Quand on parle football tchèque, on pense essentiellement aux clubs pragois que sont le Dukla, le Slavia et le Sparta ou encore au Viktoria Plzeň. Et puis, il y a le FC Hradec Králové. Qui ? Hradec Králové. Un club avec un palmarès aussi court que la chevelure de Jan Koller, mais qui créa la surprise lors d’une saison de 1959-60 en devenant champion de Tchécoslovaquie. Son premier et dernier titre de champion de première division qui l’enverra en Coupe d’Europe jouer face au FC Barcelone. Rien que ça.

Loin de Prague, la naissance d’un club

Disons-le, Hradec Králové n’est pas forcément la ville tchèque la plus connue de toutes. Située à une centaine de kilomètres de Prague, la ville est aujourd’hui une pure ville universitaire où l’on peut retrouver notamment l’université et les départements de médecine et pharmacie de la célèbre université Charles. Une jeunesse abritée par les vieux bâtiments de la ville qui eut le droit à une expansion à la fin du XIXe siècle en invitant des architectes de Vienne et Prague, important une architecture moderne dans la ville. Peu à peu, de monument en monument, la ville arrive à se bâtir et, comme souvent, le sport peut commencer à trouver sa place sur la scène locale grâce à l’impulsion d’une jeunesse tchèque.

Fondé officiellement en 1905, le Sportovní klub Hradec Králové tire ses origines au début du siècle avec l’envie de cette jeunesse de la ville de voir évoluer le sport et le football. Mais si les étudiants montraient un intérêt considérable, aucune structure n’existait vraiment dans la ville ni dans le pays. C’est ainsi que peu à peu, les choses se sont mises en place. En 1901, quelques étudiants eurent l’occasion de jouer ensemble de manière non officielle, sous aucune entité propre ni association de football. Du football entre amis dans les rues comme on peut le faire encore aujourd’hui dans notre jeunesse. Mais contrairement à aujourd’hui, un seul pouvait devenir historique. Le football commence peu à peu à faire son entrée sur le territoire tchèque avec notamment la création de l’Association tchèque de football (CSF), qui obtiendra ses statuts officiels approuvés le 19 octobre 1901, à Hradec Králové. Les premiers matchs se mettent en place et en 1902, un premier match historique est joué en public avec le club voisin du SK Pardubice, déjà bien connu dans la région durant l’époque pour être l’un des clubs pionniers puisqu’il fut créé en 1899. Un match qui s’est joué à Kukleny, ville voisine de Hradec Králové où le football local tire son noyau dur, et dont le résultat ne fut pas conservé. Ballot pour un match historique.

© fchk.cz
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Alors que le SK Pardubice se développe rapidement et connaît ses premiers résultats, de son côté, le Sportovní klub Hradec Králové n’est toujours pas officiellement fondé. Si les joueurs ne peuvent jouer qu’un ou deux matchs à l’année face à d’autres clubs, un groupe commence peu à peu à se former. Un groupe qui deviendra par la suite un club.

Après un voyage à Chrudim en 1903, c’est surtout en 1904 que l’expansion du football à Hradec Králové va connaître un bond important grâce à un professeur de gym de l’école secondaire de la ville, monsieur Vaclav Velkoborského. Cet homme a instauré le jeu de ballon à l’école et s’est alors assuré de faire aimer, connaître et pourquoi pas donner l’envie à certains jeunes hommes de porter le futur maillot du club local. À la même période, la genèse d’un vrai club de football voit le jour avec une association libre destinée aux personnes intéressées par le football. Cette même association qui permit de faire venir et créer maillots, shorts, chaussures et tout le matériel adéquat pour pouvoir jouer un match de football.

En route vers l’Europe

Alors que la ville connait un grand bouleversement dans les années 20 et 30 avec de nombreux bâtiments qui sortent de cette terre du nord-est de la Bohême, le football a lui également bien évolué. Terminé les matchs dans la rue entre amis comme lors du début du siècle. Si le Pays du château de la Reine n’a pas encore trouvé le chemin vers le trône du football tchèque, nul doute que la place de ce sport dans le panorama local a bien changé. Surnommée « les bouchers », l’équipe prend du galon et acquiert de l’expérience. Puceau qu’il est, le club connaît quelques roustes mémorables lors de ses premières années, mais qu’importe, le football est bien là et c’est le plus important.

Et puis, des années et des années plus tard, l’élite s’est enfin offert au club, plutôt habitué au championnat régional et aux divisions inférieures. Comme un cadeau pour toutes ces années de galère, ces heures passées dans les rues, à former une équipe. Une récompense pour ces joueurs qui tapaient avant tout dans un ballon pour le plaisir, avec enthousiasme et passion. Le temps des bouchers du début du siècle est passé, place aux éphémères champions. Eux qui apporteront un brin de fraîcheur et de joie dans une ville qui n’en demandait pas temps.

Le premier grand éclat du club arrive en 1952 grâce à un homme, un nom, le plus grand buteur de l’histoire du football, le légendaire Josef Bican. Lui, le grand buteur tchèque du Slavia atterrit à Hradec Králové en acceptant un poste dans l’usine de Vítkovice afin de se refaire une petite réputation auprès de l’état communiste tchécoslovaque. En l’espace d’une petite année, le prodigieux buteur tchèque ne joue que neuf matchs pour… 19 buts. Un ratio à la hauteur de la légende de ce somptueux buteur qui devra quitter le paysage local de force pour retourner dans la capitale, après demande des communistes.

