Entre Irlande du Nord et Pologne, les liens ne sont pas forcément évidents. Pourtant, bon nombre de Polonais ont choisi d’émigrer en Irlande, voire jusqu’à sa petite sœur devenue indépendante : l’Irlande du Nord. C’est pourquoi, pour avoir un regard particulier sur ce Pologne – Irlande du Nord, nous avons choisi de discuter avec l’un des seuls Polonais jouant dans la première division Nord-Irlandaise (la Danske Bank Premiership). Entre vertes plaines, le mal du pays et jeunesse polonaise à l’étranger, Jakub « Kuba » Klobusek, arrivé il y a 9 ans en terres Nord-Irlandaises et jouant attaquant pour le Ballinamallard United FC, a répondu à nos questions et donne son regard du haut de ses 20 ans sur un football et la vie différente d’un jeune polonais « en exil ».
Première question, que vient faire un jeune polonais de 20 ans en Irlande du Nord?
Je n’ai pas trop choisi. Ma famille a décidé de venir s’installer ici quand j’avais 11 ans, mais il y a pas mal de Polonais ici.
À vrai dire, je suis un peu honoré d’être le premier et seul polonais à jouer au plus haut niveau de la ligue nord-irlandaise.
Et pourtant, tu es le seul joueur polonais à jouer en Premiership …
Oui, le seul en Premiership. Je ne le savais pas au début, car comme dit précédemment, il y a beaucoup de Polonais ici et je me disais que certains devaient bien jouer au foot et jouer en Premiership, mais finalement non. À vrai dire, je suis un peu honoré d’être le premier et seul polonais à jouer au plus haut niveau de la ligue nord-irlandaise. Après il y a 2-3 trois mecs qui jouent en Championship 1 et 2, mais je ne les connais pas trop.
Raconte-nous un peu ce parcours inhabituel pour un jeune footballeur polonais.
Je joue au foot depuis que je suis petit, et je jouais jusqu’à mes 11 ans dans les équipes de jeunes de Ostrow Wielkopowski, là où je suis né en Pologne. Et puis, ce fut le départ loin du pays. Au début, tout fut compliqué pour moi en Irlande du Nord. Il fallait que je m’adapte à une nouvelle culture, une nouvelle langue … Et puis, le temps était horrible, il pleuvait sans cesse. Ç’a été dur, très dur. Entre ce climat et la langue anglaise que je ne maîtrisais pas, le football était sorti un peu de mon esprit, et j’essayais de m’intégrer.
Puis 5 ans après, j’avais alors 16 ans, et j’ai repris le foot dans la réserve d’un club local où je ne jouais pas sous mon vrai nom, car j’étais trop jeune. Ma deuxième saison fut extraordinaire avec 25 buts marqués, le titre de meilleur jeune joueur du championnat des réserves, celui meilleur joueur de l’année et et meilleur scorer, tout ça à seulement 16 ans. Grâce à cette belle saison, j’ai pu avoir ma chance en équipe première, mais sans trop de succès et de temps de jeu. C’est une ligue qui est vraiment physique, je n’étais pas prêt. Puis j’ai joué dans d’autres équipes réserves, jusqu’à ce que Scott Robinson (ex-coach de la réserve de Ballinamallard) me demande de venir m’entraîner avec eux. Voilà comment tout à commencé avec les Mallards
L’Irlande du Nord, dans tous les cas, c’est un peu chiant, si tu compares à la Pologne ou à d’autres pays européens.
C’est comment Ballinamallard ?
La ville est toute petite, et il n’y a pas grand-chose à faire ici. De toute façon, avec ma famille, nous vivons à Omagh depuis que nous en sommes arrivés en Irlande du Nord. Et puis l’Irlande du Nord, dans tous les cas, c’est un peu chiant, si tu compares à la Pologne ou à d’autres pays européens. Après c’est un choix familial, donc bon …
Et d’un point de vue plus football, comment ça se passe chez les Mallards ?
Ça a été une saison difficile pour le club, la 4e en Premiership, et l’équipe première est passée tout près de la relégation. J’ai joué la majorité du temps avec la réserve, mais je savais que ça serait comme ça, car j’ai signé un contrat pour jouer avec la réserve et non l’équipe première. Mais bien sûr, j’espérais pouvoir obtenir une place plus haut si j’avais de bons résultats avec la réserve et c’est arrivé plus vite que je ne le pensais. L’équipe première avait de gros soucis en attaque, et le coach m’a sélectionné pour faire les entraînements et jouer des bouts de matchs avec eux. J’aurai aimé apporter un peu plus, mais m’entraîner au plus haut niveau du championnat nord-irlandais m’a permis de reprendre confiance en moi, et de gagner en expérience.
Je pense et espère que la ligue va encore se développer, et que le football nord-irlandais va combler ce fossé du professionnalisme.
Cette expérience, tu aimerais en faire quoi dans le futur?
Le futur dépend de beaucoup de choses, ma famille, mes études, etc. Mais j’aimerais avoir ma chance en Pologne dans une équipe pour pouvoir encore améliorer mon niveau, jouer dans une ligue supérieure, un grand club et pouvoir évoluer positivement dans ma carrière de jeune joueur.
