Pour ce premier match de ce FootballskiTrip en République Tchèque, nous avons le droit à un Sparta Prague – Banik Ostrava en guise d’entrée. Ou d’apéritif, c’est de rigueur. A l’arrivée au Letna Stadion, le visiteur est directement plongé dans l’ambiance Sparta : tout y est grenat, des fresques murales aux joues des supportrices. La saison est prête à démarrer après un nul inaugural sur le terrain du modeste Jihlava. Pourtant, ils ne sont que 11.000 à s’être déplacés pour voir leur club favori contre le rival du Banik Ostrava, à l’image du délitement des tribunes tchèques au fil des années. Les supporters Bleu et Blanc du Banik, eux, n’ont pas fait dans la demi-mesure et se sont déplacés dans la capitale tchèque à 2000, entraînant ainsi un important dispositif policier. Il faut dire que les ultras agités du Banik sont déjà venus à de nombreuses reprises semer la panique dans les rues de Prague et que les fans de l’industrielle et ouvrière Ostrava aiment montrer leur biceps dans l’aisée capitale tchèque. La rivalité s’est intensifiée à l’époque tchécoslovaque, quand le Banik était un club de haut de tableau. Désormais, ce n’est plus le cas et les problèmes financiers et autres magouilles laissent progressivement le club chuter dans une descente aux enfers inévitable.
Plus les bières descendent, plus les chants se font entendre. Les fans du Sparta sont nombreux à vouloir prendre leur revanche sur le Viktoria Plzen qui les a coiffé au finish la saison précédente. Pour cela, le groupe s’appuie sur un mix entre expérience et jeunesse talentueuse. Les meilleurs techniciens du pays, comme Dočkal ou Matějovský, côtoient des jeunes talentueux, à l’image de Krejčí. Le meilleur joueur du championnat, Pavel Kadeřábek, est parti tandis que les renforts se nomment Steinhöfer (Aalen), Fatai (Astra), Frýdek (Liberec) ou Paixao (Slask). Le propriétaire, Daniel Křetínský, 40 ans, amateur de golf et de Maserati, n’hésite pas à verser son argent personnel dans le club qui subit des pertes financières énormes chaque année, notamment depuis son arrivée. Après s’être enrichi très tôt avec des actifs financiers et dans l’énergie, Křetínský veut emmener le Sparta Prague vers le succès européen qui semble fuir le club depuis l’indépendance.
De son côté, le Banik sort d’une saison galère avec une treizième place en championnat, renforcée par le boycott des fans qui sont en désaccord avec la direction. Celle-ci a également trouvé le moyen de se passer des services de l’enfant du club, Milan Baroš. L’ancien attaquant de l’OL ne s’est pas gêné pour exprimer le fond de sa pensée sur les dirigeants. Côté sportif, l’effectif est excessivement jeune mais Michal Frydrych, Jiří Pavlenka, le meilleur gardien du championnat, et Daniel Holzer sont restés au club. Malgré ces satisfactions, les supporters n’y croient pas : le haut de tableau ne sera pas pour cette année. Le club quitte aussi son stade historique, un des plus emblématiques en Europe de l’Est, après 819 matchs disputés en son sein.
La première de la saison au Letna donne son lot de frissons, entre hymne du Sparta chanté à l’unisson par tout le stade, tifos, hommage et fumée. Après quelques secondes de jeu, les supporters vont avoir l’occasion de se chauffer encore un peu plus. D’emblée, Matějovský se fait sécher. Pas de faute selon l’arbitre, les joueurs d’Ostrava lancent leur contre … quasiment stoppé par un attentat du numéro 5 adverse, alors que le contre en lui-même se terminera sur le poteau. Les chants « putes praguoises » d’un côté et « Banik enculés » de l’autre redoublent d’intensité. Personne ne semble alors remarquer qu’il manque les poteaux de corner qu’un membre du club viendra planter au bout de… huit minutes de jeu ! Certains préfèrent s’attarder sur la simulation du ghanéen Narh, saluée à coup de cris de singe. Ce n’est malheureusement pas une première à Letna. En effet, le Sparta Prague possède une minorité de fans à tendance hooligans chantant régulièrement « Jude Slavia » à l’attention de leur grand rival du Slavia à majorité juive. Pour sa défense, la direction du Sparta clame dépenser beaucoup d’argent pour la sécurité et la surveillance du comportement des fans. En 2007, Lukas Pribyl, chef des relations publiques, affirmait que son club était un de ceux qui combattent le plus vigoureusement le racisme : « le Sparta est l’un des clubs les plus actifs dans la lutte contre le racisme, pas uniquement dans le football mais aussi dans la société. Nous participons à plusieurs campagnes médiatiques que nous finançons. » Ce qui semble ne pas suffire, puisque huit ans plus tard, les mêmes chants antisémites et racistes se font toujours entendre au stade, sans oublier les stickers placés ici et là aux abords du stade clamant que la « race blanche » serait supérieure. A sa décharge, le club du Sparta n’est pas le seul à rencontrer ces problèmes. Le racisme est un fléau endémique du football tchèque que l’on retrouve dans beaucoup de tribunes.
