Au terme d’une saison 2016/2017 exceptionnelle, le HNK Rijeka a remporté son premier titre de champion de Croatie, mettant fin au règne de dix ans du Dinamo Zagreb. Avec son jeu attrayant dirigé par l’entraineur slovène Matjaž Kek, sa politique sportive intelligente et son public fervent, c’est finalement une évidence si Rijeka s’est adjugé le doublé coupe-championnat. Retour sur ce succès historique auréolé de records : 71 buts marqués et seulement deux défaites en fin de saison, toutes compétitions confondues.

LE LIEN DIRECT AVEC L’ITALIE

L’histoire de la ville de Rijeka est intimement liée à l’influence italienne, notamment pendant la première moitié du vingtième siècle. La proximité n’est pas seulement géographique avec l’Italie puisque le président du club est Gabriele Volpi, un entrepreneur qui a fait fortune grâce au business du pétrole. Il est aussi président de La Spezia Calcio qui joue en Serie B et de la Pro Recco, équipe historique du waterpolo italien. Il existe d’ailleurs des relations significatives entre La Spezia et Rijeka : beaucoup de joueurs champions de Croatie proviennent de prêt de l’équipe ligurienne. Parmi eux, on peut noter l’apport conséquent de l’arrière latéral droit monténégrin Marko Vešović, auteur de cinq buts et neuf passes décisives en 2016/2017 ; le défenseur macédonien Stefan Ristovski, arrivé en Italie à Parme et passé par Latina avant d’être transféré définitivement en Croatie. Josip Elez, prêté par la Lazio, est aussi un motif de satisfaction, à l’image de Dario Župarić, arrivé en janvier de Pescara dns le cadre d’un prêt d’un an et demi. À l’inverse, peu de matchs comme titulaire pour Ivan Martić, ex-défenseur de l’Hellas Vérone, mais aussi de La Spezia.

DES INDIVIDUALITÉS QUALITATIVES

Inutile de se le cacher, pour arrêter le Dinamo, plusieurs joueurs ont permis de relever notablement le niveau de jeu du HNK Rijeka. Deux noms ont été décisifs : Franko Andrijašević et Mario Gavranović. Le premier est un milieu élancé d’un mètre quatre-vingt-dix doté d’une technique et d’un sens du but inédits. Il est arrivé à l’été 2016 en provenance du Dinamo. « Franko » a marqué seize buts en championnat et a été élu meilleur joueur du championnat. Le second est un attaquant généreux et polyvalent capable de jouer sur les différents côtés du terrain : 11 buts pour le suisso-croate qui était dans le groupe de la Nati pour la Coupe du Monde 2014. À noter la présence de l’Autrichien Alexander Gorgon, arrivé gratuitement de l’Austria Vienne ainsi que le retour en prêt du buteur slovène Roman Bezjak qui n’a pas trouvé sa place à Darmstadt. Ils ont marqué 23 buts à eux deux en Prva Liga.

UNE SAISON EN 10 MATCHS CLÉS

Le premier grand obstacle

Journée 6 : Hajduk Split – Rijeka 2-4

La saison de Rijeka commence sur les chapeaux de roue, collectionnant quatre victoires et un nul lors des cinq premiers matchs. L’équipe est déjà en tête du championnat grâce à un mauvais résultat du Dinamo contre l’Inter Zaprešić (1-1). Dans le derby de l’Adriatique, lors de la sixième journée, les hommes de Kek encaissent rapidement un but sur penalty, mais reprennent les devants grâce à Bezjak et une retournée de Gavranović. Le slovène signe un doublé à l’heure de jeu avant que Andrijašević ne clôt les débats. Une partie solide de Rijeka qui l’installe dans un rôle de prétendant sérieux au titre.

Une démonstration de force

Journée 9 : Rijeka – Dinamo 5-2

Ce match arrive après une étrange huitième journée où le Dinamo s’incline à Maksimir contre Osijek et où Rijeka ne fait pas mieux qu’un 0-0 contre Cibalia, la lanterne rouge. À Rijeka, il manque l’homme en forme du moment, Bezjak, auteur de sept buts jusque-là. Pourtant, ce choc contre le Dinamo se transforme en massacre : en une demi-heure, Rijeka domine en long et en large d’autant que le jeune gardien du Dinamo, Šemper, est dans un mauvais soir. Le score est de 2-0 à la pause. Dès la reprise, la donne ne change pas, Vešović assure un doublé et Gorgon claque un missile des 25 mètres. Dans le même temps, Osijek se place dans la course au podium en devançant le RNK Split, mais c’est bien Rijeka qui impressionne par cette démonstration de force.

