Si vous regardez un match de l’Autriche lors des prochains jours, vous ne pourrez pas les rater, tant visuellement qu’auditivement. Les Hurricanes Österreich sont le groupe principal derrière la Wunderteam, tout en étant l’un des seuls groupes indépendants de leur fédération en Europe. Alors, on a discuté avec Stephan Wastyn, co-fondateur et évidemment membre des Hurricanes Österreich 2010.
Commençons par le commencement. Comment est-ce que le groupe s’est créé et pourquoi ce nom ?
Les fondateurs de notre fanclub, « Hurricanes Österreich 2010 », se sont toujours rendus aux matchs de l’équipe nationale. De notre point de vue, l’ambiance à cette époque n’était pas très bonne et il manquait un groupe dans le stade. C’est pourquoi nous avons décidé de prendre les choses en main. Depuis, nous travaillons incessamment sur le développement d’un secteur ultra lors des matchs de l’équipe nationale.
Nous avons choisi le nom « Hurricanes » parce que nous voulions faire vrombir les choses et ce nom va de pair avec le but qu’on a. Notre logo est un loup avec la forme d’un ouragan. Cela symbolise notre faim de succès et notre désir de montrer le plein potentiel de notre tribune.
D’où vient le financement du groupe ?
Le principal moyen de financement réside dans les adhésions de nos membres. De plus, nous recevons des fonds grâce à la vente de nos propres produits dérivés et la vente de boissons lors de nos déplacements. Nous recevons également des dons de membres mais aussi de non-membres. Il faut noter que nous rejetons toute aide financière d’entreprises ou de la fédération autrichienne de football (ÖFB). De ce fait, tous nos tifos et animations sont autofinancés.
Il y a des règles que nous devons accepter, comme l’interdiction de pyrotechnie et de chants contre l’adversaire.
Puisque vous ne recevez pas de sous et que donc vous semblez vous séparer assez clairement de la fédération, quelles sont vos relations avec l’ÖFB ?
Les relations avec l’ÖFB sont, en ce moment, plutôt bonnes. Ils nous soutiennent le mieux qu’ils peuvent et essayent de répondre à nos requêtes de la meilleure façon. Néanmoins, il y a des règles que nous devons accepter, comme l’interdiction de pyrotechnie et de chants contre l’adversaire. Dans le passé, nous avons eu quelques problèmes avec l’ÖFB ce qui nous a coûté, par exemple, d’être suspendus pour un mois environ en novembre 2012.
L’ÖFB nous avait laissé tomber et avait ouvertement critiqué la situation en public. Le gros problème était que Stiegl, un des sponsors de la sélection (une marque de bière), avait fait des petits drapeaux à son effigie pour tous les spectateurs lors de tous les matchs à domicile, dans l’ensemble du stade. Comme tu peux l’imaginer, ça ne nous a pas trop plu et nous l’avons clairement fait savoir dans nos rapports de match. Et nous avons été bannis du stade. Ces petits drapeaux Stiegl sont toujours présents pour les spectateurs à domicile, mais nous ne les utilisons pas dans notre virage. Nous espérons qu’un jour il n’y aura plus ces drapeaux.
Je pense que l’ÖFB est plutôt contente de nous avoir, parce que nous sommes les principaux responsables de l’ambiance que les dirigeants, joueurs, médias et spectateurs admirent. Ceci étant, nous n’avons malheureusement aucune relation avec les joueurs ou l’entraîneur. Une fois par un, l’ÖFB organise un meeting des groupes de supporters lors duquel l’entraîneur, Marcel Koller, est présent. Il répond aux questions pendant environ une heure, mais c’est tout. Je pense – et c’est très triste – que la plupart des joueurs et même Marcel Koller ne savent pas qui nous sommes et le travail que nous faisons pour l’équipe.
Quels genres de personnes forment le groupe ? Est-ce que le fait qu’il y ait peut-être des fans du Rapid et de l’Austria Wien pose un problème concernant la cohérence du groupe ?
Nous avons des supporters de nombreux clubs nationaux, comme le Rapid Vienne, l’Austria Vienne, le Sturm Graz, l’Austria Salzburg ou le First Vienna. Jusque-là, ça n’a jamais été un souci. Nous sommes un groupe pour l’équipe nationale. Le club que tu supportes n’a aucune importance et nos membres respectent cela.
Vous considérez-vous ultras ?
Nous nous considérons comme orientés ultras. Nous remplissons la plupart des critères qui font qu’un groupe est ultra ou non, mais certaines personnes du groupe ne sont pas ultras. Nous devons aussi souligner que la violence ne fait partie des valeurs du groupe.
Nous n’avons aucune raison de craindre quoi que ce soit. Nous avons toujours prôné le respect et, dans les autres pays, nous faisons attention et nous ne provoquons pas.
L’Autriche affronte la Hongrie en poules. Il y a évidemment une sorte de rivalité entre les deux pays et les Hongrois ont une certaine réputation en matière de football. Est-ce que vous craignez des bagarres ou des soucis avec les Hongrois ?
Jusque-là, nous n’avons jamais eu d’ennui avec les supporters adverses, que ce soit à l’extérieur ou à domicile. De ce fait, nous n’avons aucune raison de craindre quoi que ce soit. Nous avons toujours prôné le respect et, dans les autres pays, nous faisons attention et nous ne provoquons pas.
Est-ce qu’on peut attendre des animations des supporters autrichiens à l’Euro ? Si oui, comment allez-vous vous adapter dans des stades où vous n’avez jamais mis les pieds ?