Globalement, après ces 4 ans en Irlande du Nord, que dirais-tu sur le niveau général du football local ?
Le football ici est assez professionnel, mais pas autant que dans beaucoup d’autres pays européens. Une grande partie des équipes jouant ici en Premiership n’ont pas le statut professionnel, elles sont semi-pros seulement. Donc beaucoup de joueurs ont un autre job, et le football n’est pas tout. Pour donner un exemple, à Ballimallard, nous nous entraînons seulement deux fois par semaine et jouons les matchs de championnat le samedi. On a des joueurs qui font 2h de voiture pour venir aux entraînements, donc c’est vrai que c’est difficile d’avoir un bon développement physique, tactique parfois. Mais d’un autre côté, être sur le terrain et à l’entraînement montre cette passion du foot que les joueurs ont. Je pense et espère que la ligue va encore se développer, et que le football nord-irlandais va combler ce fossé du professionnalisme.
Petite escapade culinaire après le foot. Si l’on venait te voir, que nous conseillerais-tu comme plat local ?
Je ne suis vraiment pas fan de la cuisine nord-irlandaise qui est vraiment très grasse, mais je dirais peut-être un plat fait de pomme de terre frites, un steak et le tout recouvert de sauce au poivre.
À part la nourriture, qu’est ce qu’il te manque le plus ici en Irlande du Nord ?
Certainement ma famille, la culture polonaise, le beau temps et le style de vie. Et puis les filles polonaises … Beaucoup de choses, finalement.
Quel est ton favori pour cet Euro ?
Pour moi, le favori reste l’Espagne. Il est vrai que beaucoup de gens ne croient plus en leurs capacités à cause de leur médiocre performance au Brésil durant la dernière Coupe du Monde, mais je pense qu’ils peuvent gagner. Et sinon, la Pologne bien sûr. Je croise les doigts pour que la Pologne aille loin.
Tu joues en Irlande du Nord, mais c’est du sang rouge et blanc qui coule dans tes veines, donc tu supporteras la Pologne, non ?
Bien sûr ! La Pologne a fait de magnifiques éliminatoires, et l’équipe que nous avons est vraiment très solide, mais beaucoup de joueurs restent encore inexpérimentés pour une phase finale d’un tournoi majeur comme l’Euro. C’est pourquoi j’ai un peu peur que cette inexpérience nous joue des tours, mais si nous arrivons à canaliser tout ça, alors nous irons loin, car nous en avons le potentiel.
Et tu suivras ton pays d’adoption ?
Oui un peu, et puis ils sont dans le même groupe que nous, donc forcément …
Comment vas-tu suivre cet Euro ?
Je serai en Pologne dans ma famille pour le premier match contre l’Irlande du Nord, donc je pense que je vais vivre ça autour d’un grand écran entouré de plein de fans pour ressentir l’atmosphère de la compétition …
Pologne – Irlande du Nord sera le premier match des deux équipes dans cet Euro. Comment vois-tu le déroulement de cette rencontre ?
Les Nord-Irlandais n’ont pas perdu lors de leurs 11 derniers matchs, donc forcément, c’est un signe. Nous devons être concentrés dès le début, et il faudra éviter de concéder l’ouverture du score, car ce sont des battants, des combattants qui ne lâcheront rien jusqu’à la dernière minute. Après, il faudra laisser faire notre potentiel créatif combiné à cette concentration et grâce à ça, nous pouvons gagner et aller loin dans cet Euro.
Un petit pronostic pour le match de ce dimanche ?
3-1 pour la Pologne avec un but de Milik et deux buts de Lewandowski. C’est ce que j’espère.
Jusqu’où la Pologne peut aller selon toi ?
Ça dépendra du début de notre Euro. Si l’on gagne le premier match, on engrangera de la confiance et je pense qu’avec la confiance, la rigueur et le talent, on peut être très dangereux et arriver en 1/4 ou 1/2 finale. Mais l’important, pour l’instant, ce sont les matchs de groupe.
Penses-tu que cette équipe de Pologne est aussi talentueuse que celle de 72 ou 74 aux JO et à la Coupe du Monde avec en son sein Deyna, Lato, Szamarch?
C’est vrai qu’il est difficile de comparer de football d’aujourd’hui et celui des années 70. Donc plus ou moins talentueuse, je ne sais pas. Mais je sais que nous avons de jeunes joueurs très talentueux qui jouent en Pologne ou dans les autres championnats européens. Et ce talent, avec beaucoup de travail physique, tactique, peut nous permettre de gagner et de voir loin.
Aimerais-tu faire partie de cette équipe un jour ? Et quel serait ton message à Adam Nawalka ?
(Rires). Bien sûr que j’aimerais un jour jouer pour la Pologne, comme tout garçon jouant au foot en Pologne ! Je dirais de Nawalka qu’il est un excellent coach, et que nous devons tous croire en lui. Et même si nous faisons un Euro moyen, Nawalka doit continuer et rester pour finir de construire cette belle et jeune équipe.
Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour l’année prochaine ?
Du temps jeu en équipe première, et puis beaucoup de buts et de passes décisives.
Le mot de la fin?
Polska górą.
Mathieu Pecquenard
Image à la une : © laczynaspilka.pl