Quand on évoque la Russie, on pense souvent à son histoire, ses villes, sa vodka, ses joueurs de génie comme, au hasard, Arshavin, mais aussi à sa richesse. Une richesse qui vient notamment de son or local, le gaz ! Une richesse exploitée par une compagnie, Gazprom. Retour sur la place de la compagnie gazière russe dans le monde du football et sur son rôle dans le Zenit Saint-Pétersbourg !
L’entreprise, la ville, le club
Gazprom (ou Газпром si vous faites partie de la #TeamCyrillique si chère à certains de nos rédacteurs) est la plus grande compagnie gazière au Monde, comptant pour environ 17 % de la production mondiale. Le gouvernement Russe détient à peine plus de 50 % du conglomérat énergétique s’assurant d’être actionnaire majoritaire et de référence. Les dividendes de Gazprom comptent pour 20% du budget fédéral russe, soit près de 8% du PIB. Créature hybride réagissant à toutes les lois du business, côté à Moscou et à Londres, le président de Gazprom, Alexei Miller, n’en reste pas moins un membre de l’entourage du président Poutine, et le mélange « politique-business » est omniprésent.
Saint-Pétersbourg est la deuxième ville russe par sa population, avec un peu plus de 5 millions d’habitants. L’ancienne ville des Tsars est également la ville dont Vladimir Poutine fut le premier adjoint au maire. Gazprom est d’ailleurs en train de relocaliser son siège là-bas. Bye bye Moscou, bonjour Saint Saint-Pétersbourg. Pour l’ancien ministère unifié de l’industrie pétrolière et gazière de l’URSS, Saint Pétersbourg est également le croisement entre 2 pipelines : le Gryazovets – Vyborg et le Saint Petersbourg – Vyborg – Gosgranitsa.
Fondé en 1925, l’histoire des Sine-Belo-Golubye est jusque dans les années 2000 quelconque. Quelconque comme leurs performances : un titre soviétique en 1984, une coupe en 1944, en 1999. Il faut attendre le milieu des années 2000 pour voir un léger mieux, avant que le Zenit Saint-Pétersbourg soit repris en main par Gazprom et que les 21 405 supporters du Petrovski puissent célébrer des titres.
La rencontre Zenit – Gazprom
Gazprom était le sponsor maillot du Zenit depuis 1999 et devenir le propriétaire du club en 2005 n’était que la suite logique de ses activités. Le club est tombé dans l’escarcelle du géant gazier lorsque l’entreprise a racheté, en 2005, 51 % du club pour 36,247 millions de dollars et que, pour la première fois dans le football russe, on connaissait la valeur d’un club de football ! Alors que le club avait des problèmes financiers, « soutenir le Zenit [était] politique« , selon l’analyste Valery Nesterov, surtout quand il paraît que le président Vladimir Poutine est lui même un supporter du club.
En 2005, Gazprom avait également racheté 73% de leur concurrent Sibneft – propriété de Roman Abramovich, fameux actionnaire de Chelsea – pour près de 10,4 milliards d’euros. Sibneft a ensuite été renommé « Gazprom Neft ». Gazprom Neft, entité de Gazprom, est monté par la suite à 95,68% dans le club de Saint Pétersbourg et il s’avère que le président du club, Alexander Dyukov, est également le président de Gazprom Neft. Quitte à posséder un club, autant faire les choses correctement et mettre le paquet pour faire bonne figure. C’est ainsi qu’en 2008, le club est parvenu à gagner l’ancêtre de l’Europa League, la Coupe UEFA, devenant alors le deuxième club russe à gagner une compétition européenne après le CSKA Moscou dans cette même compétition trois ans plus tôt.