En coopération avec d’autres groupes et l’ÖFB, nous allons mettre en place des tifos pour les trois matchs de poules en France. C’est et ce ne sera pas facile jusqu’au jour J, nous n’avons pas encore réglé tous les problèmes. Tout doit être ignifugé et les tifos devaient être annoncés en mars au plus tard, mais nous avons au moins reçu les plans des stades. Ceci étant, si tout fonctionne comme prévu, les virages autrichiens auront belle gueule lors de chacun des trois matchs. Pour un groupe organisé comme nous, l’Euro est un événement problématique parce qu’il n’y a presque pas de soutien de la part de l’UEFA. Malgré tous les gros problèmes qu’il reste, l’ÖFB essaye de nous aider pour créer une belle ambiance dans les stades.
Depuis quand exactement vous préparez la compétition ?
Depuis février dernier.
Nnous donnerons tout même si notre équipe perd trois fois, car nous sommes supporters dans les bons et les mauvais moments.
Est-ce que les attentats de novembre à Paris ont changé quoi que ce soit dans votre programme ?
Pas vraiment, non. Evidemment, nous suivons ce qu’il s’y passe, mais ça ne nous intimide pas. Nos plans sont restés les mêmes.
A quoi vous attendez-vous d’un point de vue de l’ambiance côté Autrichien ? L’attente doit être grande.
Nous pensons que l’ambiance a le potentiel pour être excellente. Tous les supporters autrichiens attendent l’événement avec impatience et espèrent des bons résultats de l’équipe, c’est à dire les huitièmes de finale au moins. Si l’Autriche n’est pas aussi bonne qu’attendu, ça pourrait jouer sur l’ambiance. Ceci dit, nous donnerons tout même si notre équipe perd trois fois, car nous sommes supporters dans les bons et les mauvais moments.
Comment s’est passée cette dernière campagne de qualifications d’un point de vue de supporters ?
Les qualifications étaient incroyables. L’Autriche a été incroyablement performante (9 victoires, 1 nul en 10 matchs) et personne ne s’y attendait. Nous sommes très fiers de notre équipe et espérons bien évidemment qu’elle répétera ça pour les qualifications à la prochaine Coupe du Monde. Mais même si elle ne s’y qualifie pas, nous serons présents à chaque match pour les soutenir.
Du coup, vous avez suivi l’équipe à l’extérieur ces deux dernières années ?
Nous avons fait tous les matchs, à domicile comme à l’extérieur. Le déplacement en Suède a été la cerise sur le gâteau, parce que c’est le match où l’Autriche a pratiquement scellé sa qualification pour la compétition (victoire 4-1). Généralement, tous les déplacements laissent des souvenirs. Par exemple, nous avons fait le déplacement au Liechtenstein en bus. A une aire où nous nous sommes arrêtés, nous avons oublié une fille aux toilettes. Elle n’avait pas de téléphone ni d’argent avec elle, mais elle a réussi à nous appeler avec un téléphone public. Donc dix minutes après être partis, nous avons immédiatement fait demi-tour. Et il s’avère que c’était la copine de notre capo. Personne dans le bus, même le camp, ne s’était rendu compte qu’elle manquait à l’appel.
Maintenant, d’un point de vue footballistique, que peut-on attendre de la Wunderteam ?
C’est difficile à dire. Nous espérons que l’équipe réussira à passer les poules et atteindre les huitièmes de finale. Avec un peu de chance, les quarts de finale sont possibles, mais demander plus serait de la gourmandise.
Sur ces deux dernières années, est-ce que vous sentez que l’enthousiasme autour de l’équipe nationale a grandi, à la fois dans le pays et votre groupe ? Par exemple, est-ce que les demandes de billets et le nombre d’adhésions ont augmenté chez les Hurricanes ?
Bien sûr, l’enthousiasme dans le pays a considérablement augmenté. Les supporters autrichiens étaient sevrés de résultats depuis longtemps et, enfin, nous avons réussi à nous qualifier pour l’Euro. Le Ernst-Happel-Stadion a toujours été plein avec 45.000 spectateurs pour chaque match, dont ceux face à la Moldavie et le Liechtenstein.
Beaucoup de gens nous ont demandé comment devenir membre donc notre groupe a profité des résultats, oui. Il nous a fallu demander plus de billets. Avec les déplacements et les préparations de tifos, la cohésion du groupe est devenue beaucoup plus forte. Nous ne pouvons qu’espérer que cela ne change pas si l’équipe perd de sa superbe prochainement.
Comment est-ce que vous expliquez le soudain regain de forme de l’Autriche ?
Nous avons des joueurs qui jouent régulièrement dans leurs clubs respectifs et ces clubs, surtout en Allemagne, parfois en Angleterre, jouent à un très bon niveau. Ces joueurs ont pu emmagasiner de l’expérience et étaient déjà très talentueux. Enfin, nous avons trouvé un entraîneur de qualité qui utilise les forces des joueurs.
Quelle est votre opinion sur les ultras autrichiens en général, tu es peut-être un ultra d’un club, quel qu’il soit ? Quelles sont les relations entre les ultras, la police et le gouvernement, y a t-il un genre de répression ?
Nous ne voulons pas juger la scène ultra en Autriche. La scène de l’équipe nationale est différente de celle des clubs. Les choses fonctionnent différemment avec l’équipe nationale, c’est beaucoup plus lent. Nous n’avons jamais eu de gros problèmes avec la police ou le gouvernement. C’est juste ennuyeux d’avoir autant de règles.
Quentin Gueguen / Tous propos recueillis par Q.G
Image à la une : © Hurricanes Österreich / hurricanes-österreich.at