Le second, et bien plus retentissant, a lieu lors de la saison 1959-60. Suite à la fin de la Seconde Guerre mondiale en mai 1945, la reprise des activités dans le domaine sociale et sportive se sont déroulées assez rapidement. Après de nombreux bouleversements dans la gestion et la réorganisation du football tchécoslovaque dans la période d’après-guerre, Hradec Králové parvient à intégrer l’élite du football tchécoslovaque en 1959, mettant fin à des années d’errances dans les divisions inférieures. Avec un Všesportovní stadion, l’actuel stade du club, en pleine construction, tous les voyants sont au vert pour l’avenir du club. Le moment parfait pour écrire la plus belle ligne de l’histoire du club.

Durant cette période, le football tchécoslovaque n’avait pas connu de nombreux vainqueurs. Si le Slovan Bratislava restait le poil à gratter des clubs tchèques de Prague, Hradec Králové réussira à devenir le tout premier club tchèque, en dehors de la capitale, à devenir champion du pays, avec deux points d’avance sur le Slovan Bratislava, pour sa toute première participation à la première division tchécoslovaque. Une trente-quatrième édition du championnat tchécoslovaque mémorable qui, comme un symbole, verra également le Dukla Pardubice terminer dernier. Ce même Pardubice où le club avait eu l’occasion de jouer son tout premier match de l’histoire.

© turistika.cz
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Grâce à une génération dorée composée de Jiří Hledík, enfant de la région et du club, pilier de l’équipe et international tchécoslovaque lors de la Coupe du Monde 54, de Zdeněk Pičman, a.k.a l’homme capable de jouer défenseur, milieu et attaquant et également ancien international tchécoslovaque lors des Jeux Olympiques de 64, sans oublier le milieu de terrain Zdeněk Krejčí ou encore la doublette de gardiens Jindřich Jindra et Milan Paulus. Pour marquer des buts, le club pouvait également compter sur son buteur originaire de Mlada Boleslav, Milouš Kvaček. Plus que tout, la principale caractéristique de ce groupe, et du football de l’époque plus généralement, était sa loyauté au club et au maillot. Des hommes qui avaient connu les galères, les terrains vagues des divisions inférieures et qui pouvaient enfin savourer quelques heures de gloire. Comme une récompense d’un travail acharné, eux qui avaient des vies loin des champions d’aujourd’hui comme le racontait Ladislav Pokorný:

« Je travaillais de 6 à 14 heures à Střezině en tant qu’électricien. J’ai commencé une formation de trois ans. De nos jours, personne ne veut me croire quand je dis que nous jouions le dimanche à Presov alors que le samedi on travaillait. À l’époque, le samedi était encore une journée de travail. Le soir, à 17 heures, nous nous sommes assis dans le train, en deuxième classe, des bancs durs en bois et nous avons roulé toute la nuit à Presov. Sur le chemin du retour, les gars ont acheté une bouteille, moi et Mila Kvaček avons conduit toute la nuit jusqu’à la maison. Nous sommes rentrés vers six heures du matin et nous avons été au travail. »

Mais si le club eut l’occasion de soulever cet historique titre de champion de Tchécoslovaquie, ce fut également grâce à un homme répondant au nom de Jiří Zástěra. Ancien joueur passé notamment par les clubs de Pardubice, il s’imposa rapidement comme l’un des meilleurs entraîneurs tchécoslovaques de son époque, et ce dès ses premières années sur le banc du SK Pardubice en plaçant le club trois fois de suite à des troisièmes places inespérées avant de prendre en main le grand Sparta Prague et d’y remporter trois championnats et coupes. Rien que ça. En guise de dernier trophée, il léguera cet incroyable parcours au FC Hradec Králové et, en prime, une rue à son nom à Holice, sa ville de naissance.

Du football dans les rues jusqu’au Camp Nou

Titre de champion oblige, le club se retrouve en Coupe d’Europe. Une perspective inespérée. Loin de l’époque des bouchers, les joueurs du club se retrouvent en Espagne, à Barcelone, dans un cadre féerique. Ce match de quarts de finale est un peu leur Disney Land à eux, piscine avec de l’eau chaude, bel hôtel et Camp Nou, que demander de mieux ? « Vous entrez dans le stade, montez les escaliers du Nou Camp et le rugissement de 130 000 personnes commence! Toutes les lumières s’allument et vous y êtes. Une expérience incroyable » expliquait ainsi Ladislav Pokorný.

Et qu’importe la cinglante défaite 4-0 des joueurs tchèques, cette affiche représente bien plus qu’un simple match de football. Avec une rencontre à domicile qui se solda par un splendide match nul 1-1 devant des milliers de supporters, le club restera à jamais dans l’histoire du football tchécoslovaque comme étant l’une des plus grandes surprises du football de l’époque. Un intrus dans le football européen qui deviendra par la même occasion le tout premier club tchèque à affronter un club espagnol.

« En plus des nombreuses expériences merveilleuses avec ce groupe, il y a deux choses mémorables. Un petit portefeuille en cuir que nous avons tous eu pour la victoire en championnat et qui a été fait il y a vingt ans, et ces montres-bracelets qui nous ont été données à chacun lors du match face au FC Barcelone. Je garde ces deux choses pour la vie, comme la prunelle de mes yeux. Je n’ai jamais utilisé le porte-monnaie, jamais porté une montre, c’est pour moi comme un souvenir, un objet en guise de mémoire, avec une grande valeur. » –  Ladislav Pokorný

Un titre de champion, les quarts de finale de la Coupe des clubs champions européens, et puis, deux ans plus tard, une victoire historique face à la Juventus en Mitropa Cup. Un autre temps pour un autre football.

Pierre Vuillemot


Image à la une : © fchk.cz

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