La soumission des seconds

Journée 12 : Rijeka – Osijek 2-0

Osijek perd du terrain, mais arrive à Rujevica, le stade de Rijeka, second au classement avec cinq points de retard. Le public est venu en nombre dans une agréable après-midi d’octobre pour assister à la défaite du NK Osijek. Andrijašević ouvre la dance sur un centre de Ristovski. Quatre minutes plus tard, Gavranović marque en renard des surfaces. C’est déjà terminé. Gorgon est l’un des hommes en forme, parfaitement complémentaire avec les débordements de Ristovski sur la droite. La seule trace que Osijek laissera sur ce match est l’expulsion du jeune défenseur central Arsenić après un deuxième carton jaune. Au classement, Osijek tombe à la quatrième place, un seul point devant Hajduk tandis que le Dinamo pointe à six longueurs. Rijeka n’entend pas encore faiblir.

S’accrocher à tout prix

Journée 18 : Dinamo – Rijeka 1-1

Au moment du choc du 3 décembre, Rijeka tient la distance : l’équipe poursuit sa bonne série, gagnant tous ses matchs hormis un 0-0 contre le Slaven Belupo. Pour le Dinamo, c’est une grande occasion pour raccrocher le train : Kek le sait et met en place un 4-3-3 à la place du traditionnel 4-2-3-1. Rijeka démarre bien, mais le Dinamo prend peu à peu le contrôle du match, donnant du travail à Prskalo, le gardien des Riječki bijeli. Sans être spectaculaire, il est efficace alors qu’il est tout juste devenu titulaire indiscutable après le départ de Vargić à la Lazio en début de saison. Après une demi-heure de jeu, il sort une dangereuse frappe de Soudani. Dès lors, il devient l’homme du match, multipliant les sauvetages. Rijeka est en voie de réussir le hold-up quand Gorgon ouvre le score, servi par Vešović. Cependant, à vingt minutes de la fin, le même Gorgon reçoit un deuxième carton jaune qui sera très discuté. Sigali égalise six minutes plus tard sur corner et Petev, le coach du Dinamo, demande à ses joueurs de tout miser sur l’attaque. Bradarić passe à un fil du 2-1 pour le Dinamo. Le match se termine sur un nul. Pour Rijeka c’est un point en or, assurant son avance sur le Dinamo au classement.

Une mentalité victorieuse

Journée 21 : Osijek – Rijeka 2-3

C’est à la moitié du championnat qu’arrive le break au classement. Avec toujours 6 points sur le Dinamo, Rijeka en a alors plus de 10 sur Hajduk et Osijek. Au programme de ce froid après-midi de février, le match sur le terrain d’Osijek se révèle comme un précieux révélateur de la mentalité du groupe de Kek. Malgré l’ouverture du score par Gavranović, Osijek retourne la situation pour mener à la mi-temps. Le coach slovène fait alors les changements tactiques adaptés pour transfigurer son équipe : Andrijašević marque de la tête puis un autre but plein de sang-froid pourtant entouré par deux défenseurs. Rijeka repart avec les trois points et solidifie son statut d’équipe au mental d’acier.

Le passage à vide

Journée 32 : Lokomotiva Zagreb – Rijeka 1-0

Zdravko Mamić est la personnalité la plus sulfureuse du football croate, il est notamment président officieux du Lokomotiva qui sert d’équipe B pour les jeunes pousses du Dinamo, équipe contre laquelle le Dinamo ne perd quasiment jamais. Au moment de cette 32ème journée, le Lokomotiva est remonté à bloc contre Rijeka qui pointe à huit longueurs d’avance du Dinamo et encore invaincu toutes compétitions confondues. Au terme d’une partie ennuyeuse arrivent les émotions : Prskalo sauve son équipe, mais sur le corner suivant, Andrijašević « fait tomber » Karimi dans la surface. Le penalty est transformé par Majer. Première défaite de la saison pour Rijeka. Il n’y en aura plus qu’une autre.

