Le derby éternel serbe, tout le monde le connaît ; ce match tant attendu entre le Partizan et Zvezda arrêtant pendant 90 minutes la vie de la capitale serbe. 400 kilomètres au sud-est, du côté de la Macédoine, pays dans lequel se côtoient de multiples minorités et religions, qui n’est pas vraiment une place forte du football, même si celui-ci progresse saison après saison. Comme dans chaque contrée, cette dernière vit son lot annuel de péripéties et d’anecdotes succulentes. Alors que dire sur ce football et surtout dans cette chronique à propos des derbys ? Car la Macédoine, tout comme la Serbie et les Balkans en général, possède son derby éternel opposant le grand club du pays, le Vardar Skopje, et le modeste Pelister Bitola. Un derby placé depuis de nombreuses années sous très haute sécurité par les autorités macédoniennes. Comment un match anecdotique sur le papier peut se transformer en véritable terrain de guerre en tribunes ? Bienvenue en Macédoine !

Notre histoire commence lors de la saison 1989-1990 du championnat yougoslave, à Skopje. Le club le plus populaire en Macédoine reçoit l’Étoile rouge de Belgrade dans un match crucial. Il faut dire que pour le Vardar, le haut niveau n’est pas inconnu. Onzième meilleure équipe de l’histoire du football yougoslave, avec notamment une coupe et un titre de champion qui sera finalement retiré dans le futur, le Vardar est un géant dans l’histoire du football macédonien, et la réception de l’Étoile rouge est une véritable revanche pour le Vardar. Deux saisons plus tôt, alors que le Vardar soulevait son titre de champion de Yougoslavie, que tout Skopje était en fête, cette joie fut de courte durée. Tandis que cette dernière saison avait débuté avec pas moins de 10 équipes commençant le championnat avec six points de pénalités dû à des matchs truqués, le Vardar, lui, y échappa et domina ce championnat tout du long. Un championnat annulé et rendu finalement au Partizan Belgrade après quelques investigations policières. Le coup est dur à supporter du côté de Skopje et la rancune est tenace vis-à-vis de la capitale serbe.

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La grande question que vous pouvez alors vous poser, est pourquoi est-ce que l’on parle finalement de tout cela ici, maintenant. Pourquoi Zvezda aurait une quelconque importance dans l’histoire liant le Vardar à Pelister ? Eh bien vous allez le comprendre rapidement. Durant ce match face à l’Étoile rouge, match importantissime pour les Macédoniens tout proche de la relégation, tout le pays se déplace pour l’occasion, y compris quelques supporters du… Pelister venu encourager le Vardar. Tout part donc d’un beau geste amical entre deux entités macédoniennes voulant défendre son pain face à l’ogre belgradois. Oui, mais voilà, tribunes obligent, les esprits peuvent rapidement se chauffer et les tensions apparaître. Une situation qui ne tarde pas à se déclencher du côté de Skopje où les insultes fusent entre le petit groupe venant de Bitola et les supporters du Vardar. Ce premier incident entre les deux clubs est finalement classé sans suite par les autorités macédoniennes, mais reste malgré tout un tournant dans l’histoire de ce derby. Un derby où Belgrade n’a cessé de rôder lors de sa genèse.

Ironie du sort, la saison suivante, le Vardar Skopje se voit reléguer en seconde division yougoslave, un championnat dans lequel évolue un certain Pelister Bitola. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les supporters de Bitola n’ont pas la mémoire courte. A la descente des désormais ennemis de Skopje, les Ckembari promettent un grand spectacle en tribunes. Le groupe ultra, fondé en 1985, de la troisième ville du pays devient alors le groupe l’un des groupes les plus craints du pays. Tandis que les ultras du Vardar se déplacent alors en nombre sous la bannière des Komiti, les ultras du club, le ton chauffe rapidement entre les deux camps et le chaos fait peu à peu son apparition au point d’interrompre le match. Une bagarre générale éclate alors entre les ultras de Pelister et les forces de l’ordre, des heurts faisant stopper définitivement cette rencontre. Le lendemain, l’Histoire est écrite : Vardar – Pelister devient officiellement l’éternel derby de Macédoine et une nouvelle rivalité prend peu à peu naissance.

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Historiquement, sur le terrain, la domination est sans partage, le Vardar est un cran au-dessus. Les joueurs de Pelister peinent à exister et cela ce confirme au niveau des statistiques avec seulement 14 victoires en 61 derbys. D’année en année, la violence croît en tribune : incendies, matchs arrêtés suite à des combats entre supporters, la Philip II Arena et le Tumbe Kafe deviennent de véritables zones d’affrontements entre les deux camps. Du fait de cette violence extrême, l’affluence diminue au fur et à mesure des saisons lors de ces matchs, les familles préférant regarder le match à la télévision de peur de recevoir un engin pyrotechnique sur la tête ou de tomber au beau milieu d’une rixe entre les deux camps.

Le comble de l’horreur intervient en 2014 lors du derby disputé à Bitola. Alors que le match se dispute pour une fois sans véritable problème, les policiers font irruption dans le parcage des Komiti. Le ton monte d’un cran, les coups fusent, l’ambiance devient alors électrique. Malheureusement, le drame intervient quelques minutes plus tard. Pour une raison encore inconnue, un policier décide alors de jeter une grenade dans les gradins. Le bilan est lourd avec plusieurs blessés, dont un supporter du Vardar perdant sa main en essayant de récupérer l’engin. Suite à cet incident, le ministre de l’Intérieur décide de mettre cette rencontre sous vigilance maximale et, depuis ce jour, aucun incident grave n’est à signaler.

Pour les amateurs de football, les rencontres tendent à s’équilibrer même si le Vardar reste un cran au-dessus. La victoire en Coupe de Pelister serait-elle un signe pour les Ckembari ? Dans tous les cas, espérons que le match de ce week-end puisse se disputer dans une bonne ambiance, où chants, tifos et pyrotechnies remplacent rixes, grenades et blessés.

Antoine Jarrige


Toutes les photos sont tirées du site Mazedonien Nachrichten (Dimitar Petkovski)

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