Plus innocemment, le gardien praguois rate tous ses dégagements au pied. Les relances courtes façon jeu vidéo ont failli coûter cher. Un poteau et un tir juste au dessus font tomber des frissons d’angoisse des gradins. La défense du Sparta aussi se montre très fébrile à l’image de Jakub Brabec, mal placé, jamais au marquage et peu inspiré dans ses relances. Heureusement, le Banik n’est pas doté de la plus grande puissance offensive du championnat. Malgré une triple occasion de Lafata, joueur favori des fans dont le nom est constamment scandé, la mi-temps se termine sur un score nul et vierge. L’occasion de demander les motivations d’un Anglais avec le maillot de Burnley juste devant nous : « le Sparta est ma deuxième équipe favorite. Ils ont les mêmes couleurs que Burnley ! Je suis venu exprès pour ce match. En plus, les prix des tickets sont corrects ici... ». Aimer une autre équipe qui possède des couleurs semblables à son club de cœur semble être une mode en Angleterre puisque l’on verra le lendemain un homme portant le maillot de Southampton au match du Slavia. Notre compère anglais nous confie aussi qu’il apprécie l’ambiance et le jeu débridé. Il n’aura pas notre chance et ne verra pas le grand match de mercredi face au CSKA Moscou au stade : « Je dois retourner au travail mais je serai à fond derrière mon streaming !«
La deuxième mi-temps recommence comme la première, c’est-à-dire avec un tacle non maîtrisé les deux pieds en avant et en retard qui plus est. Aucun carton. On se prend à imaginer Tony Chapron au sifflet de ce match. Pas certain que les deux équipes finiraient avec le nombre de joueurs réglementaires sur un terrain au vu des multiples agressions. Tandis qu’un mec en slip dans la tribune ultra assure le spectacle, sur le terrain, le Banik marque sur sa première incursion de la seconde période: sur un coup de pied arrêté, Filip Kaša, 1m89, dévie pour Martin Kouřil, immense tige de 2.02 mètres. Forcément, ça fait but, même du pied. Les fans du Banik s’en donnent à cœur joie, tout comme ceux du Sparta qui redoublent d’intensité dans leurs chants pour pousser les leurs à renverser le cours du match. Pourtant, le jeu très stéréotypé des Grenats laisse présager le pire. Leurs nombreux centres sont repoussés sans problèmes par les géants Kaša et Kouřil. Le Brésilien du Banik, Azevedo, s’amuse à faire des roulettes peu efficaces. C’est aussi lui qui est à l’origine du contre assassin qui finit au fond des filets. L’arbitre venait juste de siffler hors-jeu. Un grand ouf de soulagement descend alors des tribunes.
Seul moment de répit : une minute de silence est respectée par tout le monde en hommage au 29 juin 2015. A la 80e minute, le Sparta trouve enfin la faille par David Lafata. Les chansons à sa gloire fleurissent. Le Banik Ostrava va complètement s’écrouler. Dočkal et Fatai marquent deux autres buts et le Sparta s’impose trois buts à un. Pour s’excuser, les Bleu et Blanc viendront communier de longues minutes avec le parcage bien rempli de leurs fans. Leurs adversaires entament un tour d’honneur et Borek Dočkal s’isole avec son enfant et lui montre la ferveur de ses supporters. Le petit touchera le blason dans un moment d’émotion. L’Anglais, lui, quittera le stade en nous regardant le poing levé. Une belle fin de match, avant que les choses sérieuses ne commencent face au CSKA.
Nous nous en allons avec la satisfaction de savoir notre trip footballistique lancé de la plus belle des manières. Direction la tramway, Letna est derrière nous mais nous y reviendrons…
Les notes de Footballski:
Standing du stade (3,5/5):
Un joli stade un peu à l’ancienne, mais relativement petit et sans fioritures pour un club du niveau du Sparta, sans doute le plus grande de République Tchèque. Aurait pu mieux faire, dira-t-on !
Disponibilité des billets (4/5):
Certes le stade n’est pas souvent plein, mais selon les matchs, vous pouvez vous retrouver dans l’impossibilité de prendre les places que vous souhaitiez et ainsi contraint de payer un peu plus cher pour voir vos Grenats favoris.
Tarifs (2,5/5):
Tout juste la moyenne même s’il s’agit du Sparta, vous ne trouverez rien de bien en-dessous de dix euros (250 couronnes). Ce qui ne semble pas particulièrement donné pour le spectacle qu’offre la SYNOT Liga, sachant que le stade n’est pas plein. Ce n’est pas non plus du vol, donc la moyenne est méritée.
Ambiance (4/5):
Autant de fois qu’on a pu y aller, nous n’avons jamais été déçu par une ambiance qui est constance et animée; même si la base ultras n’est pas énorme et qu’elle se laisse aller à des cris de singe intempestifs. Stade bruyant, festif, plaisant mais avec quelques dérapages verbaux.
Risques (3,5/5):
Nous n’y avons heureusement pas été confrontés, mais à voir le déploiement des forces de l’ordre après le match et leurs déplacements constants; et si on y met en parallèle la réputation des Ultras Grenats, on peut penser qu’il y a tout de même quelques risques aux abords de Letna.
Accessibilité et Transports (4/5):
Pas de problèmes ! On aurait pu même mettre plus car le stade est très bien desservi en Tramway. Et ces derniers s’arrêtent en face du stade. Bon ce n’est pas tout à fait le centre et c’est sur une petite colline, d’où le point perdu.
Boissons (2/5):
Il y a largement mieux en République Tchèque. Au Letna, la bière alcoolisée n’est pas à tous les stands (mais elle existe); ce ne sont pas les buvettes les plus typiques et le choix y est restreint (malgré la présence d’un employé McDo dans l’enceinte du stade). A Prague, nous verrons qu’il y a mieux et le Letna s’en tire avec un (sévère) 2/5.
Quartier environnant (3,5/5):
Rien de mal, rien de génial comme en atteste cette note assez neutre. Tout est bien autour du stade, mais vous ne trouverez rien d’extraordinaire non plus.
Damien Goulagovitch.
Pingback: FootballskiTrip Prague #4 : On a vécu Sparta Prague vs. CSKA Moscou - Footballski
Pingback: FootballskiTrip Prague: Introduction - Footballski
Pingback: On a vécu Sparta Praha vs. Mlada Boleslav - Footballski - Le football de l'est