Mais que vaut la C3 si on peut se battre pour la C1 ? C’est l’objectif ultime de tout club participant à la plus prestigieuse des compétitions européennes. Tous les moyens sont bons pour le faire, surtout lorsque l’on est financé par l’une des plus grosses capitalisations boursières mondiales. Le club s’est ainsi payé, à l’été 2012, Hulk et Axel Witsel pour près de 91 millions d’euros. Le Special Two, Andre Villas-Boas, a débarqué avec un salaire nettement revalorisé par rapport à ses prétentions en Europe occidentale. Grâce au financement de Gazprom, c’est près de 350 millions d’euros qui ont été investis dans les transferts entre 2006 et aujourd’hui. Seules deux balances des transferts ont été positives, lors de la saison 2007/2008 et l’été dernier avec l’arrivée de joueurs en fin de contrat comme Dzyuba, le club devant faire avec la nouvelle règle du 6+5 instaurée pour promouvoir le joueur russe par rapport à ce qu’on appelle en Russie, les légionnaires. Le Zenit est la porte d’entrée pour Gazprom dans le monde du football.
Gazprom Arena et financement
Alors que l’entreprise en est le propriétaire, elle est également le sponsor du club, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est généreuse. En 2012, Gazprom a signé un contrat de 20 millions pour de la publicité lors des matchs à domicile de l’équipe qu’elle possède. Le club s’est également engouffré dans la nouvelle mode européenne d’être propriétaire de son stade. Il construit ainsi sa « Gazprom Arena » devant contenir 66.000 places pour un coût de 80 millions d’euros hors actualisation. Si on actualise les chiffres, on arrive à plus de 800 millions d’euros, ce qui en fait le stade le plus cher du Monde. Problème, le stade devait sortir de terre en décembre 2008… puis en 2011… mais devrait finalement ouvrir en 2016. Deux entreprises se sont déjà partagés la construction du stade, et la deuxième s’est plaint du travail de la première. Ce projet prend tellement de temps que les principales infrastructures se sont déformées à cause du gel et ont dû être remplacées. Une ombre au tableau dans un plan où rien n’est trop beau. Le stade et les nouvelles installations pour un montant de près d’un milliard d’euros, font partie intégrante du plan de modernisation de la ville.
La chute du communisme en Europe de l’est et la disparition des structures communistes a obligé l’actionnariat des clubs professionnels à se ré-inventer. Ce n’est donc pas une surprise si la majorité des clubs russes est détenue par des oligarques ou carrément des entreprises/entités publiques proches du pouvoir. Le succès se mesure sur le terrain et non pas en fonction des sommes investies et récoltées. Les supporters du Spartak en savent quelque chose. Alors que la majorité des grands clubs européens a adopté le modèle de financement MCMMG se basant sur les revenus liés aux droits de la télévision, il est difficile pour les clubs russes de partir sur la même optique. Les spectateurs expriment moins d’intérêt que leurs homologues d’ Europe de l’ouest. Le modèle financier ne peut pas s’appliquer en Russie. Les équipes sont généralement soutenues par une entreprise ou un oligarque. Le rachat du Zenit en 2005 a eu comme effet collatéral la fin du contrat de 54 millions de dollars entre Sibneft et les rivaux du CSKA. Fidèle au modèle de sponsoring des entreprises pétrolières et gazières développé par Dogan Unlucan, Gazprom préfère financer un nombre réduit de clubs, mais met le paquet.
Ligue des Champions et Schalke 04
On retrouve également Gazprom comme sponsor de la Ligue des Champions. Son logo apparaît sur les panneaux qui bordent le terrain, aux côtés de Heineken, Ford, MasterCard, UniCredit et PlayStation. Pour Gazprom, le football est une histoire d’amour. C’est d’ailleurs un vecteur de communication prisé par l’entreprise gazière comme le prouve ses partenariats avec l’Étoile Rouge de Belgrade, Schalke 04, ou encore Chelsea. Le but selon Alexeï Miller ? : « Je suis convaincu que cette collaboration améliorera la réputation de Gazprom et accroîtra la notoriété de notre marque à un niveau fondamentalement nouveau à l’échelle mondiale. » Gazprom, et par extension le gouvernement russe, utilise le football comme un ‘soft power’.
Et comme le dit le slogan de Gazprom : « Мечты сбываются! » – les rêves deviennent réalité.
Lazar Van Parijs
Image à la une : © fc-zenit.ru
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