La bonne réaction

Journée 33 : Rijeka – Hajduk Split 2-0

La journée suivant la défaite contre le Lokomotiva devient délicate : d’un côté il y a l’opportunité de se refaire, de l’autre la conscience d’affronter une équipe compétitive en cette fin de championnat alors que l’écart avec le Dinamo s’est réduit à 5 points. Le stade Rujevica est quasiment plein, c’est même la troisième meilleure affluence de la saison. Il suffit d’un quart d’heure pour que Rijeka mène au score par un superbe but de Maleš des trente mètres qui surprend Stipica, le gardien de Hajduk. Gavranović marque un second but dans des cages vides sur une passe de Bradarić. Hajduk tente de réagir, mais n’y arrive pas, Rijeka défend bien et assure sa première place au classement. À cinq journées de la fin arrive aussi la certitude de terminer mathématiquement dans les deux premiers. Hajduk est relégué à 20 points derrière… un autre championnat.

L’heure de célébrer

Journée 35 : Rijeka – Cibalia 4-0

C’est en remportant ce match contre Cibalia que Rijeka peut devenir officiellement champion de Croatie en cas de succès. Cela rendrait donc le dernier match contre le Dinamo quasiment inutile. Une opportunité saisit par les hommes de Kek contre l’antépénultième au classement : après un quart d’heure, Gavranović marque déjà deux buts, les 70 autres minutes ne sont qu’une formalité, prêtes à faire exploser la ferveur des supporters. Bezjak et Župarić portent le score à 4-0. Au coup de sifflet final de Monsieur Vučemilović, la fête commence par un envahissement de terrain. La saison a été longue, avec un rythme endiablé, mais désormais, Matjaz Kek, les joueurs et les supporters peuvent savourer le premier titre de champion de son histoire. Il ne reste alors plus que deux rencontres contre le Dinamo avant de clore la saison : l’un en championnat puis surtout la finale de Coupe de Croatie.

Retour sur terre…

Journée 36 : Dinamo – Rijeka 5-2

Le premier des deux matchs se joue à Maksimir, le soir du 27 mai. Le climat est encore à la fête et un Dinamo revanchard donnent le ton d’un match qui remet Rijeka les pieds sur terre. Soudani, déchainé, signe un triplé (dont un raid solitaire impressionnant) et se rapproche tout juste de Márkó Futács (Hajduk) qui termine meilleur buteur de la saison après un dernier doublé contre le Slaven Belupo. Le but de Andrijašević pour le 5-2 est anecdotique, lui qui a raté un peu plus tôt un penalty. Il termine troisième au classement des buteurs avec 16 réalisations. Le Dinamo domine largement ce dernier match et prend une petite revanche sur Rijeka, en attendant de pouvoir adoucir la déception d’un championnat perdu après 11 ans de règne.

… avant de s’envoler à nouveau

Finale de Coupe de Croatie : Dinamo – Rijeka 1-3

Rijeka arrive en finale conscient de pouvoir gagner, sans pour autant être totalement favoris. Le Dinamo se présente affamé par ce rendez-vous. Le début de match du nouveau champion est parfait : Andrijašević s’impose dans l’axe et fait briller son duo gagnant avec Gavranović qui transperce la gardien Danijel Zagorac. Quinze minutes plus tard arrive l’égalisation par l’espagnol Dani Olmo du pied gauche. Gavranović n’est pas d’accord, 40 secondes après le début de la deuxième mi-temps, il réceptionne bien le ballon sur corner au second poteau. Tête, et doublé. Župarić fait le break comme un buteur sur un tir croisé. La fête continue à Rijeka, Maleš et Prskalo soulèvent la Kupa Hrvatske, symbole d’une saison exceptionnelle, d’autant plus forte en émotion que l’hégémonie du Dinamo semblait ne plus jamais s’arrêter.

Dimitri ContiUn article traduit par Cédric Maiore avec l’aimable autorisation de l’auteur.


Image à la une : © Armada Rijeka

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