tard et qui marquera le pays à jamais. Un pays dont certains habitants ne pouvaient imaginer une personne de couleur dans leur équipe.

Avant d’être officiellement citoyen slovaque, Karim Guédé aura connu le racisme. Un racisme qui s’illustrera aux yeux de tous le 7 avril 2007 quand l’Artmedia rencontra son futur club, le Slovan Bratislava.

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Connu pour avoir des groupes d’ultras à tendance extrême droite, quelques supporters du Slovan adresseront au futur joueur du club des cris de singes. Un mois d’avril 2007 qui reste encore dans les mémoires de la plupart des suiveurs du championnat slovaque. Le 4 du mois, ces mêmes supporters du Slovan avaient célébré l’anniversaire d’Adolf Hitler en déployant un tifo lors d’un match face au FC Senec.

« J’ai rencontré le racisme en Allemagne et dans d’autres pays. Je pense que c’est un problème mondial. Notre couleur de peau n’est pas importante, nous avons tous du sang rouge […] Je ne réponds pas à ses insultes racistes, ce n’est pas pertinent. Je me concentre principalement sur le football et le travail. » Expliquait l’intéressé dans une interview pour Pravda.

Pourtant, Karim Guédé portera bien le maillot du Slovan Bratislava. Il en deviendra même l’un des joueurs majeurs, s’imposant au milieu de terrain et en devenant le meilleur joueur du championnat slovaque durant ses années au Slovan Bratislava. Loin d’être un joueur spectaculaire, il était ce joueur doté d’un énorme physique prêt à mourir sur un terrain de football, à courir des kilomètres et kilomètres, et à s’arracher sur n’importe quel ballon. Des performances personnelles qui contribueront grandement à la victoire en Coupe de Slovaquie en 2009 et au doublé Coupe-Championnat l’année suivante.

Devant ces prestations, le nouveau sélectionneur de l’Équipe nationale, un dénommé Vladimir Weiss, continua d’espérer le joueur sous le maillot de la Repre. Un choix logique qui s’inscrivait dans un besoin de la sélection slovaque après la retraite de Zdeno Štrba et la fin de carrière qui pointait le bout de son nez pour la légende Miroslav Karhan.

« Je me suis engagé à obtenir la citoyenneté pour Karim parce qu’il se distingue nettement dans le championnat slovaque. Cette naturalisation était mon idée et nous avons travaillé durant une longue période afin de l’obtenir. Je suis heureux que nous ayons réussi et nous allons lui donner sa chance très prochainement. » Expliquait alors Vladimir Weiss en conférence de presse après cette naturalisation.

Malheureusement, lors de son arrivée avec la sélection dans l’année 2011, Guédé est en perte de vitesse avec le Slovan Bratislava en championnat et fait signe d’inconstance. Une situation que l’on verra également avec la sélection slovaque où il n’arrivera jamais à s’imposer comme un titulaire indiscutable. Pourtant, le premier joueur noir de l’histoire de la sélection slovaque continuera sa carrière avec un transfert vers sa terre natale, et plus précisément à Freiburg, alors en Bundesliga.

Der Schwarzwald

Ce retour en Allemagne est cependant compliqué, à commencer par un changement de poste surprenant. À Freiburg, Karim Guédé passe de milieu défensif à … attaquant. Souvent raillé par son manque d’efficacité et de technicité, Karim n’a pourtant pas perdu ses qualités de cravacheur, capable d’avaler plus de 10 kilomètres par match.

Karim Guédé n’est pas un joueur bling-bling, ni un grand technicien. Mais il a le mérite d’être un joueur important pour des clubs à l’image de Freiburg, un joueur mouillant le maillot et montrant l’exemple à ses coéquipiers. Dans des équipes luttant contre la relégation, le Big Karim sera toujours le premier à redonner un peu d’espoir à un groupe, à faire les efforts pour une équipe entière et continuer d’espérer. Et comme le dit Jochen Saier, le directeur sportif SC Freiburg, « Karim est toujours là quand vous avez besoin de lui ». Même quand il faut faire du beat box.

Pierre Vuillemot

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